Islamisation des cités : mythe ou réalité ?
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Islamisation des cités : mythe ou réalité ?
Islamisation des cités : mythe ou réalité ?
Le récent rapport "Banlieues de la République" publié par l'Institut Montaigne et dirigé par Gilles Kepel, souligne l'influence croissante de l'islam dans les cités ; sa publication et ses répercussions médiatiques provoquent des réactions nombreuses et contradictoires. Pour la démographe Michèle Tribalat, l'islam reste une menace, aux élites d'arrêter de minimiser les dangers de son expansion. La mixité urbaine est une fable, le séparatisme est devenu culturel, ajoute Christophe Guilluy. La religion, pense Leyla Arslan, est un marqueur d'intégration, pas de division. Pourquoi ne pas traiter le problème par la question sociale totalement occultée, s'interroge Gérard Mauger, le problème ethnique étant un faux-fuyant.
http://www.lemonde.fr/idees/ensemble/2011/10/13/islamisation-des-cites-mythe-ou-realite_1586389_3232.html
Le récent rapport "Banlieues de la République" publié par l'Institut Montaigne et dirigé par Gilles Kepel, souligne l'influence croissante de l'islam dans les cités ; sa publication et ses répercussions médiatiques provoquent des réactions nombreuses et contradictoires. Pour la démographe Michèle Tribalat, l'islam reste une menace, aux élites d'arrêter de minimiser les dangers de son expansion. La mixité urbaine est une fable, le séparatisme est devenu culturel, ajoute Christophe Guilluy. La religion, pense Leyla Arslan, est un marqueur d'intégration, pas de division. Pourquoi ne pas traiter le problème par la question sociale totalement occultée, s'interroge Gérard Mauger, le problème ethnique étant un faux-fuyant.
http://www.lemonde.fr/idees/ensemble/2011/10/13/islamisation-des-cites-mythe-ou-realite_1586389_3232.html
Aokas Revolution- Nombre de messages : 3967
Date d'inscription : 30/06/2009
Re: Islamisation des cités : mythe ou réalité ?
Michèle Tribalat : "L'islam reste une menace"
LE MONDE | 13.10.2011 à 13h14 • Mis à jour le 07.03.2012 à 14h50
Par Michèle Tribalat, démographe
Pour réduire les inquiétudes que suscite l'islam, les discours tenus par les "élites" naviguent entre le désir de relativiser son importance et celui de l'installer dans le paysage français. C'est pourquoi l'islam est souvent présenté comme faisant partie intégrante des racines et de l'histoire de la France. Sa présence ne serait, en fait, que la reprise d'une histoire ancienne. C'est un argument d'autorité bien risqué, car il se réfère à des temps où la chrétienté, que l'on n'appelait pas encore l'Occident, a été acculée à la retraite, sous la force des armes.
En réalité, cela fait plusieurs siècles que l'Europe a renversé ce rapport de forces. L'islam avait, jusque récemment, disparu des pays d'Europe occidentale. En France, la presque-totalité des musulmans sont des immigrés ou des enfants d'immigrés. Le développement de l'islam y est donc lié à l'immigration étrangère. On pourrait en dire autant de la plupart des autres pays d'Europe occidentale. L'islam y est bien une nouveauté. L'argumentaire sur l'importance quantitative des musulmans en France est ambigu et oscille entre deux pôles : souligner leur caractère minoritaire ou insister sur leur importance (deuxième religion de France). Qu'en est-il ?
Le nombre de musulmans serait de 4 millions en 2008, soit 6,4 % de la population (estimation à partir de l'enquête "Trajectoires et origines", INED-Insee, 2008). Le bon sens nous dit que 4 millions d'individus ne sont pas en capacité de bouleverser nos modes de vie, notre rapport au religieux et nos acquis, dont certains n'ont pas encore subi l'épreuve du temps (libération des moeurs et condition féminine).
Parmi les jeunes adultes, un peu plus d'un jeune sur dix est musulman. On compte en France, entre 18 et 50 ans, un peu plus d'un musulman pour quatre catholiques. Si l'on s'intéresse maintenant aux plus fervents d'entre eux, ceux qui déclarent accorder une grande importance à la religion, les musulmans surpassent les catholiques d'environ 150 000 entre 18 et 50 ans. Ils sont trois fois plus nombreux parmi les jeunes nés en France dans les années 1980. L'expansion de l'islam se produit dans une France en état de déchristianisation avancé. La sécularisation progresse chez les autochtones par effet d'âge et de génération. En 2008, environ 60 % des jeunes autochtones nés dans les années 1980 déclarent n'avoir aucune religion.
