La violence contre les berbères mozabites: une resultante naturelle de l’arabisme et de l’islamisme
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La violence contre les berbères mozabites: une resultante naturelle de l’arabisme et de l’islamisme
La violence contre les berbères mozabites: une resultante naturelle de l’arabisme et de l’islamisme
Par Ali Kaidi (docteur et professeur en philosophie)
La situation à Ghardaïa est très grave et il faut condamner avec fermeté ce qui s’y passe actuellement. Car, des hommes et des femmes vivent depuis des mois dans la terreur. Mais, c’est loin d’être suffisant dans un pays où le pouvoir central puise sa légitimité dans une idéologie de l’exclusion et du refus de la diversité linguistique et cultuelle. À notre avis, la situation est une conséquence de l’idéologie qui prône l’arabisme et l’islamisme au détriment de cultures et de croyances ancestrales. Le remède est de remettre en cause cette idéologie en déconstruisant les conditions de sa production. Cette idéologie ne fait plus consensus en Algérie, nous ne pouvons pas construire sur elle un état démocratique respectant les droits individuels et collectifs.
Beaucoup d’observateurs pensent que la violence contre les mozabites est cyclique; elle n’est par le produit d’un simple hasard. Elle ne vient pas d’ailleurs, elle est engendrée par l’idéologie dominante; elle germait depuis des années en elle. Certes, souvent elle est imprévisible, elle n’avertit pas avant qu’elle arrive, mais cela n’empêche pas qu’elle a toujours été de l’ordre du possible. À chaque fois que des événements conjoncturels volontaires ou involontaires la stimulent, elle refait surface pour bouleverser le cours dit normal de la vie quotidienne.
Aujourd’hui, il faut arrêter de faire semblant d’être surpris et stupéfié par la terreur et l’indifférence des autorités auxquelles les mozabites font face quotidiennement depuis des mois. Il ne faut pas s’étonner non plus de la facilité avec laquelle ces événements ont trouvé un contexte favorable au passage de la violence de l’état de puissance à l’état d’effet. Cette éventualité est de l’ordre du possible dans l’idéologie dominante; si nous regardons de prés l’usage que le pouvoir fait de la religion et de la langue depuis un demi siècle, nous constaterons forcément que ce pouvoir est maléfique; il a une tendance à fabriquer des ennemis intérieurs menaçant l’unité de la nation et les intérêts suprêmes de l’état qu’il ressort mécaniquement dans les moments de crises pour mobiliser l’opinion publique derrière lui et surtout pour garantir sa continuité. En fait, les choses étaient possibles, elles ont juste été actualisées.
Que nous le voulions ou pas, il y a un lien très étroit entre ces événements et le pouvoir en place. Ce dernier, d’une façon ou d’une autre, n’est pas étranger à ce qui se passe actuellement à Ghardaïa. Il faut prendre acte qu’historiquement et politiquement ce pouvoir est le premier responsable de cette situation. Sa responsabilité ne réside pas seulement dans le fait qu’il gère mal la situation ou qu’il pourrait être le chef d’orchestre de cette terreur, autrement dit le manipulateur, car cela demande plus d’informations pour l’affirmer, mais dans le fait qu’il a pu fabriquer des personnes intolérantes et violentes capables de commettre des atrocités et des actes barbares contre d’autres personnes qu’elles côtoient et avec lesquelles elles partagent un espace social depuis des années. Directement ou indirectement, le pouvoir est le responsable des actions de violence contre les mozabites par son idéologie et par sa mauvaise gestion de la crise. Nous estimons que la responsabilité des citoyens qui commettent des violences sur leurs concitoyens est d’ordre moral seulement. Par contre, celle des responsables politiques et des institutions est à la fois d’ordre politique et moral. Lorsqu’on veut un pouvoir absolu et sans partage, un pouvoir de surcroît que l’on exerce, il faut assumer une responsabilité totale de ses conséquences sur la société qui le subit. Car, devant le tribunal moral de l’histoire, il n’y a pas une autre personne plus responsable des actions politiques qu’un pouvoir qui aspire à devenir absolu. Transformer un être humain en une brute ne peut être que le résultat d’un travail idéologique minutieux et systémique. Un tel travail ne peut être que l’œuvre d’institutions étatiques possédant un savoir faire dans le domaine et un pouvoir politique capable de transformer des idées d’exclusion en actions individuelles ou collectives.
