Le pire évité de justesse hier à Bejaïa

Le pire évité de justesse hier à Bejaïa

Non-jeûneurs. La ville de Bejaia a failli vivre un drame dont les conséquences seraient très graves pour la paix civile locale. Fort heureusement que des appels au calme, lancés par des acteurs associatifs et des sages, ont fini par être momentanément entendus à l’heure ou nous mettons sous presse. Momentanément car l’atmosphère est restée vive lorsque nous avons quitté cette esplanade de la Maison de la culture transformée hier en arène de tous les règlements de compte.



IL était un peu plus de onze heures lorsque les premiers non-jeûneurs ont afflué sur cette esplanade où d’autres groupes étaient attendus pour un déjeuner en public, suivi d’une marche pour les libertés qui devait se terminer sur la placette Saïd Mekbel, soit un parcours long de presque un kilomètre.

A peine les banderoles sur lesquelles étaient inscrits des slogans en faveur du respect des libertés furent visibles, et des bouteilles d’eau et de jus firent leur apparition que des dizaines de jeunes dotés de toute sorte d’objets contondants ont pris d’assaut cette esplanade interdisant ainsi ce déjeuner en public auquel avait appelé un collectif de jeunes qui pour rappel avait tenu les mêmes actions la semaine écoulée dans les communes d’Aokas et d’Akbou.

« Allez  manger chez vous, la ville de Bejaia est interdite à des gens comme vous », criaient des jeunes en furie accompagnés d’éléments du mouvement associatif constitué en collectif pour contrecarrer « l’action impie des non-jeûneurs».

Pris dans un véritable piège, les quelques jeunes,  bouteilles et banderoles à la main, ne pouvaient rien, absolument rien face à une foule plus nombreuse et visiblement prête à tout.

Dans ce brouhaha, on voyait quelques individus en djellaba portant des barbes biens fournies à la tête du mouvement qui se dirigeait vers les non jeûneurs.

Tabassés, humiliés par cette foule décidée à en découdre, quelque jeunes du collectif anti jeûneurs vont jusqu’à prendre des bouteilles de jus et de limonades pour les verser sur les têtes des non jeûneurs  résignés par la suite à plier bagage en laissant derrière eux leurs banderoles prendre feu.

A peine les non jeûneurs avaient quitté cette esplanade de la Maison de la culture sans réussir leur coup, que d’autres jeunes accompagnés de quelques fidèles et des imams connus de la ville de Bejaia ont investi les lieus pour, cette fois, exiger des agents de la commune de démonter tout le matériel de sonorisation installé depuis le début de ce mois de ramadan pour l’organisation des galas, là-même où un écran géant est installé depuis le début de la dernière coupe du monde de football. Pour rappel, cette place était devenue durant le Mondial 2014 un lieu de rencontre de centaines de jeunes et où même le wali de Bejaia a regardé pratiquement tous les matchs.

« Ce soir nous allons tenir la prière d’El Icha et surérogatoire (tarawih) sur cette esplanade et nous vous donnons ordre de tout démonter », tempêtent quelques barbus appuyés par des riverains qui disent que ces sonorisations leur causent des désagréments durant la nuit.

« nous n’avons rien compris, il reste deux ou trois jours pour les spectacles organisés par le comité des fêtes de la ville de Bejaia qui organise chaque année ce genre de spectacles et maintenant ils viennent nous l’interdire », nous ont déclaré deux élus de la commune de Bejaia et néanmoins membres de ce comité des fêtes que nous avons rencontrés sur les lieux donnant cette impression d’impuissance face à des riverains déterminés, accompagnés des mêmes barbus qui ont interdit le déjeuner en public.

Cependant une remarque : mis à part quelques policiers en civils, aucune autre autorité n’était présente durant cette matinée d’hier, malgré les risques de dérapages auxquels les deux actions, celle des non jeûneurs autant que celle de leurs adversaires, devaient nécessairement donner lieu.

Pour la population locale, hommes politiques et syndicalistes, ainsi que  des citoyens anonymes, ce qu’a vécu hier matin la ville de Bejaia est un signe que les citoyens sont montés les uns contre les autres. Au profit de qui ?

Dans tous les cas, tout comme les non jeûneurs, les membres du comité des fêtes de la ville de Bejaia étaient prêt à céder aux exigences des protestataires qui se disent importunés par les bruits de la sonorisation. Surtout que leur action était soutenue par la présence d’imams qui considèrent ces galas comme une hérésie qu’il faut à tout prix empêcher. L’occasion leur a été donnée hier en prenant en marche le train d’une contestation à récupérer. Ainsi agissent les islamistes, en Algérie à l’occasion des évènements d’octobre 88 ou en Egypte avec l’occupation de la place Tahrir.

Boubekeur Amrani

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