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Entretien avec Mohcine Belabbas, président du RCD : « Les actions de rue ne sont pas exclues »

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Message  Azul Mar 10 Juin - 11:11

Entretien avec Mohcine Belabbas, président du RCD : « Les actions de rue ne sont pas exclues »
Entretien avec Mohcine Belabbas, président du RCD : « Les actions de rue ne sont pas exclues » 57543-790x347

Politique - le 31 mai 2014 à 15 h 34 min - Propos recueillis par Hadjer Guenanfa.

Où en êtes-vous actuellement dans les préparatifs de la conférence nationale de transition démocratique ?
Aujourd’hui, nous avons rendu public le projet de plateforme politique qui sera soumis à débat lors de la première conférence nationale (pour la transition démocratique). Une conférence au cours de laquelle le projet sera revu et peut-être amendé. Nous avons commencé à envoyer des invitations depuis une semaine. Plus de deux cents invitations ont été envoyées. Et nous avons eu de bons échos quant à la volonté des uns et des autres de prendre part à cette conférence. Dans une semaine, nous aurons un peu plus de précision quant à la présence d’un certain nombre de partis politiques et de personnalités nationales.
Avez-vous déjà reçu des confirmations de la part des personnalités nationales comme Mouloud Hamrouche ou Ali Benflis par exemple ?
Nous avons reçu beaucoup de confirmations, mais je ne voudrai pas avancer de noms. La raison est très simple : en politique, on sait très bien qu’on peut changer d’avis à tout moment. On peut, par exemple, avoir un rendez-vous important qui peut nous empêcher de participer à un événement. Donc, je préfère que ce soient les invités eux-mêmes qui s’expriment sur leur participation ou pas à cette conférence.
Avez-vous une idée sur le nombre de participants à cette rencontre ?
Ce n’est pas le nombre qui compte dans ce genre de conférence, mais la qualité des présents. Nous avons décidé d’inviter tous les partis politiques et les personnalités les plus en vue qui s’expriment régulièrement sur l’actualité. Nous avons prévu une salle de près de 450 places.
Dans votre plateforme politique, vous proposez la préparation d’une Constitution consensuelle qui sera ensuite adoptée par référendum. Le pouvoir dit la même chose…
Ce n’est pas la même chose ! Le pouvoir a rendu publique quelques propositions d’amendements qui sont très minimes et qui n’ont aucune importance de notre point de vue. Il veut commencer par une parodie de débat sur un projet de Constitution et invite des partis politiques pour des consultations. La Coordination parle d’une constitution qui sera élaborée durant la dernière étape de la période de transition. En fait, cette période de transition se terminera par l’adoption d’une Constitution consensuelle. Donc, on n’est pas dans la même démarche. Nous sommes dans le dialogue et non pas dans les consultations.
Mais les consultations peuvent être également considérées comme une forme de dialogue…
Encore une fois, nous ne sommes pas dans la même démarche. La nôtre consiste à organiser une conférence nationale où le débat sera libre et où tous les participants, y compris les organisateurs, auront le droit de s’exprimer et auront le même temps d’intervention pour le faire. Ils pourront aborder ainsi les questions qu’ils jugeront utiles d’aborder et c’est ensemble qu’ils prendront des décisions durant cette conférence. Le pouvoir illégitime qui vient de sortir d’un scrutin entaché de fraude décide de recevoir, chaque jour, des personnalités ou des partis politiques à huis clos. Il soumet à débat des questions sans aucune incidence sur l’actualité. Eux, ils parlent plutôt d’amendements introduits pour palier à une éventuelle absence du chef de l’État au regard de sa maladie et d’un retour à ce qui existait déjà dans la constitution de 1996, à savoir limitation des mandats.
Or, depuis plus de deux ans, l’actualité en Algérie, c’est la commission indépendante de gestion des élections, la séparation des pouvoirs, l’officialisation de la langue amazighe, l’accès aux sources d’information pour la presse, etc. Et nous insistons sur le fait que la Constitution est la dernière étape de la période de transition. Entre temps, il y aura des questions importantes qui seront abordées.
Quelles seront les prochaines étapes après la conférence nationale pour la transition démocratique ?
