11E ANNIVERSAIRE DE L’ASSASSINAT DE LOUNÈS MATOUB Le mois du Rebelle
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11E ANNIVERSAIRE DE L’ASSASSINAT DE LOUNÈS MATOUB Le mois du Rebelle
Des programmes de commémoration sont déjà mis en place aux quatre coins de la Kabylie, en France, au Canada et aux Etats-Unis.
Ses fans ne veulent pas faire son deuil. La preuve, Lounès Matoub est toujours présent dans les coeurs et sa voix retentit chaque jour sous le ciel de Kabylie. C’est vraiment un phénomène inédit dans l’histoire de l’Algérie cette omniprésence obsessionnelle d’un Homme de culture que la mort n’a pu effacer de la mémoire collective. Onze années plus tard, Lounès Matoub demeure le Number One de la chanson kabyle en dépit d’une absence physique qui pèse encore lourd. Une absence qui n’en est pas une puisque la voix de Matoub est devenue incontournable. Lors des événements culturels, politiques voire même commerciaux, il est fait appel ou bien à sa voix ou bien à son portrait. Il faut dire qu’avec 216 chansons d’une qualité artistique inédite dans les annales de la chanson kabyle, en plus d’un parcours militant digne d’un Martin Luther King, sans oublier une vie extrêmement houleuse, Matoub est devenu un repère. On parle de lui pour illustrer une multitude de situations. L’universitaire canadienne d’origine algérienne, Farida Ziane a consacré au Rebelle sa thèse de magistère en sociologie à l’université du Quebec. Elle est allée sur ses traces afin de tenter de trouver des bribes de réponse à la question: «Pourquoi spécialement Matoub?». A la fin de son enquête effectuée principalement en Kabylie, elle a tiré plusieurs conclusions dont celle consistant à expliquer ce phénomène tout simplement par le fait que Lounès Matoub est l’artiste kabyle le plus performant.
Il est le seul par exemple à avoir pu produire plus de 200 chansons en moins de vingt ans de carrière. Sur le plan qualitatif également, le constat est similaire car Matoub ne peut pas rester l’artiste le plus écouté dans la région, onze ans après son assassinat, s’il’ n’était pas celui qui a pu le mieux affiner et peaufiner son oeuvre. On en veut pour preuve le nombre de mémoires de fin d’études consacrés à Matoub au niveau des universités de Tizi Ouzou et de Béjaïa et en France où nombre d’universitaires tentent de décortiquer son oeuvre poétique à l’image de Djillali Djerdi qui prépare un master sur le Rebelle à Paris ou à Tizi Ouzou, au département des langue et culture amazighes, où des recherches sont actuellement en cours concernant la dimension féminine dans la poésie de Lounès Matoub. Pas moins de treize livres, dont certains sont de haute facture, ont été publiés sur sa vie et son oeuvre en moins de dix ans. Les plus importants sont Le barde flingué et Le testament de Abderrahmane Lounès ainsi que Mon nom est combat» de YalIa Seddiki.
Depuis son premier album sorti en 1978, Matoub Lounès est apparu comme un véritable phénomène dans le domaine. Sa voix atypique et son langage engagé et sans crainte, à une époque où un poète devait faire attention même quand il écrivait des poèmes d’amour, ont vite fait de le distinguer. L’homme signait d’abord son acte de naissance en produisant-fait-inédit, quatre albums en une année. C’est dire que le montagnard de Taourirt Moussa avait déjà des tas de choses à dire. Bien avant le Printemps berbère, Matoub avait donné le ton en défiant son temps. Il dénonçait l’interdiction de sa langue et sa culture avec des expressions poétiques d’une rare virulence. Son jeune âge ne l’a pas empêché de prendre conscience que la culture algérienne était amputée sciemment d’une partie essentielle, celle qui lui a été transmise par sa mère, une autre montagnarde, lui ayant inculqué dès l’enfance l’amour de la liberté absolue et le sens de la révolte qui se muait vite en rébellion quand il le fallait. Matoub n’a donc pas attendu ni le Printemps berbère de 1980, encore moins l’automne de 1988 pour étaler ses mille vérités crues. L’artiste des Ath Douala a certes eu une chance inouïe, celle d’être doté de la plus belle voix. Une chance à laquelle venait s’ajouter son talent tant dans la composition musicale que dans l’écriture poétique. Son talent qui séduisait les foules lui permettait de poursuivre sa carrière contre vents et marées. Il était seul contre tous. Avec son public qu’aucun autre artiste n’avait, bien sûr, Lounès Matoub était banni de toutes les antennes de télé et de radio. Aucun journal n’avait osé écrire sur lui avant 1988, alors même que certains artistes, qu’on continue à présenter jusqu’à aujourd’hui comme étant des chanteurs protestataires, avaient bénéficié de plusieurs articles et interviews dans les journaux du parti unique. Ils sont même passés à la télévision.
