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OUCHENE SMAÏL, ARTISTE PLASTICIEN : «L'art plastique a toujours trompé les bavards

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OUCHENE SMAÏL, ARTISTE PLASTICIEN :  «L'art plastique a toujours trompé les bavards Empty OUCHENE SMAÏL, ARTISTE PLASTICIEN : «L'art plastique a toujours trompé les bavards

Message  Zhafit Lun 9 Aoû - 18:14

OUCHENE SMAÏL, ARTISTE PLASTICIEN :
«L'art plastique a toujours trompé les bavards»




Smaïl Ouchène, un artiste plasticien natif d'Aokas, naquit le 18 août 1969. Après un court passage à l'université de Béjaïa, il s'est inscrit à l'école supérieure des Beaux-Arts d'Alger d'où il obtient son diplôme. En septembre 2000, il a été recruté à l'école régionale des Beaux-Arts d'Azazga en tant qu'enseignant de dessin et de peinture, une fonction qu'il assure, d'ailleurs, jusqu'à présent. Smaïl Ouchène a à son actif plus d'une vingtaine d'années d'exercice dans le domaine des arts plastiques, mais c'est à partir de 1998 qu'il a eu une activité plus ou moins intense, où il a pu montrer son travail dans plusieurs expositions en Algérie, en France et en Tunisie. Smaïl Ouchène participa à une exposition en Belgique pendant qu'il fut encore étudiant à l'ESBA. Smaïl Ouchène est un membre actif dans monde associatif, il fut membre fondateur et premier président de l'association des artistes plasticiens de la wilaya de Béjaïa (AAP) de 2007 à 2009. Cette jeune association créée, en 2007, a le mérite, aujourd'hui, d'avoir rassemblé les artistes plasticiens bougiotes et d'avoir organisé pour la première fois à Béjaïa une rencontre nationale pour les arts plastiques, en 2008.

Le Courrier d'Algérie : Comment êtes vous venu aux arts plastiques ?

