Voyage à Souk El Tenine et Melbou
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Voyage à Souk El Tenine et Melbou
Sous le ciel azuré de Bougie
La route nationale n°9 s’allonge entre la montagne et la mer, s’enfonce dans un couloir plat dont la largeur varie selon le resserrement des pitons par rapport aux grèves et rochers marins. Une circulation intense caractérise ce dernier week-end d’août.
De Sétif, de Batna, de Jijel, les plaques d’immatriculation signalent des provenances les plus diverses. Cortèges nuptiaux, vacanciers à la recherche d’une plage idéale, transporteurs publics, camions gros tonnage se bousculent sur une chaussée qui se révèle trop étroite pour une telle densité. A cela s’ajoutent évidemment les commerces de tous genres qui envahissent la principale rue de Tichy ; cette dernière est enguirlandée d’étalages les plus hétéroclites : alimentation générale, bataclan de pièces servant à la nage et vêtements féminins du terroir. Ici, en effet, la robe kabyle se taille la part du lion dans les ensembles exhibés à l’intention d’une clientèle qui a du mal à trouver un coin pour stationner. Peu importe la manière de le faire, quitte à s’enfoncer dans les venelles perpendiculaires au boulevard du centre-ville. Le décor s’étend jusqu’à la sortie est de la ville.
A l’ombre d’Ablat Amellal
Nous continuons sur la ville d’Aokas dans une progression au rythme d’escargot. Juste avant d’accéder au tunnel des Grottes féeriques, nous constatons que les séquelles de l’éboulement de terrain qui s’est produit à cet endroit au cours de l’année 2006 ont disparu, hormis un tas de déblais à l’entrée ouest du tunnel qui persiste sur le côté droit et qui rétrécit quelque peu la chaussée. Réellement, c’est une partie de la montagne de Zraoui, culminant à 467 m d’altitude, qui s’était ainsi effondrée sur la RN9 l’obstruant totalement. Pendant plusieurs jours, la route était coupée complètement à la circulation. Après les travaux de déblaiement, la façade de la montagne est confortée avec une très forte armature métallique qui arrive jusqu’à la bouche du tunnel. On ignore les raisons exactes de cet effondrement, mais à la vue des différentes crevasses et grottes dont est truffée toute cette chaîne de montagne, il est fort probable que cela est dû à la nature karstique de l’orogenèse qui, au jurassique et au trias, a modelé toute cette région.
L’entrée dans le tunnel se fait au compte-gouttes d’autant qu’un barrage filtrant de la gendarmerie est implanté juste à la sortie ouest de l’ouvrage. Au beau milieu de ce boyau et dans une atmosphère de clair-obscur, apparaît sur la façade droite un passage étroit protégé par une rambarde et qui donne accès à l’entrée des Grottes féeriques. Une queue humaine occupe la totalité du passage. Les femmes, en file indienne, attendent, d’une manière patiente et disciplinée, chacune son tour pour entrer dans cette mythique grotte à laquelle sont attachées moult croyances et beaucoup de dévotion. Stalactites et stalagmites imposent, par leur architecture et leur curieuse disposition, une ambiance mystique qui nous éloigne de toute préoccupation d’ordre scientifique. Ici, il faut fermer son livre de géologie et laisser ses sensations se fondre dans la nature et sa vue se confondre dans les lumières irisées projetées par les chandeliers et les menues bougies dont le halo se limite au pourtour des éminences rocheuses. En tout cas, l’ambiance extérieure qui se dégage de ces scènes d’attente devant la grotte nous rappelle l’engouement mystique que l’on voit un peu partout autour de certains mausolées ou lieux saints.
C’est après le barrage routier que la circulation commence quelque peu à se fluidifier sur le plateau dont le côté gauche est recouvert par des arbres d’alignement. A ce niveau, nous n’avons droit qu’à de petites brèches qui laissent entrevoir le bleu azur de la mer. Au pied de ces arbres, des foyers d’incendie sont visibles de loin et leur fumée recouvre parfois des portions de la chaussée. Leur origine reste inexplicable ; car, s’il s’agit d’enlever le sous-bois (herbes sèches et broussailles), il faut dire que ce n’est pas la saison la mieux indiquée. Ce sont des opérations qui s’effectuent au début de l’été pour prévenir justement les incendies. En pleine période estivale, non seulement cela crée d’énormes désagréments pour les touristes qui campent à quelques encablures d’ici, mais aussi cela constitue un danger certain vu les possibilités de propagation de feu dans la période la plus aride de l’année. Quant à cette fâcheuse habitude que nos autorités municipales ont intégrée dans leurs mœurs et qui consiste à incinérer les détritus qui s’amoncèlent aux alentours des villes, nous en avons rencontré une sur notre route à la sortie nord-est de Sidi Aïch ; cet immense dépotoir – une véritable écharde dans le cours moyen de la Soummam – a complètement défiguré le paysage local, et les fumées qui s’en dégagent polluent la vie des habitants.
