LE PEUPLE KABYLE ET SON DROIT A L’AUTODÉTERMINATION.
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LE PEUPLE KABYLE ET SON DROIT A L’AUTODÉTERMINATION.
Par Amassan, Nassim SAID
Doctorant en droit international
I - Le droit à l’autodétermination reconnu aux peuples
Le droit à l’autodétermination ou le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes (en anglais Self-determination of Peoples) a été instauré dans la Charte des Nations Unies dès sa création à San Francisco en 1945.
L’article 1 paragraphe 2 qui dispose : « Développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité de droit des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes, et prendre toutes autres mesures propres à consolider la paix du monde ».
Afin de clarifier ce principe et ses bénéficiaires, de nombreuses questions s’imposent : qui peut prétendre à ce droit ? Qui a la qualité de « peuple » ? Et qui sont les peuples visés par ces textes internationaux ?
Il convient donc, afin de répondre à ces questions, de définir le mot « peuple » pour enfin savoir si ce qualificatif, au sens du droit international public, peut être accordé à des groupes sociaux se revendiquant en tant que tels.
1 — Définition du mot « peuple » en droit international
Il n’existe aucune définition juridique du mot « peuple » en droit international. Dans la pratique les organisations internationales et les juridictions internationales évoquaient, souvent, ce qualificatif à propos de situations de fait, mais sans apporter une définition claire qui permettra une identification des groupes qui constituent des peuples. Face à ce vide, certes voulu par les États, la doctrine dans sa majorité évoquait deux critères d’identification : le premier est objectif, se caractérise par des éléments historiques, ethniques, linguistiques et culturels et le deuxième est subjectif, notamment manifesté par le vouloir-vivre ensemble, la vision d’un avenir commun et le sentiment d’appartenance au même groupe.
Le droit à l’autodétermination a été reconnu aux peuples coloniaux dès les années 50. Depuis on a souvent confondu ce droit au droit à la décolonisation. Cette ambiguïté est accentuée par les résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies, notamment par la résolution 1514 (XV) intitulée « Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux peuples et aux pays coloniaux ». Cela dit, le droit à l’autodétermination n’est pas réservé exclusivement à ces peuples même s’ils étaient les premiers bénéficiaires. L’Algérie elle-même a bénéficié de ce droit pour obtenir son indépendance en 1962, ensuite elle a réclamé et défendu ce droit pour tous les peuples et notamment en qui concerne le cas du Sahara occidental, à noter que la position de l’Algérie a été défendue à l’époque par l’éminent juriste M. Bedjaoui2.
Par ailleurs, La Cour internationale de justice a reconnu le droit à l’autodétermination dans deux avis importants, dans son avis du 21 juin 1971 sur la Namibie (Rec. C.I.J., 1971) et celui du 16 octobre 1975 sur le Sahara occidental (Rec. C.I.J., 1975). Et tout récemment, la Cour a rappelé dans son arrêt sur le Timor oriental (1995) que le droit à l’autodétermination est opposable à tous. Il n’est donc pas pertinent de chercher les sens du mot « peuple » pour reconnaître ce droit à des groupes qui se réclament en tant que tels. On peut citer à titre d’exemple la déclaration d’indépendance du Kosovo survenue le 17 février 2008, qui a bénéficié de la reconnaissance des principaux États démocratiques au monde. Ce qui nous amène à nous demander si la Communauté internationale n’est pas redevenue favorable à des mouvements d’indépendance ?
2- Les Kabyles forment-ils un peuple au sens du droit international ?
Les kabyles, une population estimée aujourd’hui à près de 7,5 millions d’habitants dans la seule région de Kabylie, remplit suffisamment les critères énumérés précédemment, c’est-à-dire : avoir une histoire ancienne, la même langue, la même origine et le même mode de vie (tradition et culture), en plus du critère subjectif, qui est le plus déterminent, car après tout c’est cette volonté de former une entité distincte qui sera mise en avant sur la scène internationale.
