Tagouba :Les excès de l’imam…
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Tagouba :Les excès de l’imam…
Tagouba :Les excès de l’imam…
Par Samir Tighzert
Voilà des années que les habitants de Tagouba attendaient la nomination dans le village d’un imam digne de ce nom ; c'est-à-dire à la fois compétent et apportant une certaine régularité à l’accomplissement des nécessités religieuses, allant de la prière de ceux qui en sont concernés au devoir des funérailles. Car depuis le départ à la retraite dans les années 2000 de l’ancien Si Aïssa que tous les villageois connaissent, il n’y a eu que des installations éphémères de cheikhs venus soit en tant que volontaires, ou officiellement nommé ( le cas de l’avant dernier Cheikh Amer) et ayant plus ou moins duré dans l’exercice de sa fonction mais pour une raison ou une autre, notamment l’irresponsabilité, la négligence, l’abandon de poste et les malentendus répétés avec les habitants, il s’est vu remercier.
On commençait à y croire pourtant, avec l’arrivée du nouvel imam il y a quelques mois, dont le semblant d’ « érudition » en matière de connaissances islamiques, a laissé s’enthousiasmer les villageois et surtout les pratiquants d’entre eux, qui aspiraient à un savoir un tant soit peu approfondi dans les questions relevant de l’application correcte des devoirs religieux. Certes, de l’avis de tout le monde, on n’avait rien à reprocher au nouvel arrivant qui était assidu à son travail et entretenait de bonnes relations avec ses ouailles si ce n’est avec tous ceux qui le croisaient. Le problème est ailleurs. Et ne s’applique pas nécessairement à lui seul. Il s’agit d’un phénomène nouveau, peut-être connu un peu partout en Algérie où la société est anormalement islamisée, mais étranger à la Kabylie dont fait partie notre village. De tous temps, notre région a connu une pratique de l’islam modérée, se réduisant à servir les besoins spirituels individuels, à célébrer les fêtes religieuses, et à s’acquitter des devoirs primordiaux en tant que collectivité. Tout le reste incombe à la solidarité familière, aux traditions séculaires qui ont toujours été basées sur des valeurs démocratiques et laïques : l’entente, le débat et la sollicitation des sages lors des différends inévitables sans avoir à imposer une volonté à une personne isolée ; quoiqu’en ayant accepté le côté religieux come un ancrage qui s’ajoute à nos coutumes globales.
Quant au phénomène dont il est question, il s’agit de l’apparition d’une nouvelle catégorie de jeunes musulmans plutôt « vrais musulmans » se disent-ils, pour la plupart universitaires ou du moins instruits ; fruit de la longue œuvre entreprise il y a longtemps par les frères musulmans aidées par les échange permis par la disponibilité du net et des chaînes satellitaires ; ces gens-là puisent leurs connaissances d’un islam de plus en plus rigoureux, voire salafiste dans certains cas ; doués de leur soi-disant savoir, ils se croient au dessus de toute critique et de toute mise en cause, et leur emprise sur les mentalités légères ne cesse de s’étendre. Notre imam malheureusement fait partie de cette catégorie. Ne l’a-t-on pas entendu à l’approche du réveillon dernier (via le haut parleur) mettre en garde les hommes venus pour la prière du vendredi, contre la tentation de fêter cette occasion, qui n’était autre pour lui qu’une hérésie? Ce message est beaucoup relayé ces derniers temps par différents cheikhs cultivant l’extrémisme, qui oublient bizarrement qu’ils ne refusent pas quand même de profiter comme tout le monde de ce jour férié payé ; et qui, pire, ne se rappellent peut-être pas que leur date de naissance est inscrite selon calendrier grégorien et non hégirien ; le message arrive donc jusqu’à nous. Toujours obéissant à l’idéologie d’une solidarité arabo-musulmane qu’il a attrapée quelque part, le fameux cheikh se prend parfois à évoquer les conflits internationaux où les Arabes sont vus comme victimes et termine ses prêches par des prières pour la Palestine, l’Irak…questions identitaires et politiques avec lesquels nous autres Kabyles nous n’avons aucun rapport.
