Les Chrétiens d’Irak victimes d’un génocide
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Les Chrétiens d’Irak victimes d’un génocide
Le Frère Nageeb Mekhail o.p., supérieur des dominicains de Mossoul, était de passage à Paris en juin dernier. Il a accepté de décrire les persécutions dont est victime la communauté chrétienne d’Irak depuis l’invasion américaine.
crédit : jacques duffaut/Secours CatholiqueFrère Nageeb lors de son passage à Paris en juin 2010
Fr. Nageeb est né en 1955. « J’ai donc 55 ans », plaisante-t-il dans un français impeccable. Né à Mossoul (la Ninive biblique), d’une famille chrétienne de rite chaldéen, descendue du plus haut village d’Irak, Sanat, à la frontière turque, Fr. Nageeb a étudié pendant huit ans en France où il a suivi une formation religieuse et dominicaine.
Chrétien par conviction
De retour en Irak en 1990, il lance le premier « Centre Numérique des Manuscrits Orientaux en Irak » (C.N.M.O.), qui préserve en les numérisant les vieux manuscrits de langues syriaque, arménienne, arabe et autres. Certains de ces manuscrits remontent au XIème et XIIème siècles. Le centre possède déjà plus de trois mille manuscrits et parchemins numériques, à la disposition des chercheurs du monde entier.
Chrétien par conviction plus que par naissance, Fr. Nageeb a choisi de devenir dominicain après avoir été attiré par la prédication des frères prêcheurs français et irakiens qu’il trouve « simples, ouverts d’esprit et très cultivés ».
Les Kurdes sont tolérants
Sous Saddam Hussein, il y avait 800 000 chrétiens ; aujourd’hui, il n’en reste plus que 250 à 300 000. La majorité de ceux-ci s’est installée dans des zones plus sûres, la plaine de Ninive ou dans les régions du Kurdistan irakien. Les Kurdes sont fiers d’accueillir les chrétiens expulsés de Bagdad et de Mossoul. Les Kurdes démontrent qu’ils sont tolérants, qu’ils respectent la liberté de conscience et le choix d’une religion, contrairement à ce qui se passe ailleurs dans le reste du pays.
Il est vrai que les Américains, en arrivant en Irak, ont pavé le chemin au prosélytisme évangélique et aussi aux terroristes de toutes sortes. En démolissant son infrastructure, ils ont plongé le pays dans le chaos.
Espoir d’être réinstallés
Depuis l’invasion de 2003, beaucoup de chrétiens ont fui l’Irak vers les pays limitrophes (Syrie, Turquie, Jordanie, Liban) dans l’espoir d’être réinstallés par le Haut-commissariat aux réfugiés des Nations unies (UNHCR) dans un pays d’accueil.
Le Secours Catholique soutient financièrement plusieurs programmes en faveur de ces réfugiés urbains en Syrie et au Liban. Un reportage publié dans Messages n°642 de janvier 2010 expliquait les raisons de cette fuite. Fr. Nageeb ne fait que renforcer ces témoignages, depuis Caracoche, à trente kilomètres au sud est de Mossoul, où il vit.
Honnêtes, droits et efficaces
« Saddam Hussein n’a jamais aimé les chrétiens pour eux-mêmes. Il les respectait parce qu’ils étaient pacifiques et qu’ils ne cherchaient pas à prendre le pouvoir. Même de l’avis des musulmans, ils ont la réputation d’être honnêtes, droits et efficaces dans leur travail. C’est pour cela qu’on les voyait bien placés dans les banques, les administrations et les services sensibles ». Cette reconnaissance de probité et d’excellence n’empêchait pas les persécutions, déjà plusieurs décennies avant la chute de l’ancien régime.
Volonté d’exterminer les chrétiens
Après 2003, ce n’est plus de persécution qu’il faut parler, mais de génocide contre les chrétiens. Fr. Nageeb insiste sur ce mot « génocide ». Il y a, pour lui, une véritable volonté d’exterminer les chrétiens à cause de leur appartenance religieuse. Les raisons sont souvent mafieuses : les faire partir de chez eux pour s’accaparer leurs biens.
