Azzedine Berkouk: l’artiste comme une mémoire pour toute une région
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Azzedine Berkouk: l’artiste comme une mémoire pour toute une région
Azzedine Berkouk: l’artiste comme une mémoire pour toute une région
Azzedine Berkouk a vécu comme une île en nous, une île dans le naufrage de la raison, dans notre soif insatiable de l’art et du poème à vivre; une île dans la submersion de toutes les eaux usées doctrinaires qui nous empêchent de vivre, de rêver. Il a vécu un peu comme Diogène le Sinope, mais sans pour autant être scénique. Pauvre, sans le rond dans sa poche, mais riche, ô combien nanti de son verbe, de son regard instituteur des hauteurs, de sa guitare fondatrice des exils de l’âme pour nous y enfuir afin de vivre un peu de notre Je, un peu de la subversion en chacun nous.
La nuit est farineuse de son chaos d’étoiles, le silence est un orpailleur de mystères et la lune dépose sur les arbres et les buissons le linge astral comme des flaques de pénombre. Soudain, l’éclosion d’une mandoline, comme une fleur nocturne qui vient tout juste de se réveiller et qui s’adonne à son langage parfumé, s’épand dans la nuit en même temps que dans les cœurs. Azzedine allume le feu de toutes les sensations de son poème et inaugure dans nos têtes le tapis volant de l’imaginaire pour survoler tant de pays délicieux. Vite, fixons la mélodie sur sa géographie, pistons le chant et les youyous coupants en suivant les étoiles! L’artiste appartient à toute la société; que la famille des nouveaux mariés nous convie ou non, le couscous et les ripailles, on peut s’en passer, mais la voix à la fois rauque et grave, claire et un peu ensommeillée de Azzedine, ça non; elle est en nous, dans nos sables abyssaux, comme un pieu de tendresse que n’ont pas pu déboulonner toutes les idéologies mortifères, comme une île de beauté qu’aucune déferlante ou gadoue ne peut submerger.
Le rythme endiablé, les cordes de la mandoline manquant de prendre l’incendie, la voix enrouée, la percussion du virtuose et éternel complice Aâmichi roule de tous les badaboum pour les offrir à l’écho comme un chapelet de vœux, le plus introverti des hommes est déjà dans l’arène, le plus gêné, le plus fermé, le plus conservateur, et il s’adonne, à sa manière, à l’art d’exprimer un corps qui a refoulé mille et une tribus. En à moins que rien, la scène se remplit, les hommes empoussièrent terre et nue dans l’ivresse consentie du corps et des sens, avec au cœur les dulcinées interdites, les douces rêveries entre les bras de la bien-aimée qui peut-être guette de la fenêtre, épie de son côté, dérobe un œil aux vigiles pour surveiller le moindre fait et geste de l’amant ne serait-ce qu’imaginaire.
Berkouk Azzedine a vécu comme un feu, une bougie qui a brûlé sa vie durant pour éclairer la nuit inquisitrice imposée par le patriarche et la montagne des rudes mœurs. Il a traversé la mémoire de notre groupe comme un oiseau qui n’a cure de se brûler les ailes et de défier le vertige et les hauteurs pour apporter dans nos cœurs un peu de soleil.
La demande est insistante, harassés, qui danse qui gesticule, les hommes veulent un peu de douceur d’emblée pour raisonner le déchaînement et l’ébriété physique des uns et des autres, tout le monde veut maintenant une virée du côté de la transgression : «Héy Ezzetla achhal mliha!», car quand Azzedine chante la célèbre chanson, elle est encore plus belle que dans la voix de son auteur. Habillé d’un jean bleu élimé, d’une chemise claire unicolore, la mandoline en bandoulière, humble, l’œil luisant, la chevelure un tantinet nuageuse, le visage émacié ouvert à la lecture des interminables veillées et des insomnies bien arrosées, le dos un peu voûté, maigrichon, le regard égaré comme parti attraper un trésor de colombes ou extraire du poème le métal précieux des plus belles de nos émotions, Azzedine ouvre un petit espace pour la transgression. Il chante l’interdit, pose sur les épaules de sa voix langoureuse un linge tissé à l’argile des paix de l’âme. Le voyage vaut la chandelle, le texte est décuplé dans sa profondeur par le poète.
