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Révolution arabe – Qui a peur de la Charia ?

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Révolution arabe – Qui a peur de la Charia ? Empty Révolution arabe – Qui a peur de la Charia ?

Message  Aokas Revolution Dim 10 Fév - 23:29

De la révolution à la démocratie et pourquoi pas, aux valeurs républicaines, il n’y a qu’un pas. Du moins la France en était-elle sans doute convaincue lorsqu’elle a décidé de consacrer quelques 350 millions d’euros au soutien de la révolution libyenne. D’où sa surprise lorsque le chef du Conseil national de transition, Mustapha Abdeljalil, a récemment annoncé que, dorénavant, la charia serait la base de la Constitution nationale.

Officiellement traduit par loi islamique, le terme fait peur. Et comment pourrait-il en être autrement lorsque l’on sait que ses aspects les plus connus sont le droit à la polygamie dans le domaine des affaires familiales et, dans celui des affaires pénales, la lapidation pour la femme adultère, les coups de fouet pour tout rapport sexuel consenti hors mariage et la mutilation pour les voleurs.

Des préceptes qui ont fait de la charia un véritable épouvantail pour Occidentaux. Au point que certains en sont d’ores et déjà convaincus : les talibans sont à nos portes. Et le fait que la Tunisie ait, elle aussi, ait opté pour l’islamisme en permettant au parti Ennahda de remporter les premières élections depuis la chute de Ben Ali n’est pas fait pour rassurer.

Autant le reconnaître, ce n’est pas ainsi que la France avait rêvé l’issue du Printemps arabe ; ni le projet de société qui, selon elle, devait tout naturellement en découler. Et c’est bien là son erreur.

Car même si Odon Vallet, professeur et spécialiste des religions, le reconnaît : être passé du petit livre vert de Kadhafi à la charia “n’est pas une bonne nouvelle” – pas plus pour l’Islam de France – en grande majorité modéré mais qui pourrait rapidement souffrir d’amalgames liés à la montée d’un islamisme plus radical de l’autre côté de la Méditerranée – que pour les femmes, l’économie ou encore les relations internationales –, cette issue était, plus que prévisible, inévitable.

Péché de naïveté
“Les minorités religieuses sont toujours mieux organisées que les minorités civiles, rappelle ainsi l’auteur du Petit lexique sur les idées fausses sur les religions. Il est donc normal que ce soit elles qui, lorsqu’une révolution survient, en tirent profit. Parce que ce sont elles les plus organisées.”


Surtout dans une société comme la Libye où quarante années d’un régime autoritaire auront eu raison de toute forme de contre-pouvoir au sein de la société civile.

Auteur de la Géopolitique des émotions et conseiller à l’IFRI (Institut français des relations internationales), Dominique Moïsi explique : “Le fait que le printemps arabe soit islamique n’a rien de surprenant. Dans ces pays despotiques, ce sont les religieux qui incarnaient la résistance du peuple à l’Etat.” Il était donc logique que le renversement de ces Etats leur profite. Sans compter, poursuit-il, que“ce ne sont pas nos valeurs qui étaient défendues dans ces révolutions mais la liberté pour ces peuples de choisir”.

Ce qu’ils ont fait. Du moins en Tunisie où, quoi qu’on en pense, les élections récentes – dans leur déroulé démocratique, leur taux de participation exemplaire et leur débouché sur un islamisme modéré – relèvent de ce qu’il considère être “le meilleur des scénarios”. Un scénario que l’on n’aurait pu attendre de la société libyenne que “des décennies d’un régime sanguinaire ont laissée totalement démunie”.

Pourquoi alors un tel effet de surprise dans les consciences occidentales et, avouons-le, une telle déception ? Réponse de l’historien et directeur de Hérodote.net, André Larané : “Parce que nous avons péché par naïveté en n’imaginant pas d’autres issues aux révolutions arabes que notre propre modèle.” “On ne s’est pas dit un seul instant que, dès lors que les Tunisiens faisaient le choix de la démocratie, nous devions leur envoyer des conseillers en affaires politiques afin que d’autres partis puissants puissent émerger avant les élections, explique-t-il. Car si le parti islamiste l’a emporté, c’est aussi parce qu’il était le seul constitué. Preuve que la démocratie ne s’improvise pas. Même chose en Lybie où il fallait être naïf pour imaginer que la chute de Kadhafi déboucherait sur une démocratie laïque.” Reste cette inquiétude diffuse face à un régime aux antipodes de nos représentations d’une démocratie moderne.