Smail Ouchène : J'ai été déjà un gosse quant j'ai commencé à manipuler les outils de dessin. J'ai commencé à dessiner bien avant la parole, la lecture et l'écriture. Donc je suis venu aux arts plastiques comme un primitif dans sa grotte, c'était la première activité qui a ouvert mes yeux sur le monde. Que représentent pour vous les arts plastiques? Même avec cette expérience ce n'est pas si simple de se prononcer, car je crois qu'il faut toute une vie pour faire une oeuvre, malheureusement le chemin est long et la vie est courte. L'art plastique est antérieur à la parole et il a toujours trompé les bavards, il y a en cet art une sorte d'anthropologie du silence, et ce monde du silence qui tamise notre existence nous le craignons plus qu'on l'admire. Cela renvoi à l'oeuvre plastique qui nous impose silence et retour sur soi pour appréhender ce qu'elle véhicule. D'ailleurs traduire une oeuvre en parole est une absurdité, on ne pourra jamais retrouver la même poétique d'un poème traduit dans une autre langue. Le monde des arts plastiques est un monde du regard qui débusque les infimes détails de la vie, ça nous apprend à voir vrai ce que nous vivons au quotidien et aussi ce qui transcende le banal. Revenons à l'atelier de création que vous avez organisé à Aokas, comment ce projet a-t-il démarré ? J'ai cherché personnellement de quelle façon introduire l'art plastique à Aokas, est j'ai même senti le devoir de le faire, et peut être aussi pour répondre à une certaine entente des camarades Aokassiens qui m'ont vu exposé ailleurs et non dans la région où je suis né. donc il y a une sorte de pédagogie esthétique à importer et pour cela je ne manquerais pas de rendre hommage à tous les acteurs qui ont pris part à la tenue de cet atelier que ce soit des artistes ou les volontés locales qui n'ont pas rechignés. Je dois dire aussi que l'école des Beaux arts d'Azazga y est pour beaucoup car elle a pu former un nombre d'artistes sur qui on peut compter aujourd'hui pour animer des chantiers de création. Une telle idée que nous avons réalisée à Aokas ne peut être réalisée si on ne dispose pas d'un tel effectif qui soit prêt de s'engager dans une telle expérience sans même se soucier des conditions d'accueil. Dans ce groupe d'artiste que nous avons accueilli pour ce travail, il y a un réel potentiel créatif et une liberté d'esprit qui promet beaucoup, il suffit juste de leur faire confiance. Quant à l'idée du projet elle existe déjà dans nos têtes elle n'attend qu'un soutien moral et matériel, et Aokas aura beaucoup à bénéficier si l'on regarde le patrimoine qui sera produit. J'avais eu une seule fois l'occasion de parler de cette idée que j'ai proposé d'abord au président du club amateur des jeux d'échec d'Aokas djabri L'khier qui à son tour l'a proposé à une autre association Aokassienne (AAJ) association des activités de jeunes présidée par Aissani Soufiane. Ces deux associations qui travaillent en tandem ont été pour beaucoup dans la concrétisation de l'idée. Il reste beaucoup de travail, mais disant que ça ne fait que commencer et nous comptons installer certaines traditions à Aokas concernant l'art plastique, c'est une région qui a de l'avenir seulement il faut s'y mettre au travail. Y a-t-il une thématique spécifique pour cet atelier de création ? On a ébauché au départ une problématique qui tourne au tour de la territorialité et l'expression de l'identité. Donc nous avons essayé de consacrer sur le concept du lieu et sa mémoire que peuvent nous raconter les gens qui le connaissaient. Et avec le travail que nous suggérons nous récapituler ce qui peut constituer l'âme du lieu pour projeter ce que j'appelle la mémoire du futur. La thématique devient ainsi une évocation des liens que nous pouvons avoir avec notre espace identitaire. Donc le choix des lieux sur ce que vous avez travaillé n'est pas fortuit ? Absolument ! Nous avons ciblé des lieux caractéristiques qui permettent d'avoir une idée d'ensemble sur la région, nous ne pouvons pas travailler dans tous les lieux Aokassiens car cela prendrait un temps fou. Il fallait agir par un esprit récapitulatif. Par exemple nous avons sidi Rihane qui est lieu d'une grande importance dans la région, à lui seul il condense une mémoire centenaire des autochtones qui sont Ath Mhend ainsi que l'antique port d'Andriache. Nous avons aussi le cap Aokas qui mêle tragédie coloniale et beauté naturelle, comme nous avons aussi les escaliers de carapace qui nous permettent d'embrasser toute la ville avec ses couleurs et son vacarme. Il y a du sens dans ces lieux, il y a aussi un symbolique puissante que nous pouvons interpréter. Des difficultés durant votre séjour ici à Aokas ? Les difficultés son innombrables, mais celles qui nous ont freinés sont celles liées au matériel. C'est le problème majeur sur lequel nous avons buté. Contrainte qui nous a d'ailleurs obligés d'amputer au programme tracé quelques points. Mais nous avons su gérer le peu que nous avons. Et la réaction des artistes ayant animé ce workshop? Au-delà de la facture artistique, ils étaient tous émus d'avoir vécu une expérience spécifique. Le rapport qu'ils ont eu avec les Aokassiens avec qui ils se sont familiarisés pendant leur séjour leur a donné une autre opinion sur la région. Il y a eu de la découverte, sans oublier l'effet de surprise qui a donné un autre destin à ce qu'ils ont réalisé. En fait on eu tous notre prime de séduction, ce