Rencontre avec le chanteur Idir : « Ma montagne de Kabylie, je l’ai dans le cœur et la tête »
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Rencontre avec le chanteur Idir : « Ma montagne de Kabylie, je l’ai dans le cœur et la tête »
Notre rencontre se déroule au siège de sa maison de disques Sony, dans le 9eme arrondissement de Paris. Ce jour-là, le chanteur Idir, 64 ans, arrive avec une heure de retard pour notre rendez-vous. « A cause de la montagne de neige qui s’est accumulée autour de la maison, j’ai renoncé à prendre ma voiture, s’excuse-t-il. J’ai dû emprunter le RER, ensuite le métro avant de terminer le chemin à pieds. Ils ne m’ont même pas envoyé un taxi. »
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Ils ? Ce sont les dirigeants de sa maison de disques qui produit son dernier album solo intitulé « Adrar Inu » (Ma montagne) dont la sortie officielle est prévue lundi 4 février. Mais ne comptez pas sur le chanteur pour casser du sucre sur cette maison avec laquelle il était lié par contrat depuis une dizaine d’années mais qu’il quittera pour d’autres horizons.
Idir est là pour faire la promotion de son dernier opus. Et il fera le job en professionnel. Pendant toute cette journée grise et pluvieuse de janvier, l’artiste se pliera avec affabilité et modestie à l’exercice de l’entretien-promo. Entretiens et séances avec les photographes, il enchainera avec Afrique Magazine, Jeune Afrique, DNA, Libération, Le Monde...
Pas star pour un sous. L’auteur de Avava Inouva, ce tube chanté une première fois sur les ondes de la radio algérienne en 1973 et qui l’a rendu célèbre dans le monde, se confie sans chichi.
« C’est très fastidieux cet exercice de promotion, reconnait-il en buvant une gorgée de café. Mais je le fais avec autant de plaisir qu'écrire ou composer. Nous sommes là pour parler de ce nouvel album, alors parlons-en avec plaisir. »
Oui, parlons en…
Depuis 1993, date de la sortie de « Les Chasseurs de lumière », Idir n’a plus livré de produit original. Certes a-t-il sorti des reprises de ses standards (Identités en 1999, Deux rives, un rêve en 2002), certes encore a-t-il chanté avec des chanteurs français (La France des Couleurs en 2007), mais ces fans se languissaient de cette trop longue absence.
Depuis 20 ans, et même bien avant, il n’a de cesse de chanter là où on le sollicite, en France, au Maroc, en Tunisie, toujours avec sa petite bande de copains musiciens, notamment le bassiste Hachemi Bellali et le guitariste Tarek Ait Hamou.
Pourquoi cette parenthèse qui a duré 20 ans ? Panne d’inspiration ? Lassitude ?
Ni l’une, ni l’autre, corrige Idir. Il écrit, il compose, il sollicite des auteurs autant qu’il est sollicité par des chanteurs. Après 40 ans de carrière, Idir concède avoir fait le tour des thèmes qui l’ont inspirés tout au long de sa carrière : immigration et déracinement, traditions ancestrales de Kabylie, droits de l’homme, tamazight…
Une fois cet inventaire dressé, peut-il encore renouveler le genre sans donner l’impression de se répéter ? « Je ne suis pas un artiste prolifique et ce métier je le fais par passion et non comme une contrainte, développe Idir. Depuis 1976 date de la sortie de l'album Avava Inouva, j'ai fait 4 albums solos en comptant ce dernier. Il me semble donc avoir fait le tour. Mais ont revient toujours à ses racines n'est-ce pas? »
D’où le titre de ce nouvel album ?
« Adrar Inu, les montagnes de Kabylie, je les ai dans la tête, dans le cœur et dans les tripes, affirme Idir. Certes, je peux m’éloigner de mes montagnes physiquement dans la mesure où je vis en France depuis plusieurs décennies, mais j’y suis lié par des liens indestructibles. »
Ces liens, ils passent d’abord par la mère, décédée en mars 2012 à l'âge de 96, à laquelle Idir rend un hommage poignant sur le titre qui ferme l’album.
