Et si l'Algérie se payait la plus grande mosquée du monde...
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Et si l'Algérie se payait la plus grande mosquée du monde...
Et si l'Algérie se payait la plus grande mosquée du monde...
Le président Bouteflika, fervent partisan de l'alliance politique avec les islamistes et grand pratiquant, relance le projet de la plus grande mosquée du monde, à Alger.
Mise à jour du 28 juillet 2012: Sans grande surprise, les Chinois ont remporté le marché de construction de la grande Mosquée d’Alger. Cette construction fort soutenue par le président Bouteflika devrait coûter un milliard de dollars à l’Algérie, selon le site d'information Média Terranée.
Le temps et l'espace. Aoulef, petit village du désert algérien mollement allongé sur la plaine sableuse du Tidikelt, adossé à l'immense plateau pierreux du Tadmaït. La zaouïa Moulay Hiba est située sur ces petites hauteurs, perdue dans le gigantesque Sahara algérien, à 1400 kilomètres de la capitale, Alger. Comme souvent, de nombreuses personnes errent dans ce haut lieu de la spiritualité lente.
Un couscous est offert aux visiteurs et les palabres, à propos du quotidien ou du Très-Haut, démarrent dans une ambiance bon enfant. Au détour d'une conversation très algérienne et qui se veut souvent politique, le wali, chef de la confrérie, montre un coin de sable à côté de lui: «c'est là que Abdelaziz Bouteflika venait s'assoir souvent, dans sa retraite spirituelle.», annonce-t-il non sans une certaine fierté. «Avant de devenir président», ajoute-t-il entre deux bouchées de semoule. Il n'a pas toujours été comme ça, le président, pas le marabout. Bon vivant, noceur et joyeux luron, il avait d'ailleurs souvent défrayé la chronique d'Alger quand il était jeune ministre des Affaires étrangères dans les années 1970. Des frasques couvertes en haut lieu mais qui faisaient le personnage, défendu par le très autoritaire et président Boumediene, lui-même austère et fervent pratiquant.
La traversée du désert
Chassé du pouvoir à la mort en 1978 de son mentor, l'ex-président et colonel Houari Boumediene, Abdelaziz Bouteflika entame une longue traversée du désert, lui qui était pressenti pour prendre la tête de l'Etat. Un désert relatif, la Suisse, puis la Syrie, puis les Emirats Arabes Unis. Revenant souvent en Algérie, il aimait fuir Alger et se retrouver littéralement dans le désert, dans une quête spirituelle. Le président Bouteflika devient mystique et erre à la recherche de l'Absolu.
Aoulef, Reggane, Adrar, de confréries en zaouïas, le président enchaîne les enseignements soufis, la mystique musulmane, loin des pratiques de l'islam quotidien centré sur le rite et les obligations. Il approche les cours de théologie dans les meilleures écoles de l'islam saharien tout en gardant ses contacts au Nord. Approché plusieurs fois en pleine période terroriste, Abdelaziz Bouteflika refuse de prendre la tête de l'Etat, jurant «de ne plus jamais faire de politique». En 1999, il accepte de prendre le pouvoir, et les généraux de l'armée, le général Toufik, patron du DRS, services de renseignements, lui confient la mission de négocier avec les islamistes radicaux. Il prête serment sur le Coran, comme le veut la Constitution. Dieu est grand. Bouteflika un peu moins. Mais il trône sur le plus grand pays d'Afrique, qui s'étend des côtes méditerranéennes aux confins du désert.