De ce fait, la population kabyle constitue bel et bien un peuple au sens du droit international contemporain, donc apte à bénéficier de tous les droits reconnus aux peuples dans les textes internationaux. Il est même presque automatique, dès lors qu’une population se revendique en tant que peuple avec constance, que les acteurs internationaux reconnaissent cette qualité. Ainsi, on a qualifié la population du Timor-Leste de peuple, or sa population est estimée à 750 000 habitants lorsqu’il a obtenu son indépendance le 20 mai 2002. Toutefois, il faut rappeler que la taille du territoire et celle de la population ne sont pas pertinentes pour la qualification de peuple et par conséquent à sa revendication de son droit à l’autodétermination.
3- La population kabyle : Peuple, peuple autochtone et minorité ?
a) Minorité (minorités)
Le terme « minorité » en droit international n’est pas défini non plus et cela par souci de ne pas donner un sens rigide à ce terme et risquer d’en exclure des groupes sociaux de la protection apportée à ces populations par les instruments internationaux, notamment la Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques, adoptée par les Nations Unies en 1992. Or, les seuls critères qui ressortent sont l’infériorité numérique par rapport aux autres populations vivant sur le même territoire et le fait que ces groupes sont la conséquence d’une immigration volontaire ou forcée. Le peuple québécois est une minorité par rapport à la population anglophone du Canada, il est aussi un peuple au sens du droit international. Par ailleurs, à la différence des peuples et des peuples autochtones, les minorités nationales ne peuvent pas prétendre au droit à l’autodétermination, cette possibilité est exclue expressément par la Déclaration de 1992. Le motif est que les minorités sont des groupes constitués à partir de vagues d’immigration individuelles ou même collectives. Par exemple, les Kabyles, estimés à plus de 2 millions en France, constituent une minorité nationale en France. Mais a contrario les Kabyles d’Algérie sont un peuple autochtone, d’où une différence de traitement par le droit international.
b) Autochtone du grec « né de la terre » (indiginous peoples)
Le droit international ne fournit pas non plus de définition complète des peuples autochtones. Le Dictionnaire Salmon de droit international public parle de « Peuple qui habite le territoire dont il est issu, par opposition à une population immigrée », cette définition se base sur deux critères : le critère de l’antériorité et le critère de l’opposition par rapport à d’autres groupes même majoritaires. Ce dernier critère constitue aussi un élément majeur de différenciation avec les minorités, car si dans la pratique presque tous les peuples autochtones sont inférieurs numériquement, mais ils ne sont pas le résultat d’une immigration comme c’est le cas des minorités nationales. Ainsi donc, les Amérindiens sont des peuples autochtones dans toutes les Amériques, les Amazighs en Afrique du Nord, les Aborigènes en Australie…
Le peuple kabyle peut donc bénéficier de tous les droits reconnus aux minorités à titre individuel, aux peuples autochtones à titre individuel et collectif et aux peuples tout simplement. La nouveauté est venue par l’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 13 septembre 2007, vingt-cinq ans après la première session du Groupe de travail de la Sous-commission des droits de l’homme (1982), est un signe fort de reconnaissance par la communauté internationale envers les peuples autochtones du monde. L’Assemblée générale a adopté le texte de la Déclaration tel qu’il était adopté par la Sous-commission en 1994. (À souligner que la France qui s’opposait depuis les années 80 en niant toute existence de peuples autochtones sur ses territoires a fini par changer de position en votant pour, de même pour l’Algérie et les États d’Afrique du Nord qui ont finalement voté pour l’adoption de ladite Déclaration). Cette dernière a consacré d’une manière expresse le droit à l’autodétermination des peuples autochtones.
Le fameux article 3 de la Déclaration dispose :
[(« Les peuples autochtones ont le droit de disposer d’eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel ».)]
Cette formulation évoque aussi celle de la résolution 1514 (XV) portant la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, adoptée par l’Assemblée générale le 14 décembre 1960.