Pour cet hommage posthume, le fils n’hésitera pas à interpeller le Créateur pour lui demander d’ouvrir la tombe pour apercevoir une dernière fois le visage de celle qui lui a donné naissance. Pourquoi ce titre, le plus intimiste de l’album ?
« Ma mère était une poétesse, confesse Idir, plutôt ému qu’on lui dise que cet titre est touchant au point qu’il arrache des larmes à son écoute. Elle était une muse autant qu’elle fut une personne qui transmettait une culture et une langue. Elle était une passeuse de patrimoine. A travers cette chanson enregistrée à 2 heures du matin dans la plus stricte intimité (Idir rajoutera plus tard sur le morceau des notes jouées sur son luth par le musicien Alla, NDLR), je voulais d’abord exprimer la douleur de perdre une maman. Si ce titre peut susciter des émotions, j’en serai plus que ravi. »
Et ces liens avec ces montagnes, ils passent aussi par d’autres sonorités, par d’autres textes, par d’autres rencontres, certaines posthumes là encore.
Dans Adrar Inu, Idir revisitera un vieil air kabyle (Said Oulamara, chanté par la poétesse et écrivaine Taous Marguerite Amrouche), empruntera un texte à l'écrivain Mouloud Mammeri (Joli Foulard) et rendra hommage à Ahcene Meziani (perçu comme le précurseur de la chanson d’amour dans le répertoire kabyle).
« Chanter ces airs oubliés, les réadapter avec d’autres sons, était une manière de rendre hommage à ces personnages qui ont tant compté et qui comptent encore dans notre patrimoine culturel », explique Idir.
Et dans cet album, ce patrimoine dépasse les dimensions de ces montagnes kabyles, va au-delà pour toucher d’autres contrées, d’autres confluences musicales, d’autres influences culturelles.
C'est ainsi qu'Idir revisitera Scarborough Fair (un vieil air anglais du 17eme siècle repris en 1966 par le duo Simon & Garfunkel), reprendra un titre du groupe anglais The Who (Behind Blue Eyes, disponible en téléchargement sur la plateforme Itunes pour cause de droits d'auteurs ), adaptera avec sa fille Thanina un morceau de Beethoven ainsi qu'une mélodie chantée jadis par Elvis Presley ou les Aphrodite's Child.
Bref ce n'est plus Idir chanteur kabyle, mais artiste du monde. « Il n'est jamais bon d'être cantonné dans une case, confie-t-il. Une langue, un peuple, une culture ont besoin de l'apport d'autres pour vivre et s'épanouir. En toute modestie, j'apporte ma petite pierre à cet édifice avec mes chansons. »
Et pourquoi ce chanteur qui a donné son dernier concert en Algérie en 1979 ne s'y est plus produit? « C'est la question inévitable dans toutes les interviews, sourit Idir. Je veux bien chanter dans mon pays et j'ai essayé de le faire dans les années 1980 mais les autorités avaient mis tellement d'embûches que j'avais compris qu'elles ne souhaitent pas mes spectacles. Cela étant dit, on me garantirait les conditions d'un spectacle ou d'une tournée j'irais chanter au nord, au sud, à l'est et à l'ouest. »
Boumediene, Idir et la censure à l’ENTV
Dans les années 1970, le président Boumediene transmet un message aux responsables de la télévision d'Etat un jour où Idir était l'invité d'une émission de variétés. Une speakerine qui devait l’interviewer exige qu’il ’exprime en arabe. Idir refuse en expliquant qu’il ne sait pas parler en arabe et tient à parler en kabyle.
