Il était une fois un café littéraire que redoutaient toutes les autorités du pays
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Il était une fois un café littéraire que redoutaient toutes les autorités du pays
Il était une fois un café littéraire que redoutaient toutes les autorités du pays
s
Dans dix ans, vingt ans, dans cinquante ou cent ans peut-être, qu’importe, on dira, comme pour la brouette, qu’il était une fois un café littéraire qui ne dérangeait pas seulement les autorités de la ville, mais celles de tout le pays. À Aokas, la ville rassasiée d’azur qui a la Méditerranée dans les poumons et au-dessus de la tête des montagnes veilleuses comme les sentinelles du vertige, dans une salle qui maintenait encore l’étincelle du vivre simplement, des poètes, des écrivains, des scientifiques, des artisans, des journalistes, des passionnés, de simples citoyens; bref, des voleurs de feu étaient conviés pour y laisser un peu des miettes du rêve qu’ils ont fait…
Il était une fois une brouette qui avait des problèmes. Toutes les autorités du village (du pays) la redoutaient. Elles fermaient toutes les portes dès que son grincement (elle manquait de graisse la pauvre!) se faisait entendre au loin. Elle a fini comme elle est née. En plein air au soleil[1]…
Ainsi écrivait le poète, déclamant le prosème pour prolonger dans la mémoire, voire dans la postérité, la pièce de théâtre montée par une bande de jeunes rêveurs, La brouette en l’occurrence, qui avait bercé notre enfance et qui avait semé le cri et fié à tous les échos la mémoire de demain; un bruit comme la semence du grain d’ailes dans les âmes pour que s’envolent le corps et l’imaginaire à la conquête d’un monde insatiable de possibles.
Cela fait des décennies, nous croyions naïvement que le temps des brouettes qui dérangent et des serre-joints sous l’aisselle pour un camembert ou quelque produit exotique était désormais de la mémoire, mais c’est méconnaître les mécanismes qui régissent la machine dictatoriale, cette forgerie de la peur et de la servilité, que d’imaginer un instant que les brigands vont déserter le palais et les ripailles pour s’ouvrir sur la démocratie et la citoyenneté, deux concepts qui ont leur pesant de poudre intelligente pour jouer en équilibristes entre les devoirs et les droits afin d’inventer un vivre ensemble qui s’inspire et se nourrit de la raison, et qui surtout aspire à l’égalité entre tous et toutes indépendamment de toute considération hasardeuse.
Eh bien, en 2017, la pègre a encore la peur du grincement, des langues que l’on huile d’un peu de poésie et d’audace, des cœurs que l’on graisse de battements inédits pour un pays autre. Dans dix ans, vingt ans, dans cinquante ou cent ans peut-être, qu’importe, on dira, comme pour la brouette, qu’il était une fois un café littéraire qui ne dérangeait pas seulement les autorités de la ville, mais celles de tout le pays. À Aokas, la ville rassasiée d’azur qui a la Méditerranée dans les poumons et au-dessus de la tête des montagnes veilleuses comme les sentinelles du vertige, dans une salle qui maintenait encore l’étincelle du vivre simplement, des poètes, des écrivains, des scientifiques, des artisans, des journalistes, des passionnés, de simples citoyens; bref, des voleurs de feu étaient conviés pour y laisser un peu des miettes du rêve qu’ils ont fait, pour qu’ils le partagent, pour qu’un pays hérite de la terre de ses enfants, pour qu’une terre échappe à la condition qui lui était imposée. Comme la brouette qui ne savait pas qu’elle dérangeait en grinçant, le café littéraire était à des lieues de réaliser où sourdait la peur soudaine, déraisonnable et irraisonnée du verbe, dans un pays qui clame pourtant haut et fort une constitution qui garantit la liberté de dire et de s’exprimer; la café ne savait pas qu’en multipliant les livres, il décuplait la lecture du monde et multipliait les yeux pour expliquer le vivant, autrement dit il faisait passer les yeux outre les œillères, il affranchissait la pensée des lignes tracées au cordeau par l’idéologue, il ouvrait le pays sur d’autres possibles.