qui galvanise encore les volontés, qui aspirent à ce que les deux autres semaines que nous avons prévus en d'autre saisons soit dans cet esprit qui transcende cette première étape. Mais je dois dire que la séparation qui eut lieu après la fin du travail était très sévère, on aurait aimé continuer si ce n'est les moyens qui nous manquaient. Mais avant de partir on s'est promis à nous même de revenir sur le terrain pour achever ce qu'on entamé. Tellement, nous étions une famille, il y avait certains artistes qui on eu des larmes en partant. La fibre émotionnelle de l'artiste est toujours source de ses réactions. On dit que L'artiste est un archétype d'un homme qui a survécu, que dites vous ? Le monde des formes n'est pas uniquement modelage et confrontation avec la matière qui nous interroge sur la chair du monde comme il plait à Merleau-Ponty de le dire. La forme est aussi l'empreinte d'une sagesse qui s'exprime dans un vocabulaire séculier qui a survécu depuis la préhistoire. En tout état de cause, nous pouvant dire que l'être humain dans toute sa nature est un artiste plasticien, si l'on remarque le culte de la forme que développe l'homme moderne aujourd'hui. Il y a des moments où il est forcé de l'être, quant il éprouve le besoin d'agir soit par nécessite ou part pure fantaisie étant donné la plasticité du monde qui est le support de sa force créative. Pouvonsnous dire - avec toutes les réserves que cela nécessite - que le fait plastique est une des constantes infalsifiables qui transcrivent la réalité dans toutes ses facettes, ou bien une autre conscience qui lui révèle sa vulnérabilité face au temps ravageur. L'archétype de l'artiste plasticien actuel est l'homme le plus ancien qui soit, celui qui a commencé à avoir peur du temps plus que de la maladie. En effet le temps est une rude épreuve pour sa mémoire qui doit mettre son patrimoine hors d'atteinte, l'obligeant même dans la plus part du temps à ce dépêcher pour pouvoir admirer la surprise de sa main intelligente. Ce nouvel univers façonné, qui commence à contenir les premières traces faite par tâtonnement, étale une nouvelle logique qui suggère déjà les premières fondations de l'empire de la main. Dessin et écriture, une résistance culturelle ? La continuité historique des civilisations dans d'autres espaces inespérés, l'enrichissement de la culture qui aborde le domaine de la complexité due à ses nombreuses ramifications, est une forme de résistance qui mobilise l'homme à chaque instant de sa vie. Tout le patrimoine de l'humanité est une mémoire vivante de la main, et l'art n'est-il pas l'âme d'une main qui caresse la substance du monde pour ressentir à quoi serait son destin. L'expansion du rôle de la main qui parvient à l'abstraction inventa l'écriture, celle qui a permis à l'homme de rendre visible sa pensée. Le dessin qui est une écriture primitive, qui inaugure l'épopée graphique dont l'écho a été pleinement ressenti par la renaissance italienne. Dès lors, la civilisation occidentale dans sa nouvelle impertinence, réinventa l'esthétique du dessin, pour nous le présenter sous un autre jour. Qu'est ce que le dessin ? Peut-on parler du dessin sans parler des dessinateurs qui ont porté cet art au faîte de sa gloire. Que représente-il Pour l'homme d'aujourd'hui qui continu toujours d'investir ce langage qui a remonté des âges immémoriales. Que veut dire peindre pour l'homme actuel, occupé à cherché le moyen le plus fiable pour écrire l'histoire de sa domination à travers ses triomphes politiques et économiques. Qu'en est-il de l'acte de peindre ? L'acte de peindre de l'artiste ne peut s'insérer que dans le système des valeurs immatérielles. Même là, le mot «valeur» parait trop sec pour designer la noblesse de l'art, car c'est un mot qui s'insert dans un système d'échange à caractère commercial. Il faut trouver un autre concept, le plus adéquat pour exprimer l'immatérialité de l'art. Entre la malléabilité du monde et la main intelligente de l'homme se développe une relation mystérieuse qui aiguise ses fantasmes de puissance, c'est un intervalle, même s'il parait restreint n'en demeure qu'il est le lieu des profondeurs astronomiques, se sont les abysses qui permettent à l'art de ramener à la surface la chose artistique. Son élan, qui vise à mettre son empreinte entre les deux pôles de sa petite planète est l'un de ses combats les plus engagés pour se l'approprier. Il faut que cette planète soit sienne et capable de raconter son épopée s'il vient à disparaître un jour. Qu'est ce que la peinture, si ce n'est le geste d'un homme fossilisé dans une matière plastique. Par une sorte d'archéologie plastique on peut rendre compte de l'intensité du geste de l'artiste qui cherche désespérément la matière idéale garante de son éternité. L'exubérance des matières dans l'oeuvre de Van Gogh est une recherche à fossiliser l'intention gestuelle, une prière qui sollicite la matière à contenir sans falsification la vraie expression de la vie. Il faudrait clarifier ce paradoxe entre la vie et le fossile d'un geste. L'éternité d'un instant de vérité ne peut se faire sans quelques dommages, le point de départ se fragilise et s'effrite au moindre geste qui essaie de le restituer en tant que fondement d'une ligne conductrice d'idées fécondes.


Propos recueillis par Hafit Zaouche

le courrier d'Algerie (edition du 09/08/2010)
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