Les responsables de la télévision prennent mal son refus. L’histoire parvient aux oreilles de Boumediene par le biais d’un de ses conseillers. Alors le président intervient : « Qu’est ce que cette histoire ? Laissez-le parler dans la langue qu’il veut ! » Résignés, les responsables de l'Unique concède à Idir chanter sans lui donner la possibilité de s’exprimer en kabyle. « J'ai chanté mais je n'ai pas parlé. »
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Ils ? Ce sont les dirigeants de sa maison de disques qui produit son dernier album solo intitulé « Adrar Inu » (Ma montagne) dont la sortie officielle est prévue lundi 4 février. Mais ne comptez pas sur le chanteur pour casser du sucre sur cette maison avec laquelle il était lié par contrat depuis une dizaine d’années mais qu’il quittera pour d’autres horizons.
Idir est là pour faire la promotion de son dernier opus. Et il fera le job en professionnel. Pendant toute cette journée grise et pluvieuse de janvier, l’artiste se pliera avec affabilité et modestie à l’exercice de l’entretien-promo. Entretiens et séances avec les photographes, il enchainera avec Afrique Magazine, Jeune Afrique, DNA, Libération, Le Monde...
Pas star pour un sous. L’auteur de Avava Inouva, ce tube chanté une première fois sur les ondes de la radio algérienne en 1973 et qui l’a rendu célèbre dans le monde, se confie sans chichi.
« C’est très fastidieux cet exercice de promotion, reconnait-il en buvant une gorgée de café. Mais je le fais avec autant de plaisir qu'écrire ou composer. Nous sommes là pour parler de ce nouvel album, alors parlons-en avec plaisir. »
Oui, parlons en…
Depuis 1993, date de la sortie de « Les Chasseurs de lumière », Idir n’a plus livré de produit original. Certes a-t-il sorti des reprises de ses standards (Identités en 1999, Deux rives, un rêve en 2002), certes encore a-t-il chanté avec des chanteurs français (La France des Couleurs en 2007), mais ces fans se languissaient de cette trop longue absence.
Depuis 20 ans, et même bien avant, il n’a de cesse de chanter là où on le sollicite, en France, au Maroc, en Tunisie, toujours avec sa petite bande de copains musiciens, notamment le bassiste Hachemi Bellali et le guitariste Tarek Ait Hamou.
Pourquoi cette parenthèse qui a duré 20 ans ? Panne d’inspiration ? Lassitude ?
Ni l’une, ni l’autre, corrige Idir. Il écrit, il compose, il sollicite des auteurs autant qu’il est sollicité par des chanteurs. Après 40 ans de carrière, Idir concède avoir fait le tour des thèmes qui l’ont inspirés tout au long de sa carrière : immigration et déracinement, traditions ancestrales de Kabylie, droits de l’homme, tamazight…
Une fois cet inventaire dressé, peut-il encore renouveler le genre sans donner l’impression de se répéter ? « Je ne suis pas un artiste prolifique et ce métier je le fais par passion et non comme une contrainte, développe Idir. Depuis 1976 date de la sortie de l'album Avava Inouva, j'ai fait 4 albums solos en comptant ce dernier. Il me semble donc avoir fait le tour. Mais ont revient toujours à ses racines n'est-ce pas? »
D’où le titre de ce nouvel album ?
« Adrar Inu, les montagnes de Kabylie, je les ai dans la tête, dans le cœur et dans les tripes, affirme Idir. Certes, je peux m’éloigner de mes montagnes physiquement dans la mesure où je vis en France depuis plusieurs décennies, mais j’y suis lié par des liens indestructibles. »
Ces liens, ils passent d’abord par la mère, décédée en mars 2012 à l'âge de 96, à laquelle Idir rend un hommage poignant sur le titre qui ferme l’album.
Pour cet hommage posthume, le fils n’hésitera pas à interpeller le Créateur pour lui demander d’ouvrir la tombe pour apercevoir une dernière fois le visage de celle qui lui a donné naissance. Pourquoi ce titre, le plus intimiste de l’album ?
