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Au pays des pirates, tout s’achète et tout se vend

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Au pays des pirates, tout s’achète et tout se vend Empty Au pays des pirates, tout s’achète et tout se vend

Message  you and me Lun 12 Oct - 18:30

Au pays des pirates, tout s’achète et tout se vend, un faux permis ou un visa. Faux papiers, documents ou déclarations foisonnent aux côtés de faux généraux, faux barrages, faux moudjahidine et même faux pauvres, récemment démasqués par le vrai ministre de la Solidarité. Combien ça coûte ?

L’homme est sorti tôt, a pris une pile de papiers puis est allé à la mairie. Une fois ses documents déposés, il a attendu et l’employé n°1 lui a remis son certificat de résidence. Bureau 8, il passe pour le faire légaliser par l’employée n°2, puis passe à côté pour une autre légalisation par l’employé n°3. Au final, le tampon plus une signature de l’employé 1, puis un autre tampon et signature de l’employée 2 chargée de contrôler l’employé 1, puis un autre tampon de l’employé 3, dont le rôle est de vérifier le travail de l’employé 1 et de l’employée 2.

Pourquoi toute cette gymnastique pour un simple certificat de résidence ? A cause des faux. Au royaume de la corruption, il suffit de donner 2000 DA à l’un des trois employés pour avoir un certificat de résidence, avec l’adresse de son choix, Hydra, Las Vegas ou Bachedjarrah. D’où le triple contrôle. C’est trois fois rien mais « dans les pays normaux, explique un ancien inspecteur de police spécialisé dans le trafic de faux papiers, il existe une traçabilité.

On peut remonter un faux document administratif et retrouver celui qui l’a délivré, pas besoin de toutes ces opérations. » C’est pour la même raison, cas unique dans la région, que depuis peu, les opérateurs téléphoniques algériens exigent une photocopie légalisée par la mairie de la pièce d’identité. Trop de fausses pièces, trop de faux tout court. Une fausse carte d’identité coûte 20 000 DA, un faux certificat de scolarité 3000 DA, un faux baccalauréat 20 millions, une fausse carte de dispense militaire 30 millions. « Il n’y a pas de fichier national des permis de conduire, pas plus que de cartes grises, explique encore l’inspecteur, ce qui facilite grandement les trafics en tout genre. » D’ailleurs, même au sommet de l’Etat, le faux a cours, comme ces faux diplômes délivrés à des ministres ou des présidents de l’Assemblée pour les faire passer pour des universitaires, ce qu’ils ne sont pas. On donne des faux chiffres pour les élections, de faux taux de chômage et d’inflation. Du bas vers le haut, le faux est roi, et peut même être élu ou nommé à de hautes fonctions.

Le faux et le vrai faux

A ce niveau, il faut faire la différence entre le faux faux et le vrai faux. Comme un faux permis ou un faux baccalauréat, entièrement contrefaits, cédés à 10 000 DA et un vrai faux permis enregistré à la wilaya ou un vrai baccalauréat directement acheté auprès de fonctionnaires véreux de l’office du bac. Les prix ne sont bien sûr pas les mêmes, et en Algérie, il y en a pour toutes les bourses. Un vrai faux visa 1200 euros, un faux faux visa, 10 fois moins. C’est toute la différence entre un vrai papier auquel vous n’avez pas le droit et un faux papier délivré par un contrefacteur. Exemple ? Une licence de débit de boisson, globalement interdite au commun des mortels, coûte 200 millions. Un permis de construire auquel vous n’avez pas droit, 50 millions. Un emploi coûte deux mois de salaire, le chômage ayant atteint de telles proportions dans l’Algérie profonde que les employés des bureaux de main-d’oeuvre exigent deux mois de salaire (en sous-main) pour « placer » un jeune sur un chantier. Au su de tout le monde et accepté par le demandeur, qui préfère donner deux salaires et commencer à en toucher un au bout de trois mois plutôt que rien. Du faux ? Non, c’est du vrai. Et ce n’est pas de la contrefaçon, sport national qui fait perdre à l’Algérie 30 milliards de dinars chaque année selon les dernières estimations et touche tous les secteurs : 50% des pièces détachées des véhicules sont contrefaites ; 60% des cigarettes, 40% des cosmétiques, 30% des chaussures et des vêtements, 12% de l’électroménager. Et le reste ?

