L’homme est né libre : je ne suis pas obligé d’être musulman
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L’homme est né libre : je ne suis pas obligé d’être musulman
L’homme est né libre : je ne suis pas obligé d’être musulman
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Marche pour la liberté de conscience du 03 août 2013 à Tizi-Ouzou
Le but ultime de l’islamisme: la Oumma mondialisée
Kaidi Ali (Docteur et professeur en philosophie)
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Par Kaidi Ali
L’homme est né libre[1] : je ne suis pas obligé d’être musulman[2]
Depuis l’indépendance, les institutions de l’état algérien n’ont rien fait pour que la société enclenche un processus de laïcisation, mais bien au contraire, les architectes de la première constitution, agissant en apprentis sorciers, ont miné les institutions de l’état de contradictions favorisant l’islamité de la société algérienne au détriment de ses autres dimensions culturelle, identitaire et universelle. Depuis, la constitution algérienne est devenue un corpus d’articles qui défend les droits du croyant musulman sunnite au détriment des musulmans non sunnites, des croyants qui appartiennent à d’autres religions et des non croyants…
Marche pour la liberté de conscience du 03 août 2013 à Tizi-Ouzou
Faut-il que le non-musulman se cache pour boire ou manger pendant le ramadan afin de respecter les jeûneurs musulmans ? Est-ce que les Algériens qui revendiquent le droit de ne pas jeûner, pour une raison ou pour une autre, soulèvent un problème moral ou politique ?
Est-ce qu’être algérien c’est forcément être musulman ?
En réalité, ces non-jeûneurs soulèvent des questions fondamentales qui sont au cœur du débat sur la laïcité dans le monde musulman. Il nous semble que c’est un mépris et un déni de la réalité que d’évacuer le débat sur la laïcité d’un revers de main sous prétexte que les jeunes qui se sont exprimés contre la dictature de l’ordre religieux sont manipulés ou ne respectent pas les valeurs ancestrales que la majorité des Algériens partagent. Au contraire, nous pensons que ces jeunes par leur action, certes spectaculaire, mais téméraire et osée contre l’ordre établi, invitent tout algérien en tant que citoyen à réfléchir à ces deux questions : est-ce qu’être algérien c’est forcément être musulman ? Naît-on nécessairement musulman ?
Il y a lieu de signaler que dans la réalité sociale, culturelle, politique et même juridique ces non-jeûneurs dénoncent et défient le dogme selon lequel le musulman est condamné à demeurer musulman toute sa vie, car la majorité de leurs concitoyens n’admettent pas qu’un Algérien puisse naître libre comme tout être humain et par conséquent avoir la liberté et le choix de ne pas croire à la religion dominante ou de croire à une religion autre. Ce qui est encore plus grave et dangereux, à notre avis, c’est que la majorité des Algériens estime qu’un Algérien n’est pas libre de changer sa religion quand il le souhaite. Ainsi il ne peut pas la quitter sans qu’il s’expose à une menace de mort ou qu’il encourt le risque de perdre certains de ses droits en tant que citoyen.
Cela étant dit, nous ne pouvons pas nier que ces jeûneurs appellent par leur action le reste des Algériens à questionner leurs croyances et idées stéréotypées qui dominent l’imaginaire de notre société et l’empêchent de construire un état démocratique qui respecte la liberté de conscience, un état où l’exercice de la liberté de conscience n’est pas considéré comme un acte qui heurte la sensibilité de la majorité des citoyens, mais un droit fondamental inaliénable que l’état doit respecter et protéger. En fait, via cette protestation, le moins que nous puissions dire est que le non-jeûneur a proclamé haut et fort son droit à la liberté de conscience et envoyé au pouvoir et à la société un message de liberté et de tolérance qui révèle l’utilité de l’instauration d’un état laïc.