II – L’exercice du droit à l’autodétermination
1 - Les formes du droit à l’autodétermination
1. Droit à l’autodétermination externe (indépendance) et droit à l’autodétermination interne (autonomie)
Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ou le droit à l’autodétermination ne signifie pas nécessairement le droit à la sécession, même si cette forme était la plus pratiquée de par le passé par les mouvements de décolonisation. Elle est l’une des formes que pouvait revêtir ce droit. En fait, il s’agit de la solution extrême. À côté de la sécession (autodétermination externe) on y trouve le droit à l’autonomie (le droit à l’autodétermination interne), cette dernière forme est plus répandue actuellement, car elle concilie le droit aux peuples de s’organiser eux-mêmes et le souci des États de préserver la représentation extérieure, comme sujet de droit international. Cela dit les organisations infraétatiques (les peuples), ont souvent manifesté leur volonté de ne pas faire de la sécession l’objectif premier à atteindre et de privilégier la négociation afin d’aboutir à des solutions autonomistes respectant leur droit à l’autodétermination.
L’autonomie comme solution
Il est incontestable que l’État-nation vit ses derniers moments dans le monde occidental, et sa survie dans les États de dictatures n’est plus assurée, au profit du système fédéral et autonomiste. Les grandes démocraties, à commencer par les USA, le Grande-Bretagne, l’Allemagne, Espagne… ont démontré d’une manière sans équivoque l’efficacité d’une telle organisation sociale, politique et juridique. D’autres États émergents comme l’Inde, le Brésil et le Mexique ont choisi le même modèle d’organisation.
De nombreux États en voie de développement ont reconnu le droit à l’autodétermination aux peuples autochtones sous forme d’autonomie (Philippines, Mexique, Colombie, etc.).Mais la réalité de la mise en œuvre reste impuissante face aux pouvoirs exécutifs qui sont hostiles à tout libéralisme dans la gestion des territoires et de leurs ressources. Cela n’empêche pas de saluer les avancées enregistrées dans de nombreux États. Tout récemment, le 13 février 2008, le gouvernement australien a demandé officiellement pardon à la communauté autochtone (connue sous le nom d’aborigènes) pour les deux siècles d’occupation et de mauvais traitements réservés à cette dernière. Ce geste hautement symbolique est une reconnaissance et source d’espoir pour tous les autochtones du monde, notamment à ceux qui subissent encore la négation de la part des États, parmi ces peuples les peuples amazighes dans leur diversité à travers l’Afrique du Nord.
Par ailleurs, il est à souligner que la majorité des juristes internationalistes et experts internationaux voient dans l’autonomie non pas un instrument handicapant pour les États, mais bien au contraire une chance pour le développement économique et pour le respect des droits de l’homme3.
2. Les moyens reconnus en droit international aux peuples revendiquant le droit à l’autodétermination
Le droit à l’autodétermination a été souvent le fruit d’une lutte armée contre l’oppresseur, surtout dans le cas des mouvements de décolonisation quand il s’agit de revendications indépendantistes. Mais actuellement, de nombreux peuples ont obtenu un statut d’autonomie par voie de négociations, notamment en Amérique du Nord à l’exemple du Canada où on a procédé en 1999 à la création d’un vaste territoire esquimau (inuit), le Nunavut « notre terre » : 1 994 000 km (presque équivalent au territoire algérien), pour 28 000 habitants. Et le système des réserves aux U.S.A. loin d’être parfait permet néanmoins aux Indiens d’avoir la main mise sur de vastes territoires et la gestion de leurs ressources naturelles et l’application du droit coutumier indien sur ces territoires.
Les États ont l’obligation de respecter le droit international, y compris le droit des peuples de choisir librement leur sort. De ce fait, l’Algérie ne peut plus se retrancher derrière des lois internes qui sont, il faut le rappeler, sans pertinence face aux obligations qui découlent du droit international, normes conventionnelles et normes coutumières comprises.
La négociation comme méthode de règlement des différends
Aujourd’hui, la règle de l’interdiction du recours à la force est expressément posée par la Charte des Nations Unies et considérée comme impérative dans le droit international. Cependant, cette règle souffre de deux exceptions : la première est exprimée dans l’article 51 de la Charte, c’est le cas de la légitime défense (Self-defense) et la deuxième exception est la lutte pour la décolonisation, c’est-à-dire l’action des mouvements de libération nationale. Or, les modes pacifiques de règlements des différends ont pris le dessus en droit international et l’un des principes impératifs est que l’État doit négocier de bonne foi avec l’ensemble des protagonistes. Une fois le processus de revendication populaire est établi, l’État a l’obligation d’organiser un référendum pour consulter la population concernée sur le l’ensemble d’un territoire identifié. Cette consultation populaire est l’expression même de l’exercice du droit à l’autodétermination.
