Rachid Oulebsir à Aokas le samedi 04 novembre 2017

Aokas 04 novembre 2017
le café littéraire s est déroulé dans une ambiance formidable. Nous avons reconstitué le mythe fondateur de la Kabylite, Si Mohand Ou Mhand.

MARQUITS A L'KHODJA THECHTAH !
Le livre "Alger-Tunis le dernier voyage de Si-Mohand-Ou-Mhand" de Rachid Oulebsir aux éditions Afriwen est venu comme pour corriger une injustice que nous vivions depuis longtemps à notre corps défendant puisque le poète qu'il met en lumière est connu de nous tous sans être vraiment connu. Et par conséquent pas assez reconnu et surtout pas à sa vraie valeur. Des chanteurs l'ont chanté ou cité dans leurs chansons, un ou des films ont été faits sur sa vie, mais ça reste insuffisant pour cerner l'aura et la dimension du phénomène.
Même les livres qui ont été écrits à son sujet ne sont pas assez connus de nous car ils commencent à dater pour dire qu'ils ne sont pas disponibles en librairie. Par ailleurs, ne peut-on pas considérer qu'ils relèvent de la recherche ou du domaine académique du fait de leur appropriation par l'université ?
Le livre de Rachid Oulbsir est venu pour corriger cette injustice vis-à-vis du poète et vis-à-vis de nous qui étions orphelins de lui et de sa poésie porteuse de philosophie de vie et de liberté, puisque nous ne pouvions pas connaître ou pas assez le poète qui constitue un mythe fondateur et habite notre panthéon ... en construction. Il a la qualité de l'accessibilité au grand public, en étant à la croisée barycentrique de l'essai, de la biographie et de la monographie.
Le café littéraire de l'Association Azday Adelsan n Weqqas a consacré le samedi 4 novembre 2017 à cet ouvrage. La conférence-débat a été délocalisée à la bibliothèque municipale de la localité pour cause de réquisition du centre culturel Rahmani Slimane par la campagne électorale. Nous avons eu l'outrecuidance de maintenir notre activité et les élus locaux ont répondu par l'intelligence de nous avoir proposé un autre lieu, n'étant pas eux-même maîtres de la situation. Je les en remercie et nous nous félicitons du maintien de la culture: pourquoi faut-il qu'elle s'arrête en temps d'intensification de l'activité politique ? La culture est l'expression de la vigueur d'une société et cette dernière souffre lorsque la culture est piétinée.
Comme s'est souvent le cas, à l'entame de l'activité, Nacer Medjdoubb nous a gratifié d'une chanson de Salah Saadaoui dans laquelle il a fait un collage de bouts de poèmes de Si-Mohand. Accompagné de son banjo, il l'a structurée en 2 parties, la seconde nous a été interprétée à la fin du speech de Rachid qui a duré une trentaine de minutes.
Si-Mohand est né autour de 1850 d'après Si-Youcef-Oulefki. Il aurait pu faire partie de la bourgeoisie locale au service de la colonisation, lettré es Islam qu'il était, mais il avait refusé. En 1872, c'est par un miracle inouï qu'il réchappe au peloton d'exécution grâce à la fille du capitaine Ravès. Son père a été exécuté et le reste de sa famille exilé. Peut-on dire que Si-Mohand le poète est né à ce moment crucial: Jésus n'a pas eu la même chance !
Le poète aux semelles de vents n'en a point mais a sillonné le pays kabyle de long en large et il était aussi étendu que la vastitude allant de Blida à Constantine. Il a poussé ses pas au delà, allant jusqu'à Tunis à la recherche de son frère et séjournant à Annaba chez la forte communauté du pays; constituée d'ouvriers agricoles dans la plaine de la Seybouse.
Si Rimbaud a poussé son errance jusqu'au Yemen et en Abyssinie là bas, il l'avait fait autrement qu'à pieds comme Si-Mohand et pieds nus s'il vous plait; "Pour mieux sentir la chaleur et le pouls de sa terre." disait-il.
"La route m'appelle !" et il reprend son baluchon pour repartir illico presto. Si-Mohand ne pouvait pas tenir longtemps dans un endroit, surtout pas en ville ou à la Casbah où il lui était arrivé de séjourner. Ce qui le rapproche de Jack Kerouac et de son fameux ON THE ROAD ou la bible de la beat generation californienne de naissance dont s'inspire entre autres Bob Dylan, prix Nobel de littérature et chroniqueur informel de l'Amérique des sixties. Avec ses poèmes, Si-Mohand l'a été tout autant pour son pays un siècle auparavant.

Fatah Bouhmila