Cette manifestation réanime le combat du chanteur Matoub Lounes connu pour son franc parler, son combat pour la laïcité et la liberté que le héros de la jeunesse kabyle a exprimé avec des mots clairs et significatifs en disant :
Je suis berbère je ne suis pas arabe, je ne suis pas obligé d’être musulman … ma mère, mon père peuvent être musulmans, mais moi j’ai le droit de choisir …[1]
En s’exprimant de la sorte, c’est-à-dire en ayant revendiqué un droit sensé être incessible, ces non-jeûneurs, aux yeux d’Ali Belhadj et de ses semblables intégristes, ont souillé la terre de l’islam. Cependant, en principe, du point de vue des démocrates et des militants des droits de l’homme, en organisant la manifestation à la place Matoub Lounes, ces non-jeûneurs ont rendu hommage au poète militant. En fait, ils inscrivent leur revendication dans le même esprit des idéaux de ce grand militant pour la liberté. Contrairement aux allégations et affabulations islamistes, les non-jeûneurs rejettent par leur action non pas l’ilsam, mais bel et bien l’islamisme. C’est dire que s’ils ont souillé quelque chose, c’est bien l’intégrisme religieux, et cela, à mes yeux et aux yeux de tout Algérien qui croit aux droits de l’homme et aux principes de la laïcité, est une action qui mérite d’être saluée et défendue ouvertement, car elle fait partie du combat pour la liberté en Algérie et dans chaque coin du monde où les religions écrasent les libertés individuelles.
Cependant, à l’occasion de cet événement, beaucoup de musulmans qui ont réagi contre l’action des non-jeûneurs ignorent que contrairement à la politique, en religion le contrat se fait entre le croyant et Dieu et non pas entre les êtres humains, donc personne n’a le droit de se mêler de cette intimité qui lie la créature à son créateur. C’est dans ce sens que le grand philosophe anglais John Locke a justifié la nécessité de séparer le gouvernement civil de la religion en disant :
Premièrement, parce que Dieu n’a pas commis le soin des âmes au magistrat civil, plutôt qu’à toute autre personne, et qu’il ne paraît pas qu’il ait jamais autorisé aucun homme à forcer les autres de recevoir sa religion. Le consentement du peuple même ne saurait donner ce pouvoir au magistrat ; puisqu’il est comme impossible qu’un homme abandonne le soin de son salut jusqu’ à devenir aveugle lui-même et à laisser au choix d’un autre, soit prince ou sujet, de lui prescrire la foi ou le culte qu’il doit embrasser. Car il n’y a personne qui puisse, quand il le voudrait, régler sa foi sur les préceptes d’un autre. Toute l’essence et la force de la vraie religion consiste dans la persuasion absolue et intérieure de l’esprit ; et la foi n’est plus foi, si l’on ne croit point[2].
Dans sa Lettre sur la tolérance, Locke a démontré que la séparation entre l’autorité spirituelle et l’autorité temporelle, c’est-à-dire la laïcité, est un moyen pacifique et efficace capable de mettre fin aux violences que les disputes religieuses sont susceptibles d’engendrer dans la cité. Il est convaincu qu’en imposant une ligne de démarcation entre ces deux pouvoirs, les hommes trouveront un cadre politique adéquat pour vivre ensemble dans la paix et la tolérance. Il a exprimé cette idée en affirmant ce qui suit :
…afin qu’aucun ne se trompe soi-même ou n’abuse les autres, sous prétexte de fidélité envers le prince ou de soumission à ses ordres, et de scrupule de conscience ou de sincérité dans le culte divin ; je crois qu’il est d’une nécessité absolue de distinguer ici, avec toute l’exactitude possible, ce qui regarde le gouvernement civil, de ce qui appartient à la religion, et de marquer les justes bornes qui séparent les droits de l’un et ceux de l’autre. Sans cela, il n’y aura jamais de fin aux disputes qui s’élèveront entre ceux qui s’intéressent, ou qui prétendent s’intéresser, d’un côté au salut des âmes, et de l’autre au bien de l’État[3].
Revenant à l’action des non-jeûneurs, certes celle-ci est une action politique qui repose sur les principes et les valeurs de laïcité, de la démocratie et des droits de l’homme qui s’inscrivent dans la même perception de la tolérance que les grands philosophes des Lumières défendaient, cependant cela n’a pas empêché la plupart des musulmans de ne voir en cette action qu’une provocation de plus qui mérite une condamnation ferme. La chose est d’autant plus insensée que ces islamistes ont réagi unanimement comme des victimes en affirmant que les non-jeûneurs n’étaient pas respectueux des valeurs de la majorité des Algériens, des exigences de l’islam en l’occurrence.
La laïcité est nécessaire pour le vivre ensemble
En fait, cette réaction était émotionnelle, cependant elle a éclipsé la vraie question que les non-jeûneurs ont soulevée par leur protestation contre l’inquisition et la chasse aux non-jeûneurs à chaque ramadan. La vraie question que les Algériens devraient se poser est celle-ci: est-ce que, en tant qu’Algérienne ou algérien, j’ai le droit de ne pas appartenir à la confession musulmane et par conséquent de déjeuner quant j’ai envie de le faire sans se cacher ou se sentir menacé par un autre ?