Le tyran veut seulement des cafés sans adjectifs, des cafés exclusivement masculins où l’on est censé ferrer les cigales du matin au soir pour faire des hommes apathiques qu’il veut incapables de couver une idée autonome, une pensée grivoise ou un rêve simple de fuir l’insipidité des jours. Il ne veut aucunement des cafés flanqués de beaux adjectifs… café littéraire, café philosophique, café historique, etc. Il ne veut pas de ces concepts comme des bistouris et des scalpels qui fouillent dans les racines, qui remuent les plaies, qui fouaillent les blessures, qui pistent le malentendu.
Il ne veut pas de livres et de bibliothèques, de théâtre de verdure et de cercles de discussions; ils veut plutôt des mosquées à chaque coin de rue pour l’accélération de l’uniformisation et avoir des ouailles et croyants à la place des citoyens, des gens qui ne pensent qu’à l’au-delà pour qu’ils ferment leurs yeux sur leur détournement du fleuve de la richesse nationale; il veut à nos fenêtres, à la place des jardins publics et des prairies verdoyantes, des prisons aux murailles imposantes et surmontées de fil de fer barbelé pour que le paysage soit le même au-dedans comme au dehors; il veut des déchetteries pestilentielles sur nos plages pour conjurer le beau de la dernière place publique et n’y convier plus aucun touriste, car le beau couve des yeux doux, des âmes plus cordiales, des êtres plus spirituels et plus poètes, c’est-à-dire des hommes et des femmes antinomiques de ces serfs rampants et soumis.
Il était fois, nous dirons-nous donc, un café littéraire dont le moindre murmure tarabustait le sommeil des injustes. Il ne voulait pas tant ébranler les soupentes de la maison de l’ogresse, il n’avait au départ que l’humble prétention de mettre dans les têtes un peu de diversité et de verdure savante dans le déluge endémique du sable idéologique. Pourtant, le temps passant, bien que les mêmes auteurs n’aient jamais été censurés en d’autres lieux, sur le sol du même pays, les messagers du vivre-ensemble citoyen n’étaient plus les bienvenus ici.
D’aucuns disent que c’est la cheffe administrative de la région, de la Daïra, dit-on dans le langage bureaucratique, une femme de surcroît, la plus opprimée des êtres au service de son oppresseur, qui a décidé unilatéralement d’interdire ces rencontres et conférences; d’autres disent que la dame n’est qu’un pion dans un système qui, dans son agonie, fait feu des quatre pieds pour donner l’impression qu’il contrôle encore quelque chose.
On ne sait trop les détails de l’affaire, par contre on sait que le café littéraire, additionné au théâtre de verdure d’initiative citoyenne de la région, aux associations culturelles, sociales et écologiques citoyennes et engagées, à la prise de parole des différents acteurs sociaux contre ces autoproclamés califes ou seigneurs incontestés, ça fait à la fin une somme audacieuse, dérangeante, potentiellement contagieuse.
Oui, dans dix ans, dans vingt, cinquante ou cent ans, qu’importe, on dira qu’il était une fois un poème, un conte, une histoire, une mémoire autour des feux de veillée et derrière les métiers à tisser qui avait décidé de sortir des chaumières pour être partagé par davantage de gens, prendre la route citoyenne qui débouche sur le boulevard du droit et de l’universel. Et l’on rira, rira, rira à se sangler l’estomac en nous disons que oui, des énergumènes croyaient sérieusement qu’ils pouvaient fermer à clé le jour sur les hommes. Ils croyaient pouvoir rationner l’air comme ils le faisaient naguère pour le pain et l’eau. Ils croyaient qu’ils avaient le droit seigneurial de pucelage à toutes les épousailles, etc. Et l’on rira, rira, rira…
Parce que d’ici là, demain, irréversible et impétueux, aura définitivement enterré au cimetière de l’ironie la bêtise d’un système qui croyait que l’on pouvait gouverner les peuples comme des élevages concentrationnaires.
Par Louenas Hassani
………………………………………………….
[1]- M’hamed Hassani, Aru!, recueil de poésie édité par ACA, 1989.