Entre-temps, Matoub continuait à évoluer près du seul qui comptait pour lui: son public. Matoub a grandi. Il a composé des merveilles qui éblouissaient de plus en plus son public. Ni les médias, qui évoluaient, à l’époque dans des tours d’ivoire, ni les hommes politiques kabyles, ne se sont rendu compte de la montée de ce monstre sacré. On ne l’a pas vu venir. Pourtant, il fallait juste tendre l’oreille à n’importe quel magnétophone pour constater que la radio et les journaux étaient loin de refléter la réalité du terrain artistique dans cette partie de l’Algérie profonde.
Matoub Lounès n’a pas attendu l’ouverture démocratique de 1988 pour dénoncer des événements considérés comme tabous et pouvant mettre fin à la vie de quiconque aurait osé les évoquer à l’époque. Il a produit Yehzen El Oued Aïssi et dans cet album, accompli sur les plans de la musique et de l’interprétation, Lounès s’en est pris aux intouchables de quelque bord qu’ils soient. Il a dénigré avec des mots, dont une grande partie n’existait ni dans le dictionnaire ni dans la société, les faiseurs du mal et du malheur des Algériens. Matoub, épris de justice, révolté comme aucun autre ne l’était devant l’incurie qui gangrenait sa chère patrie, n’a pas pu se taire. Il détestait les hypocrites et il le criait. Il n’a pas pu maîtriser ses excès qui lui ont été souvent nuisibles, jusqu’à s’attirer les foudres même de ceux qui, en principe (à une époque où les principes du moins politiques, avaient encore un sens) devaient être ses partenaires dans ce combat. Lounès Matoub s’est vite fait des ennemis chez les hommes du régime d’alors. Puis, le Rebelle a découvert que même parmi les «siens», il y avait des impostures et de l’opportunisme politique. Il écrira alors sur les faux opposants: ces fainéants de la nation qui se pavanent dans les salons de l’Occident. Il écrira sur le fanatisme religieux dont il avait pris conscience. Le terrorisme n’était pas encore là, mais Matoub avait senti le malheur venir. Parallèlement à ses coups de gueule artistiques, Lounès se frayait un chemin artistique impressionnant avec des capacités vocales extra-humaines, des styles musicaux à chaque fois rénovés et renouvelés. Il ose composer, en 1984, une cassette où il s’adressera directement au président de la République et en langue française, «cette langue empruntée». Durant la même période, Lounès Matoub vilipende toutes les exactions du parti unique, il s’en prend aux accords de Londres entre Ben Bella et Aït Ahmed, etc. les oeuvres artistiques s’égrènent et le public est de plus en plus subjugué que la chanson kabyle puisse atteindre un tel niveau de perfection. Nous ne sommes pas encore en 1988 mais Matoub avait déjà produit quelques-unes de ses plus belles chansons d’amour car le Rebelle savait aussi aimer. N’était-il pas un combattant pacifique? Il avait édité Sehsev, Tegid Uliw Yeselqaf, Ghjer Ivir Izeder sut iw, Arwah arwah...il avait aussi composé des chansons fleuves d’une densité poétique jamais enregistrée auparavant comme Tarwa Ihif, Tirgin, et Mon nom est combat. Ses frères, étant gagnés par un vent de jalousie difficile à maîtriser devant un tel succès en dépit d’un isolement systématique, ont recours à une technique qui fera des émules par la suite dans le microcosme politique de la région: la rumeur. Des rumeurs folles circulent au sujet de Matoub. Ses détracteurs ont laissé entendre qu’il n’était qu’un agent des services. Pourtant, lui-même avait dénoncé les Kabyles de service