Nous l’avons vu lors de certains enterrements, profitant l’occasion de la présence des foules venues rendre un dernier hommage au défunt, s’adonner à des discours de propagande. S’éloignant du seul rôle pour lequel il y est présent, à savoir celui de diriger la prière funéraire selon les règles connues qui consistent en la prononciation par trois fois du takbir et de la Fatiha puis de clore par l’invocation de Dieu pour l’absolution du défunt etc. Lui, il ne ne s’arrête pas là, mais il assaille l’assistance d’un tas de formules, en improvisant un terrifiant prêche valable pour tous, pratiquant ou pas ; où le fameux, disons plutôt le légendaire supplice de la tombe est cité avec tous les détails qu’il comporte s’agissant du châtiment réservé aux mécréants et même aux non-prieurs qui sont alors réprimandés par lui d’une façon pitoyable ; comme si l’orateur était sûr de tout ce qu’il avance, et qu’il avait le droit de décider de la conscience et du degré de croyance de ceux auxquels il s’adresse ! Outre le fait que ni l’occasion ni le lieu ne sont convenables à tels propos, il est à déplorer l’effet que ses paroles laissent dans l’âme de simple villageois pourtant croyants comme lui mais habitués à leur vision, leur manière de faire le culte et la pensée qu’ils ont de la vie et de l’Au-delà. Une peur bleu les traverse pour un moment, au cas où ils prêtent vraiment foi à toutes ces élucubrations. Tout à l’aise qu’il est dans la stabilité et la facilité que lui confèrent sa fonction lui assurant salaire et logement, et encore limité comme tous ses semblables à ce que contiennent ses livres et inconscient de l’illusion de la perfection de ces idées, évidemment il ne se rend pas compte des conséquences néfastes de son comportement.
Enfin, comme s’il ne manquait plus que ça, et non content de harceler les adultes par un discours pour le moins fanatique, l’apôtre des temps moderne a eu l’idée ingénieuse de s’occuper des enfants. Au moment où les communautés civilisées veillent à la libre pensée des mineurs et font tout pour les préserver de toute influence pouvant altérer le choix de leur propre avenir en les élevant dans les valeurs sereines de la laïcité ; l’imam quant à lui s’est mis à réunir des groupes d’enfants âgés de 8 à 10 ans, sans même demander l’avis de leurs parents, pour en faire à temps de « bons musulmans ». Il fait voiler donc les fillettes, ordonne aux gamins de porter la bonne vieille djellaba venant des fins fonds de l’Orient, et chose encore plus grotesque, il conseille les petits de toujours se munir d’un bâton au cours de leurs sorties pour imiter leur Prophète qui aurait fait de même au VII e siècle. Plus salafiste que ça, il n’y en a pas ! La marmaille est après conviée à la mosquée, transformée en zaouïa pour l’occasion, où l’on peut les entendre de l’extérieur réciter des versets coraniques, comme si le programme de l’école publique en manquait. Leurs parents sont-ils au courant ? Peut-être pour certains, mais dans leur naïveté, ils prennent la chose plutôt du côté positif, croyant que c’est là un moyen pour assurer plus d’éducation à leurs enfants. Ils ne savent pas que ce que ces derniers apprennent à l’école suffit concernant la religion, s’il n’est pas de trop, car tous petits qu’ils sont - et nous sommes tous passés par là- ils ne comprennent que guère de ces textes. Imaginez donc ce surplus d’apprentissage handicapant. Non seulement c’est ridicule, mais c’est même consternant de voir ce véritable endoctrinement de mineurs arriver en douce jusqu’à nos portes. C’est la première cause de l’abêtissement de nombre d’élèves qui en subissent les conséquences dans leur manière de réfléchir et leur application dans les autres matières, sans parler de la mascarade que cela représente pour nous de rester de simples spectateurs face à l’installation d’une culture archaïque qui nous est complètement étrangère. Que reste-t-il d’ailleurs si ce sont les futures générations qui sont visées ?
Il est temps de tirer la sonnette d’alarme contre les excès de ce genre d’imams qui commencent à dévier du rôle premier qui leur est attribué pour s’adonner à des manipulations louches. De nos jours ils existent un peu partout dans différents villages. Cela paraît banal à première vue, mais c’est le futur de notre culture, notre identité et de toutes nos valeurs qui est en jeu.