Pour le cas de la Kabylie, qui bénéficie déjà d’un statut d’autonomie de fait, ce qui est le cas pour la plupart des peuples autochtones4, avant même l’arrivée des Arabes en Afrique du Nord, n’a jamais renoncé à ce statut. Cela est constatable dans tous les domaines, social, économique et institutionnel (existence d’une organisation sociale spécifique, d’un droit coutumier kabyle qui s’applique encore dans de nombreux villages et le sentiment d’une existence distincte de celle même de l’État nation algérien), cela veut dire que le peuple kabyle n’a jamais renoncé à sa souveraineté sur le territoire de l’ex-wilaya III historique. Si un référendum devait être organisé, il s’agirait de consulter l’ensemble de la population kabyle sur l’ensemble d’un territoire prédélimité par les deux parties concernées, à savoir l’organisation des mouvements autonomistes et l’État algérien, sous l’auspice de l’Organisation des Nations Unies qui est la garante de l’application du droit des Nations Unies et du droit international en général.
La population kabyle constitue bel et bien un peuple autochtone et par-dessus tout un peuple. De ce fait, le peuple kabyle peut bénéficier de tous les droits reconnus aux peuples autochtones par les instruments autochtonistes, notamment le droit à la terre et sur les ressources naturelles, et surtout de tous les droits reconnus aux peuples, en premier lieu le droit à l’autodétermination.
Amassan, Nassim SAID
Doctorant en droit international
Doctorant en droit international
I - Le droit à l’autodétermination reconnu aux peuples
Le droit à l’autodétermination ou le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes (en anglais Self-determination of Peoples) a été instauré dans la Charte des Nations Unies dès sa création à San Francisco en 1945.
L’article 1 paragraphe 2 qui dispose : « Développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité de droit des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes, et prendre toutes autres mesures propres à consolider la paix du monde ».
Afin de clarifier ce principe et ses bénéficiaires, de nombreuses questions s’imposent : qui peut prétendre à ce droit ? Qui a la qualité de « peuple » ? Et qui sont les peuples visés par ces textes internationaux ?
Il convient donc, afin de répondre à ces questions, de définir le mot « peuple » pour enfin savoir si ce qualificatif, au sens du droit international public, peut être accordé à des groupes sociaux se revendiquant en tant que tels.
1 — Définition du mot « peuple » en droit international
Il n’existe aucune définition juridique du mot « peuple » en droit international. Dans la pratique les organisations internationales et les juridictions internationales évoquaient, souvent, ce qualificatif à propos de situations de fait, mais sans apporter une définition claire qui permettra une identification des groupes qui constituent des peuples. Face à ce vide, certes voulu par les États, la doctrine dans sa majorité évoquait deux critères d’identification : le premier est objectif, se caractérise par des éléments historiques, ethniques, linguistiques et culturels et le deuxième est subjectif, notamment manifesté par le vouloir-vivre ensemble, la vision d’un avenir commun et le sentiment d’appartenance au même groupe.
Le droit à l’autodétermination a été reconnu aux peuples coloniaux dès les années 50. Depuis on a souvent confondu ce droit au droit à la décolonisation. Cette ambiguïté est accentuée par les résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies, notamment par la résolution 1514 (XV) intitulée « Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux peuples et aux pays coloniaux ». Cela dit, le droit à l’autodétermination n’est pas réservé exclusivement à ces peuples même s’ils étaient les premiers bénéficiaires. L’Algérie elle-même a bénéficié de ce droit pour obtenir son indépendance en 1962, ensuite elle a réclamé et défendu ce droit pour tous les peuples et notamment en qui concerne le cas du Sahara occidental, à noter que la position de l’Algérie a été défendue à l’époque par l’éminent juriste M. Bedjaoui2.