Bien entendu, les amoureux patienteront encore; il faudra réveiller les présents à nouveau d’une chanson au rythme soutenu avant de revenir à l’amour et à N’mesefrak oul nemsifham, nous nous sommes séparés sans nous entendre…
Nous nous sommes séparés sans nous entendre
Nous sous sommes séparés involontairement
Combien ai-je enduré pour toi
Maintenant que tu es loin de moi
Les cœurs butinent désormais dans les cœurs tels des abeilles qui transforment les fleurs en miel. Qui n’a pas pas laissé des plumes dans un amour inachevé? Qui n’a pas veillé des nuits durant à la pleine étoile à tisser et retisser la trame de son amour qui aurait pu ouvrir sur un pays de possibles au lieu d’inaugurer dans l’âme une île de chagrin dans le naufrage de la douleur? Qui n’a pas écouté un jour ou un autre la chanson de l’artiste?
Des yeux brillent de chandelles, les âmes roulent les larmes comme un couscous d’émotion et de retour au passé. Azzedine Berkouk installe dans le pays une géographie nouvelle qui échappe à la féroce nuit et à l’uniformisation idéologique d’un État comme la pensée de l’ogresse qui empêche l’enfant d’ouvrir les yeux.
Azzedine Berkouk a vécu comme une île en nous, une île dans le naufrage de la raison, dans notre soif insatiable de l’art et du poème à vivre; une île dans la submersion de toutes les eaux usées doctrinaires qui nous empêchent de vivre, de rêver. Il a vécu un peu comme Diogène le Sinope, mais sans pour autant être scénique. Pauvre, sans le rond dans sa poche, mais riche, ô combien nanti de son verbe, de son regard instituteur des hauteurs, de sa guitare fondatrice des exils de l’âme pour nous y enfuir afin de vivre un peu de notre Je, un peu de la subversion en chacun nous.
Berkouk Azzedine: un artiste à l’épicentre de la vie des simples gens
Toute la société, souvent sans qu’elle le veuille, a intériorisé qu’il était des hommes, des femmes et puis des poètes, comme Lvist, comme une espèce à part qui a le droit de vivre comme il lui sied, marginalement, se contentant de semer le grain du froment de l’être dans nos cœurs. Comme Azzedine. Il a vécu comme une lumière, une mémoire avant l’heure du retour en arrière, comme un poème du vivant de sa démarche existentielle. Il a préféré vivre la nuit; il savait que les démons c’était la nuit qu’ils musardaient de par les cœurs et les collines; c’était donc là qu’il fallait diffuser la lumière de son poème et de sa mélodie.
Azzedine, ou Lvist pour les amis proches, a échappé sa vie durant à la norme sociale constructrice d’œillères qui rationnent jusqu’au paysage à mettre dans les yeux, jusqu’au regard avec lequel on est censé le monde, jusqu’à la miche de pain licite ou illicite à se mettre sous la dent.
Il a produit deux ou trois cassettes, pas plus. Il ne tenait aucunement à être sous les feux de la rampe. Il se contentait d’aller son petit bonhomme de chemin, une traversée de la mer du monde sur un simple radeau qui fendait les eaux de la vie poliment, silencieusement, presque indifféremment; à son image d’enfant jamais guéri de son enfance, le sifflotement ou la chanson inaudible aux lèvres comme un préambule d’envol, de tendre indulgence à la voracité de l’homme; comme un soupçon de sa quintessence d’artiste à part, de poète un peu absurde et marginal, qu’il offrait gracieusement au monde.
Qui n’a pas passé une nuit, dans une fête, festivité, bar ou hôtel, à écouter le doigté de l’artiste distiller son amour sonore et sa voix donner le départ des rossignols et des goélands qui assument leur méditerranéité? Sirotant une bière ou un verre de vin rouge, son eau inspiratrice, le poète féconde la nuit de mille et un sentiments jusqu’à l’aube, au bruit des vagues comme des rimes d’un poème ondin.
Dans tout le Sahel, de Tichy à Ait Smail en passant par Aokas, Souk-El-Tenine et Derguina, tu as édifié une mémoire qui te perpétuera dans la postérité comme une œuvre pour les gens simples que nous sommes, comme un bol d’air vivifiant dans le désert caractéristique imposé par l’uniformité et l’oraison. Tu as su être une leçon magistrale de simplicité pour gravir les sentiers qui atteignent les cimes. Comme les aèdes de la Grèce antique, c’est dans le souvenir que nous saurons que tu étais un regard original et incorruptible qui nous expliquait le monde. Merci, Azzedine, et repose en paix, l’artiste!