Certes, avec le peu d’informations que nous avons sur la situation et l’absence d’études sur le terrain, nous ne pouvons pas être catégoriques sur les causes réelles de cette violence, mais nous ne pouvons pas ignorer que plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer ce phénomène par des journalistes et observateurs qui essayent de nous éclairer sur cette violence. Certains l’expliquent en attribuant cette violence à une haine qui se nourrit de la religion, donc pour eux elle est le résultat d’un affrontement entre une communauté sunnite malikite et une communauté ibâdite. Il est utile de souligner à ce propos pour mieux comprendre l’importance de cette cause que les deux dogmes appartiennent à une seule religion, l’islam, le premier est dominant en Algérie, par contre le deuxième appartient à une communauté minoritaire, en l’occurrence les berbères mozabites, qui le pratique depuis des siècles. D’autres, sont convaincus que la cause des cette violence est la haine qui se nourrit de l’appartenance de la population de cette région à deux langues différentes, l’arabe et le mozabite une variante de la langue amazighe. Il est bon aussi de signaler à ce sujet qu’entre les deux langues, il existe un rapport de domination institutionnalisé par le pouvoir central qui a fait de l’arabe l’unique langue officielle du pays. Enfin, d’autres pensent que les causes de cette violence sont d’ordre politique. Pour eux, derrière ces événements se cachent des acteurs politiques. Ainsi, pour des intérêts locaux ou nationaux, ils manipulent la population en mobilisant un imaginaire fabriqué de toutes pièces par un pouvoir machiavélique dans le but de créer un climat de violence et d’instabilité. Ces acteurs n’ont pas trouvé mieux que de mobiliser des sentiments et des ressentiments religieux et linguistiques appartenant aux deux populations qui composent depuis des siècles cette région de l’Algérie, pour faire resurgir la haine inhérente à l’idéologie des dominants.
Somme toute, le pouvoir central est responsable d’un conflit ethnique entre la communauté malikite arabophone et une communauté ibâdite amazighe. Et comme cette dernière est minoritaire, elle n’a pas affaire qu’à la population, mais aussi aux représentants des institutions. Il ne faut pas ignorer que ces derniers ne sont pas à leur premières actions et inactions racistes ou régionales; ils nous ont habitués à extérioriser le racisme inhérent au fondement du pouvoir central à chaque fois qu’il sont confrontés à une crise. Les Kabyles peuvent témoigner de ce traitement raciste et inhumain; ils subissent ce racisme institutionnalisé depuis l’indépendance; ils l’on vécu d’une façon violente en 1963, 1980, et en 2001, durant ce que l’on désigne depuis de printemps noir de la Kabylie. Au reste, ils le vivent au quotidien sous forme de contrôle social.
Historiquement, la plus grande violence et le plus grand mal que les Kabyles ont subis est de les avoir empêchés de parler leur langue maternelle et de limiter son espace à la vie domestique. Le pouvoir a interdit à leur langue de participer à la gestion de la cité. Il l’a restreint dans la sphère privée. Ce qui a fait de l’arabe et du français deux langues de domination qui imposent les règles de la promotion sociale. Si le kabyle veut se rapprocher du centre du pouvoir et prendre l’ascenseur social, il faut qu’il renie sa langue maternelle. Le centre a toujours été bilingue, il ne reconnaît que deux langues: l’arabe et le français, même si idéologiquement l’arabe est considéré comme la seule langue légitime.
Par ailleurs, le régionalisme, voire le racisme, a poussé certains responsables à parler de dékabylisation d’Alger. Des propos lourds de sens qui révèlent la haine à l’égard des Kabyles. Ces propos ont été tenus par des responsables dans les universités d’Alger dans le contexte de la violence du printemps noir. Après le jet de pierres sur le cortège de Bouteflika à l’université de Bouzaréah par des étudiants connus pour être de farouches opposants, le pouvoir a travaillé d’arrache-pied pour vider les campus d’Alger de Kabyles. Il a souvent organisé des chasses aux Kabyles dans la capitale afin de réduire les mobilisations de contestation en appliquant certainement des méthodes de profilage ethnique digne d’un système politique d’apartheid. L’utilisation des Baltaguia (milices parmi la population) à l’égyptienne pour contrer les manifestations auxquelles les Kabyles participaient à Alger, le pouvoir a exploité le racisme de certains citoyens pour faire le sale job des forces de l’ordre. Le comble est que le pouvoir, sans aucun scrupule , a actionné sa machine de propagande pour faire passer ces fauteurs de trouble et délinquants pour de bons citoyens soucieux de l’intérêt général du pays, contrairement aux kabyles qui sèment le trouble et menacent la paix sociale. Le pouvoir a laissé ces voyous insulter et violenter les femmes et les hommes kabyles qui protestaient pacifiquement contre lui comme il semble les laisser-faire actuellement à Ghardaïa dans une ambiance d’impunité presque totale.
