L’AUTEUR DE LA VERSION KABYLE «LE VIEIL HOMME ET LA MER» D’HEMINGWAY A AE : « le lectorat c’est à nous à le bâtir et le former »
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L’AUTEUR DE LA VERSION KABYLE «LE VIEIL HOMME ET LA MER» D’HEMINGWAY A AE : « le lectorat c’est à nous à le bâtir et le former »
L’édition en général et amazigh en particulier est livrée à elle-même. Le budget alloué à la subvention est dérisoire, la distribution est aléatoire et les librairies ferment les unes après les autres.
Dans cette déshérence culturelle des auteurs se battent et publient à compte d’auteur ou par l’intermédiaire de réseaux associatifs. AE a rencontré Mohamed arab Ait Kaci qui vient de traduire en kabyle « le vieil homme et la mer » d’Ernest Hemingway. Entretien.
Algérie Express : Vous venez d'éditer une adaptation de Le vieil homme et la mer d'Hemingway: pourquoi d'abord l'adaptation et puis pourquoi cet auteur?
Mohamed Arab Ait-Kaci : cette édition est une conjugaison d’efforts de plusieurs personnes qui ont permis sa concrétisation parmi lesquelles se trouvent mon ami Abdennour Hadj-Said, Brahim Tazaghart l’écrivain-éditeur et celle qui a pris la peine de le mettre sur ordinateur et le corriger : l’infatigable Baya Ait-Kaci.
On ne peut pas vraiment l’appeler une adaptation. J’ai essayé plutôt de garder au maximum l’âme et les mots de la langue anglaise en les transposant presque dans le Tamazight avec des mots très simples pour rendre au roman sa beauté originale.
Et Hemingway qui, je pense, est l’un des grands écrivains du siècle dernier, est un être d’aventures et de courage, qui a toujours aimé écrire avec son propre sang. Ses écrits sont des chef-d ’œuvres d’éloquence et de netteté qui pourront, en les traduisant, être l’une des portes pour tamazight sur la modernité si on veut qu’elle s’ouvre sur l’universalité.
Il y a plus qu’un débat : une polémique. Certains avancent que le recours à la traduction d'œuvres universelles est salutaire pour tamazight et d'autres voix pensent tout le contraire...
La langue Tamazight, sans vouloir être chauvin, est l’une des plus belles langues de la Méditerranée .Malheureusement, pour des raisons historiques, elle n’a pas pu ou n’a pas su s’adapter à la concurrence des autres langues qu’elle a eu à côtoyer et à subir. Pour des raisons historiques et politiques, ses divers locuteurs ne sont pas parvenus à établir un alphabet et une grammaire définitifs et uniques qui leur permettraient de communiquer dans cette langue entre eux et aussi entre les différentes générations et différents siècles. Ceci est toujours le cas malheureusement. L’oralité, si elle a permis de sauvegarder une langue ignorée par les occupants de notre pays a été un frein à son développement.
Pour revenir à votre question, il est indéniable qu’il y a urgence pour sauver par l’écrit cette langue. Sa plus grande richesse sont ses locuteurs, et ceux-là, ont besoin, face à la concurrence des autres langues, de consommer en Tamazight dans tous les domaines, que ce soit le cinéma, le théâtre, la littérature, la religion et surtout les différentes sciences… Et pour arriver à produire des œuvres de grande qualité comme celle d’Hemingway et autres, il nous faut plusieurs dizaines d’années. Mais nous, nous n’avons pas plus le temps. La concurrence est rude. C’est pour cela et pour d’autres raisons qu’il faut tout traduire, de Nietzche à Kierkegaard, de Abou al alla el Maari à Shakespeare et de la vie du prophète à celle de Marx ou de Gandhi. Je pense, pour ma part, que la traduction, et non pas l’adaptation, est le grand pont qui ramènerait notre langue de son agonie où elle se trouve actuellement à la survie puis à la vie. Et puis la traduction est aujourd’hui un phénomène culturel planétaire même les langues les plus avancées traduisent.
Bien sûr qu’il nous faut notre propre production littéraire mais une bonne et foisonnante traduction serait un surplus pour galvaniser notre propre littérature.
