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"Charlie Hebdo" : le jeu en valait-il la chandelle ?

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Message  Aokas Revolution Sam 22 Sep - 14:54

En caricaturant Mahomet, nos confrères se retrouvent aux côtés de fanatiques islamophobes. Et font des islamistes les premiers défenseurs de l'Islam.






Daniel Cohn-Bendit estime que les dirigeants de "Charlie Hebdo" sont "des cons" et qu’il y a une limite à la provocation. "Quand on est sur une poudrière, dit-il, on réfléchit avant de craquer une allumette". Pour un peu, l’ancien leader de Mai 68 expliquerait volontiers qu’en ces matières, il n’est pas interdit d’interdire…

Tariq Ramadan, qu’on présente si souvent comme un dangereux islamiste, condamne les manifestations contre les dessins de "Charlie" et estime qu’il n’y a pas lieu de déclencher pour si peu une quelconque action judiciaire. Les vrais musulmans, dit-il, doivent se situer au-dessus de ces attaques médiocres et traiter par le mépris ces caricatures du prophète.

Deux réactions paradoxales, donc, qui vont à l’encontre de l’idée qu’on se fait souvent de ces deux personnalités. Elles montrent que l’affaire des dessins publiés par l’hebdomadaire satirique est beaucoup moins simple qu’il n’y paraît. Si l’on reste sur la cime des principes, on s’en tire évidemment sans peine : "Charlie" a le droit de se moquer de la religion musulmane et de ses symboles, comme de toutes les religions.

A l’instar des autres croyants, les fidèles de l’Islam doivent s’habituer à une certaine forme d’anticléricalisme français qui se manifeste depuis au moins deux siècles et qui fait partie des avantages insignes, ou des désagréments inévitables, de la liberté d’expression. Personne, après tout, n’est obligé de lire "Charlie Hebdo" et la satire est une des saines activités auxquelles on reconnaît une démocratie.

"Charlie" se retrouve aux côtés de Terry Jones & Co...


Pourtant la publication des dessins de "Charlie" – plutôt drôles, il faut le dire – laisse aussi un sentiment de malaise. Il y a d’abord les circonstances concrètes. Imaginons que des violences aient lieu dans un quelconque pays et qu’elles fassent des victimes. Les rédacteurs en chef de "Charlie" ne pourront pas s’empêcher de s’interroger sur leur propre responsabilité, quoi qu’ils en disent. Publier, c’est choisir.

Ce choix, dans une telle hypothèse, en valait-il la chandelle ? Pour démontrer sa liberté à Paris, on met en danger des citoyens en Tunisie, en Egypte ou ailleurs. On oblige de surcroît l’Etat à déployer des effectifs de protection à grands frais, pour une démonstration à la portée plutôt limitée. Personne ne peut balayer cette question d’un revers de main.

Aussi bien, l’affaire précédente, celle des caricatures publiées au Danemark, pour lesquelles la rédaction de "Charlie" s’était déjà mobilisée, consistait à témoigner sa solidarité envers un autre dessinateur impertinent qu’une minorité fanatique voulait faire taire. Action parfaitement légitime, organisée au profit de la liberté de pensée et de la laïcité.

Cette fois, le fait générateur, le film "l’Innocence des musulmans", n’émane pas de partisans de la libre expression mais au contraire d’autres fanatiques – des extrémistes coptes et évangélistes en l’occurrence – décidés à provoquer l’ire d’une religion concurrente par un film stupide et grossier. "Charlie" se retrouve ainsi en compagnie de personnages frustes et dogmatiques auxquels il apporte, en quelque sorte, son soutien. Drôle d’alliance, tout de même…

...tout en faisant des intégristes les défenseurs de l'Islam


Enfin, il est permis de réfléchir, tout de même, aux conséquences tactiques de la publication des dessins anti-Mahomet. L’intérêt bien compris des démocrates, en France et dans les pays musulmans, c’est bien de distinguer et de séparer les croyants pacifiques et tolérants des fanatiques minoritaires de l’Islam politique. Les caricatures du prophète ont évidemment l’effet inverse. En choquant la grande majorité des fidèles, elles placent les islamistes en défenseurs courageux et zélés de la religion musulmane, qui expriment, certes de manière contestable, mais vigoureuse, la sensibilité outragée de la masse des croyants. Les dessins servent leur propagande.

On dira qu’un journal satirique n’a que faire de ces considérations géopolitiques, qu’à toujours peser les conséquences d’une publication, on ne publierait jamais rien de dérangeant, qu’il ne faut pas confondre "Charlie Hebdo" et le Quai d’Orsay. Certes. La liberté est un bien précieux et inaliénable. L’intelligence aussi…

Aokas Revolution

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Message  Aokas Revolution Sam 22 Sep - 14:55

http://tempsreel.nouvelobs.com/laurent-joffrin/20120920.OBS3119/charlie-hebdo-le-jeu-en-valait-il-la-chandelle.html

Aokas Revolution

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