La République des quotas
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La République des quotas
Par Arezki Metref
arezkimetref@free.fr
C'est un autre marronnier, ça : le vote frelaté, m'darrah, la mascarade, la simulation et ce qui va avec, la protestation, l’indignation ! On le sait, et pourtant on s'y laisse toujours reprendre. Une telle constance dans la répétition, c’est de l’art ! Parfois, comme c'est le cas aujourd'hui du FFS, on crie à l'irrégularité, mais on y va quand même. C'est comme ça ! C'est à croire que jamais on ne se déniaisera, condamnés que nous sommes à avaler les couleuvres qu'on nous sert invariablement à chaque élection. Et ce n'est pas parce que Bouteflika en personne avait reconnu implicitement les micmacs du système en matière électorale – déclarant quelque chose comme, l'époque des élections truquées, c'est fini ! — que ce temps-là est vraiment révolu. Après des législatives aux résultats miraculeux (pour le FLN) d'il y a quelques mois, on vient de vivre les municipales. Vivre ? Enfin, façon de dire ! C'est encore tout chaud. Ça date d'avant-hier. Même que Daho Ould Kablia en est encore à justifier l'injustifiable, à ressortir les mêmes clichés sur la relativité des quelques dépassements insignifiants qu'on a pu relever lors du scrutin. Tu parles ! On a tellement entendu ce type de discours ! Le fait est qu'après le toutim, le résultat est kif-kif ; des équipes s'en sont allées, d'autres sont arrivées. Qu'ont-elles en commun ? Les bras entravés, pardi ! Qu'elles soient sortantes ou qu’elles arrivent, d'un parti ou d'un autre, elles possèdent en commun le rôle de corvéabilité par rapport à l’administration. Celles qui arrivent sont théoriquement issues d'un scrutin qui peut avoir toutes les apparences d'un vote réglo. Pas même les apparences, d’ailleurs. Un citoyen a filmé une opération de haute technologie dans le trucage qu’on peut voir démocratiquement sur Youtube. L’arbre qui cache la forêt ! Le vote des corps constitués pose problème car, connaissant la ruse de ceux qui nous gouvernent, il ne peut a priori être considéré comme l'accomplissement d’un devoir de citoyen. L’arrière-pensée est grosse comme une évidence ! Bref, même si on jetait les bulletins dans des urnes transparentes, et qu'on les dépouillait en présence de scrutateurs internationaux parfaitement impartiaux, perso, j'aurais des doutes. Et ce, pour une seule et unique raison: je ne vois pas ce qui aurait pu se passer de déterminant qui aurait contraint un système qui carbure aux quotas et aux petits arrangements entre amis de changer de recettes. C'est que la bête a de la ressource. Qu'a-t-il pu se passer pour que ce cerveau virtuel, ce logiciel dissimulé à la vue de tous, ce Big Brother dialna, qui distribue les postes, les mandats, les fonctions, la rente, les miettes de cette dernière, en vertu d'une géographie clanique et clientéliste, soit obligé d'accepter de perdre la main et de laisser vivre leur vie aux électeurs ? Sachant que ces derniers pourraient faire émerger des pouvoirs locaux insoumis à la cartographie manipulatoire de Big Brother. Avant 1988, c'était simple. Les élections n'avaient de sens que pour la galerie. Parti unique, candidats uniques, tout était cousu de fil blanc jusques et y compris, les scores nord-coréens qui suscitaient davantage la raillerie que l'enthousiasme. De ce point de vue, heureusement que le ridicule ne tue pas, il ne nous serait resté que très peu d'élus. Le résultat préétabli des élections du temps du FLN, outre qu'il avait constitué un électorat de pêcheurs à la ligne, avait dégoûté l’électeur lambda, non seulement des scrutins quels qu'ils soient, mais aussi de la politique identifiée aux gesticulations des responsables, à l'image de celles du ministre de l'Intérieur qui s'époumone aujourd'hui à faire croire que tout va bien, et à la propagande d'un système et de ses hommes tournant sur eux-mêmes comme des derviches inspirés. Du tout cuit ! Or, c'est presque pire depuis le pluralisme partisan. Après 1988, la loi de 1989 sur les partis politiques a jeté dans l'arène une