Yacine Hebbache, Renia Aouadene, Tatiche et Nicolas à Aokas le samedi 28 octobre 2017

AKLI SUSPENDU PAR LE NOMBRIL
Kateb Yacine est décédé le 28 octobre d'il y a 28 ans. C'était l'année 1989, celle de beaucoup d'espoir d'ouverture politique et démocratique. Une année après la déflagration du 5 octobre 1988 où le pouvoir avait sorti son armée dans les rues et assassiné 500 personnes. Il a été bel et bien obligé de faire des concessions et permettre aux algériens de s'organiser en associations et partis politiques.
Kateb Yacine est mort d'une leucémie pendant cette année où il avait quelque chose à dire et à faire, lui le chantre de la liberté et des identités vraies et vivifiantes du peuple algérien. Il est mort alors que ses concitoyens se battaient sur le double front en cercle vicieux ou de la dualité satanique de l'intégrisme islamiste et de la junte des généraux.
Kateb Yacine est mort à 60 ans mais Nedjma lui survivra tous les temps à venir par sa qualité littéraire.
Aujourd'hui en cet anniversaire, nous lui avons rendu hommage. Nous lui avons dit que Nedjma c'est nous et nous sommes ses enfants. À lui et à elle.
L'Association Azday Adelsan n Weqqas et son phare de café littéraire a consacré l'après-midi de ce jour idéal pour la cueillette des olives à communier avec son public dans l'esprit de Kateb Yacine.
Il y eut d'abord une conférence brillante intitulée KATEB YACINE: L’ÉCRIVAIN DE TOUS LES COMBATS LIBÉRATEURS qui nous a été donnée par Yacine Hebbache. Qui de meilleur que lui pour nous parler du Keblouti ? Il nous a animé il n'y a pas longtemps une conférence sur Matoub et nous avons appris au passage que Yacine est habité autant par Matoub que par Kateb. Il a été brillant sur l'étoile de Taourit Moussa, il a récidivé avec le soleil de Sédrata.
Nous avons parlé de Kateb Yacine pendant 45 mn et essayé de donner des clés de lecture de ses textes et surtout de NEDJMA le roman dans lequel il faut se perdre pour aimer la littérature, la liberté, l'Algérie, la révolution, l'humanité,..., et la poésie.
Puis Rénia Aouadène a pris le relais pour un récital poétique de sa création. Rénia est la marraine du café littéraire pour ceux qui ne le savent pas. Elle nous vient tout droit de Limoges où elle a donné son spectacle; oui c'en est un!, au centre international de recherche des anarchistes. Re-Oui, vous avez bien lu anarchistes. C'est juste qu'il faut supprimer le pouvoir de l'ordre pour se retrouver en Anarchie, le pays de Bakounine que Matoub a chanté. Et ce n'est pas le désordre, loin s'en faut.
Rénia a été invitée à Limoges dans le cadre du troisième festival FEMMES DE LA DIVERSITÉ, CRÉATRICES DE BEAUTÉ, PASSEUSES DE MÉMOIRE; tout un programme ! La manifestation existe grâce à l'énergie que déploie Marie Virolle, qui dirige les éditions MARSA à Paris et qui anime la revue ALGÉRIE LITTÉRATURE ACTION. Nous la remercions pour le travail qu'elle fait pour mettre de la lumière sur les écrivains algériens et nous l'encourageons dans l'épreuve qu'elle traverse à cause des écueils du fric qui vient à manquer.
Rénia nous a régalé avec ses poèmes qui sont sortis de ses tripes et qu'elle a déclamé avec ses tripes. Une demi-heure lui a suffit pour se mettre le public dans le giron et dans le cœur
Elle a eu besoin d'une nappe de musique douce, ce que Tatiche Sadoudi et Nicolas ont étalé très discrètement avec leurs guitares.
Puis leur tour est venu d'animer un café musical en s'associant à Kader Amichi, alias Vava Adrar, à la derbouka.
Et le public a découvert ce que l'on peut appeler un café musical après le café littéraire de Yacine Hebbache et celui poétique de Rénia Aouadène .
Tatiche est l'auteur d'un beau CD sorti en France. Je ne sais pas dans qu'elle mesure il l'a fait avec son compère Nicolas M. Flot. Cet opus contient 14 titres et Tatiche en a interprétées la moitié en faisant à chaque entame de chanson un speech de 2 à 3 minutes pour la contextualiser avec humour et sensibilité. Nous avons eu autant de plaisir à l'entendre parler qu'à l'écouter chanter.
Lui qui se définit comme un chanteur qui raconte des contes et des histoires alors que d'autres ont de belles voix et/ou jouent bien d'un instrument, il a montré là qu'il fait les trois à la fois avec une belle harmonie et surtout qu'il parle bien de son art. En d'autres termes, j'ai appris que Tatiche que j'ai écouté en boucle lorsque je l'ai découvert il y'a juste une poignée de semaines est un artiste qui conçoit très bien son art.
Il a eu aussi le chic et la sensibilité de fusionner 2 chansons des 2 chanteurs que Aokas a récemment perdus pour en faire un bel hommage. Azeddine Berkouk et Madjid Adrar le méritent beaucoup pour ce qu'ils ont donné.
Mais le chic le plus ultra a été la chanson qu'il a consacrée au café littéraire d'Aokas et sa marche du 29 juillet pour se donner le droit de parler des livres. Il a installé l'événement dans l'éternité. La douleur physique d'avoir voulu marcher à cette occasion historique et l'impossibilité de le faire pour cause d'absence du sol national l'a lessivé comme pas possible et lui a fait accoucher ladite chanson. C'est une dure expérience qu'il a bien vécue mais qui n'a pas été vaine.
Des douleurs comme celle-la, on en veut.
L'hommage a duré 3 heures qui sont passées comme un songe.
N'advienne que ce que nous puissions rêver
Et de notre bonne volonté exécuter
Nous tous réunis et poussant avec eux
À la poursuite d'horizons lumineux


Fatah Bouhmila

La langue française reste un butin de guerre, a quoi bon un butin de guerre, si on doit le jeter ou le restituer dés la fin des hostilités? Kateb Yacine

« On croirait aujourd’hui, en Algérie et dans le monde, que les Algériens parlent l’arabe. Moi-même, je le croyais, jusqu’au jour où je me suis perdu en Kabylie. Pour retrouver mon chemin, je me suis adressé à un paysan sur la route. Je lui ai parlé en arabe. Il m’a répondu en tamazight. Impossible de se comprendre. Ce dialogue de sourds m’a donné à réfléchir. Je me suis demandé si le paysan kabyle aurait dû parler arabe, ou si, au contraire, j’aurais dû parler tamazight, la première langue du pays depuis les temps préhistoriques… »
Kateb Yacine

combien sont-ils ces cafés littéraires qui peuvent drainer autant de monde?

Aokas 28 octobre 2017