Chez les enfants d'immigrés originaires du Maghreb, du Sahel ou de Turquie, la sécularisation recule au contraire parmi les plus jeunes : ils ne sont plus que 13 % à se déclarer sans religion en 2008. En 1992, 30 % des personnes âgées de 20 à 29 ans nées de deux parents immigrés d'Algérie se disaient sans religion. En 2008, dans la même tranche d'âges, ils ne sont plus que 14 %.
L'islam bénéficie d'une dynamique démographique plus favorable que le catholicisme : un taux de rétention élevé de la religion parentale, une endogamie religieuse forte, une fécondité plus élevée et une immigration qui va sans doute perdurer. Il reste à l'écart du grand mouvement de sécularisation qui touche le catholicisme et le protestantisme, l'essor des évangéliques ne compensant pas chez ces derniers les défections. Ajoutons à cela que les musulmans sont très concentrés dans les grandes agglomérations, ce qui accroît leur visibilité et leur capacité de mobilisation : en 2008, plus des deux tiers résident dans les agglomérations urbaines de 200 000 habitants ou plus, contre 39 % pour les personnes d'une autre confession ou qui n'en n'ont pas. L'islam est la première religion de Seine-Saint-Denis.
A défaut d'islamisation de la France, force est de constater une islamisation de la question religieuse et de certains territoires. La France croyait avoir laissé derrière elle la question religieuse, l'islam la réintroduit. Comme la sécularisation fait figure, à nos yeux, d'un mouvement inexorable de l'histoire en marche, nous avons tendance à juger tout mouvement inverse comme une aberration que seule l'aliénation et le désespoir peuvent expliquer. Nous voyons la (ré) islamisation des consciences comme une sorte de pathologie, dont il faudrait soigner non pas tant les symptômes, que la cause profonde : le malheur social.
Cette manière de raisonner a le triple avantage de nous illusionner sur la nature du problème, de proposer une recette familière et de laisser intacte notre foi dans le progrès inexorable de la sécularisation. Dans ces conditions, comment l'islam pourrait-il changer nos modes de vie ? Cette vision victimaire de l'islam révèle un grand narcissisme - nous sommes à l'origine du malheur de l'Autre - et une grande condescendance - cet Autre est privé de l'autonomie de sa volonté et de sa capacité à effectuer des choix. Elle s'accorde aussi avec une époque relativiste qui interdit de porter un jugement sur des pratiques qu'on aurait jugées inacceptables et valorise l'ouverture à ce qui vient d'ailleurs. C'est ce qui explique que nous préférons aux musulmans modérés qui nous ressemblent un peu trop, ceux dont la modération consiste seulement à répudier la violence pour faire avancer leurs revendications.
Si l'islam est encore une religion minoritaire, il a pourtant déjà changé nos vies dans un domaine vital à la démocratie : la liberté d'expression. A la crainte de se faire traiter de raciste, ou maintenant d'islamophobe (il faut saluer ici le succès en Occident de cette notion qui est pourtant l'arme préférée des radicaux pour réduire la liberté d'expression), s'ajoutent l'intimidation et la peur (l'"affaire Redecker", la censure des programmes scolaires). La jurisprudence Rushdie a même conduit à une inversion de la notion d'incitation à la haine semblant vouloir désormais prévenir les réactions violentes des défenseurs des normes islamiques chaque fois qu'ils se sentent offensés (les caricatures danoises).
Michèle Tribalat, démographe
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LE MONDE | 13.10.2011 à 13h14 • Mis à jour le 07.03.2012 à 14h50
Par Michèle Tribalat, démographe
Pour réduire les inquiétudes que suscite l'islam, les discours tenus par les "élites" naviguent entre le désir de relativiser son importance et celui de l'installer dans le paysage français. C'est pourquoi l'islam est souvent présenté comme faisant partie intégrante des racines et de l'histoire de la France. Sa présence ne serait, en fait, que la reprise d'une histoire ancienne. C'est un argument d'autorité bien risqué, car il se réfère à des temps où la chrétienté, que l'on n'appelait pas encore l'Occident, a été acculée à la retraite, sous la force des armes.
En réalité, cela fait plusieurs siècles que l'Europe a renversé ce rapport de forces. L'islam avait, jusque récemment, disparu des pays d'Europe occidentale. En France, la presque-totalité des musulmans sont des immigrés ou des enfants d'immigrés. Le développement de l'islam y est donc lié à l'immigration étrangère. On pourrait en dire autant de la plupart des autres pays d'Europe occidentale. L'islam y est bien une nouveauté. L'argumentaire sur l'importance quantitative des musulmans en France est ambigu et oscille entre deux pôles : souligner leur caractère minoritaire ou insister sur leur importance (deuxième religion de France). Qu'en est-il ?