kyrielle de formations qui, à côté de quelques partis anciens possédant un ancrage, une doctrine et un programme, s'apparentent à des entreprises sous-traitant les élections, des start-up de béni-oui-oui. Une sorte de deal invisible les rend disponibles à la politique des quotas dont le principe est simple: c'est à Big Brother de décider du poids électoral de chaque formation politique. La décision est prise proportionnellement à la longueur de la laisse. C’est encore à lui de jeter dans les pattes des partis qui lui sont un danger des petites créatures. Cela, tout le monde le sait. Tout le monde sait que depuis l'indépendance, l'Algérie est, à tous égards, la république des quotas, autrement dit «le Quotar». Un pays où on n'hésite pas à mettre en scène de grandes opérations électorales, juste pour juxtaposer sur des cases préétablies des résultats courus d'avance. Evidemment dans cette inertie politique du verrouillage, il n'est pas certain que les partis politiques qui participent aux élections aient tort de le faire. On parle ici, bien sûr, des partis qui ont du sens politiquement et sociologiquement. C'est la seule occasion pour eux d'exercer réellement ou symboliquement, un pouvoir législatif ou exécutif. Cependant, quand ils sont du jeu, il ne faut pas qu'ils se plaignent des règles de ce dernier dictées, on le sait tous, par Big Brother. Celui-ci est d'autant plus à l'aise, qu'il a survécu à l'épidémie chaotique du monde arabe, et se trouve, de ce fait, comme adoubé par le destin. D'ici à ce qu'il postule à la sainteté, il n'y a pas loin ! Il paraît que le pouvoir des Assemblées populaires communales a été accru par de nouveaux textes qui, déjà, passent pour, non pas une exigence de la démocratie, mais pour un don régalien qu'un pouvoir immanent octroie à ses ouailles. Il paraît ! N’empêche que pour les partis «sérieux», ceux qui ont des principes, c’est toujours un dilemme ; y aller ou pas, sachant ce que l’on sait des pouvoirs de Big Brother et ne devant pas pour autant laisser la chaise vide ? Cruel.
A. M.
arezkimetref@free.fr
C'est un autre marronnier, ça : le vote frelaté, m'darrah, la mascarade, la simulation et ce qui va avec, la protestation, l’indignation ! On le sait, et pourtant on s'y laisse toujours reprendre. Une telle constance dans la répétition, c’est de l’art ! Parfois, comme c'est le cas aujourd'hui du FFS, on crie à l'irrégularité, mais on y va quand même. C'est comme ça ! C'est à croire que jamais on ne se déniaisera, condamnés que nous sommes à avaler les couleuvres qu'on nous sert invariablement à chaque élection. Et ce n'est pas parce que Bouteflika en personne avait reconnu implicitement les micmacs du système en matière électorale – déclarant quelque chose comme, l'époque des élections truquées, c'est fini ! — que ce temps-là est vraiment révolu. Après des législatives aux résultats miraculeux (pour le FLN) d'il y a quelques mois, on vient de vivre les municipales. Vivre ? Enfin, façon de dire ! C'est encore tout chaud. Ça date d'avant-hier. Même que Daho Ould Kablia en est encore à justifier l'injustifiable, à ressortir les mêmes clichés sur la relativité des quelques dépassements insignifiants qu'on a pu relever lors du scrutin. Tu parles ! On a tellement entendu ce type de discours ! Le fait est qu'après le toutim, le résultat est kif-kif ; des équipes s'en sont allées, d'autres sont arrivées. Qu'ont-elles en commun ? Les bras entravés, pardi ! Qu'elles soient sortantes ou qu’elles arrivent, d'un parti ou d'un autre, elles possèdent en commun le rôle de corvéabilité par rapport à l’administration. Celles qui arrivent sont théoriquement issues d'un scrutin qui peut avoir toutes les apparences d'un vote réglo. Pas même les apparences, d’ailleurs. Un citoyen a filmé une opération de haute technologie dans le trucage qu’on peut voir démocratiquement sur Youtube. L’arbre qui cache la forêt ! Le vote des corps constitués pose problème car, connaissant la ruse de ceux qui nous gouvernent, il ne peut a priori être considéré comme l'accomplissement d’un devoir de citoyen. L’arrière-pensée est