Entretien avec l’écrivaine et poétesse Rania Aouadène
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Entretien avec l’écrivaine et poétesse Rania Aouadène
Littérature Entretien avec l’écrivaine et poétesse Rania Aouadène
“Ma passion pour l’écriture est née avec moi”
Née à Marseille, elle est originaire de la région de Iboulaouadène, dans la wilaya de Bgayet. Rénia Aouadène a fait des études de littérature et civilisations hispano-américaine et en sciences de l’éducation à l’université d’Aix en Provence. Elle a publié des nouvelles, de la poésie, du théâtre et un roman où l’on retrouve les cultures dans lesquelles elle a baigné depuis son enfance.
La Dépêche de Kabylie : Vous êtes née en France et vous êtes originaire d’Iboulaouadène. Comment vivez-vous ces différences culturelles ?
Rénia Aouadène : J’ai eu la chance de vivre dans une ville multiculturelle mais j’ai surtout grandi parmi des hommes et des femmes en souffrance car ils avaient été contraints de quitter leur terre. Je pense que je me suis imprégnée de toutes ces souffrances et que cela a provoqué chez moi le désir de chercher, de savoir et de comprendre pourquoi nous étions dans un pays qui ne voulait pas de nous et qui nous le faisait bien savoir à travers les actes racistes de l’époque. Mais en même temps, c’était une chance que de côtoyer le monde et de prendre chez chacun d’eux ce qui pour moi semblait enrichissant. Aujourd’hui, je peux dire que je suis une femme de la Méditerranée parce que ces hommes et ces femmes m’ont transmis à travers leur histoire, leurs anecdotes, un patrimoine qui fait de moi ce que je suis.
«Béjaïa, Bougie, Bgayet» est un poème en hommage à Bgayet.
En lisant le poème, on découvre à la fois votre attachement et de la révolte. Comment ressentez-vous tout cela tout en sachant que vous n’y êtes pas née et n’y vivez pas?
D’abord je viens en Algérie depuis longtemps, je reviens au village d’Iboulaouadene et c’est à chaque fois une joie de retrouver la maison, la famille et vivre en retrouvant les saveurs, les odeurs, les moments de partage mais aussi les problèmes de ces habitants qui survivent tant bien que mal dans des conditions difficiles et parfois douloureuses. Ce poème symbolise la mère Algérie, riche de sa beauté et de son potentiel et pauvre de la misère engendrée par 50 ans de pouvoir égoïste, de corruption et de non-respect de son peuple. Comment ne pas être en colère devant une jeunesse désœuvrée qui fuit une terre à bord de barques préférant la mort à la misère morale, intellectuelle …. On retrouve dans ce poème tous les symboles de cette terre et un hymne à la culture berbère et à tous ceux qui sont tombés et qui se battent pour sa survie pour qu’elle ne disparaisse pas au profit d’un arabisme et d’un islamisme qui se répand malgré nous et contre nous.
Comment est née votre passion pour l’écriture ?
Elle est née avec moi. J’ai toujours voulu écrire, j’ai toujours aimé dire de la poésie, dire des textes et mes professeurs l’avaient détectée. Ils me faisaient lire en classe car j’avais une voix puissante et particulière. J’écrivais des poèmes comme les enfants savent le faire mais j’ai toujours caché mes écrits car j’ai mis du temps avant de vouloir partager mes textes ; d’ailleurs j’ai publié mes premiers poèmes dans la revue Algérie Littérature Action, dirigée par Marie Virolle au hasard d’une rencontre lors d’un salon du livre à Antibes.
Dans votre œuvre “Algérie-Andalousie-Marseille”, vous faites des lectures poétiques accompagnées d’une magnifique musique de Denis Chauvet. Parlez-nous un peu de Denis et comment l’avez-vous rencontré ?
J’ai rencontré Denis Chauvet à Marseille alors qu’il arrivait de Paris avec sa compagne. Auteur compositeur, guitariste et bassiste, Il a aimé mes poèmes et m’a proposé d’improviser, ensuite nous avons décidé de faire ce CD de poésies et l’on nous a invités à faire des lectures que le public a appréciées.
Envisagez-vous un projet artistique ou littéraire en Algérie ?
Je souhaiterais partager mes écrits avec les algériens car tout ce que je crée parle et crie l’Algérie. Je ne peux faire autrement, la douleur que je porte est trop forte et le deuil d’un père assassiné, impossible. J’ai envie de publier en Algérie, mais ce n’est pas évident de le faire quand on sait la difficulté de publier dans ce pays pour des auteurs qui y résident et qui ont un véritable talent, car l’Algérie a fait de nous des artistes, des intellectuels qui ne cessent d’accoucher la rage devant l’impossibilité d’avancer, de progresser et de lui donner tous les honneurs et les créations qui foisonnent dans tous les recoins de cette terre maltraitée et mal aimée, par ceux qui la gouvernent.
Que pensez-vous de la littérature algérienne en général et féminine en particulier ?