Avant cette adaptation, vous avez édité un premier livre...
Oui, il y a eu Tatabatata, un recueil de nouvelles que les éditions Mehdi ont édité et aussi d’autres œuvres mises gratuitement sur internet.
Quel regard portez-vous sur la littérature amazighe, le lectorat, le monde de l'édition, etc,...
Des espoirs et des appréhensions. Il y a des gens vraiment doués qui essayent d’écrire et de produire en tamazight malgré toutes les difficultés liées à la condition nationale et la mondialisation avec son terrible corollaire, la disparition latente des cultures spécifiques. Je peux vous citer des dizaines de romanciers, de poètes et de traducteurs. Ils sont tous un exemple de ténacité et de courage. Ils savent tous qu’ils sont le dernier rempart contre l’adversité. Le grand Zimu, Rachid Tighilt, O. Kerdja, Z. Ben Remdane, O. Mouffok, S. At Mɛemmer, N. Bouzeboudja, B. Tazaghart, Kiki, B. Messouci, N. Abrous, H.A. Mansouri, L. Koudache, K. Bouamara, A Lounes, A. Nouh, Y. Yanes, A. Ulamara, B. Rabia et des dizaines d’autres travaillent dans un anonymat qui force l’admiration. Et en ce qui concerne le lectorat, c’est à nous de le bâtir et de le former en mettant à sa portée des œuvres originales et des productions variées dans tous les domaines. Il nous faut tout écrire en tamazight : les livres de cuisine, le code de la route, les mathématiques, la publicité sur les emballages et aussi inonder autant que faire se peut tous les champs culturels par une multitude de créations : (BD, films, doublage, conférences religieuses et scientifiques, photos avec écritures, frontons de tous les magasins…) tout en faisant attention à la qualité.
D'autres projets d'écriture?
Oui. Un autre recueil de nouvelles, deux romans en voie de finalisation et deux autres traductions d’écrivains universels qui seront, inchallah, bientôt édités.
Silya Manseri
Dans cette déshérence culturelle des auteurs se battent et publient à compte d’auteur ou par l’intermédiaire de réseaux associatifs. AE a rencontré Mohamed arab Ait Kaci qui vient de traduire en kabyle « le vieil homme et la mer » d’Ernest Hemingway. Entretien.
Algérie Express : Vous venez d'éditer une adaptation de Le vieil homme et la mer d'Hemingway: pourquoi d'abord l'adaptation et puis pourquoi cet auteur?
Mohamed Arab Ait-Kaci : cette édition est une conjugaison d’efforts de plusieurs personnes qui ont permis sa concrétisation parmi lesquelles se trouvent mon ami Abdennour Hadj-Said, Brahim Tazaghart l’écrivain-éditeur et celle qui a pris la peine de le mettre sur ordinateur et le corriger : l’infatigable Baya Ait-Kaci.
On ne peut pas vraiment l’appeler une adaptation. J’ai essayé plutôt de garder au maximum l’âme et les mots de la langue anglaise en les transposant presque dans le Tamazight avec des mots très simples pour rendre au roman sa beauté originale.
Et Hemingway qui, je pense, est l’un des grands écrivains du siècle dernier, est un être d’aventures et de courage, qui a toujours aimé écrire avec son propre sang. Ses écrits sont des chef-d ’œuvres d’éloquence et de netteté qui pourront, en les traduisant, être l’une des portes pour tamazight sur la modernité si on veut qu’elle s’ouvre sur l’universalité.
Il y a plus qu’un débat : une polémique. Certains avancent que le recours à la traduction d'œuvres universelles est salutaire pour tamazight et d'autres voix pensent tout le contraire...
La langue Tamazight, sans vouloir être chauvin, est l’une des plus belles langues de la Méditerranée .Malheureusement, pour des raisons historiques, elle n’a pas pu ou n’a pas su s’adapter à la concurrence des autres langues qu’elle a eu à côtoyer et à subir. Pour des raisons historiques et politiques, ses divers locuteurs ne sont pas parvenus à établir un alphabet et une grammaire définitifs et uniques qui leur permettraient de communiquer dans cette langue entre eux et aussi entre les différentes générations et différents siècles. Ceci est toujours le cas malheureusement. L’oralité, si elle a permis de sauvegarder une langue ignorée par les occupants de notre pays a été un frein à son développement.