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Dans dix ans, vingt ans, dans cinquante ou cent ans peut-être, qu’importe, on dira, comme pour la brouette, qu’il était une fois un café littéraire qui ne dérangeait pas seulement les autorités de la ville, mais celles de tout le pays. À Aokas, la ville rassasiée d’azur qui a la Méditerranée dans les poumons et au-dessus de la tête des montagnes veilleuses comme les sentinelles du vertige, dans une salle qui maintenait encore l’étincelle du vivre simplement, des poètes, des écrivains, des scientifiques, des artisans, des journalistes, des passionnés, de simples citoyens; bref, des voleurs de feu étaient conviés pour y laisser un peu des miettes du rêve qu’ils ont fait…
Il était une fois une brouette qui avait des problèmes. Toutes les autorités du village (du pays) la redoutaient. Elles fermaient toutes les portes dès que son grincement (elle manquait de graisse la pauvre!) se faisait entendre au loin. Elle a fini comme elle est née. En plein air au soleil[1]…
Ainsi écrivait le poète, déclamant le prosème pour prolonger dans la mémoire, voire dans la postérité, la pièce de théâtre montée par une bande de jeunes rêveurs, La brouette en l’occurrence, qui avait bercé notre enfance et qui avait semé le cri et fié à tous les échos la mémoire de demain; un bruit comme la semence du grain d’ailes dans les âmes pour que s’envolent le corps et l’imaginaire à la conquête d’un monde insatiable de possibles.
Cela fait des décennies, nous croyions naïvement que le temps des brouettes qui dérangent et des serre-joints sous l’aisselle pour un camembert ou quelque produit exotique était désormais de la mémoire, mais c’est méconnaître les mécanismes qui régissent la machine dictatoriale, cette forgerie de la peur et de la servilité, que d’imaginer un instant que les brigands vont déserter le palais et les ripailles pour s’ouvrir sur la démocratie et la citoyenneté, deux concepts qui ont leur pesant de poudre intelligente pour jouer en équilibristes entre les devoirs et les droits afin d’inventer un vivre ensemble qui s’inspire et se nourrit de la raison, et qui surtout aspire à l’égalité entre tous et toutes indépendamment de toute considération hasardeuse.
Eh bien, en 2017, la pègre a encore la peur du grincement, des langues que l’on huile d’un peu de poésie et d’audace, des cœurs que l’on graisse de battements inédits pour un pays autre. Dans dix ans, vingt ans, dans cinquante ou cent ans peut-être, qu’importe, on dira, comme pour la brouette, qu’il était une fois un café littéraire qui ne dérangeait pas seulement les autorités de la ville, mais celles de tout le pays. À Aokas, la ville rassasiée d’azur qui a la Méditerranée dans les poumons et au-dessus de la tête des montagnes veilleuses comme les sentinelles du vertige, dans une salle qui maintenait encore l’étincelle du vivre simplement, des poètes, des écrivains, des scientifiques, des artisans, des journalistes, des passionnés, de simples citoyens; bref, des voleurs de feu étaient conviés pour y laisser un peu des miettes du rêve qu’ils ont fait, pour qu’ils le partagent, pour qu’un pays hérite de la terre de ses enfants, pour qu’une terre échappe à la condition qui lui était imposée. Comme la brouette qui ne savait pas qu’elle dérangeait en grinçant, le café littéraire était à des lieues de réaliser où sourdait la peur soudaine, déraisonnable et irraisonnée du verbe, dans un pays qui clame pourtant haut et fort une constitution qui garantit la liberté de dire et de s’exprimer; la café ne savait pas qu’en multipliant les livres, il décuplait la lecture du monde et multipliait les yeux pour expliquer le vivant, autrement dit il faisait passer les yeux outre les œillères, il affranchissait la pensée des lignes tracées au cordeau par l’idéologue, il ouvrait le pays sur d’autres possibles.
Le tyran veut seulement des cafés sans adjectifs, des cafés exclusivement masculins où l’on est censé ferrer les cigales du matin au soir pour faire des hommes apathiques qu’il veut incapables de couver une idée autonome, une pensée grivoise ou un rêve simple de fuir l’insipidité des jours. Il ne veut aucunement des cafés flanqués de beaux adjectifs… café littéraire, café philosophique, café historique, etc. Il ne veut pas de ces concepts comme des bistouris et des scalpels qui fouillent dans les racines, qui remuent les plaies, qui fouaillent les blessures, qui pistent le malentendu.