Comme dans tous les pays, il y a les auteurs connus et les nombreux auteurs inconnus ou pas assez, qui écrivent des textes qui ont une portée extraordinaire car ils sont le fruit d’une révolte envers un pays où les décideurs n’ont pas compris qu’on ne construit pas une nation sur le dos de son peuple.
Quels sont les auteurs qui vous inspirent ?
J’ai été nourrie de la Littérature française et de ses grands auteurs, ainsi que les auteurs algériens francophones. J’ai eu une période de boulimie où je dévorais tous les écrivains algériens comme Mouloud Feraoun, Kateb Yacine, Mouloud Mammeri, Malek Haddad et bien d’autres, puis j’ai découvert plus tard Rachid Mimouni et Anouar Ben Malek et d’autres. Je suis passionnée de poésies et je dis que je suis une enfant de la poésie espagnole et latino-américaine à cause de ma formation et de mes études de Littérature hispano-américaine en France et en Andalousie où j’ai découvert la poésie andalouse d’où mon écriture poétique en espagnol. Je suis une boulimique en matière de lectures et chaque été je profite de mon temps libre pour dévorer d’autres littératures lointaines comme la chinoise, la japonaise et découvrir des auteurs donc des peuples, des histoires, d’autres cultures… J’avoue avoir un faible pour l’œuvre d’Amine Maalouf, dont j’ai lu tous les écrits car elle est le reflet de l’homme qu’il est et qu’elle est porteuse de valeurs de partage et de tolérance, puis j’ai un attachement pour l’œuvre de Garcia Lorca tant poétique que théâtrale car il symbolise le Poète assassiné comme Tahar Djaout et bien d’autres, ce qui montre bien combien «la poésie est une arme chargée de futur», comme l’a écrit durant la guerre civile espagnole le Poète Gabriel Celaya, mais le génie reste pour moi le grand Maître Victor Hugo. Ecrivain, poète, dramaturge et homme politique, ses textes restent universels
Quels sont vos projets futurs ?
Ecrire de la poésie, des nouvelles, des romans et espérer pouvoir publier en Algérie et rencontrer à nouveau ce public attentif, chaleureux avec lequel j’ai pu enfin partager une partie de mon histoire et rendre hommage à mon père et à ma mère. Merci à vous de m’avoir accueillie pour ce qui restera pour moi un moment d’échanges si intense, émouvant et enrichissant.
Reda Senoune
“Ma passion pour l’écriture est née avec moi”
Née à Marseille, elle est originaire de la région de Iboulaouadène, dans la wilaya de Bgayet. Rénia Aouadène a fait des études de littérature et civilisations hispano-américaine et en sciences de l’éducation à l’université d’Aix en Provence. Elle a publié des nouvelles, de la poésie, du théâtre et un roman où l’on retrouve les cultures dans lesquelles elle a baigné depuis son enfance.
La Dépêche de Kabylie : Vous êtes née en France et vous êtes originaire d’Iboulaouadène. Comment vivez-vous ces différences culturelles ?
Rénia Aouadène : J’ai eu la chance de vivre dans une ville multiculturelle mais j’ai surtout grandi parmi des hommes et des femmes en souffrance car ils avaient été contraints de quitter leur terre. Je pense que je me suis imprégnée de toutes ces souffrances et que cela a provoqué chez moi le désir de chercher, de savoir et de comprendre pourquoi nous étions dans un pays qui ne voulait pas de nous et qui nous le faisait bien savoir à travers les actes racistes de l’époque. Mais en même temps, c’était une chance que de côtoyer le monde et de prendre chez chacun d’eux ce qui pour moi semblait enrichissant. Aujourd’hui, je peux dire que je suis une femme de la Méditerranée parce que ces hommes et ces femmes m’ont transmis à travers leur histoire, leurs anecdotes, un patrimoine qui fait de moi ce que je suis.
«Béjaïa, Bougie, Bgayet» est un poème en hommage à Bgayet.
En lisant le poème, on découvre à la fois votre attachement et de la révolte. Comment ressentez-vous tout cela tout en sachant que vous n’y êtes pas née et n’y vivez pas?
D’abord je viens en Algérie depuis longtemps, je reviens au village d’Iboulaouadene et c’est à chaque fois une joie de retrouver la maison, la famille et vivre en retrouvant les saveurs, les odeurs, les moments de partage mais aussi les problèmes de ces habitants qui survivent tant bien que mal dans des conditions difficiles et parfois douloureuses. Ce poème symbolise la mère Algérie, riche de sa beauté et de son potentiel et pauvre de la misère engendrée par 50 ans de pouvoir égoïste, de corruption et de non-respect de son peuple. Comment ne pas être en colère devant une jeunesse désœuvrée qui fuit une terre à bord de barques préférant la mort à la misère morale, intellectuelle …. On retrouve dans ce poème tous les symboles de cette terre et un hymne à la culture berbère et à tous ceux qui sont tombés et qui se battent pour sa survie pour qu’elle ne disparaisse pas au profit d’un arabisme et d’un islamisme qui se répand malgré nous et contre nous.