Tous ceux qui ont condamné l’action des non-jeûneurs pensent que ces derniers n’ont pas le droit de déjeuner en public. Or, les principes et les valeurs de la laïcité, des droits de l’homme et de la démocratie permettent à ces non-jeûneurs d’être des non-musulmans. Ce n’est pas surprenant de la part des islamistes de réagir ainsi, ils sont dans leur rôle idéologique, d’ailleurs, c’est pour cette raison qu’ils sont convaincus que les valeurs et les principes des Lumières sont incompatibles avec l’islam. Ce qui est étonnant et choquant surtout est que des démocrates ou s’en revendiquant en tout cas aient soutenu la compagne de dénigrement des non-jeûneurs sous prétexte que la majorité des algériens est musulmane.
En fait, ces non-jeûneurs veulent qu’une seule et simple chose : que leur liberté de conscience soit effective et non pas un simple vœu creux destiné aux instances internationales. L’article 18 de la déclaration universelle des droits de l’homme garantit cette liberté et la République algérienne a ratifié cette déclaration en entier. Il est donc de son devoir d’adapter sa législature à tous ses articles. L’article 18 stipule :
Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites[4].
En outre, selon la constitution algérienne en vigueur, la loi fondamentale et suprême de l’état et en dépit de ses carences et contradictions, les non-jeûneurs ont le droit de demander à la république de les protéger et de leur offrir des espaces respectables pour déjeuner dans la dignité et cesser de le faire en cachette comme de vulgaires délinquants, et aussi de se sentir intimidés et coupables de quelque chose à chaque fois qu’ils sont soupçonnés du non-respect du jeûne pendant le ramadan. Il est de leur droit de demander à la république d’autoriser les commerçants qui souhaitent ouvrir leurs cafés et leurs restaurants de le faire, car c’est de cela qu’il s’agit si on veut mettre fin aux intimidations des autorités et de la société à l’égard des non-jeûneurs.
Si, à partir des droits de l’homme, on réfléchit à ce que ces non-jeûneurs revendiquent, on comprendra que déjeuner en public pendant le ramadan n’est pas une atteinte ni à l’état ni aux citoyens qui jeûnent, on comprendra évidemment qu’en aucun cas le droit de ce dernier de pratiquer sa religion dans le respect n’est menacé par l’expression de la liberté de conscience de l’autre.
L’islamisme ou le déni de la république
Ce qu’il faut admettre c’est que les non-jeûneurs étaient dans leur droit ; ils avaient raison de s’exprimer de la sorte publiquement et, mieux, il n’y a pas meilleur moyen pacifique que celui-ci pour faire entendre leur ras-le-bol à l’égard de l’inquisition de l’état et la pression de la société qu’ils subissent à chaque ramadan. Ils ont revendiqué un droit que la constitution et la Déclaration universelle des droits de l’homme leur accordent en tant que citoyens et êtres humains.
Le but ultime de l’islamisme: la Oumma mondialisée
Par ailleurs, la réaction des islamistes qui ont manifesté leur mécontentement et leur colère à l’encontre des non-jeûneurs est dans le déni de la république, car dans leur imaginaire, la République algérienne est islamique et tous les hommes et les femmes qui vivent sous son autorité sont contraints de respecter les règles et les obligations de la religion musulmane même s’ils sont athées ou croient à une autre religion que l’islam. C’est dans ce sens que l’islamiste Ali Belhadj a condamné l’action des jeûneurs en s’appuyant sur sa vision de la charia qu’il a présenté e comme la référence suprême à laquelle la république doit se soumettre. En aucun cas, il a mentionné que ces jeûneurs revendiquent un droit que la constitution garantit. Ainsi, du point de vue religieux, selon ce virulent islamiste, les choses sont on ne peut plus claires : ces jeûneurs sont passibles de la peine de mort.