Les faux généraux

Pour mesurer l’ampleur du phénomène, il suffit d’aller sur Google et de taper deux mots, « Algérie » et « faux ». Le résultat ? Plus d’un million de résultats, soit plus que les pays voisins les plus corrompus. Dans un désordre qui n’est qu’apparent, faux barrages, faux billets pour le match Algérie-Zambie, faux agriculteurs devenus milliardaires, fausses factures, faux fuyants, fausses réformes, faux sel, fausse levure, fausses pièces détachées, et même faux Viagra, importé par de petits malins et qui a provoqué des malaises chez ceux qui en ont consommé. Car il y a des faux importateurs, 11 000 selon le gouvernement, des faux moudjahidine (50 000 selon les estimations), et lors du Ramadhan, le ministère de la Solidarité a réussi à identifier 92 000 faux pauvres ayant demandé des (vrais) couffins. Mais le phénomène le plus particulier est certainement l’usurpation de fonction. Et pas n’importe laquelle. Selon des sources judiciaires, 50 faux généraux ont été appréhendés depuis le début de l’année. Vêtus de fausses tenues (vendues à 5000 DA), ils se présentent comme généraux pour faciliter des procédures commerciales ou administratives, dédouanement au port ou simplement pour opérer des arnaques auprès de citoyens ou chefs d’établissement naïfs.

« S’ils font ça, c’est que ça marche, commente un avocat. Un général ne fait pas la queue comme tout le monde, ne passe pas par les mêmes bureaux et jouit d’une impunité particulière. » Le plus audacieux ? Récemment à Oran, un homme habillé en général et de par sa ressemblance avec Mohamed Lamari, s’est carrément fait passer pour l’ex-chef d’état-major de l’armée. Il s’est fait arrêter. Son âge, 35 ans, avait paru suspect aux personnes qu’il a essayé d’arnaquer. Bref, le faux a encore de l’avenir. Il ne prend pas seulement en charge la vie (difficile) des (vrais) Algériens mais aussi la mort. Les personnes recherchées pour divers crimes ont ainsi trouvé une astuce. Se faire établir (pour 3000 DA) un faux acte de décès. La personne étant morte, les poursuites judiciaires s’arrêtent d’elles-mêmes, quitte à vivre en clandestin (faux mort) dans son pays. Mieux, l’Algérie est devenue tellement corrompue que dans les cimetières surchargés des grandes villes, trouver une place où enterrer un proche est pratiquement impossible. Combien ? 3000 DA pour le fossoyeur et le tour est joué. Même mourir n’est pas facile. Sauf quand on maîtrise le faux.

Faux billets de plus en plus vrais

Scanners à 5000 dpi haute résolution, papier fin, poudre spéciale, encre noire et diluant sont régulièrement saisis par les services de sécurité. Tout cet appareillage pour fabriquer de la fausse monnaie, activité qui a atteint des records en 2009, plusieurs milliards de dinars seraient en circulation, développant même des ateliers extraterritoriaux. En janvier, 350 000 faux billets de banque de 1000 DA ont été saisis à Naples, en Italie, soit une valeur de 30 milliards. Qui a dit que l’Algérie n’exportait rien ? Mais à côté des billets amateurs, dinars, dollars, euros et francs CFA dont les Africains subsahariens détiennent presque le monopole (2 milliards en faux billets saisis le mois dernier sur un ressortissant malien), il y a des billets d’une telle qualité que l’alerte a été donnée aux banques. Des faux billets de 1000 DA indétectables aux ultraviolets des machines, ce qui a poussé la cellule de traitement du renseignement financier à préconiser l’obligation du chèque pour les grosses transactions, 60% du marché commercial étant informel. Car les conséquences sont déjà graves, des banques nationales possèdent des faux billets dans leurs coffres. Une source policière affirme d’ailleurs que récemment, une agence a été cambriolée en Kabylie. Manque de chance, la majorité des billets volés étaient des faux. Si on ne peut plus faire confiance ux banques, à quoi sert de les dévaliser ? Il n’y a plus de valeurs.


Par Chawki Amari, El Watan
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Date d'inscription : 29/04/2008

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