grosse comme une évidence ! Bref, même si on jetait les bulletins dans des urnes transparentes, et qu'on les dépouillait en présence de scrutateurs internationaux parfaitement impartiaux, perso, j'aurais des doutes. Et ce, pour une seule et unique raison: je ne vois pas ce qui aurait pu se passer de déterminant qui aurait contraint un système qui carbure aux quotas et aux petits arrangements entre amis de changer de recettes. C'est que la bête a de la ressource. Qu'a-t-il pu se passer pour que ce cerveau virtuel, ce logiciel dissimulé à la vue de tous, ce Big Brother dialna, qui distribue les postes, les mandats, les fonctions, la rente, les miettes de cette dernière, en vertu d'une géographie clanique et clientéliste, soit obligé d'accepter de perdre la main et de laisser vivre leur vie aux électeurs ? Sachant que ces derniers pourraient faire émerger des pouvoirs locaux insoumis à la cartographie manipulatoire de Big Brother. Avant 1988, c'était simple. Les élections n'avaient de sens que pour la galerie. Parti unique, candidats uniques, tout était cousu de fil blanc jusques et y compris, les scores nord-coréens qui suscitaient davantage la raillerie que l'enthousiasme. De ce point de vue, heureusement que le ridicule ne tue pas, il ne nous serait resté que très peu d'élus. Le résultat préétabli des élections du temps du FLN, outre qu'il avait constitué un électorat de pêcheurs à la ligne, avait dégoûté l’électeur lambda, non seulement des scrutins quels qu'ils soient, mais aussi de la politique identifiée aux gesticulations des responsables, à l'image de celles du ministre de l'Intérieur qui s'époumone aujourd'hui à faire croire que tout va bien, et à la propagande d'un système et de ses hommes tournant sur eux-mêmes comme des derviches inspirés. Du tout cuit ! Or, c'est presque pire depuis le pluralisme partisan. Après 1988, la loi de 1989 sur les partis politiques a jeté dans l'arène une kyrielle de formations qui, à côté de quelques partis anciens possédant un ancrage, une doctrine et un programme, s'apparentent à des entreprises sous-traitant les élections, des start-up de béni-oui-oui. Une sorte de deal invisible les rend disponibles à la politique des quotas dont le principe est simple: c'est à Big Brother de décider du poids électoral de chaque formation politique. La décision est prise proportionnellement à la longueur de la laisse. C’est encore à lui de jeter dans les pattes des partis qui lui sont un danger des petites créatures. Cela, tout le monde le sait. Tout le monde sait que depuis l'indépendance, l'Algérie est, à tous égards, la république des quotas, autrement dit «le Quotar». Un pays où on n'hésite pas à mettre en scène de grandes opérations électorales, juste pour juxtaposer sur des cases préétablies des résultats courus d'avance. Evidemment dans cette inertie politique du verrouillage, il n'est pas certain que les partis politiques qui participent aux élections aient tort de le faire. On parle ici, bien sûr, des partis qui ont du sens politiquement et sociologiquement. C'est la seule occasion pour eux d'exercer réellement ou symboliquement, un pouvoir législatif ou exécutif. Cependant, quand ils sont du jeu, il ne faut pas qu'ils se plaignent des règles de ce dernier dictées, on le sait tous, par Big Brother. Celui-ci est d'autant plus à l'aise, qu'il a survécu à l'épidémie chaotique du monde arabe, et se trouve, de ce fait, comme adoubé par le destin. D'ici à ce qu'il postule à la sainteté, il n'y a pas loin ! Il paraît que le pouvoir des Assemblées populaires communales a été accru par de nouveaux textes qui, déjà, passent pour, non pas une exigence de la démocratie, mais pour un don régalien qu'un pouvoir immanent octroie à ses ouailles. Il paraît ! N’empêche que pour les partis «sérieux», ceux qui ont des principes, c’est toujours un dilemme ; y aller ou pas, sachant ce que l’on sait des pouvoirs de Big Brother et ne devant pas pour autant laisser la chaise vide ? Cruel.
A. M.
Azul- Nombre de messages : 29959
Date d'inscription : 09/07/2008
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