La distance qui nous sépare de la prochaine station, à savoir Souk El Tenine, se réduit à vue d’œil. Ici, les horizons nord et sud sont délimités, le premier par la mer infinie et le second par la façade imposante du mont Ablat Amellal. Oui, Ablat Amellal constitue un véritable joyau de la nature tant par sa forme presque verticale que par son altitude. En matière d’altitude, il n’y a pas de transition. On passe de zéro, qui est le niveau de la mer (la route, elle, se situe à environ 40 m), à 1 364 m au niveau d’Ablat Amellal, sur le piton rocheux qui s’appelle Adrar M’sbah. Mieux encore, sur Adrar n’Fad qui délimite l’ancien aârch des Aït Ouaret Ouali, nous sommes à 1 545 m d’altitude. Tout simplement vertigineux. Une telle dénivelée est, à vrai dire, un phénomène rare dans notre pays. Un spectacle saisissant. Lorsqu’il nous est arrivé de nous percher sur une partie de cette haute crête, pas loin du col de Kefrida, une sensation de bonheur, que disons-nous, d’euphorie enivrante nous envahissait à la vue de ces immensités océanes que nous dominons d’en haut. Une vue d’avion ne susciterait pas de pareilles émotions.
Il est vrai qu’une partie des versants de ces buttes et pitons est dégarnie suite aux multiples incendies ayant affecté le patrimoine forestier. Mais la régénération y est intense si bien qu’une nouvelle nappe de verdure recouvre les clairières. Contrairement à l’ancienne route qui longe l’exact piémont à environ 2 km des rivages, la voie actuelle se colle aux premières grèves, ce qui rend le voyage encore plus agréable à la vue de cet horizon bleu délimitant une surface étale ou légèrement ondoyante.
Il n’est pas rare d’intercepter sur le chemin entre Aokas et Souk El Tenine de jeunes garçons ou filles en tenue légère recouvrant à peine le maillot de bain duquel s’égoutte l’eau saline. C’est le cas de ce couple qui vient de sortir d’une épicerie les mains chargées d’emplettes et les oreilles bouchées par les écouteurs de baladeurs. La musique qu’ils écoutent est certainement assez bruyante puisqu’ils font la «sourde oreille» devant les klaxons assourdissants d’un microbus dont ils gênent la progression. En tout cas, à l’arrivée à Souk El Tenine, les cohues humaines qui occupent rues et trottoirs renseignent amplement sur la fréquentation des plages de la région en cette période de l’année
Zhafit- Admin
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Re: Voyage à Souk El Tenine et Melbou
Souk El Tenine et les merveilles de l’Agrioun
Comme si le képi ne lui suffisait pas à barrer le chemin aux rayons agressifs du soleil de dix heures, le policier du carrefour central de la ville chargé de la circulation automobile met sa main en visière pour créer un peu plus d’ombre et, ainsi, mieux apercevoir les véhicules qui rentrent en ville pour continuer sur Kherrata ou Sétif et ceux qui continuent sur la RN 43 en direction de Melbou, Ziama-Mansouria et Jijel. Ce jeudi matin, la station-service du centre-ville connaît une affluence exceptionnelle. On y rencontre toutes les plaques minéralogiques de l’est et du centre du pays, de Biskra à Tébessa et de Tizi Ouzou à Annaba.
Les piétons circulent dans tous les sens. On comprend que ceux qui ont choisi de camper sur les berges de la rivière veulent faire leurs courses le plus tôt possible pour réserver le reste du temps à la détente sous les dards du soleil et sous les caresses de l’eau. Abdallah nous apprend qu’il est ici depuis une semaine. Il a choisi un coin discret derrière un bosquet de joncs et de canne. «Je suis un agent de sécurité dans une fabrique d’eau minérale et je n’ai pas les moyens de louer un cabanon ni même une masure. J’étais, pendant les premiers jours avec mon petit frangin. Nous avons loué une simple tente pour deux personnes et tout le reste nous l’avons ramené de chez nous : matelas, drap, fourneau, bouteilles de gaz et ustensiles. De toutes les plages que j’ai visitées, celle de Souk El Tenine est, à mon sens, la meilleure. Ce qui gâche quelque peu le décor ici, c’est la pollution de l’oued. Si on était dans un pays européen, le lieu où se rencontre la mer et la rivière serait un petit coin de paradis. A cette misère de saleté, s’ajoute l’incivisme des citoyens qui jettent des boîtes en carton, des boîtes de conserve, des sachets et même du verre sur le sable. Regardez entre ces arbustes. Qu’est-ce que vous voyez ? N’est-ce pas que ce sont des bouteilles de bière réduites en tessons ? Quand est-ce qu’on pourra égaler les autres nations ?». Nous le laissons, avec un hebdomadaire sportif à la main, après qu’il nous eut exprimé sa joie de pouvoir suivre sur son poste radio le match qui allait opposer la JSK au club de Blida. «Sachez que la JSK c’est ma raison d’être !» conclut-il.