Interprétations libres
Quant à savoir si cette inquiétude est justifiée, difficile, pour l’heure, de le dire. Car si une vingtaine de pays du monde appliquent aujourd’hui la charia (parmi lesquels l’Egypte, le Soudan, l’Afghanistan, l’Iran et la quasi-totalité des pays musulmans), tous en ont une interprétation différente et l’appliquent à des niveaux divers. Des disparités qui poussent Dominique Moïsi à mettre en garde contre le risque, omniprésent, d’amalgame.


“La charia fait office de loi officielle dans une très grande partie du monde islamique et chaque pays en faisant une application différente, il est essentiel de s’interdire toute approche globale.” Résultat, tant que l’on ignore encore quelle application – rigoureuse ou assouplie – compte en faire la Libye, deux écueils sont à éviter.

Le premier consistant à céder à la panique pour se dire qu’on a “remplacé de bons despotes avec qui il était possible de parler transactions économiques par des fous barbus avec qui cela ne l’est plus” ; le second consistant à tout accepter au nom d’un relativisme culturel absolu. “La réalité est beaucoup plus complexe et requiert beaucoup de prudence dans l’analyse et le jugement car il n’existe pas un islamisme mais une multitude d’islamismes”, conclut-il tout en le reconnaissant néanmoins : “appliquée rigoureusement, la charia est incompatible avec la démocratie.”

Ne serait-ce qu’en raison des statuts fondamentalement différents qu’elle accorde à l’homme et à la femme. “Cela se voit notamment de façon flagrante dans les notions d’héritage – la part accordée aux filles étant toujours inférieure à celle des garçons – et dans les affaires de divorce”, note Odon Vallet qui rappelle que la procédure est beaucoup plus simple pour un homme que pour une femme. Sans parler de la polygamie, de l’adultère, du voile, etc. Autant de manifestations officielles des inégalités homme-femme qui rendent la charia incompatible avec le principe même d’une démocratie.

Outil de pouvoir et facteur d’isolement
Dommage, par conséquent, que la disparition du colonel Kadhafi et de son régime totalitaire lui laisse, au final, un terrain d’expression potentiellement accru. “En matière de vie de l’Etat, Mouammar Kadhafi maîtrisait tout et occupait toute la place, rappelle Odon Vallet. Maintenant qu’il n’est plus là, il est possible que l’espace laissé vacant soit investi par l’Islam, ce qui reviendrait à accorder une place plus grande à la religion dans la société civile et privée.”


A cela s’ajoute l’impact économique – encore impossible à mesurer mais bien réel selon Dominique Moïsi pour qui l’un des intérêts de la charia consiste à bâtir “des réseaux à base confessionnelle afin de concentrer les relations économiques sur des pays musulmans” – et surtout, sur les relations avec l’Occident. Impact forcément négatif – ne serait-ce, encore une fois, qu’en raison de la peur que nous inspire la charia.

“Bien sûr, la charia peut s’avérer un outil de pouvoir absolu très efficace – en ce sens qu’elle a la capacité de maintenir une société dans des mœurs moyenâgeuses, poursuit-il. Mais le mot fait tellement peur qu’il peut aussi fonctionner comme un facteur d’isolement du pays concerné sur la scène internationale.” De quoi se montrer vigilants, indéniablement, mais pas encore paranos, historiens et spécialistes de l’islam s’accordant à le dire : chaque pays reste, en matière d’application de la loi islamique, “un cas à part”.

A la Libye de décider de l’application qu’elle en fera. Tout l’enjeu consistant désormais, pour elle comme pour tous les acteurs du Printemps arabe, à réconcilier expression démocratique et société théocratique. C’est possible ; la Turquie l’a fait.

Par Caroline Castets

http://www.lenouveleconomiste.fr/revolution-arabe-qui-a-peur-de-la-charia-12619/

Aokas Revolution

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