dans l’album «Tirgin». C’est au moment où ses ennemis croyaient qu’ils pouvaient abattre cet enfant terrible que Matoub est victime des balles tirées par un gendarme en 1988, près de Aïn El Hammam, dans la wilaya de Tizi Ouzou. Matoub reçoit cinq balles dans le corps. Il traverse l’une des périodes les plus difficiles de sa vie. Dix sept interventions chirurgicales. C’est cette épreuve difficile que choisit sa femme Djamila, son grand amour, pour le quitter. Matoub perd tout en un clin d’oeil: son amour, sa santé mais il fait serment dans un album tonitruant sorti en 1989 Mazal sut iw ad yebaâzaq. Ne jamais abdiquer était sa promesse. Il la tiendra en donnant la preuve que la force réside dans le coeur et non dans le corps ou dans la lâcheté. Matoub est plus fort que la mort. Sur son lit d’hôpital, il compose l’un de ses meilleurs album. On le découvre encore plus déterminé. Les jeunes le comparent aux acteurs des grands films américains, ceux sur lesquels on tire mais qui ne meurent pas. Devant une telle énergie, et devant l’incapacité de pouvoir l’abattre, celles qui étaient considérées à l’époque comme étant les forces politiques de la région, feront des pieds et des mains pour s’approprier Matoub. Chaque partie et chaque parti voudront enfin faire de Matoub un allié car ils ont enfin reconnu qu’aucun autre ne pouvait avoir comme lui de l’influence sur la Kabylie. Il sera manipulé, car ses adversaires tableront sur sa sincérité absolue. Il est manipulé mais il continuera à cracher ses vérités. Il n’a épargné aucun de ceux avec lesquels il s’est assis à un moment ou à un autre de l’histoire. L’assassinat de Boudiaf l’a marqué. Il est le seul artiste algérien à avoir composé une chanson sur ce dernier, intitulé Hymne à Boudiaf. Début du terrorisme. Matoub est là au moment où les autres se cachent pour ne pas mourir. Lui, il s’exhibe pour que l’Algérie ne meure pas. Il continue à militer pour la cause berbère en dépit du contexte extrêmement dangereux et à combattre le terrorisme par la chanson et par l’action pacifique. La mort de Tahar Djaout lui inspire Kenza, un autre chef-d’oeuvre. En 1994 il est kidnappé par un groupe armé. Quand il est relâché grâce à une mobilisation extraordinaire, il est profondément blessé en découvrant que des hommes qu’il respectaient avaient fait circuler des rumeurs selon lesquelles son rapt était une mise en scène ayant pour but de faire accroître sa popularité, comme si elle n’était pas encore à son summum avant cette épreuve. Matoub ne courbe pas l’échine. Il consacre une chanson à ces «Scélérats» (c’est le titre de cette chanson) et continue son parcours. En 1996, il produit Assirem, un album où la diversité thématique et le talent sont encore une fois au rendez-vous. Matoub est de plus en plus rongé par la solitude. Il l’a pendant longtemps souhaitée mais Djamila ne reviendra pas, il n’aura pas d’enfants Tamazight, pour laquelle il combattait durant toute sa vie n’était pas près d’être reconnue à l’époque et l’Algérie, qui était une partie de lui, sombrait de plus en plus dans les affres du terrorisme. En 1997, la vie lui sourit enfin comme dans le happy end d’un film de guerre.
Il rencontre sa nouvelle femme dont il tombe follement amoureux. Il est heureux. Très heureux. La vie est cruelle puisque moins d’une année plus tard, le 25 juin 1998, il est assassiné entre Tizi Ouzou et Taourirt Moussa, au coeur de la Kabylie. Mais au moins, il était heureux au moment où il rendit son dernier souffle.