Les décisions seront confirmées lors de la conférence du 10 juin prochain. Mais celle-ci n’est pas la vraie conférence dont on parle depuis un certain moment. Nous sommes toujours dans une période de construction d’un rapport de force. Donc d’autres conférences thématiques seront organisées, ensuite, sur des questions que nous jugeons essentielles telle que la transition énergétique, la transition économique, le rôle de la société civile, les différents types de transition démocratique. Il s’agit, pour nous, de travailler à associer les élites de ce pays et la société civile au débat. Nous pensons que le jour où il faudra aller vers des actions de rue, ce ne sera pas la Coordination qui va appeler à ces actions, mais ce seront toutes ces forces qui participeront à cette première conférence nationale et aux conférences thématiques. Car nous allons voir, à un moment donné, que le pouvoir ne va pas répondre à la demande de l’opposition. Nous serons alors obligés de retourner à des actions de rue. Il s’agira, pour nous, de continuer à exercer une pression jusqu’au jour où il y aura la véritable conférence nationale à laquelle le pouvoir va prendre part mais autour de la même table que l’opposition. Il ne s’agit pas de se faire recevoir au niveau de la présidence par le pouvoir en place, mais de ramener ses représentants à des discussions avec l’opposition.
Les actions de rue ne sont pas exclues pour imposer concrètement votre feuille de route au pouvoir ?
Non, ces actions ne sont pas exclues. En fait, on ne peut ne pas aller vers des actions de rue si le pouvoir cède et accepte de travailler sur la base de notre projet de plateforme politique qui sera enrichi et amendé à l’occasion de cette conférence nationale. Cela dit, je crois qu’on n’aura pas le choix quant au retour vers les actions de rue, y compris après la période de transition. Je pense qu’il faudra renouer avec les actions de rue. Et pas seulement pour les partis politiques, mais également pour les syndicats et les associations. Si on veut construire une véritable démocratie, il faut permettre aux citoyens de s’exprimer par la parole et aussi par les actions de rue comme cela se passe partout dans le monde. Ce n’est qu’à travers les actions de rue qu’on construit de véritables rapports de force. On peut organiser autant de conférences publiques qu’on veut, on restera dans des salles qui prennent maximum 800 ou 1000 personnes. La rue reste l’espace à travers lequel on peut quantifier la mobilisation d’un parti politique, d’une association ou d’une coordination comme celle-ci.
Dans sa plateforme politique, la Coordination dit rejeter toute forme de violence. Appeler à des actions de rue ne risque-t-il pas d’être interprété comme un appel à la violence ?
En Algérie, le pouvoir présente les actions de rue comme des actions violentes. Or, partout dans le monde, les actions de rue sont des actions à travers lesquelles un parti politique ou une organisation de la société civile agit pour faire pencher la balance d’un côté ou d’un autre. L’Algérie a connu une période où il y avait beaucoup de marches, notamment dans la capitale. Dans les années 1990, des marches pacifiques étaient organisées par tous les partis politiques, y compris ceux du pouvoir. Et actuellement, des marches pacifiques sont organisées dans les différentes wilayas dont les quatre manifestations que nous avons organisées à la veille de l’élection présidentielle. D’ailleurs, il faudrait réhabiliter les marches et les sit-in comme des actions politiques de revendication.
Pensez-vous pouvoir mobiliser les Algériens pour ces actions de rue ?
Nous sommes des acteurs politiques. Je suis de ceux qui pensent qu’un acteur politique agit à travers son discours, mais aussi à travers ses actions. Beaucoup étaient sceptiques, il y a quelques mois, sur notre capacité d’organiser un meeting à la salle Harcha à Alger. Nous avons réussi quand même à remplir la salle. Au moment où les animateurs de la campagne électorale du candidat absent étaient obligés de ramener des personnes des 48 wilayas pour remplir la salle Harcha, les partis de la Coordination ont mobilisés seulement au niveau des wilayas du Centre, donc à la périphérie d’Alger, pour la remplir. Et nous n’avons pas les moyens de l’État. Maintenant, si on veut démontrer qu’on pèse plus que la salle Harcha, il n’y a que la rue.
Le pouvoir dit que vous êtes minoritaires…
Qu’il autorise les marches alors. Dans tous les cas, qu’il les autorise ou pas, il viendra un jour où on marchera au niveau de la capitale ! Nous sommes dans une démarche où il ne s’agit pas d’un parti politique, d’une personnalité ou d’une association. Dans la Coordination, à travers les personnes qu’on a invitées, c’est toute l’Algérie qui est représentée. Outre les partis politiques de différentes obédiences, il y a une société civile qui représente le monde du travail, de la jeunesse, des droits de l’Homme, des avocats, des associations féminines, des victimes du terrorisme, des familles des disparus. Il y a également des personnalités qui, par le passé, ont occupé des postes de responsabilités et d’autres qui ont toujours été dans l’opposition. C’est un bon échantillon représentatif de l’Algérie. Si tous ces acteurs acceptent d’agir ensemble, nous pensons que la durée de vie de ce système sera très limitée. Et si violence il y aura, elle va être du fait du pouvoir. Ce dernier va essayer de réprimer, mais plus la mobilisation sera importante et plus il sera obligé de céder.