Du mysticisme soufi à l'islam ritualiste
Paris, novembre 2005. Au cours de son deuxième mandat, le président Bouteflika est évacué en urgence à l'hôpital militaire du Val-de-Grâce. Le président est malade, un cancer selon les médecins algériens, «un simple ulcère hémorragique» selon le communiqué officiel. Mais à Alger, on est offusqué, comment être aussi intransigeant dans le discours avec la France et se faire soigner dans un hôpital de l'ex-colonisateur, qui plus est militaire? Tout le monde le sait, le courant nationaliste est en perte de vitesse et le président finalise son alliance avec les islamistes, qu'il a consolidée pour assoir une forme de légitimité populaire à son pouvoir contesté. A sa sortie du Val-De-Grâce, il se veut rassurant et nie une quelconque cachotterie sur son état de santé: «l'on ne peut être responsable d’un peuple et d’une nation et vouloir cacher des choses pour lesquelles nous devons rendre compte à Dieu». Le président est rétabli et selon son entourage, born again. De sa première crise mystique, il passe à la seconde et conclut sa touba, la rédemption, suite au miracle de sa résurrection au sortir d'une maladie qui aurait pu lui être fatale. Sa famille et ses proches le traitent comme un messager de Dieu, envoyé pour le bien de l'Algérie et de la nation musulmane.
Le miraculé mégalo et la Mosquée d'Alger
Le président rentre à Alger et commence à réfléchir au projet de la grande mosquée d'Alger, imaginée comme la plus grande du monde après celles de Médine et de La Mecque, les deux villes saintes de l'Islam, en Arabie Saoudite. L'appel d'offre est lancé en 2009, sitôt la très contestable réélection du président pour un troisième mandat, après le triturage anti-démocratique de la Constitution. Les premiers chiffres parlent de 3 milliards d'euros et effraient tous ceux qui jugent la dépense mégalomane, dispendieuse et inutile. Les progressistes mais aussi une partie des islamistes qui ne voient là que l'œuvre des Pharaons, référence à l'Egypte antique et sa démesure architecturale (les pyramides), tant décrié par la propagande judaïque que chrétienne et musulmane. Un médecin algérois s'attriste: «On attendait le grand hôpital d'Alger mais il n'est pas au programme.» Logique, le président est guéri, et il a été soigné en France.
Houbel contre Allah
Alors qu'il y avait différents projets en course, une pré-attribution, des retards incompréhensibles et d'occultes annulations, l'Algérie opte en octobre 2011 pour une entreprise chinoise, la China State construction ENRG (CSCEC). Si le coût a été revu à la baisse (1 milliard d'euros «seulement»), un nouveau scandale éclate, la construction a été attribuée à une entreprise interdite de marchés par la Banque Mondiale, qui l'accuse de corruption. La pilule passe quand même, il s'agit d'un projet présidentiel, non négociable. Surtout, il s'agit de concurrencer la mosquée de Hassan II à Casablanca, la plus grande, ou la Basilique de Yamoussokro en Côte D'Ivoire, le plus grand édifice religieux au monde (selon le Guiness des records en 1989), construite aussi grâce à la mégalomanie de l'ex-président Felix Houphouët-Boigny. La religion au secours des autocrates, qui auront sacrifié l'argent public pour leur propre gloire. Avec son minaret de 300 mètres (le plus haut du monde), la grande mosquée d'Alger dépassera en hauteur l'immense stèle commémorative de Riad El Feth à Alger (90 mètres de hauteur) édifié en l'honneur des martyrs de la guerre d'indépendance, appelée ironiquement Houbel (du nom d'une ancienne idole païenne de La Mecque anté-islamique).
Quand Bouteflika flirte avec les islamistes
L'islamisme gagnera cette dernière bataille architecturale contre le nationalisme pur et dur, pendant que le président aura marqué son règne. Par cette pharaonienne construction mais aussi par la réconciliation nationale et la récente venue de Rached El Ghannouchi, chef du victorieux parti islamiste tunisien à Alger, Bouteflika offre des gages aux islamistes et alimente une série de questionnements sur ce tapis rouge déroulé à celui qui était interdit de séjour en Algérie. La grande mosquée sera donc construite, dans la banlieue Est d'Alger sur la route de l'aéroport, et sera visible à tous les étrangers de passage. Seuls les buveurs et noceurs d'Alger, traqués par l'islamisme dominant plus ou moins actionné en haut-lieu, en rigolent. L'assiette foncière dédiée à la grande mosquée est sur une ancienne cave de l'ONCV, l'office national de viticulture. Sous la mosquée, les caves à vin.