Aomar MOHELLEBI l'expression du 07 06 2009.
Ses fans ne veulent pas faire son deuil. La preuve, Lounès Matoub est toujours présent dans les coeurs et sa voix retentit chaque jour sous le ciel de Kabylie. C’est vraiment un phénomène inédit dans l’histoire de l’Algérie cette omniprésence obsessionnelle d’un Homme de culture que la mort n’a pu effacer de la mémoire collective. Onze années plus tard, Lounès Matoub demeure le Number One de la chanson kabyle en dépit d’une absence physique qui pèse encore lourd. Une absence qui n’en est pas une puisque la voix de Matoub est devenue incontournable. Lors des événements culturels, politiques voire même commerciaux, il est fait appel ou bien à sa voix ou bien à son portrait. Il faut dire qu’avec 216 chansons d’une qualité artistique inédite dans les annales de la chanson kabyle, en plus d’un parcours militant digne d’un Martin Luther King, sans oublier une vie extrêmement houleuse, Matoub est devenu un repère. On parle de lui pour illustrer une multitude de situations. L’universitaire canadienne d’origine algérienne, Farida Ziane a consacré au Rebelle sa thèse de magistère en sociologie à l’université du Quebec. Elle est allée sur ses traces afin de tenter de trouver des bribes de réponse à la question: «Pourquoi spécialement Matoub?». A la fin de son enquête effectuée principalement en Kabylie, elle a tiré plusieurs conclusions dont celle consistant à expliquer ce phénomène tout simplement par le fait que Lounès Matoub est l’artiste kabyle le plus performant.
Il est le seul par exemple à avoir pu produire plus de 200 chansons en moins de vingt ans de carrière. Sur le plan qualitatif également, le constat est similaire car Matoub ne peut pas rester l’artiste le plus écouté dans la région, onze ans après son assassinat, s’il’ n’était pas celui qui a pu le mieux affiner et peaufiner son oeuvre. On en veut pour preuve le nombre de mémoires de fin d’études consacrés à Matoub au niveau des universités de Tizi Ouzou et de Béjaïa et en France où nombre d’universitaires tentent de décortiquer son oeuvre poétique à l’image de Djillali Djerdi qui prépare un master sur le Rebelle à Paris ou à Tizi Ouzou, au département des langue et culture amazighes, où des recherches sont actuellement en cours concernant la dimension féminine dans la poésie de Lounès Matoub. Pas moins de treize livres, dont certains sont de haute facture, ont été publiés sur sa vie et son oeuvre en moins de dix ans. Les plus importants sont Le barde flingué et Le testament de Abderrahmane Lounès ainsi que Mon nom est combat» de YalIa Seddiki.
Depuis son premier album sorti en 1978, Matoub Lounès est apparu comme un véritable phénomène dans le domaine. Sa voix atypique et son langage engagé et sans crainte, à une époque où un poète devait faire attention même quand il écrivait des poèmes d’amour, ont vite fait de le distinguer. L’homme signait d’abord son acte de naissance en produisant-fait-inédit, quatre albums en une année. C’est dire que le montagnard de Taourirt Moussa avait déjà des tas de choses à dire. Bien avant le Printemps berbère, Matoub avait donné le ton en défiant son temps. Il dénonçait l’interdiction de sa langue et sa culture avec des expressions poétiques d’une rare virulence. Son jeune âge ne l’a pas empêché de prendre conscience que la culture algérienne était amputée sciemment d’une partie essentielle, celle qui lui a été transmise par sa mère, une autre montagnarde, lui ayant inculqué dès l’enfance l’amour de la liberté absolue et le sens de la révolte qui se muait vite en rébellion quand il le fallait. Matoub n’a donc pas attendu ni le Printemps berbère de 1980, encore moins l’automne de 1988 pour étaler ses mille vérités crues. L’artiste des Ath Douala a certes eu une chance inouïe, celle d’être doté de la plus belle voix. Une chance à laquelle venait s’ajouter son talent tant dans la composition musicale que dans l’écriture poétique. Son talent qui séduisait les foules lui permettait de poursuivre sa carrière contre vents et marées. Il était seul contre tous. Avec son public qu’aucun autre artiste n’avait, bien sûr, Lounès Matoub était banni de toutes les antennes de télé et de radio. Aucun journal n’avait osé écrire sur lui avant 1988, alors même que certains artistes, qu’on continue à présenter jusqu’à aujourd’hui comme étant des chanteurs protestataires, avaient bénéficié de plusieurs articles et interviews dans les journaux du parti unique. Ils sont même passés à la télévision.