Comment est née votre passion pour l’écriture ?
Elle est née avec moi. J’ai toujours voulu écrire, j’ai toujours aimé dire de la poésie, dire des textes et mes professeurs l’avaient détectée. Ils me faisaient lire en classe car j’avais une voix puissante et particulière. J’écrivais des poèmes comme les enfants savent le faire mais j’ai toujours caché mes écrits car j’ai mis du temps avant de vouloir partager mes textes ; d’ailleurs j’ai publié mes premiers poèmes dans la revue Algérie Littérature Action, dirigée par Marie Virolle au hasard d’une rencontre lors d’un salon du livre à Antibes.
Dans votre œuvre “Algérie-Andalousie-Marseille”, vous faites des lectures poétiques accompagnées d’une magnifique musique de Denis Chauvet. Parlez-nous un peu de Denis et comment l’avez-vous rencontré ?
J’ai rencontré Denis Chauvet à Marseille alors qu’il arrivait de Paris avec sa compagne. Auteur compositeur, guitariste et bassiste, Il a aimé mes poèmes et m’a proposé d’improviser, ensuite nous avons décidé de faire ce CD de poésies et l’on nous a invités à faire des lectures que le public a appréciées.
Envisagez-vous un projet artistique ou littéraire en Algérie ?
Je souhaiterais partager mes écrits avec les algériens car tout ce que je crée parle et crie l’Algérie. Je ne peux faire autrement, la douleur que je porte est trop forte et le deuil d’un père assassiné, impossible. J’ai envie de publier en Algérie, mais ce n’est pas évident de le faire quand on sait la difficulté de publier dans ce pays pour des auteurs qui y résident et qui ont un véritable talent, car l’Algérie a fait de nous des artistes, des intellectuels qui ne cessent d’accoucher la rage devant l’impossibilité d’avancer, de progresser et de lui donner tous les honneurs et les créations qui foisonnent dans tous les recoins de cette terre maltraitée et mal aimée, par ceux qui la gouvernent.
Que pensez-vous de la littérature algérienne en général et féminine en particulier ?
Comme dans tous les pays, il y a les auteurs connus et les nombreux auteurs inconnus ou pas assez, qui écrivent des textes qui ont une portée extraordinaire car ils sont le fruit d’une révolte envers un pays où les décideurs n’ont pas compris qu’on ne construit pas une nation sur le dos de son peuple.
Quels sont les auteurs qui vous inspirent ?
J’ai été nourrie de la Littérature française et de ses grands auteurs, ainsi que les auteurs algériens francophones. J’ai eu une période de boulimie où je dévorais tous les écrivains algériens comme Mouloud Feraoun, Kateb Yacine, Mouloud Mammeri, Malek Haddad et bien d’autres, puis j’ai découvert plus tard Rachid Mimouni et Anouar Ben Malek et d’autres. Je suis passionnée de poésies et je dis que je suis une enfant de la poésie espagnole et latino-américaine à cause de ma formation et de mes études de Littérature hispano-américaine en France et en Andalousie où j’ai découvert la poésie andalouse d’où mon écriture poétique en espagnol. Je suis une boulimique en matière de lectures et chaque été je profite de mon temps libre pour dévorer d’autres littératures lointaines comme la chinoise, la japonaise et découvrir des auteurs donc des peuples, des histoires, d’autres cultures… J’avoue avoir un faible pour l’œuvre d’Amine Maalouf, dont j’ai lu tous les écrits car elle est le reflet de l’homme qu’il est et qu’elle est porteuse de valeurs de partage et de tolérance, puis j’ai un attachement pour l’œuvre de Garcia Lorca tant poétique que théâtrale car il symbolise le Poète assassiné comme Tahar Djaout et bien d’autres, ce qui montre bien combien «la poésie est une arme chargée de futur», comme l’a écrit durant la guerre civile espagnole le Poète Gabriel Celaya, mais le génie reste pour moi le grand Maître Victor Hugo. Ecrivain, poète, dramaturge et homme politique, ses textes restent universels
Quels sont vos projets futurs ?
Ecrire de la poésie, des nouvelles, des romans et espérer pouvoir publier en Algérie et rencontrer à nouveau ce public attentif, chaleureux avec lequel j’ai pu enfin partager une partie de mon histoire et rendre hommage à mon père et à ma mère. Merci à vous de m’avoir accueillie pour ce qui restera pour moi un moment d’échanges si intense, émouvant et enrichissant.
Reda Senoune
aokas- Nombre de messages : 416
Date d'inscription : 19/03/2010
Re: Entretien avec l’écrivaine et poétesse Rania Aouadène
http://www.depechedekabylie.com/cuture/109660-ma-passion-pour-lecriture-est-nee-avec-moi.html
aokas- Nombre de messages : 416
Date d'inscription : 19/03/2010
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