Pour appuyer son propos, Fr. Nageeb cite deux phrases qu’il a lues et entendues : « Il faut nettoyer la terre de l’Islam du sang impur des mécréants chrétiens » et « N’achetez rien aux chrétiens parce que bientôt nous aurons tout ce qui est à eux gratuitement ».
Partir sans rien emporter
« De très nombreuses familles chrétiennes sont sommées de quitter leurs maisons par les terroristes. Ils leur demandent de partir sous 24 heures et de ne rien emporter avec eux. Menaces de mort et kidnappings d’enfants viennent ajouter à l’angoisse permanente de vivre dans un pays où il n’y a plus d’état de droit, où il n’y a plus de respect des lois et de la constitution. La corruption dans le gouvernement et dans la police saute aux yeux. Nous n’osons même pas alerter la police quand on prend en flagrant délit un criminel car on risque d’être assassiné quelques jours après par le criminel lui-même ou par un de ses parents qui travaille dans la police. Car très souvent on découvre que les bourreaux et les juges sont les mêmes personnes ou bien elles sont enrôlées dans les mêmes milices ».
Kidnappings d’enfants, tête de liste des cruautés
« Des centaines de chrétiens ont déjà été martyrisés, dont l’archevêque de Mossoul Mgr. Faraj RAAHO, et cinq prêtres. Moi-même, j’ai reçu plus d’une quinzaine de menaces de mort par lettres ou par téléphone », déplore avec résignation Fr. Nageeb. Et s’il existait une échelle dans l’abomination, les enlèvements d’enfants viendraient en tête de la liste des cruautés que la communauté subit depuis sept ans : « beaucoup d’enfants ont été enlevés contre rançon, mais une fois la rançon versée, les terroristes déposent souvent le cadavre de l’enfant devant le domicile des parents ou sur un terrain vague hors de la ville ».
Police et armée complices des terroristes
« Le dernier attentat a été particulièrement violent. C’était le 2 mai dernier entre Caracoche et Mossoul, entre deux check-points. Treize bus, escortés par la police, emmenaient des étudiants universitaires chrétiens des villages de la plaine de Ninive au centre universitaire de Mossoul. Une bombe a été placée au milieu du convoi, sur la chaussée. Un jeune chrétien, Radeef, marié depuis six mois et dont la femme est enceinte, a aperçu l’explosif et a fait signe au convoi de ne plus avancer, ce qui a permis d’éviter le pire. Ce triple attentat, deux explosifs et une voiture suicidaire, contre ces bus a tué le jeune Radeef et une étudiante prénommée Sandy. Il y a eu plus de 180 blessés hospitalisés. Les bus touchés transportaient essentiellement des filles. Certaines ont perdu leurs pieds, leurs yeux, leurs dents ou sont devenues complètement défigurées. Leurs visages ont besoin d’être reconstruits. Les militaires de faction aux check-points ont dansé et fait le signe de la victoire après l’explosion, il y a des images enregistrées sur des téléphones portables par d’autres étudiants qui en attestent. Quant à la police, elle a fait décharger des véhicules les premiers blessés qu’on voulait amener à l’hôpital. Les policiers voulaient que les corps restent à terre pour y mourir. La police et l’armée souvent sont les complices des terroristes ».
"Le grain jeté en terre ne mourra pas"
Fr. Nageeb vit avec les chrétiens qui ont décidé de rester coûte que coûte. Il les accompagne en vivant auprès d’eux, en enseignant à leurs enfants la théologie et la catéchèse. Le supérieur des dominicains est au service de tous les chrétiens de différentes églises, qu’ils soient chrétiens chaldéens, syriens, nestoriens ou orthodoxes.
« Il y a beaucoup de souffrance en Irak, continue Fr. Nageeb, mais il y a aussi beaucoup d’espoir, car malgré les attentats et le génocide, les chrétiens sont encore là. On n’a pas été exterminés car le grain jeté en terre ne peut pas mourir mais il va porter des fruits. On doit rester dans ce berceau chrétien qui a deux mille ans d’histoire, qui remonte à Saint Thomas l’apôtre. Nous devons continuer à vivre et à témoigner de notre foi et de notre amour pour le nom du Christ ».
crédit : jacques duffaut/Secours CatholiqueFrère Nageeb lors de son passage à Paris en juin 2010
Fr. Nageeb est né en 1955. « J’ai donc 55 ans », plaisante-t-il dans un français impeccable. Né à Mossoul (la Ninive biblique), d’une famille chrétienne de rite chaldéen, descendue du plus haut village d’Irak, Sanat, à la frontière turque, Fr. Nageeb a étudié pendant huit ans en France où il a suivi une formation religieuse et dominicaine.