Entre-temps, Matoub continuait à évoluer près du seul qui comptait pour lui: son public. Matoub a grandi. Il a composé des merveilles qui éblouissaient de plus en plus son public. Ni les médias, qui évoluaient, à l’époque dans des tours d’ivoire, ni les hommes politiques kabyles, ne se sont rendu compte de la montée de ce monstre sacré. On ne l’a pas vu venir. Pourtant, il fallait juste tendre l’oreille à n’importe quel magnétophone pour constater que la radio et les journaux étaient loin de refléter la réalité du terrain artistique dans cette partie de l’Algérie profonde.
Matoub Lounès n’a pas attendu l’ouverture démocratique de 1988 pour dénoncer des événements considérés comme tabous et pouvant mettre fin à la vie de quiconque aurait osé les évoquer à l’époque. Il a produit Yehzen El Oued Aïssi et dans cet album, accompli sur les plans de la musique et de l’interprétation, Lounès s’en est pris aux intouchables de quelque bord qu’ils soient. Il a dénigré avec des mots, dont une grande partie n’existait ni dans le dictionnaire ni dans la société, les faiseurs du mal et du malheur des Algériens. Matoub, épris de justice, révolté comme aucun autre ne l’était devant l’incurie qui gangrenait sa chère patrie, n’a pas pu se taire. Il détestait les hypocrites et il le criait. Il n’a pas pu maîtriser ses excès qui lui ont été souvent nuisibles, jusqu’à s’attirer les foudres même de ceux qui, en principe (à une époque où les principes du moins politiques, avaient encore un sens) devaient être ses partenaires dans ce combat. Lounès Matoub s’est vite fait des ennemis chez les hommes du régime d’alors. Puis, le Rebelle a découvert que même parmi les «siens», il y avait des impostures et de l’opportunisme politique. Il écrira alors sur les faux opposants: ces fainéants de la nation qui se pavanent dans les salons de l’Occident. Il écrira sur le fanatisme religieux dont il avait pris conscience. Le terrorisme n’était pas encore là, mais Matoub avait senti le malheur venir. Parallèlement à ses coups de gueule artistiques, Lounès se frayait un chemin artistique impressionnant avec des capacités vocales extra-humaines, des styles musicaux à chaque fois rénovés et renouvelés. Il ose composer, en 1984, une cassette où il s’adressera directement au président de la République et en langue française, «cette langue empruntée». Durant la même période, Lounès Matoub vilipende toutes les exactions du parti unique, il s’en prend aux accords de Londres entre Ben Bella et Aït Ahmed, etc. les oeuvres artistiques s’égrènent et le public est de plus en plus subjugué que la chanson kabyle puisse atteindre un tel niveau de perfection. Nous ne sommes pas encore en 1988 mais Matoub avait déjà produit quelques-unes de ses plus belles chansons d’amour car le Rebelle savait aussi aimer. N’était-il pas un combattant pacifique? Il avait édité Sehsev, Tegid Uliw Yeselqaf, Ghjer Ivir Izeder sut iw, Arwah arwah...il avait aussi composé des chansons fleuves d’une densité poétique jamais enregistrée auparavant comme Tarwa Ihif, Tirgin, et Mon nom est combat. Ses frères, étant gagnés par un vent de jalousie difficile à maîtriser devant un tel succès en dépit d’un isolement systématique, ont recours à une technique qui fera des émules par la suite dans le microcosme politique de la région: la rumeur. Des rumeurs folles circulent au sujet de Matoub. Ses détracteurs ont laissé entendre qu’il n’était qu’un agent des services. Pourtant, lui-même avait dénoncé les Kabyles de service dans l’album «Tirgin». C’est au moment où ses ennemis croyaient qu’ils pouvaient abattre cet enfant terrible que Matoub