Par Louenas Hassani
http://kabyleuniversel.com/2017/04/30/azzedine-berkouk-lartiste-comme-une-memoire-collective/
Azzedine Berkouk a vécu comme une île en nous, une île dans le naufrage de la raison, dans notre soif insatiable de l’art et du poème à vivre; une île dans la submersion de toutes les eaux usées doctrinaires qui nous empêchent de vivre, de rêver. Il a vécu un peu comme Diogène le Sinope, mais sans pour autant être scénique. Pauvre, sans le rond dans sa poche, mais riche, ô combien nanti de son verbe, de son regard instituteur des hauteurs, de sa guitare fondatrice des exils de l’âme pour nous y enfuir afin de vivre un peu de notre Je, un peu de la subversion en chacun nous.
La nuit est farineuse de son chaos d’étoiles, le silence est un orpailleur de mystères et la lune dépose sur les arbres et les buissons le linge astral comme des flaques de pénombre. Soudain, l’éclosion d’une mandoline, comme une fleur nocturne qui vient tout juste de se réveiller et qui s’adonne à son langage parfumé, s’épand dans la nuit en même temps que dans les cœurs. Azzedine allume le feu de toutes les sensations de son poème et inaugure dans nos têtes le tapis volant de l’imaginaire pour survoler tant de pays délicieux. Vite, fixons la mélodie sur sa géographie, pistons le chant et les youyous coupants en suivant les étoiles! L’artiste appartient à toute la société; que la famille des nouveaux mariés nous convie ou non, le couscous et les ripailles, on peut s’en passer, mais la voix à la fois rauque et grave, claire et un peu ensommeillée de Azzedine, ça non; elle est en nous, dans nos sables abyssaux, comme un pieu de tendresse que n’ont pas pu déboulonner toutes les idéologies mortifères, comme une île de beauté qu’aucune déferlante ou gadoue ne peut submerger.
Le rythme endiablé, les cordes de la mandoline manquant de prendre l’incendie, la voix enrouée, la percussion du virtuose et éternel complice Aâmichi roule de tous les badaboum pour les offrir à l’écho comme un chapelet de vœux, le plus introverti des hommes est déjà dans l’arène, le plus gêné, le plus fermé, le plus conservateur, et il s’adonne, à sa manière, à l’art d’exprimer un corps qui a refoulé mille et une tribus. En à moins que rien, la scène se remplit, les hommes empoussièrent terre et nue dans l’ivresse consentie du corps et des sens, avec au cœur les dulcinées interdites, les douces rêveries entre les bras de la bien-aimée qui peut-être guette de la fenêtre, épie de son côté, dérobe un œil aux vigiles pour surveiller le moindre fait et geste de l’amant ne serait-ce qu’imaginaire.
Berkouk Azzedine a vécu comme un feu, une bougie qui a brûlé sa vie durant pour éclairer la nuit inquisitrice imposée par le patriarche et la montagne des rudes mœurs. Il a traversé la mémoire de notre groupe comme un oiseau qui n’a cure de se brûler les ailes et de défier le vertige et les hauteurs pour apporter dans nos cœurs un peu de soleil.
La demande est insistante, harassés, qui danse qui gesticule, les hommes veulent un peu de douceur d’emblée pour raisonner le déchaînement et l’ébriété physique des uns et des autres, tout le monde veut maintenant une virée du côté de la transgression : «Héy Ezzetla achhal mliha!», car quand Azzedine chante la célèbre chanson, elle est encore plus belle que dans la voix de son auteur. Habillé d’un jean bleu élimé, d’une chemise claire unicolore, la mandoline en bandoulière, humble, l’œil luisant, la chevelure un tantinet nuageuse, le visage émacié ouvert à la lecture des interminables veillées et des insomnies bien arrosées, le dos un peu voûté, maigrichon, le regard égaré comme parti attraper un trésor de colombes ou extraire du poème le métal précieux des plus belles de nos émotions, Azzedine ouvre un petit espace pour la transgression. Il chante l’interdit, pose sur les épaules de sa voix langoureuse un linge tissé à l’argile des paix de l’âme. Le voyage vaut la chandelle, le texte est décuplé dans sa profondeur par le poète.