Au loin, sur la rive gauche du petit delta que dessine l’Agrioun avant de rejoindre la mer, une mosaïque de carrés et de chapiteaux aux couleurs bariolées s’étale à perte de vue. Ce sont camps de toile dont certains sont implantés pour toute la saison et d’autres «amovibles», ayant une durée de vie d’une journée renouvelable. Entre les travées des tentes, des gosses s’amusent avec un ballon. Un toutou aux poils hirsutes essaie lui aussi de se mettre de la partie. Déjà trempé dans l’eau de mer, le chiot voit le sable fin de la plage lui coller sur les poils. Seule une nouvelle plongée pourra l’en délivrer. Et c’est de son «propre chef» qu’il pique un coup devant deux filles apeurées. Il en sort alourdi par l’eau mais libéré du sable. Des familles venues de Biskra ont choisi comme bivouac un terrain dégagé près de la route goudronnée. Un air proche de Aïssa El Djermouni, en tout cas authentiquement chaoui, s’élève d’un poste-cassette placé au milieu de «l’assemblée». A l’intérieur du fourgon que ces familles ont loué se sont rassemblés les enfants pour prendre leur casse-croûte.
Souk El Tenine est, en même temps, le débouché des eaux provenant des derniers contreforts telliens via le cours de l’Agrioun, et le réceptacle estival des vacanciers des Hauts Plateaux de Sétif, Bordj Bou Arréridj, El Eulma… qui arrivent par la RN9, laquelle suit rigoureusement les sinuosités de l’oued Agrioun. Le barrage hydraulique de Kherrata, appelé Ighil Temda et datant de l’époque coloniale, retient dans sa cuvette une grande quantité d’eau de l’Agrioun ; mais des eaux excédentaires coulent toujours jusqu’à Souk El Tenine en passant par Darguina. C’est cette embouchure qui constitue un spectacle rare, un beau dessein tracé par dame nature. Le flux provenant de la rivière Agrioun est renforcé par les eaux d’Assif Bouzazen issues des versants des aârchs Beni Bouyoucef et Tababort (Aït Moussa, Taskalla, Adarar Achouaou) et de la forêt de Melaha. La rencontre avec l’eau de mer a lieu après le tracé d’un petit delta qui élargit le lit majeur du cours d’eau à environ 300 m. Autour du petit delta, la plage s’étale sur les deux communes de Souk El Tenine et Melbou sur environ 3 km.
La caractéristique de cet espace de repos et de délassement est la composition de son sable. En effet, sur la partie supérieure faisant suite à la route nationale, une nappe de sable fin de couleur ocre prend possession des lieux. Elle s’avance jusqu’à un petit bourrelet qui reçoit les eaux des vagues les plus fortes. Au-delà, c’est un cordon de petits galets, artistiquement polis par le mouvement éternel de l’eau, qui s’allonge de bout en bout de la plage. Ces pierres diaprées et ciselées en forme ovoïde, oblongue ou quadrangulaire, se retrouvent même dans les eaux de baignade à quelques mètres des rivages. Des adolescents n’ont pas hésité à remplir des sachets de ces cailloux sculptés et coloriés par le temps, un temps lointain que les géologues comptent en millions d’années.
De Melbou, la ville de Bgayet apparaît sous son plus beau jour. Le ciel azuré ne compte pas une once de nuage, et le cap Carbon, même vu de loin, exhibe sa fastueuse beauté. C’est un promontoire rocheux qui, vu de l’Est, présente d’abord une de ses parties sous forme de dent qui avance audacieusement dans la mer ; il s’agit de cap Bourak, attenant au port de Bgayet. Le mont Gouraya se dévoile tel un iceberg dominant la ville de point géodésique appelé Pic des Singes (672 m). Au point d’observation où nous sommes postés, une grande partie du golfe de Bgayet nous apparaît comme un croissant ou un sourcil non achevé. La raison est bien simple : nous sommes au creux même de ce demi-cercle qu’est le golfe de Bgayet. Melbou constitue en effet le sommet du rayon de courbure d’un arc qui va de Bougie à Cavallo (actuel El Aouana) dans la wilaya de Jijel.