21/janvier/2013
Par Samir Tighzert
Voilà des années que les habitants de Tagouba attendaient la nomination dans le village d’un imam digne de ce nom ; c'est-à-dire à la fois compétent et apportant une certaine régularité à l’accomplissement des nécessités religieuses, allant de la prière de ceux qui en sont concernés au devoir des funérailles. Car depuis le départ à la retraite dans les années 2000 de l’ancien Si Aïssa que tous les villageois connaissent, il n’y a eu que des installations éphémères de cheikhs venus soit en tant que volontaires, ou officiellement nommé ( le cas de l’avant dernier Cheikh Amer) et ayant plus ou moins duré dans l’exercice de sa fonction mais pour une raison ou une autre, notamment l’irresponsabilité, la négligence, l’abandon de poste et les malentendus répétés avec les habitants, il s’est vu remercier.
On commençait à y croire pourtant, avec l’arrivée du nouvel imam il y a quelques mois, dont le semblant d’ « érudition » en matière de connaissances islamiques, a laissé s’enthousiasmer les villageois et surtout les pratiquants d’entre eux, qui aspiraient à un savoir un tant soit peu approfondi dans les questions relevant de l’application correcte des devoirs religieux. Certes, de l’avis de tout le monde, on n’avait rien à reprocher au nouvel arrivant qui était assidu à son travail et entretenait de bonnes relations avec ses ouailles si ce n’est avec tous ceux qui le croisaient. Le problème est ailleurs. Et ne s’applique pas nécessairement à lui seul. Il s’agit d’un phénomène nouveau, peut-être connu un peu partout en Algérie où la société est anormalement islamisée, mais étranger à la Kabylie dont fait partie notre village. De tous temps, notre région a connu une pratique de l’islam modérée, se réduisant à servir les besoins spirituels individuels, à célébrer les fêtes religieuses, et à s’acquitter des devoirs primordiaux en tant que collectivité. Tout le reste incombe à la solidarité familière, aux traditions séculaires qui ont toujours été basées sur des valeurs démocratiques et laïques : l’entente, le débat et la sollicitation des sages lors des différends inévitables sans avoir à imposer une volonté à une personne isolée ; quoiqu’en ayant accepté le côté religieux come un ancrage qui s’ajoute à nos coutumes globales.
Quant au phénomène dont il est question, il s’agit de l’apparition d’une nouvelle catégorie de jeunes musulmans plutôt « vrais musulmans » se disent-ils, pour la plupart universitaires ou du moins instruits ; fruit de la longue œuvre entreprise il y a longtemps par les frères musulmans aidées par les échange permis par la disponibilité du net et des chaînes satellitaires ; ces gens-là puisent leurs connaissances d’un islam de plus en plus rigoureux, voire salafiste dans certains cas ; doués de leur soi-disant savoir, ils se croient au dessus de toute critique et de toute mise en cause, et leur emprise sur les mentalités légères ne cesse de s’étendre. Notre imam malheureusement fait partie de cette catégorie. Ne l’a-t-on pas entendu à l’approche du réveillon dernier (via le haut parleur) mettre en garde les hommes venus pour la prière du vendredi, contre la tentation de fêter cette occasion, qui n’était autre pour lui qu’une hérésie? Ce message est beaucoup relayé ces derniers temps par différents cheikhs cultivant l’extrémisme, qui oublient bizarrement qu’ils ne refusent pas quand même de profiter comme tout le monde de ce jour férié payé ; et qui, pire, ne se rappellent peut-être pas que leur date de naissance est inscrite selon calendrier grégorien et non hégirien ; le message arrive donc jusqu’à nous. Toujours obéissant à l’idéologie d’une solidarité arabo-musulmane qu’il a attrapée quelque part, le fameux cheikh se prend parfois à évoquer les conflits internationaux où les Arabes sont vus comme victimes et termine ses prêches par des prières pour la Palestine, l’Irak…questions identitaires et politiques avec lesquels nous autres Kabyles nous n’avons aucun rapport.
