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Entretien de Djamal Arezki au courrier d'algérie

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Entretien de Djamal Arezki au courrier d'algérie Empty Entretien de Djamal Arezki au courrier d'algérie

Message  aokas Lun 10 Sep - 2:03

DJAMEL AREZKI, ÉCRIVAIN
«Ceux qui veulent enterrer tamazight peuvent déchanter »



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Djamal Arezki est né à Tazmalt en 1966, Inspecteur de français à Bouira et enseignant de tamazight à l'université de Bouira.
Djamel Arezki est aussi un écrivain de talent.
Rencontré lors de sa conférence-débat qu'il a donnée à Aokas à l'invitation de l'association culturelle «Rahmani Slimane» de cette commune balnéaire de la wilaya de Béjaïa.
Djamal Arezki a bien voulu se confier au courrier d'Algérie… Écoutons le

Vous avez présenté à Aokas, à l'invitation de l'association culturelle « Rahmani Slimane » de cette commune balnéaire de la wilaya de Béjaïa, votre oeuvre Akal d wawal qu'évoque-t-elle justement ?

Akal d wawal, la parole et la terre, est un recueil de nouvelles, rédigé entièrement en kabyle. Ce livre de onze courtes histoires fictives se veut un recueil de la sagesse du terroir, des anecdotes à visées parfois didactiques.
C'est aussi un recueil à vocation purement pédagogique puisqu'à l'origine, je l'ai écrit à des fins pédagogiques pour pallier le manque en typologie de textes scolaires. J'ai, par exemple, introduit les différents types de description : descriptions statique, itinérante, historique et contrastive, qui figurent par ailleurs dans les programmes scolaires (Moyen et Lycée). En filigrane, je voulais aussi contribuer à sauvegarder de l'oubli certains récits de la région de la Haute Soummam, certains mots (vocabulaires) qui ne sont plus d'usage puisque les supports qui les portent ont disparu dans certaines régions. Je fais allusion aux outils de l'agriculture ancienne qui sont progressivement remplacés par d'autres plus récents.Mais pas seulement. Quand l'outil disparaît, le mot qui le désigne disparaît avec lui malheureusement.

Comment vous est venue l'inspiration pour cette œuvre ?
Et bien, tout jeune encore, je rédigeais, à ma façon, certaines histoires, j'en retenais d'autres.
J'ai baigné dans un milieu à forte tradition orale.
J'ai beaucoup appris de mes grands-parents, des personnes âgées de mon entourage. Avec le temps, j'ai pris conscience de la nécessité de fixer et de transmettre ce patrimoine immatériel public.

Pourquoi ce titre, Akal d wawal ?
-Il existe une expression en kabyle similaire.
Quand on veut montrer la valeur d'un homme ou d'une femme, on dit Taremant argaz (d tamettut) d wawal ! C'est un(e) vrai(e) femme/homme.
« D », est à la fois un présentatif « c'est » (La terre c'est la parole) et une conjonction de coordination « et » (La terre et la parole ; Akal + awal).
C'est pour rendre hommage comme je l'ai expliqué dans la préface du livre, aux femmes et aux hommes de cette noble terre qui ont su conserver leur langue pour qu'elle parvienne jusqu'à nous, alors que ses contemporaines, pourtant plus prestigieuses, plus savantes, n'ont pas pu résister aux vicissitudes et aux aléas de l'histoire.

Avez-vous une tribune libre pour présenter vos autres publications à nos lecteurs ? De quelle tribune vous parlez ?
J'utilise tous les espaces possibles et accessibles : conférences, débats, presse écrite, parlée et télévisée, les forums des associations comme celui que m'a offert l'association Rahmani Slimane, que je remercie vivement au passage.

Un mot pour l'association culturelle « Rahmani Slimane » ?
Cette jeune et dynamique association contribue grandement à la promotion de la culture.
L'exemple le plus édifiant est sans conteste la réhabilitation de Rahmani Slimane justement. J'ai été agréablement surpris de le (re)découvrir à travers la réédition de ses livres. Je trouve que c'est une excellente initiative que j'encourage vivement. D'autres associations gagneront à suivre son exemple.

Qu'en-est-il de la situation de tira n tamazight (écriture de tamazight) ?

Tira n tmazight est en bonne voie. Elle a besoin de plus de temps et de sacrifices pour parvenir à la qualité des productions escomptées. Ce qui est détruit par le temps, sera rétabli avec et par le temps lui-même. Sur l'échelle de l'histoire, l'écriture de tamazight est encore jeune, très jeune comparativement aux autres cultures à forte tradition scripturaire.
Mais à coeur vaillant rien d'impossible. Son épanouissement ou plus cyniquement sa mort dépendent entièrement de nous, locuteurs de tamazight.