Le RCD a déjà fait partie de la Coordination nationale pour le changement démocratique (CNDC) en 2011. Ne craignez-vous pas de subir le même échec ?
Ce n’est pas la même conjoncture et ce ne sont pas les mêmes acteurs. La construction de cette Coordination a pris presque une année. Beaucoup pensent qu’à la veille de l’élection, des partis se sont réunis pour aller vers le boycott de la présidentielle. Or, cela fait plus d’une année que différents acteurs politiques disent qu’il est temps de discuter et de dialoguer sur des questions essentielles.
C’est pour la première fois qu’on retrouve, à l’occasion d’une élection, plusieurs partis politiques boycotter en même temps. La nouveauté aussi, est que, dès le départ, cette Coordination a dit qu’elle n’allait pas s’arrêter aux élections. Donc il y a un projet, une vision, une démarche, une stratégie qui évolue depuis plus d’une année. Et à chaque fois, cette Coordination se renforce par d’autres acteurs.
En 2011, nous étions dans une étape où le pouvoir était encore très fort. Il avait beaucoup joué, à l’époque, sur les images en essayant de manipuler l’opinion et lui faire croire que si jamais il y a des marches et des manifestations, il y aura un retour vers les années 1990. Ce n’étaient pas les mêmes acteurs de différentes mouvances qu’on voit aujourd’hui impliqués dans la Coordination. Et puis, les Algériens ont vu que ce pouvoir cumule les échecs depuis 2011 et que rien n’a changé réellement.  Je pense que la population algérienne a pris conscience et la classe politique algérienne a compris qu’il faut agir ensemble.
Comment interprétez-vous l’arrestation de votre cadre à Ghardaïa ?
D’abord, le cadre en question est l’ancien maire de Berriane qui a été, illégalement, destitué en novembre 2008. À l’époque, on avait déposé plainte au niveau du conseil de l’État. Car quand on veut changer un président d’APC, ce dernier doit être remplacé par un autre élu issu de la même liste. Ça n’a pas été le cas.
Et depuis cette affaire, il y a un acharnement contre ce cadre. Jusque-là, on n’en faisait pas cas. Mais on constate que son arrestation intervient dans une période où le RCD a refusé de prendre part aux consultations (autour de la révision constitutionnelle) et où il travaille dans le cadre d’une coordination pour aller vers une conférence nationale. Il y a une volonté de diaboliser le RCD en essayant de faire croire à l’opinion publique nationale que le parti est impliqué dans les événements de Ghardaïa.
Et quand M. Hadjadj a été arrêté, ils avaient toutes les preuves qu’il n’était pas à Ghardaïa au moment des faits qui lui ont été reprochés. Nous leur avons envoyé le PV de (la réunion de) l’exécutif avec la liste de présence où figurait la signature de M. Hadjadj et des témoins membres de l’exécutif, du Conseil national et qui sont en même temps avocats. Nous leur avons également envoyé un communiqué de la direction nationale qui dit que ce cadre était à Alger et nous leur avons donné le nom de la personne chez qui il avait passé la nuit. Nous leur avons même suggéré, à travers nos avocats, d’essayer d’enquêter au niveau de Djezzy parce que le cadre a un numéro Djezzy et ils pouvaient vérifier qu’il appelait effectivement à partir d’Alger. C’est ce qu’ils ont fait par la suite. Mais ça n’a pas suffi pour le libérer dès le premier jour. Ils ont attendu trois jours pour écouter les témoins de la partie adverse et qui, tous, ont dit qu’à aucun moment ils n’avaient cité M. Hadjadj. Par ailleurs, on m’a signalé la présence d’un militaire travaillant au ministère de la Défense au niveau du tribunal. Il est peut-être de la famille de la personne qui a été brûlée mais sa présence était étrange.
Le MSP a dénoncé récemment l’interpellation de certains de ses jeunes militants par les services de sécurité. Est-ce que vous établissez un lien avec l’arrestation de votre cadre à Ghardaïa ?
À chaque fois qu’il y a des actions importantes de l’opposition, le pouvoir agit de cette manière. Ce n’est pas nouveau. Au lendemain de la marche du RCD le 22 janvier 2011, notre maire de Beni Abbès à Béchar a été destitué. En 2001, quand le RCD a quitté le gouvernement, il y a eu l’enlèvement du militant Amar Amnouche. Durant la même période, des militants dont Djafaar Mesbah qui a été séquestré. Ce sont des pratiques récurrentes du pouvoir qui touchent tous les partis politiques de l’opposition et pas seulement le RCD. Durant la campagne électorale, des militants ont été approchés pour des dossiers d’acquisition d’un logement par exemple. Beaucoup de cadres du RCD exercent des professions libérales. Ils subissent souvent des redressements fiscaux incroyables. L’avantage est qu’on a des militants qui ne cèdent pas même s’il y en a qui, de temps en temps, essaient d’être moins visibles.
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Message  Azul Mar 10 Juin - 11:12

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