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« Prenez l’argent, laissez-nous le savoir » La marche du livre d’Aokas

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Message  Azul Mer 28 Juil - 12:29

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Azul
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« Prenez l’argent, laissez-nous le savoir » La marche du livre d’Aokas Empty Re: « Prenez l’argent, laissez-nous le savoir » La marche du livre d’Aokas

Message  Azul Mer 28 Juil - 12:30

Katia Chibi
Katia Chibi « Prenez l’argent, laissez-nous le savoir »
La marche du livre d’Aokas
29 juillet 2017, à Aokas, petite ville d’Algérie, près de Béjaïa en Kabylie. Dans son dynamique café littéraire se tenaient des réunions régulières jusqu’à ce que l’administration ne décide de les interdire. Contestant cette décision arbitraire, les organisateurs et participants de ces rencontres, organisèrent ce jour-là une marche pacifique avec un livre à la main et des banderoles scandant le droit et le besoin de lire, discuter, réfléchir, bref : penser et penser par soi-même à l’heure où les « tweet » et Google ont pris le pouvoir. Là où d’autres auraient défendu leur « pouvoir d’achat », eux disaient « Prenez l’argent, laissez-nous le savoir ». Triple pied de nez : à la censure d’état, à l’obscurantisme des fanatiques religieux et à cette société qui nous pousse à consommer à tout va, soit notre monde dit « moderne » ! Ces femmes et ces hommes anonymes rappelaient juste l’essentiel. C’est en lisant le journal algérien El Watan que j’appris l’existence de cet évènement, j’en fus émerveillée. Désirant en savoir davantage, je pris contact avec l’auteur des photographies, Sofiane Bakouri, jeune photographe de Béjaïa. Je le joignis par téléphone, il m’apprit qu’il avait des centaines de clichés à sa disposition. Au bout de dix minutes, sans nous connaître, nous décidâmes d’organiser une exposition afin de montrer au monde cet évènement unique. Où, comment, avec qui ? nous ne le savions pas encore mais qu’importe, nous étions décidés. Ce que nous ne savions pas non plus est que quelques mois plus tard, dès le 22 février 2019, ces marches se multiplieraient à l’échelle de tout le pays et allaient constituer le « hirak », « la révolution du sourire », un mouvement étonnant et détonant qui dure encore : des marches pacifiques se succèdent ainsi chaque semaine dans les rues de très nombreuses villes d’Algérie, pour dénoncer un pouvoir corrompu et accéder à une véritable démocratie.
Sofiane m’a donc confié ses photos, je les ai « triées », classées, j’ai imaginé les supports. La librairie Caractères de Mont-de-Marsan a accepté de la recevoir, quelle chance : cette marche d’Aokas qui est un magnifique hymne à la littérature, allait être présentée pour la première fois en France, dans la librairie lauréate du Grand prix Livre Hebdo des librairies ! Nous avons procédé à l’installation et magie : cette marche revit, là sous nos yeux, le visiteur entend les cris de joie et colère mêlées. Et partout le soleil d’Algérie règne, Tipaza n’est pas bien loin…
Depuis, Sofiane est revenu à Aokas pour réaliser des portraits de Chawki Amari, écrivain présent ce jour-là, d’Imane Ouali, Fatah Bouhmila et autres protagonistes de cette marche, nous livrant ainsi deux ans et demi après, leurs impressions et leurs espoirs. La lutte continue, formidable exemple d’exigence et de courage.
La marche d’Aokas, c’est aussi l’histoire d’un peuple qui résiste depuis des millénaires. Comme en avril 1980 lorsqu’il avait fait une révolution pour dénoncer l’interdiction de la tenue d’une conférence de Mouloud Mammeri sur la poésie kabyle ancienne, c’était le Printemps berbère, « tafsut n’imazhiren ». Un peuple qui défend sa poésie, préserve l’essentiel. Et la marche d’Aokas, c’est encore de la poésie, de la poésie en acte.
Et comme il est question de peuples, rappelons la phrase de Jean Malaurie, leur grand défenseur : « S'il est un ordre de la nature, il est un ordre des peuples. Il est des rendez-vous surprenants dans l'histoire qui seront tels que les derniers seront les premiers. »
Katia Chibi, Mont-de-Marsan, France
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