Chrétien par conviction
De retour en Irak en 1990, il lance le premier « Centre Numérique des Manuscrits Orientaux en Irak » (C.N.M.O.), qui préserve en les numérisant les vieux manuscrits de langues syriaque, arménienne, arabe et autres. Certains de ces manuscrits remontent au XIème et XIIème siècles. Le centre possède déjà plus de trois mille manuscrits et parchemins numériques, à la disposition des chercheurs du monde entier.
Chrétien par conviction plus que par naissance, Fr. Nageeb a choisi de devenir dominicain après avoir été attiré par la prédication des frères prêcheurs français et irakiens qu’il trouve « simples, ouverts d’esprit et très cultivés ».
Les Kurdes sont tolérants
Sous Saddam Hussein, il y avait 800 000 chrétiens ; aujourd’hui, il n’en reste plus que 250 à 300 000. La majorité de ceux-ci s’est installée dans des zones plus sûres, la plaine de Ninive ou dans les régions du Kurdistan irakien. Les Kurdes sont fiers d’accueillir les chrétiens expulsés de Bagdad et de Mossoul. Les Kurdes démontrent qu’ils sont tolérants, qu’ils respectent la liberté de conscience et le choix d’une religion, contrairement à ce qui se passe ailleurs dans le reste du pays.
Il est vrai que les Américains, en arrivant en Irak, ont pavé le chemin au prosélytisme évangélique et aussi aux terroristes de toutes sortes. En démolissant son infrastructure, ils ont plongé le pays dans le chaos.
Espoir d’être réinstallés
Depuis l’invasion de 2003, beaucoup de chrétiens ont fui l’Irak vers les pays limitrophes (Syrie, Turquie, Jordanie, Liban) dans l’espoir d’être réinstallés par le Haut-commissariat aux réfugiés des Nations unies (UNHCR) dans un pays d’accueil.
Le Secours Catholique soutient financièrement plusieurs programmes en faveur de ces réfugiés urbains en Syrie et au Liban. Un reportage publié dans Messages n°642 de janvier 2010 expliquait les raisons de cette fuite. Fr. Nageeb ne fait que renforcer ces témoignages, depuis Caracoche, à trente kilomètres au sud est de Mossoul, où il vit.
Honnêtes, droits et efficaces
« Saddam Hussein n’a jamais aimé les chrétiens pour eux-mêmes. Il les respectait parce qu’ils étaient pacifiques et qu’ils ne cherchaient pas à prendre le pouvoir. Même de l’avis des musulmans, ils ont la réputation d’être honnêtes, droits et efficaces dans leur travail. C’est pour cela qu’on les voyait bien placés dans les banques, les administrations et les services sensibles ». Cette reconnaissance de probité et d’excellence n’empêchait pas les persécutions, déjà plusieurs décennies avant la chute de l’ancien régime.
Volonté d’exterminer les chrétiens
Après 2003, ce n’est plus de persécution qu’il faut parler, mais de génocide contre les chrétiens. Fr. Nageeb insiste sur ce mot « génocide ». Il y a, pour lui, une véritable volonté d’exterminer les chrétiens à cause de leur appartenance religieuse. Les raisons sont souvent mafieuses : les faire partir de chez eux pour s’accaparer leurs biens.
Pour appuyer son propos, Fr. Nageeb cite deux phrases qu’il a lues et entendues : « Il faut nettoyer la terre de l’Islam du sang impur des mécréants chrétiens » et « N’achetez rien aux chrétiens parce que bientôt nous aurons tout ce qui est à eux gratuitement ».