est victime des balles tirées par un gendarme en 1988, près de Aïn El Hammam, dans la wilaya de Tizi Ouzou. Matoub reçoit cinq balles dans le corps. Il traverse l’une des périodes les plus difficiles de sa vie. Dix sept interventions chirurgicales. C’est cette épreuve difficile que choisit sa femme Djamila, son grand amour, pour le quitter. Matoub perd tout en un clin d’oeil: son amour, sa santé mais il fait serment dans un album tonitruant sorti en 1989 Mazal sut iw ad yebaâzaq. Ne jamais abdiquer était sa promesse. Il la tiendra en donnant la preuve que la force réside dans le coeur et non dans le corps ou dans la lâcheté. Matoub est plus fort que la mort. Sur son lit d’hôpital, il compose l’un de ses meilleurs album. On le découvre encore plus déterminé. Les jeunes le comparent aux acteurs des grands films américains, ceux sur lesquels on tire mais qui ne meurent pas. Devant une telle énergie, et devant l’incapacité de pouvoir l’abattre, celles qui étaient considérées à l’époque comme étant les forces politiques de la région, feront des pieds et des mains pour s’approprier Matoub. Chaque partie et chaque parti voudront enfin faire de Matoub un allié car ils ont enfin reconnu qu’aucun autre ne pouvait avoir comme lui de l’influence sur la Kabylie. Il sera manipulé, car ses adversaires tableront sur sa sincérité absolue. Il est manipulé mais il continuera à cracher ses vérités. Il n’a épargné aucun de ceux avec lesquels il s’est assis à un moment ou à un autre de l’histoire. L’assassinat de Boudiaf l’a marqué. Il est le seul artiste algérien à avoir composé une chanson sur ce dernier, intitulé Hymne à Boudiaf. Début du terrorisme. Matoub est là au moment où les autres se cachent pour ne pas mourir. Lui, il s’exhibe pour que l’Algérie ne meure pas. Il continue à militer pour la cause berbère en dépit du contexte extrêmement dangereux et à combattre le terrorisme par la chanson et par l’action pacifique. La mort de Tahar Djaout lui inspire Kenza, un autre chef-d’oeuvre. En 1994 il est kidnappé par un groupe armé. Quand il est relâché grâce à une mobilisation extraordinaire, il est profondément blessé en découvrant que des hommes qu’il respectaient avaient fait circuler des rumeurs selon lesquelles son rapt était une mise en scène ayant pour but de faire accroître sa popularité, comme si elle n’était pas encore à son summum avant cette épreuve. Matoub ne courbe pas l’échine. Il consacre une chanson à ces «Scélérats» (c’est le titre de cette chanson) et continue son parcours. En 1996, il produit Assirem, un album où la diversité thématique et le talent sont encore une fois au rendez-vous. Matoub est de plus en plus rongé par la solitude. Il l’a pendant longtemps souhaitée mais Djamila ne reviendra pas, il n’aura pas d’enfants Tamazight, pour laquelle il combattait durant toute sa vie n’était pas près d’être reconnue à l’époque et l’Algérie, qui était une partie de lui, sombrait de plus en plus dans les affres du terrorisme. En 1997, la vie lui sourit enfin comme dans le happy end d’un film de guerre.
Il rencontre sa nouvelle femme dont il tombe follement amoureux. Il est heureux. Très heureux. La vie est cruelle puisque moins d’une année plus tard, le 25 juin 1998, il est assassiné entre Tizi Ouzou et Taourirt Moussa, au coeur de la Kabylie. Mais au moins, il était heureux au moment où il rendit son dernier souffle.
Aomar MOHELLEBI l'expression du 07 06 2009.
rebai_s- Nombre de messages : 1785
Date d'inscription : 26/04/2008
laic-aokas- Nombre de messages : 14024
Date d'inscription : 03/06/2011
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