« Ma mère était une poétesse, confesse Idir, plutôt ému qu’on lui dise que cet titre est touchant au point qu’il arrache des larmes à son écoute. Elle était une muse autant qu’elle fut une personne qui transmettait une culture et une langue. Elle était une passeuse de patrimoine. A travers cette chanson enregistrée à 2 heures du matin dans la plus stricte intimité (Idir rajoutera plus tard sur le morceau des notes jouées sur son luth par le musicien Alla, NDLR), je voulais d’abord exprimer la douleur de perdre une maman. Si ce titre peut susciter des émotions, j’en serai plus que ravi. »
Et ces liens avec ces montagnes, ils passent aussi par d’autres sonorités, par d’autres textes, par d’autres rencontres, certaines posthumes là encore.
Dans Adrar Inu, Idir revisitera un vieil air kabyle (Said Oulamara, chanté par la poétesse et écrivaine Taous Marguerite Amrouche), empruntera un texte à l'écrivain Mouloud Mammeri (Joli Foulard) et rendra hommage à Ahcene Meziani (perçu comme le précurseur de la chanson d’amour dans le répertoire kabyle).
« Chanter ces airs oubliés, les réadapter avec d’autres sons, était une manière de rendre hommage à ces personnages qui ont tant compté et qui comptent encore dans notre patrimoine culturel », explique Idir.
Et dans cet album, ce patrimoine dépasse les dimensions de ces montagnes kabyles, va au-delà pour toucher d’autres contrées, d’autres confluences musicales, d’autres influences culturelles.
C'est ainsi qu'Idir revisitera Scarborough Fair (un vieil air anglais du 17eme siècle repris en 1966 par le duo Simon & Garfunkel), reprendra un titre du groupe anglais The Who (Behind Blue Eyes, disponible en téléchargement sur la plateforme Itunes pour cause de droits d'auteurs ), adaptera avec sa fille Thanina un morceau de Beethoven ainsi qu'une mélodie chantée jadis par Elvis Presley ou les Aphrodite's Child.
Bref ce n'est plus Idir chanteur kabyle, mais artiste du monde. « Il n'est jamais bon d'être cantonné dans une case, confie-t-il. Une langue, un peuple, une culture ont besoin de l'apport d'autres pour vivre et s'épanouir. En toute modestie, j'apporte ma petite pierre à cet édifice avec mes chansons. »
Et pourquoi ce chanteur qui a donné son dernier concert en Algérie en 1979 ne s'y est plus produit? « C'est la question inévitable dans toutes les interviews, sourit Idir. Je veux bien chanter dans mon pays et j'ai essayé de le faire dans les années 1980 mais les autorités avaient mis tellement d'embûches que j'avais compris qu'elles ne souhaitent pas mes spectacles. Cela étant dit, on me garantirait les conditions d'un spectacle ou d'une tournée j'irais chanter au nord, au sud, à l'est et à l'ouest. »
Boumediene, Idir et la censure à l’ENTV
Dans les années 1970, le président Boumediene transmet un message aux responsables de la télévision d'Etat un jour où Idir était l'invité d'une émission de variétés. Une speakerine qui devait l’interviewer exige qu’il ’exprime en arabe. Idir refuse en expliquant qu’il ne sait pas parler en arabe et tient à parler en kabyle.
Les responsables de la télévision prennent mal son refus. L’histoire parvient aux oreilles de Boumediene par le biais d’un de ses conseillers. Alors le président intervient : « Qu’est ce que cette histoire ? Laissez-le parler dans la langue qu’il veut ! » Résignés, les responsables de l'Unique concède à Idir chanter sans lui donner la possibilité de s’exprimer en kabyle. « J'ai chanté mais je n'ai pas parlé. »
Madona- Nombre de messages : 3426
Date d'inscription : 30/01/2009
Re: Rencontre avec le chanteur Idir : « Ma montagne de Kabylie, je l’ai dans le cœur et la tête »
http://www.dna-algerie.com/culture/rencontre-avec-le-chanteur-idir-ma-montagne-de-kabylie-je-l-ai-dans-le-c-ur-et-la-tete
Madona- Nombre de messages : 3426
Date d'inscription : 30/01/2009
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