Par ailleurs, La Cour internationale de justice a reconnu le droit à l’autodétermination dans deux avis importants, dans son avis du 21 juin 1971 sur la Namibie (Rec. C.I.J., 1971) et celui du 16 octobre 1975 sur le Sahara occidental (Rec. C.I.J., 1975). Et tout récemment, la Cour a rappelé dans son arrêt sur le Timor oriental (1995) que le droit à l’autodétermination est opposable à tous. Il n’est donc pas pertinent de chercher les sens du mot « peuple » pour reconnaître ce droit à des groupes qui se réclament en tant que tels. On peut citer à titre d’exemple la déclaration d’indépendance du Kosovo survenue le 17 février 2008, qui a bénéficié de la reconnaissance des principaux États démocratiques au monde. Ce qui nous amène à nous demander si la Communauté internationale n’est pas redevenue favorable à des mouvements d’indépendance ?
2- Les Kabyles forment-ils un peuple au sens du droit international ?
Les kabyles, une population estimée aujourd’hui à près de 7,5 millions d’habitants dans la seule région de Kabylie, remplit suffisamment les critères énumérés précédemment, c’est-à-dire : avoir une histoire ancienne, la même langue, la même origine et le même mode de vie (tradition et culture), en plus du critère subjectif, qui est le plus déterminent, car après tout c’est cette volonté de former une entité distincte qui sera mise en avant sur la scène internationale.
De ce fait, la population kabyle constitue bel et bien un peuple au sens du droit international contemporain, donc apte à bénéficier de tous les droits reconnus aux peuples dans les textes internationaux. Il est même presque automatique, dès lors qu’une population se revendique en tant que peuple avec constance, que les acteurs internationaux reconnaissent cette qualité. Ainsi, on a qualifié la population du Timor-Leste de peuple, or sa population est estimée à 750 000 habitants lorsqu’il a obtenu son indépendance le 20 mai 2002. Toutefois, il faut rappeler que la taille du territoire et celle de la population ne sont pas pertinentes pour la qualification de peuple et par conséquent à sa revendication de son droit à l’autodétermination.
3- La population kabyle : Peuple, peuple autochtone et minorité ?
a) Minorité (minorités)
Le terme « minorité » en droit international n’est pas défini non plus et cela par souci de ne pas donner un sens rigide à ce terme et risquer d’en exclure des groupes sociaux de la protection apportée à ces populations par les instruments internationaux, notamment la Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques, adoptée par les Nations Unies en 1992. Or, les seuls critères qui ressortent sont l’infériorité numérique par rapport aux autres populations vivant sur le même territoire et le fait que ces groupes sont la conséquence d’une immigration volontaire ou forcée. Le peuple québécois est une minorité par rapport à la population anglophone du Canada, il est aussi un peuple au sens du droit international. Par ailleurs, à la différence des peuples et des peuples autochtones, les minorités nationales ne peuvent pas prétendre au droit à l’autodétermination, cette possibilité est exclue expressément par la Déclaration de 1992. Le motif est que les minorités sont des groupes constitués à partir de vagues d’immigration individuelles ou même collectives. Par exemple, les Kabyles, estimés à plus de 2 millions en France, constituent une minorité nationale en France. Mais a contrario les Kabyles d’Algérie sont un peuple autochtone, d’où une différence de traitement par le droit international.