Chawki Amari
http://www.slateafrique.com/71355/grande-mosquee-pour-petits-interets
Le président Bouteflika, fervent partisan de l'alliance politique avec les islamistes et grand pratiquant, relance le projet de la plus grande mosquée du monde, à Alger.
Mise à jour du 28 juillet 2012: Sans grande surprise, les Chinois ont remporté le marché de construction de la grande Mosquée d’Alger. Cette construction fort soutenue par le président Bouteflika devrait coûter un milliard de dollars à l’Algérie, selon le site d'information Média Terranée.
Le temps et l'espace. Aoulef, petit village du désert algérien mollement allongé sur la plaine sableuse du Tidikelt, adossé à l'immense plateau pierreux du Tadmaït. La zaouïa Moulay Hiba est située sur ces petites hauteurs, perdue dans le gigantesque Sahara algérien, à 1400 kilomètres de la capitale, Alger. Comme souvent, de nombreuses personnes errent dans ce haut lieu de la spiritualité lente.
Un couscous est offert aux visiteurs et les palabres, à propos du quotidien ou du Très-Haut, démarrent dans une ambiance bon enfant. Au détour d'une conversation très algérienne et qui se veut souvent politique, le wali, chef de la confrérie, montre un coin de sable à côté de lui: «c'est là que Abdelaziz Bouteflika venait s'assoir souvent, dans sa retraite spirituelle.», annonce-t-il non sans une certaine fierté. «Avant de devenir président», ajoute-t-il entre deux bouchées de semoule. Il n'a pas toujours été comme ça, le président, pas le marabout. Bon vivant, noceur et joyeux luron, il avait d'ailleurs souvent défrayé la chronique d'Alger quand il était jeune ministre des Affaires étrangères dans les années 1970. Des frasques couvertes en haut lieu mais qui faisaient le personnage, défendu par le très autoritaire et président Boumediene, lui-même austère et fervent pratiquant.
La traversée du désert
Chassé du pouvoir à la mort en 1978 de son mentor, l'ex-président et colonel Houari Boumediene, Abdelaziz Bouteflika entame une longue traversée du désert, lui qui était pressenti pour prendre la tête de l'Etat. Un désert relatif, la Suisse, puis la Syrie, puis les Emirats Arabes Unis. Revenant souvent en Algérie, il aimait fuir Alger et se retrouver littéralement dans le désert, dans une quête spirituelle. Le président Bouteflika devient mystique et erre à la recherche de l'Absolu.
Aoulef, Reggane, Adrar, de confréries en zaouïas, le président enchaîne les enseignements soufis, la mystique musulmane, loin des pratiques de l'islam quotidien centré sur le rite et les obligations. Il approche les cours de théologie dans les meilleures écoles de l'islam saharien tout en gardant ses contacts au Nord. Approché plusieurs fois en pleine période terroriste, Abdelaziz Bouteflika refuse de prendre la tête de l'Etat, jurant «de ne plus jamais faire de politique». En 1999, il accepte de prendre le pouvoir, et les généraux de l'armée, le général Toufik, patron du DRS, services de renseignements, lui confient la mission de négocier avec les islamistes radicaux. Il prête serment sur le Coran, comme le veut la Constitution. Dieu est grand. Bouteflika un peu moins. Mais il trône sur le plus grand pays d'Afrique, qui s'étend des côtes méditerranéennes aux confins du désert.
Du mysticisme soufi à l'islam ritualiste
Paris, novembre 2005. Au cours de son deuxième mandat, le président Bouteflika est évacué en urgence à l'hôpital militaire du Val-de-Grâce. Le président est malade, un cancer selon les médecins algériens, «un simple ulcère hémorragique» selon le communiqué officiel. Mais à Alger, on est offusqué, comment être aussi intransigeant dans le discours avec la France et se faire soigner dans un hôpital de l'ex-colonisateur, qui plus est militaire? Tout le monde le sait, le courant nationaliste est en perte de vitesse et le président finalise son alliance avec les islamistes, qu'il a consolidée pour assoir une forme de légitimité populaire à son pouvoir contesté. A sa sortie du Val-De-Grâce, il se veut rassurant et nie une quelconque cachotterie sur son état de santé: «l'on ne peut être responsable d’un peuple et d’une nation et vouloir cacher des choses pour lesquelles nous devons rendre compte à Dieu». Le président est rétabli et selon son entourage, born again. De sa première crise mystique, il passe à la seconde et conclut sa touba, la rédemption, suite au miracle de sa résurrection au sortir d'une maladie qui aurait pu lui être fatale. Sa famille et ses proches le traitent comme un messager de Dieu, envoyé pour le bien de l'Algérie et de la nation musulmane.