Il ne faut pas s’étonner de ce comportement; le pouvoir a institutionnalisé cette impunité afin de répondre à la violence islamiste, et depuis… la violence est devenue banale. Personne n’a plus peur des sanctions. Ce qui est encore plus inquiétant est que pendant les événements du printemps noir, le pouvoir a réussi à isoler ces protestations en leur donnant une dimension identitaire et régionale. D’ailleurs, la majorité des Algériens ont marché dans cette combine; le pouvoir a réprimé les manifestants kabyles dans une indifférence presque totale chez les simples citoyens comme chez les intellectuels, comme si les Kabyles méritent de mourir du fait qu’ils ont toujours revendiqué une identité mettant en cause les mythes fondateurs du pouvoir algérien. Le reste du pays a choisi d’être spectateur d’une répression qui ne se passait pas loin de ses yeux. Car, non seulement il a refusé de jouer le rôle d’acteur, mais il est allé jusqu’à refuser celui de simple témoin. Bien pire, la plupart du temps, il a pris parti du côté de l’oppresseur, celui qui l’a convaincu que les manifestants kabyles menacent l’intérêt général. Ils ont cru à ce mensonge parce qu’ils sont dans leur majorité le produit d’un seul moule idéologique. Les Kabyles sont moins que rien pour eux et pour le pouvoir parce qu’il ne sont pas arabes et leur islam est objet du doute, un doute renforcé par le fait que la majorité des Kabyles a toujours rejeté l’islamisme et toléré de vivre en paix avec des non-musulmans. Ces faits qui expriment des valeurs humaines nobles ont été transformées par le pouvoir en menace contre la nation, contre l’islam et la langue arabe; une menace interne qui travaille pour un agenda d’une puissance externe, pas de n’importe quelle puissance, mais de la France, l’ennemi d’hier! Bref, le pouvoir ne se lasse pas de ressortir la fameuse main étrangère pour jeter le discrédit et l’anathème sur des citoyens et des citoyennes qui protestent pacifiquement contre lui. Ce mensonge n’a pas perdu de son efficacité. Le pouvoir est conscient de la place que l’histoire coloniale occupe dans l’imaginaire des Algériens. Le pouvoir a toujours tenté de discréditer une action ou une idée qui exprime son refus de l’idéologie du pouvoir en accusant ses auteurs de travailler pour les intérêts de la France. Le problème est que ce mensonge a marché et il marche encore. Ainsi, les Kabyles étaient représentés par le pouvoir comme l’ennemi par excellence. Grâce à sa machine de propagande, il a réussi à les diaboliser aux yeux de leurs concitoyens appartenant à d’autres régions, et cela s’est fait évidemment dans le but de légitimer l’utilisation de la violence contre eux. Le pouvoir avait besoin de cette ruse parce qu’il est conscient qu’il souffre d’un déficit en ce qui concerne la légitimité politique, il sait que les élections ne sont qu’un simple simulacre.
Les trois hypothèses supposent que la violence est ethnique, car les éléments qui attaquent les personnes et les propriétés des mozabites sont motivés par des sentiments de haine qui puisent leurs ressources dans la religion et la langue, soit parce qu’ils appartiennent à l’une de ces deux idéologies d’exclusion: l’arabisme ou l’islamisme ou alors ils se revendiquent des deux comme le pouvoir le fait explicitement depuis le règne de Bouteflika. Le plus important pour ces auteurs de cette violence est qu’ils identifient un adversaire, un ennemi qui donne une certaine légitimité et un sens à leur existence en tant qu’identité culturelle. Ils ne s’opposent pas au pouvoir central parce que celui-ci est le promoteur et l’inventeur de cette idéologie d’exclusion qui constitue leur identité. Depuis 1962, le pouvoir algérien utilise l’arabisme et l’islamisme pour garantir une pérennité d’un système de domination qui n’a aucune légitimité politique. Cette idéologie d’exclusion ne tombe pas du ciel, elle n’est pas une exception qui frappe la région de Ghardaïa seulement, elle est partagée malheureusement par la majorité des Algériens; elle est le produit d’une école nationale qui a façonné les esprits des citoyens et que le pouvoir a instrumentalisée pour construire le mythe d’une identité nationale qui repose sur deux dimensions, la religion musulmane et la langue arabe; il a fait de l’islam sunnite malikite la seule religion de l’état et de l’arabe classique la seule langue officielle. Ce qui donne sur le plan sociétal et politique une supériorité aux citoyens arabophones et aux musulmans sunnites arabophones. Bref, en comprenant cette logique d’exclusion caractérisant l’idéologie du pouvoir central, il n’est pas étonnant de voir des policiers ou des gendarmes tolérer des violences sur des mozabites. En fait, l’idéologie du pouvoir central implique ses attitudes. Il faut condamner non seulement la violence, mais aussi les causes idéologiques qui l’ont engendrée.
Par Ali Kaidi
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Re: La violence contre les berbères mozabites: une resultante naturelle de l’arabisme et de l’islamisme
http://www.kabyleuniversel.com/2014/02/11/la-violence-contre-les-berberes-mozabites-juin-resultante-naturelle-de-larabisme-et-de-lislamisme/
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