Bien entendu, les amoureux patienteront encore; il faudra réveiller les présents à nouveau d’une chanson au rythme soutenu avant de revenir à l’amour et à N’mesefrak oul nemsifham, nous nous sommes séparés sans nous entendre…
Nous nous sommes séparés sans nous entendre
Nous sous sommes séparés involontairement
Combien ai-je enduré pour toi
Maintenant que tu es loin de moi
Les cœurs butinent désormais dans les cœurs tels des abeilles qui transforment les fleurs en miel. Qui n’a pas pas laissé des plumes dans un amour inachevé? Qui n’a pas veillé des nuits durant à la pleine étoile à tisser et retisser la trame de son amour qui aurait pu ouvrir sur un pays de possibles au lieu d’inaugurer dans l’âme une île de chagrin dans le naufrage de la douleur? Qui n’a pas écouté un jour ou un autre la chanson de l’artiste?
Des yeux brillent de chandelles, les âmes roulent les larmes comme un couscous d’émotion et de retour au passé. Azzedine Berkouk installe dans le pays une géographie nouvelle qui échappe à la féroce nuit et à l’uniformisation idéologique d’un État comme la pensée de l’ogresse qui empêche l’enfant d’ouvrir les yeux.
Azzedine Berkouk a vécu comme une île en nous, une île dans le naufrage de la raison, dans notre soif insatiable de l’art et du poème à vivre; une île dans la submersion de toutes les eaux usées doctrinaires qui nous empêchent de vivre, de rêver. Il a vécu un peu comme Diogène le Sinope, mais sans pour autant être scénique. Pauvre, sans le rond dans sa poche, mais riche, ô combien nanti de son verbe, de son regard instituteur des hauteurs, de sa guitare fondatrice des exils de l’âme pour nous y enfuir afin de vivre un peu de notre Je, un peu de la subversion en chacun nous.
Berkouk Azzedine: un artiste à l’épicentre de la vie des simples gens
Toute la société, souvent sans qu’elle le veuille, a intériorisé qu’il était des hommes, des femmes et puis des poètes, comme Lvist, comme une espèce à part qui a le droit de vivre comme il lui sied, marginalement, se contentant de semer le grain du froment de l’être dans nos cœurs. Comme Azzedine. Il a vécu comme une lumière, une mémoire avant l’heure du retour en arrière, comme un poème du vivant de sa démarche existentielle. Il a préféré vivre la nuit; il savait que les démons c’était la nuit qu’ils musardaient de par les cœurs et les collines; c’était donc là qu’il fallait diffuser la lumière de son poème et de sa mélodie.
Azzedine, ou Lvist pour les amis proches, a échappé sa vie durant à la norme sociale constructrice d’œillères qui rationnent jusqu’au paysage à mettre dans les yeux, jusqu’au regard avec lequel on est censé le monde, jusqu’à la miche de pain licite ou illicite à se mettre sous la dent.
Il a produit deux ou trois cassettes, pas plus. Il ne tenait aucunement à être sous les feux de la rampe. Il se contentait d’aller son petit bonhomme de chemin, une traversée de la mer du monde sur un simple radeau qui fendait les eaux de la vie poliment, silencieusement, presque indifféremment; à son image d’enfant jamais guéri de son enfance, le sifflotement ou la chanson inaudible aux lèvres comme un préambule d’envol, de tendre indulgence à la voracité de l’homme; comme un soupçon de sa quintessence d’artiste à part, de poète un peu absurde et marginal, qu’il offrait gracieusement au monde.
Qui n’a pas passé une nuit, dans une fête, festivité, bar ou hôtel, à écouter le doigté de l’artiste distiller son amour sonore et sa voix donner le départ des rossignols et des goélands qui assument leur méditerranéité? Sirotant une bière ou un verre de vin rouge, son eau inspiratrice, le poète féconde la nuit de mille et un sentiments jusqu’à l’aube, au bruit des vagues comme des rimes d’un poème ondin.
Dans tout le Sahel, de Tichy à Ait Smail en passant par Aokas, Souk-El-Tenine et Derguina, tu as édifié une mémoire qui te perpétuera dans la postérité comme une œuvre pour les gens simples que nous sommes, comme un bol d’air vivifiant dans le désert caractéristique imposé par l’uniformité et l’oraison. Tu as su être une leçon magistrale de simplicité pour gravir les sentiers qui atteignent les cimes. Comme les aèdes de la Grèce antique, c’est dans le souvenir que nous saurons que tu étais un regard original et incorruptible qui nous expliquait le monde. Merci, Azzedine, et repose en paix, l’artiste!
Par Louenas Hassani
http://kabyleuniversel.com/2017/04/30/azzedine-berkouk-lartiste-comme-une-memoire-collective/
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