Le miraculé mégalo et la Mosquée d'Alger
Le président rentre à Alger et commence à réfléchir au projet de la grande mosquée d'Alger, imaginée comme la plus grande du monde après celles de Médine et de La Mecque, les deux villes saintes de l'Islam, en Arabie Saoudite. L'appel d'offre est lancé en 2009, sitôt la très contestable réélection du président pour un troisième mandat, après le triturage anti-démocratique de la Constitution. Les premiers chiffres parlent de 3 milliards d'euros et effraient tous ceux qui jugent la dépense mégalomane, dispendieuse et inutile. Les progressistes mais aussi une partie des islamistes qui ne voient là que l'œuvre des Pharaons, référence à l'Egypte antique et sa démesure architecturale (les pyramides), tant décrié par la propagande judaïque que chrétienne et musulmane. Un médecin algérois s'attriste: «On attendait le grand hôpital d'Alger mais il n'est pas au programme.» Logique, le président est guéri, et il a été soigné en France.
Houbel contre Allah
Alors qu'il y avait différents projets en course, une pré-attribution, des retards incompréhensibles et d'occultes annulations, l'Algérie opte en octobre 2011 pour une entreprise chinoise, la China State construction ENRG (CSCEC). Si le coût a été revu à la baisse (1 milliard d'euros «seulement»), un nouveau scandale éclate, la construction a été attribuée à une entreprise interdite de marchés par la Banque Mondiale, qui l'accuse de corruption. La pilule passe quand même, il s'agit d'un projet présidentiel, non négociable. Surtout, il s'agit de concurrencer la mosquée de Hassan II à Casablanca, la plus grande, ou la Basilique de Yamoussokro en Côte D'Ivoire, le plus grand édifice religieux au monde (selon le Guiness des records en 1989), construite aussi grâce à la mégalomanie de l'ex-président Felix Houphouët-Boigny. La religion au secours des autocrates, qui auront sacrifié l'argent public pour leur propre gloire. Avec son minaret de 300 mètres (le plus haut du monde), la grande mosquée d'Alger dépassera en hauteur l'immense stèle commémorative de Riad El Feth à Alger (90 mètres de hauteur) édifié en l'honneur des martyrs de la guerre d'indépendance, appelée ironiquement Houbel (du nom d'une ancienne idole païenne de La Mecque anté-islamique).
Quand Bouteflika flirte avec les islamistes
L'islamisme gagnera cette dernière bataille architecturale contre le nationalisme pur et dur, pendant que le président aura marqué son règne. Par cette pharaonienne construction mais aussi par la réconciliation nationale et la récente venue de Rached El Ghannouchi, chef du victorieux parti islamiste tunisien à Alger, Bouteflika offre des gages aux islamistes et alimente une série de questionnements sur ce tapis rouge déroulé à celui qui était interdit de séjour en Algérie. La grande mosquée sera donc construite, dans la banlieue Est d'Alger sur la route de l'aéroport, et sera visible à tous les étrangers de passage. Seuls les buveurs et noceurs d'Alger, traqués par l'islamisme dominant plus ou moins actionné en haut-lieu, en rigolent. L'assiette foncière dédiée à la grande mosquée est sur une ancienne cave de l'ONCV, l'office national de viticulture. Sous la mosquée, les caves à vin.
Chawki Amari
http://www.slateafrique.com/71355/grande-mosquee-pour-petits-interets
aokas- Nombre de messages : 416
Date d'inscription : 19/03/2010
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