Partir sans rien emporter
« De très nombreuses familles chrétiennes sont sommées de quitter leurs maisons par les terroristes. Ils leur demandent de partir sous 24 heures et de ne rien emporter avec eux. Menaces de mort et kidnappings d’enfants viennent ajouter à l’angoisse permanente de vivre dans un pays où il n’y a plus d’état de droit, où il n’y a plus de respect des lois et de la constitution. La corruption dans le gouvernement et dans la police saute aux yeux. Nous n’osons même pas alerter la police quand on prend en flagrant délit un criminel car on risque d’être assassiné quelques jours après par le criminel lui-même ou par un de ses parents qui travaille dans la police. Car très souvent on découvre que les bourreaux et les juges sont les mêmes personnes ou bien elles sont enrôlées dans les mêmes milices ».
Kidnappings d’enfants, tête de liste des cruautés
« Des centaines de chrétiens ont déjà été martyrisés, dont l’archevêque de Mossoul Mgr. Faraj RAAHO, et cinq prêtres. Moi-même, j’ai reçu plus d’une quinzaine de menaces de mort par lettres ou par téléphone », déplore avec résignation Fr. Nageeb. Et s’il existait une échelle dans l’abomination, les enlèvements d’enfants viendraient en tête de la liste des cruautés que la communauté subit depuis sept ans : « beaucoup d’enfants ont été enlevés contre rançon, mais une fois la rançon versée, les terroristes déposent souvent le cadavre de l’enfant devant le domicile des parents ou sur un terrain vague hors de la ville ».
Police et armée complices des terroristes
« Le dernier attentat a été particulièrement violent. C’était le 2 mai dernier entre Caracoche et Mossoul, entre deux check-points. Treize bus, escortés par la police, emmenaient des étudiants universitaires chrétiens des villages de la plaine de Ninive au centre universitaire de Mossoul. Une bombe a été placée au milieu du convoi, sur la chaussée. Un jeune chrétien, Radeef, marié depuis six mois et dont la femme est enceinte, a aperçu l’explosif et a fait signe au convoi de ne plus avancer, ce qui a permis d’éviter le pire. Ce triple attentat, deux explosifs et une voiture suicidaire, contre ces bus a tué le jeune Radeef et une étudiante prénommée Sandy. Il y a eu plus de 180 blessés hospitalisés. Les bus touchés transportaient essentiellement des filles. Certaines ont perdu leurs pieds, leurs yeux, leurs dents ou sont devenues complètement défigurées. Leurs visages ont besoin d’être reconstruits. Les militaires de faction aux check-points ont dansé et fait le signe de la victoire après l’explosion, il y a des images enregistrées sur des téléphones portables par d’autres étudiants qui en attestent. Quant à la police, elle a fait décharger des véhicules les premiers blessés qu’on voulait amener à l’hôpital. Les policiers voulaient que les corps restent à terre pour y mourir. La police et l’armée souvent sont les complices des terroristes ».
"Le grain jeté en terre ne mourra pas"
Fr. Nageeb vit avec les chrétiens qui ont décidé de rester coûte que coûte. Il les accompagne en vivant auprès d’eux, en enseignant à leurs enfants la théologie et la catéchèse. Le supérieur des dominicains est au service de tous les chrétiens de différentes églises, qu’ils soient chrétiens chaldéens, syriens, nestoriens ou orthodoxes.
« Il y a beaucoup de souffrance en Irak, continue Fr. Nageeb, mais il y a aussi beaucoup d’espoir, car malgré les attentats et le génocide, les chrétiens sont encore là. On n’a pas été exterminés car le grain jeté en terre ne peut pas mourir mais il va porter des fruits. On doit rester dans ce berceau chrétien qui a deux mille ans d’histoire, qui remonte à Saint Thomas l’apôtre. Nous devons continuer à vivre et à témoigner de notre foi et de notre amour pour le nom du Christ ».
laic-aokas- Nombre de messages : 14024
Date d'inscription : 03/06/2011
Re: Les Chrétiens d’Irak victimes d’un génocide
http://www.secours-catholique.org/actualite/les-chretiens-d-irak-victimes-d-un-genocide,7537.html
laic-aokas- Nombre de messages : 14024
Date d'inscription : 03/06/2011
moi- Nombre de messages : 8760
Date d'inscription : 30/01/2009
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