Nous l’avons vu lors de certains enterrements, profitant l’occasion de la présence des foules venues rendre un dernier hommage au défunt, s’adonner à des discours de propagande. S’éloignant du seul rôle pour lequel il y est présent, à savoir celui de diriger la prière funéraire selon les règles connues qui consistent en la prononciation par trois fois du takbir et de la Fatiha puis de clore par l’invocation de Dieu pour l’absolution du défunt etc. Lui, il ne ne s’arrête pas là, mais il assaille l’assistance d’un tas de formules, en improvisant un terrifiant prêche valable pour tous, pratiquant ou pas ; où le fameux, disons plutôt le légendaire supplice de la tombe est cité avec tous les détails qu’il comporte s’agissant du châtiment réservé aux mécréants et même aux non-prieurs qui sont alors réprimandés par lui d’une façon pitoyable ; comme si l’orateur était sûr de tout ce qu’il avance, et qu’il avait le droit de décider de la conscience et du degré de croyance de ceux auxquels il s’adresse ! Outre le fait que ni l’occasion ni le lieu ne sont convenables à tels propos, il est à déplorer l’effet que ses paroles laissent dans l’âme de simple villageois pourtant croyants comme lui mais habitués à leur vision, leur manière de faire le culte et la pensée qu’ils ont de la vie et de l’Au-delà. Une peur bleu les traverse pour un moment, au cas où ils prêtent vraiment foi à toutes ces élucubrations. Tout à l’aise qu’il est dans la stabilité et la facilité que lui confèrent sa fonction lui assurant salaire et logement, et encore limité comme tous ses semblables à ce que contiennent ses livres et inconscient de l’illusion de la perfection de ces idées, évidemment il ne se rend pas compte des conséquences néfastes de son comportement.
Enfin, comme s’il ne manquait plus que ça, et non content de harceler les adultes par un discours pour le moins fanatique, l’apôtre des temps moderne a eu l’idée ingénieuse de s’occuper des enfants. Au moment où les communautés civilisées veillent à la libre pensée des mineurs et font tout pour les préserver de toute influence pouvant altérer le choix de leur propre avenir en les élevant dans les valeurs sereines de la laïcité ; l’imam quant à lui s’est mis à réunir des groupes d’enfants âgés de 8 à 10 ans, sans même demander l’avis de leurs parents, pour en faire à temps de « bons musulmans ». Il fait voiler donc les fillettes, ordonne aux gamins de porter la bonne vieille djellaba venant des fins fonds de l’Orient, et chose encore plus grotesque, il conseille les petits de toujours se munir d’un bâton au cours de leurs sorties pour imiter leur Prophète qui aurait fait de même au VII e siècle. Plus salafiste que ça, il n’y en a pas ! La marmaille est après conviée à la mosquée, transformée en zaouïa pour l’occasion, où l’on peut les entendre de l’extérieur réciter des versets coraniques, comme si le programme de l’école publique en manquait. Leurs parents sont-ils au courant ? Peut-être pour certains, mais dans leur naïveté, ils prennent la chose plutôt du côté positif, croyant que c’est là un moyen pour assurer plus d’éducation à leurs enfants. Ils ne savent pas que ce que ces derniers apprennent à l’école suffit concernant la religion, s’il n’est pas de trop, car tous petits qu’ils sont - et nous sommes tous passés par là- ils ne comprennent que guère de ces textes. Imaginez donc ce surplus d’apprentissage handicapant. Non seulement c’est ridicule, mais c’est même consternant de voir ce véritable endoctrinement de mineurs arriver en douce jusqu’à nos portes. C’est la première cause de l’abêtissement de nombre d’élèves qui en subissent les conséquences dans leur manière de réfléchir et leur application dans les autres matières, sans parler de la mascarade que cela représente pour nous de rester de simples spectateurs face à l’installation d’une culture archaïque qui nous est complètement étrangère. Que reste-t-il d’ailleurs si ce sont les futures générations qui sont visées ?
Il est temps de tirer la sonnette d’alarme contre les excès de ce genre d’imams qui commencent à dévier du rôle premier qui leur est attribué pour s’adonner à des manipulations louches. De nos jours ils existent un peu partout dans différents villages. Cela paraît banal à première vue, mais c’est le futur de notre culture, notre identité et de toutes nos valeurs qui est en jeu.
21/janvier/2013
Aokas Revolution- Nombre de messages : 3967
Date d'inscription : 30/06/2009
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