Le nombre de musulmans serait de 4 millions en 2008, soit 6,4 % de la population (estimation à partir de l'enquête "Trajectoires et origines", INED-Insee, 2008). Le bon sens nous dit que 4 millions d'individus ne sont pas en capacité de bouleverser nos modes de vie, notre rapport au religieux et nos acquis, dont certains n'ont pas encore subi l'épreuve du temps (libération des moeurs et condition féminine).
Parmi les jeunes adultes, un peu plus d'un jeune sur dix est musulman. On compte en France, entre 18 et 50 ans, un peu plus d'un musulman pour quatre catholiques. Si l'on s'intéresse maintenant aux plus fervents d'entre eux, ceux qui déclarent accorder une grande importance à la religion, les musulmans surpassent les catholiques d'environ 150 000 entre 18 et 50 ans. Ils sont trois fois plus nombreux parmi les jeunes nés en France dans les années 1980. L'expansion de l'islam se produit dans une France en état de déchristianisation avancé. La sécularisation progresse chez les autochtones par effet d'âge et de génération. En 2008, environ 60 % des jeunes autochtones nés dans les années 1980 déclarent n'avoir aucune religion.
Chez les enfants d'immigrés originaires du Maghreb, du Sahel ou de Turquie, la sécularisation recule au contraire parmi les plus jeunes : ils ne sont plus que 13 % à se déclarer sans religion en 2008. En 1992, 30 % des personnes âgées de 20 à 29 ans nées de deux parents immigrés d'Algérie se disaient sans religion. En 2008, dans la même tranche d'âges, ils ne sont plus que 14 %.
L'islam bénéficie d'une dynamique démographique plus favorable que le catholicisme : un taux de rétention élevé de la religion parentale, une endogamie religieuse forte, une fécondité plus élevée et une immigration qui va sans doute perdurer. Il reste à l'écart du grand mouvement de sécularisation qui touche le catholicisme et le protestantisme, l'essor des évangéliques ne compensant pas chez ces derniers les défections. Ajoutons à cela que les musulmans sont très concentrés dans les grandes agglomérations, ce qui accroît leur visibilité et leur capacité de mobilisation : en 2008, plus des deux tiers résident dans les agglomérations urbaines de 200 000 habitants ou plus, contre 39 % pour les personnes d'une autre confession ou qui n'en n'ont pas. L'islam est la première religion de Seine-Saint-Denis.
A défaut d'islamisation de la France, force est de constater une islamisation de la question religieuse et de certains territoires. La France croyait avoir laissé derrière elle la question religieuse, l'islam la réintroduit. Comme la sécularisation fait figure, à nos yeux, d'un mouvement inexorable de l'histoire en marche, nous avons tendance à juger tout mouvement inverse comme une aberration que seule l'aliénation et le désespoir peuvent expliquer. Nous voyons la (ré) islamisation des consciences comme une sorte de pathologie, dont il faudrait soigner non pas tant les symptômes, que la cause profonde : le malheur social.
Cette manière de raisonner a le triple avantage de nous illusionner sur la nature du problème, de proposer une recette familière et de laisser intacte notre foi dans le progrès inexorable de la sécularisation. Dans ces conditions, comment l'islam pourrait-il changer nos modes de vie ? Cette vision victimaire de l'islam révèle un grand narcissisme - nous sommes à l'origine du malheur de l'Autre - et une grande condescendance - cet Autre est privé de l'autonomie de sa volonté et de sa capacité à effectuer des choix. Elle s'accorde aussi avec une époque relativiste qui interdit de porter un jugement sur des pratiques qu'on aurait jugées inacceptables et valorise l'ouverture à ce qui vient d'ailleurs. C'est ce qui explique que nous préférons aux musulmans modérés qui nous ressemblent un peu trop, ceux dont la modération consiste seulement à répudier la violence pour faire avancer leurs revendications.
Si l'islam est encore une religion minoritaire, il a pourtant déjà changé nos vies dans un domaine vital à la démocratie : la liberté d'expression. A la crainte de se faire traiter de raciste, ou maintenant d'islamophobe (il faut saluer ici le succès en Occident de cette notion qui est pourtant l'arme préférée des radicaux pour réduire la liberté d'expression), s'ajoutent l'intimidation et la peur (l'"affaire Redecker", la censure des programmes scolaires). La jurisprudence Rushdie a même conduit à une inversion de la notion d'incitation à la haine semblant vouloir désormais prévenir les réactions violentes des défenseurs des normes islamiques chaque fois qu'ils se sentent offensés (les caricatures danoises).
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Re: Islamisation des cités : mythe ou réalité ?
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Re: Islamisation des cités : mythe ou réalité ?
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Re: Islamisation des cités : mythe ou réalité ?
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Re: Islamisation des cités : mythe ou réalité ?
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Re: Islamisation des cités : mythe ou réalité ?
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