Mais beaucoup posent encore le problème de la transcription de tamazight, que pensez-vous ?
Je pense que c'est un faux problème, voire un prétexte pour ses fossoyeurs qui essayent de noyer le poisson dans l'eau. Le choix de la transcription est idéologique. Imaginons qu'on propose de transcrire l'arabe en caractères latins ! Vous verrez la levée de bouclier que cette simple proposition entrainera ! Les partisans des caractères arabes sont idéologiquement bien démarqués et ne cherchent pas l'efficacité ni l'épanouissement de tamazight.
Pour preuve, ils n'ont jamais rien produit. Ensuite, le vrai problème aujourd'hui n'est pas dans le choix des caractères, loin s'en faut, On peut écrire n'importe quelle langue dans n'importe quels caractères. C'est juste une question de convention. Le vrai problème est son statut, sa reconnaissance en tant que langue, culture et civilisation à part entière. En dépit de son caractère « national », elle occupe juste un strapontin dans la constitution du pays et son enseignement problématique demeure facultatif et circonscrit à la seule Kabylie. Réglons d'abord ces problèmes d'ordre juridique en suspens et nous discuterons par la suite du choix des caractères.
A ce moment-là, ce sera une simple question technique.

L'Unesco annonce la disparition de la langue berbère en 2050, qu'en pensez-vous ?
Une simple projection selon des paramètres bien déterminés et parfois subjectifs.
Il n'y a pas que l'Unesco qui prédit sa disparition.
D'autres l'ont même programmée et s'acharnent par tous les moyens à réaliser leur macabre dessein.
Mais nous leur répondons par la parution de romans, de nouvelles, de films…Ils vont finir par déchanter.

Que conseilleriez-vous à tous ces Imazighen qui ont choisi d'abandonner leur langue au profit de l'arabe ou du français ?

Je n'ai pas vocation à donner des conseils et encore moins à sermonner les gens. Je ne fais que constater comme tout le monde. La langue fait partie de l'identité, de l'être, de l'individu. La nier, c'est se renier, s'exclure des siens et des autres car en voulant devenir « l'autre » en adoptant sa langue, sa culture, son mode de pensée, son mode de vie, on ne peut ni grandir ni s’émanciper, au contraire. Aux yeux de « l'autre », il est toujours ce qu'il est, c'est-à-dire un indigène, un citoyen de seconde zone. Un « Arabe » de la troisième génération qui vit en France par exemple, qui parle français sans accent, qui s'habille comme les natifs, qui adopte leur mode de vie, reste toujours et éternellement un « Arabe », au mieux un « Arabe » de service.
En parlant de l'Unesco plus haut, celle-ci recommande à chaque individu d'apprendre sa propre langue s'il veut s'épanouir et construire son identité, pour éviter d'être un handicapé linguistique comme c'est le cas chez nous : personne ne maitrise une langue donnée.
Nous assistons à un mélange du français, du kabyle et de l’arabe populaire.
A force de vouloir imiter la démarche de la perdrix, on perd la marche de la poule ! Alors soyons réalistes et assumons notre identité pour se débarrasser définitivement du complexe du colonisé car s'en est bien un.
Un colonisé intériorise le modèle du colonisateur, du dominateur et s'identifie à lui. A son contact, il apprend l'obéissance, la docilité, le « respect », la peur, le mépris de l'autre et de tout ce qui lui rappelle son identité. Il reproduit ces comportements, à volonté une fois libre. J'illustre cette idée par un exemple très simple et palpable : un enfant élevé dans la violence, usera forcément de la violence quand il sera adulte. C'est ce que Bourdieu appelle la reproduction.

Que pensez-vous de la littérature amazighe actuelle ?
Elle a sa place dans le paysage littéraire universel comme toutes les autres littératures.
Comme je l'ai évoqué précédemment, l'histoire de la littérature amazigh est encore jeune à l'échelle de l'histoire.
Elle a besoin de temps et de recherche.

Revenons maintenant à ce que vous êtes en train d'écrire. Est-ce toujours de la poésie ? Un roman ? Parlons un peu de vos projets… quels sont vos projets d'écriture ?
J'ai fini un nouveau recueil de nouvelles en kabyle, un recueil de contes et de légendes relatives aux mythes et à la cosmogonie amazigh, version kabyle.
La version française est sortie à Paris chez Flies France en 2010, sous le titre Contes et Légendes de Kabylie. Je viens de finir aussi un essai cosigné avec mon ami Bellil Yahia, sur le prince des poètes du XIXème siècle, Mohand Saïd Amlikech à qui nous préparons à l'occasion du bicentenaire de sa naissance (1812-1877), un festival culturel qui aura lieu conjointement à Tazmalt, Boudjellil et At Mlikech, du 1er au 04 juillet 2012. J'ai déposé aussi chez mon éditeur un autre essai en littéraire sur Taos Amrouche qui porte sur son roman Rue des Tambourins qui paraitra bientôt j'espère. J'ai également des traductions de récits, de romans, de pièces de théâtre du français vers le Kabyle.

Un mot pour conclure ?
Merci de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer dans les colonnes de votre journal à qui je souhaite longue vie. J'espère également qu'il y aura beaucoup d'associations pour promouvoir et encourager la lecture et l'écriture, notamment en tamazight. J'appartiens moi-même à plusieurs associations culturelles dans ma région. Je pense que c'est l'un des moyens les plus efficaces d'insuffler une vraie dynamique à la vie culturelle, somme toute morose de nos jours

Entretien réalisé par Hafit Zaouche

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Message  aokas Lun 10 Sep - 23:09

Interview parue au quotidien le courrier d’algérie le Dimanche 09 septembre 2012.
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