Ce qui est ordinaire dans cet événement, c’est que les islamistes condamnent unanimement les jeûneurs, or ce qui est surprenant c’est que les partis et les hommes politiques qui se disent laïcs et démocrates n’ont pas réagi pour défendre la liberté de conscience ; ils ont préféré se taire pour des raisons électorales. Le peu d’entre eux qui a exprimé son point de vue c’était pour condamner l’action des non-jeûneurs, et ce, bien que la question de la liberté de conscience que ces derniers ont soulevée doive représenter –normalement– la ligne de démarcation idéologique entre les islamistes et les laïcs. Si cette ligne n’est pas claire, il n’y a aucune justification idéologique ou autre pour distinguer entre un parti laïc et un parti islamiste. Ainsi, aux yeux des islamistes et malheureusement de certains démocrates, ces non-jeûneurs ne revendiquent pas un droit universel ; leur acte est assimilé injustement aux actes de délinquants et de voyous qui cherchent à se faire remarquer ou victimes de manipulation, comme si en Algérie il n’y a aucun problème lié à la liberté de conscience.
Depuis l’indépendance, les institutions de l’état algérien n’ont rien fait pour que la société enclenche un processus de laïcisation, mais bien au contraire, les architectes de la première constitution, agissant en apprentis sorciers, ont miné les institutions de l’état de contradictions favorisant l’islamité de la société algérienne au détriment de ses autres dimensions culturelle, identitaire et universelle. Depuis, la constitution algérienne est devenue un corpus d’articles qui défend les droits du croyant musulman sunnite au détriment des musulmans non sunnites, des croyants qui appartiennent à d’autres religions et des non croyants. Il ne faut pas être un spécialiste du droit constitutionnel pour constater que cette constitution ne garantit pas l’égalité entre tous les citoyens algériens, mais seulement entre les croyants musulmans. Il suffit de voir qu’elle interdit d’une manière explicite aux non-musulmans d’être candidats au poste du président de la République pour se rendre compte que cette république n’offre pas les mêmes droits aux citoyens algériens ; le musulman a plus de droits que le non-musulman. Dans cette constitution, il est stipulé clairement que pour être éligible à la Présidence de la République, le candidat doit: être de confession musulmane[5].
Ces contradictions ne sont pas une conséquence involontaire qui a échappé à la vigilance des auteurs de cette constitution ; nous pensons qu’elles sont intentionnelles ; elle répondent en fait aux aspirations d’une idéologie qui rejette la laïcité. Les législateurs ont reproduit ces contradictions dans toutes les constitutions ; ils n’ont jamais osé les réformer malgré leur aspect contradictoire explicite, tant que celles-ci privent les Algériens de leur liberté et la majorité de ces derniers sont consentants du fait qu’elles sont nuisibles à une minorité seulement, en l’occurrence les non-musulmans. Il ne faut pas oublier que le législateur algérien qui a autorisé la création des partis politiques islamistes a justifié ce glissement vers la théocratie par l’article qui stipule que l’Islam est la religion de l’état ; cet article existe dans la constitution depuis 1963 et depuis ce temps-là aucun législateur n’a vu utile de l’amender ou de le réformer en dépit des contradictions qu’il manifeste à l’égard de beaucoup d’articles qui garantissent les libertés individuelles et collectives des minorités. C’est cet article qui donne le droit aux islamistes d’utiliser l’islam pour des fins politiques et de revendiquer plus d’islam dans les institutions de l’état.
Kaidi Ali (Docteur et professeur en philosophie)
[1]– J.J.Rousseau, Du contrat social ou Principes du droit politique, un document produit en version numérique par Jean-Marie Tremblay le 24 février 2002, à partir de: Jean-Jacques Rousseau (1762), DU CONTRAT SOCIAL ou Principes du droit politique, une édition produite à partir du texte publié en 1762., Chapitre 1.1 p.7.
[2]– Matoub Lounes, Interview accordée à la télévision française sur le plateau de Delarue.
[3]– Matoub Lounes,opcit.
[2]– Matoub Lounes, Interview accordée à la télévision française sur le plateau de Delarue.
[3]– Matoub Lounes,opcit.
[4]– John Locke ,Lettre sur la tolerance ,Traduction française de Jean Le Clerc, 1710,un document produit en version numérique par Jean-Marie Tremblay,p.8.
[5]– Ibid.,p.9.
[6]– Déclaration universelle des droits de l’homme , article 18.
[7]– Constitution de la République Algérienne Démocratique et Populaire, JORADP N°76 du 8 décembre 1996 modifiée par : Loi n°02-03 du 10 avril 2002 JORADP N°25 du 14 avril 2002 article73
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