Pour revenir à votre question, il est indéniable qu’il y a urgence pour sauver par l’écrit cette langue. Sa plus grande richesse sont ses locuteurs, et ceux-là, ont besoin, face à la concurrence des autres langues, de consommer en Tamazight dans tous les domaines, que ce soit le cinéma, le théâtre, la littérature, la religion et surtout les différentes sciences… Et pour arriver à produire des œuvres de grande qualité comme celle d’Hemingway et autres, il nous faut plusieurs dizaines d’années. Mais nous, nous n’avons pas plus le temps. La concurrence est rude. C’est pour cela et pour d’autres raisons qu’il faut tout traduire, de Nietzche à Kierkegaard, de Abou al alla el Maari à Shakespeare et de la vie du prophète à celle de Marx ou de Gandhi. Je pense, pour ma part, que la traduction, et non pas l’adaptation, est le grand pont qui ramènerait notre langue de son agonie où elle se trouve actuellement à la survie puis à la vie. Et puis la traduction est aujourd’hui un phénomène culturel planétaire même les langues les plus avancées traduisent.
Bien sûr qu’il nous faut notre propre production littéraire mais une bonne et foisonnante traduction serait un surplus pour galvaniser notre propre littérature.
Avant cette adaptation, vous avez édité un premier livre...
Oui, il y a eu Tatabatata, un recueil de nouvelles que les éditions Mehdi ont édité et aussi d’autres œuvres mises gratuitement sur internet.
Quel regard portez-vous sur la littérature amazighe, le lectorat, le monde de l'édition, etc,...
Des espoirs et des appréhensions. Il y a des gens vraiment doués qui essayent d’écrire et de produire en tamazight malgré toutes les difficultés liées à la condition nationale et la mondialisation avec son terrible corollaire, la disparition latente des cultures spécifiques. Je peux vous citer des dizaines de romanciers, de poètes et de traducteurs. Ils sont tous un exemple de ténacité et de courage. Ils savent tous qu’ils sont le dernier rempart contre l’adversité. Le grand Zimu, Rachid Tighilt, O. Kerdja, Z. Ben Remdane, O. Mouffok, S. At Mɛemmer, N. Bouzeboudja, B. Tazaghart, Kiki, B. Messouci, N. Abrous, H.A. Mansouri, L. Koudache, K. Bouamara, A Lounes, A. Nouh, Y. Yanes, A. Ulamara, B. Rabia et des dizaines d’autres travaillent dans un anonymat qui force l’admiration. Et en ce qui concerne le lectorat, c’est à nous de le bâtir et de le former en mettant à sa portée des œuvres originales et des productions variées dans tous les domaines. Il nous faut tout écrire en tamazight : les livres de cuisine, le code de la route, les mathématiques, la publicité sur les emballages et aussi inonder autant que faire se peut tous les champs culturels par une multitude de créations : (BD, films, doublage, conférences religieuses et scientifiques, photos avec écritures, frontons de tous les magasins…) tout en faisant attention à la qualité.
D'autres projets d'écriture?
Oui. Un autre recueil de nouvelles, deux romans en voie de finalisation et deux autres traductions d’écrivains universels qui seront, inchallah, bientôt édités.
Silya Manseri
Azul- Nombre de messages : 29959
Date d'inscription : 09/07/2008
Re: L’AUTEUR DE LA VERSION KABYLE «LE VIEIL HOMME ET LA MER» D’HEMINGWAY A AE : « le lectorat c’est à nous à le bâtir et le former »
http://www.algerie-express.com/culture/151-culture-culture/2295-lauteur-de-la-version-kabyle-le-vieil-homme-et-la-mer-dhemingway-a-ae-le-lectorat-cest-a-nous-a-le-batir-et-le-former.html
Azul- Nombre de messages : 29959
Date d'inscription : 09/07/2008
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