b) Autochtone du grec « né de la terre » (indiginous peoples)
Le droit international ne fournit pas non plus de définition complète des peuples autochtones. Le Dictionnaire Salmon de droit international public parle de « Peuple qui habite le territoire dont il est issu, par opposition à une population immigrée », cette définition se base sur deux critères : le critère de l’antériorité et le critère de l’opposition par rapport à d’autres groupes même majoritaires. Ce dernier critère constitue aussi un élément majeur de différenciation avec les minorités, car si dans la pratique presque tous les peuples autochtones sont inférieurs numériquement, mais ils ne sont pas le résultat d’une immigration comme c’est le cas des minorités nationales. Ainsi donc, les Amérindiens sont des peuples autochtones dans toutes les Amériques, les Amazighs en Afrique du Nord, les Aborigènes en Australie…
Le peuple kabyle peut donc bénéficier de tous les droits reconnus aux minorités à titre individuel, aux peuples autochtones à titre individuel et collectif et aux peuples tout simplement. La nouveauté est venue par l’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 13 septembre 2007, vingt-cinq ans après la première session du Groupe de travail de la Sous-commission des droits de l’homme (1982), est un signe fort de reconnaissance par la communauté internationale envers les peuples autochtones du monde. L’Assemblée générale a adopté le texte de la Déclaration tel qu’il était adopté par la Sous-commission en 1994. (À souligner que la France qui s’opposait depuis les années 80 en niant toute existence de peuples autochtones sur ses territoires a fini par changer de position en votant pour, de même pour l’Algérie et les États d’Afrique du Nord qui ont finalement voté pour l’adoption de ladite Déclaration). Cette dernière a consacré d’une manière expresse le droit à l’autodétermination des peuples autochtones.
Le fameux article 3 de la Déclaration dispose :
[(« Les peuples autochtones ont le droit de disposer d’eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel ».)]
Cette formulation évoque aussi celle de la résolution 1514 (XV) portant la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, adoptée par l’Assemblée générale le 14 décembre 1960.
II – L’exercice du droit à l’autodétermination
1 - Les formes du droit à l’autodétermination
1. Droit à l’autodétermination externe (indépendance) et droit à l’autodétermination interne (autonomie)
Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ou le droit à l’autodétermination ne signifie pas nécessairement le droit à la sécession, même si cette forme était la plus pratiquée de par le passé par les mouvements de décolonisation. Elle est l’une des formes que pouvait revêtir ce droit. En fait, il s’agit de la solution extrême. À côté de la sécession (autodétermination externe) on y trouve le droit à l’autonomie (le droit à l’autodétermination interne), cette dernière forme est plus répandue actuellement, car elle concilie le droit aux peuples de s’organiser eux-mêmes et le souci des États de préserver la représentation extérieure, comme sujet de droit international. Cela dit les organisations infraétatiques (les peuples), ont souvent manifesté leur volonté de ne pas faire de la sécession l’objectif premier à atteindre et de privilégier la négociation afin d’aboutir à des solutions autonomistes respectant leur droit à l’autodétermination.
L’autonomie comme solution
Il est incontestable que l’État-nation vit ses derniers moments dans le monde occidental, et sa survie dans les États de dictatures n’est plus assurée, au profit du système fédéral et autonomiste. Les grandes démocraties, à commencer par les USA, le Grande-Bretagne, l’Allemagne, Espagne… ont démontré d’une manière sans équivoque l’efficacité d’une telle organisation sociale, politique et juridique. D’autres États émergents comme l’Inde, le Brésil et le Mexique ont choisi le même modèle d’organisation.
De nombreux États en voie de développement ont reconnu le droit à l’autodétermination aux peuples autochtones sous forme d’autonomie (Philippines, Mexique, Colombie, etc.).Mais la réalité de la mise en œuvre reste impuissante face aux pouvoirs exécutifs qui sont hostiles à tout libéralisme dans la gestion des territoires et de leurs ressources. Cela n’empêche pas de saluer les avancées enregistrées dans de nombreux États. Tout récemment, le 13 février 2008, le gouvernement australien a demandé officiellement pardon à la communauté autochtone (connue sous le nom d’aborigènes) pour les deux siècles d’occupation et de mauvais traitements réservés à cette dernière. Ce geste hautement symbolique est une reconnaissance et source d’espoir pour tous les autochtones du monde, notamment à ceux qui subissent encore la négation de la part des États, parmi ces peuples les peuples amazighes dans leur diversité à travers l’Afrique du Nord.
Par ailleurs, il est à souligner que la majorité des juristes internationalistes et experts internationaux voient dans l’autonomie non pas un instrument handicapant pour les États, mais bien au contraire une chance pour le développement économique et pour le respect des droits de l’homme3.