Sur la façade de la montagne M’Saâda qui surplombe la RN9 et la plage de Melbou, des mains expertes ont tracé un fabuleux dessin dans le maquis en lui donnant la forme de Z en tifinagh. Pour cela, l’auteur (ou les auteurs) d’une telle fresque a travaillé en «bas-relief» en enlevant la végétation sur le tracé du Z et en bêchant la terre de façon à ce que le dessin prenne la couleur ocre de la terre. Le reste de la superficie demeure d’un vert olive saisissant. Cette œuvre artistique, qui reste anonyme, du moins pour les visiteurs de la région qui n’ont pas pu se renseigner sur la personne qui l’a réalisée, frappe la vue et l’esprit à la fois. Les dimensions des fourches du Z sont assez grandes pour pouvoir apercevoir le signe depuis les eaux où vous nagez. Nous sommes à peu près sûrs que, au vu de l’amour et du dévouement qui ont animé les auteurs d’un tel dessin, ils ne laisseront pas la végétation régénérer sur le passage du signe de manière à ce qu’il demeure toujours visible à partir de la route ou de la plage.
La petite ville de Melbou est, en ces journées enfiévrées de la fin août, le lieu de rencontre de centaines de vacanciers. On les voit circuler dans l’artère principale déjà fort encombrée par la circulation automobile. Les cortèges nuptiaux ajoutent un peu de vivacité, mais aussi beaucoup de bruit et de désagréments. La plupart de ceux qui y vont pour passer une journée de plage font leurs emplettes en ville. Il s’agit principalement de repas froids à prendre sur le pouce. Le commun des vacanciers ne peut pas se permettre de lorgner du côté des restaurants avec toute la marmaille. C’est encore un luxe auquel peu de gens peuvent accéder.
L’on ne s’étonnera pas de découvrir par la suite les ordures éparpillées ça et là, à tous les coins de la plage et même sur la route nationale. Des boîtes de thon, des bouteilles d’eau minérale, des sachets de toutes couleurs jonchent le sol, les fossés de la route et les bosquets. Mais ce que n’arrive pas à admettre Mohand, un très jeune garçon venu passer une journée sur les grèves de Melbou, ce sont les tessons de bouteille de bière qui tapissent tous les endroits y compris dans les eaux du rivage. C’est, dit-il, franchement écœurant. Mais, apparemment, personne ne se sent concerné par une telle situation parmi les autorités ou les associations locales.
Tichy, une fourmilière humaine
Le retour à Tichy nous comble indubitablement d’une présence humaine sans pareille. La file de véhicules qui s’allonge jusqu’à la ville de Bgayet fait de Tichy – du moins en saison estivale – une proche banlieue du chef-lieu de wilaya. Sous les versants décharnés de Adrar Hamou (650 m d’altitude), se profile l’agglomération de Tichy qui ne semble exister qu’en longueur. L’artère principale de la ville impose un rythme de vie accordé au flux des touristes et vacanciers. Tahar, un enfant de la région, revient sur la vie à Tichy pendant les autres saisons de l’année : «C’est bien simple : au lieu des voix et clameurs que vous entendez présentement, vous avez droit aux ressacs des vagues. La ville se vide ; il n’en reste que les vrais habitants. La circulation, elle, diminue d’au moins cinq fois. Du même coup, l’air redevient pur. Les commerces que vous voyez ici alignés se redéploient dans d’autres activités. En tout cas, aucune ressemblance avec la fourmilière humaine d’aujourd’hui». On lit sur son visage et dans ses gestes une préférence prononcée pour le silence et la quiétude des autres saisons. «Malgré les infrastructures d’accueil que vous voyez ici (hôtels, bungalows, camps de toile), pour moi l’essentiel n’est pas fait ; regardez les plages sur lesquelles débouchent les cours d’eau de oued Djemaâ et oued Zitoun, sur la route d’Aokas. Elles sont sales. Il fallait penser d’abord à une station de traitement des eaux usées», ajoute-t-il.
Le pays des Babors, qui succède aux cantons de la chaîne des Bibans, est une région à la beauté féerique où se mêlent, dans une rare proximité et une indicible harmonie, la montagne et la mer, le bleu azur et le vert vif ou céladon. Les pieds dans la vastitude océane et la tête altière dressée sur des pitons plantés en colonnes, elle hèle généreusement les visiteurs à se rendre en pèlerinage dans son giron maternel pour admirer ses fastes et ses atours et se ressourcer dans ses sites, ses panoramas et son air.
Malgré quelques points noirs communs à tous les lieux supposés touristiques en Algérie, la côte Est qui cerne le golfe de Bougie demeure une belle merveille de la nature qui a besoin d’un peu plus d’effort en matière d’aménagement pour consacrer définitivement sa vocation touristique.
Par Saâd Taferka
Zhafit- Admin
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