Il ne veut pas de livres et de bibliothèques, de théâtre de verdure et de cercles de discussions; ils veut plutôt des mosquées à chaque coin de rue pour l’accélération de l’uniformisation et avoir des ouailles et croyants à la place des citoyens, des gens qui ne pensent qu’à l’au-delà pour qu’ils ferment leurs yeux sur leur détournement du fleuve de la richesse nationale; il veut à nos fenêtres, à la place des jardins publics et des prairies verdoyantes, des prisons aux murailles imposantes et surmontées de fil de fer barbelé pour que le paysage soit le même au-dedans comme au dehors; il veut des déchetteries pestilentielles sur nos plages pour conjurer le beau de la dernière place publique et n’y convier plus aucun touriste, car le beau couve des yeux doux, des âmes plus cordiales, des êtres plus spirituels et plus poètes, c’est-à-dire des hommes et des femmes antinomiques de ces serfs rampants et soumis.
Il était fois, nous dirons-nous donc, un café littéraire dont le moindre murmure tarabustait le sommeil des injustes. Il ne voulait pas tant ébranler les soupentes de la maison de l’ogresse, il n’avait au départ que l’humble prétention de mettre dans les têtes un peu de diversité et de verdure savante dans le déluge endémique du sable idéologique. Pourtant, le temps passant, bien que les mêmes auteurs n’aient jamais été censurés en d’autres lieux, sur le sol du même pays, les messagers du vivre-ensemble citoyen n’étaient plus les bienvenus ici.
D’aucuns disent que c’est la cheffe administrative de la région, de la Daïra, dit-on dans le langage bureaucratique, une femme de surcroît, la plus opprimée des êtres au service de son oppresseur, qui a décidé unilatéralement d’interdire ces rencontres et conférences; d’autres disent que la dame n’est qu’un pion dans un système qui, dans son agonie, fait feu des quatre pieds pour donner l’impression qu’il contrôle encore quelque chose.
On ne sait trop les détails de l’affaire, par contre on sait que le café littéraire, additionné au théâtre de verdure d’initiative citoyenne de la région, aux associations culturelles, sociales et écologiques citoyennes et engagées, à la prise de parole des différents acteurs sociaux contre ces autoproclamés califes ou seigneurs incontestés, ça fait à la fin une somme audacieuse, dérangeante, potentiellement contagieuse.
Oui, dans dix ans, dans vingt, cinquante ou cent ans, qu’importe, on dira qu’il était une fois un poème, un conte, une histoire, une mémoire autour des feux de veillée et derrière les métiers à tisser qui avait décidé de sortir des chaumières pour être partagé par davantage de gens, prendre la route citoyenne qui débouche sur le boulevard du droit et de l’universel. Et l’on rira, rira, rira à se sangler l’estomac en nous disons que oui, des énergumènes croyaient sérieusement qu’ils pouvaient fermer à clé le jour sur les hommes. Ils croyaient pouvoir rationner l’air comme ils le faisaient naguère pour le pain et l’eau. Ils croyaient qu’ils avaient le droit seigneurial de pucelage à toutes les épousailles, etc. Et l’on rira, rira, rira…
Parce que d’ici là, demain, irréversible et impétueux, aura définitivement enterré au cimetière de l’ironie la bêtise d’un système qui croyait que l’on pouvait gouverner les peuples comme des élevages concentrationnaires.
Par Louenas Hassani
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[1]- M’hamed Hassani, Aru!, recueil de poésie édité par ACA, 1989.
Azul- Nombre de messages : 29959
Date d'inscription : 09/07/2008
Re: Il était une fois un café littéraire que redoutaient toutes les autorités du pays
http://kabyleuniversel.com/2017/07/11/il-etait-une-fois-un-cafe-litteraire-que-redoutaient-toutes-les-autorites-du-pays/
Azul- Nombre de messages : 29959
Date d'inscription : 09/07/2008
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