2. Les moyens reconnus en droit international aux peuples revendiquant le droit à l’autodétermination
Le droit à l’autodétermination a été souvent le fruit d’une lutte armée contre l’oppresseur, surtout dans le cas des mouvements de décolonisation quand il s’agit de revendications indépendantistes. Mais actuellement, de nombreux peuples ont obtenu un statut d’autonomie par voie de négociations, notamment en Amérique du Nord à l’exemple du Canada où on a procédé en 1999 à la création d’un vaste territoire esquimau (inuit), le Nunavut « notre terre » : 1 994 000 km (presque équivalent au territoire algérien), pour 28 000 habitants. Et le système des réserves aux U.S.A. loin d’être parfait permet néanmoins aux Indiens d’avoir la main mise sur de vastes territoires et la gestion de leurs ressources naturelles et l’application du droit coutumier indien sur ces territoires.
Les États ont l’obligation de respecter le droit international, y compris le droit des peuples de choisir librement leur sort. De ce fait, l’Algérie ne peut plus se retrancher derrière des lois internes qui sont, il faut le rappeler, sans pertinence face aux obligations qui découlent du droit international, normes conventionnelles et normes coutumières comprises.
La négociation comme méthode de règlement des différends
Aujourd’hui, la règle de l’interdiction du recours à la force est expressément posée par la Charte des Nations Unies et considérée comme impérative dans le droit international. Cependant, cette règle souffre de deux exceptions : la première est exprimée dans l’article 51 de la Charte, c’est le cas de la légitime défense (Self-defense) et la deuxième exception est la lutte pour la décolonisation, c’est-à-dire l’action des mouvements de libération nationale. Or, les modes pacifiques de règlements des différends ont pris le dessus en droit international et l’un des principes impératifs est que l’État doit négocier de bonne foi avec l’ensemble des protagonistes. Une fois le processus de revendication populaire est établi, l’État a l’obligation d’organiser un référendum pour consulter la population concernée sur le l’ensemble d’un territoire identifié. Cette consultation populaire est l’expression même de l’exercice du droit à l’autodétermination.
Pour le cas de la Kabylie, qui bénéficie déjà d’un statut d’autonomie de fait, ce qui est le cas pour la plupart des peuples autochtones4, avant même l’arrivée des Arabes en Afrique du Nord, n’a jamais renoncé à ce statut. Cela est constatable dans tous les domaines, social, économique et institutionnel (existence d’une organisation sociale spécifique, d’un droit coutumier kabyle qui s’applique encore dans de nombreux villages et le sentiment d’une existence distincte de celle même de l’État nation algérien), cela veut dire que le peuple kabyle n’a jamais renoncé à sa souveraineté sur le territoire de l’ex-wilaya III historique. Si un référendum devait être organisé, il s’agirait de consulter l’ensemble de la population kabyle sur l’ensemble d’un territoire prédélimité par les deux parties concernées, à savoir l’organisation des mouvements autonomistes et l’État algérien, sous l’auspice de l’Organisation des Nations Unies qui est la garante de l’application du droit des Nations Unies et du droit international en général.
La population kabyle constitue bel et bien un peuple autochtone et par-dessus tout un peuple. De ce fait, le peuple kabyle peut bénéficier de tous les droits reconnus aux peuples autochtones par les instruments autochtonistes, notamment le droit à la terre et sur les ressources naturelles, et surtout de tous les droits reconnus aux peuples, en premier lieu le droit à l’autodétermination.
Amassan, Nassim SAID
Doctorant en droit international
Massi_06- Nombre de messages : 6
Date d'inscription : 27/05/2009
Re: LE PEUPLE KABYLE ET SON DROIT A L’AUTODÉTERMINATION.
le peuple kabyle!!!!!!!! mais c'est quoi cette autre connerie du champ politique déjà pollué par d'autres monstruosité du genre rcd ,parti d'opposition ,sans jamais préciser à quoi il s'oppose ni à qui il s'oppose ;une autre connerie du champ politique , le ffs ,parti d'opposition algérien , au lieu de dire parti par choc du grs algérien contre les berbéres .
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