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Rencontre avec un mollah féministe

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Message  Azul Lun 19 Avr - 20:26

Afghanistan


Rencontre avec un mollah féministe



Par Annabel Benhaiem


Rencontre avec un mollah féministe Afghanistan_120

Thierry Dudoit/L'Express

L'Afghan Ali Mohaqiq Nassab est à la fois mollah, journaliste et défenseur des droits des femmes. Un cocktail qui n'a pas été du goût des autorités religieuses d'Iran et d'Afghanistan. Menacé de mort depuis 2005, il a aujourd'hui trouvé refuge en France.



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L'Afghan Ali Mohaqiq Nassab est à la fois mollah, journaliste et défenseur des droits des femmes. Un cocktail qui n'a pas été du goût des autorités religieuses d'Iran et d'Afghanistan. Menacé de mort depuis 2005, il a aujourd'hui trouvé refuge en France.

Ali Mohaqiq Nassab a délaissé le costume traditionnel afghan pour un look occidental: une veste bleue, un pull à col roulé gris et un pantalon classique. Il mesure dans les 1,70 m, a les pattes d'oie qui se plissent délicatement lorsque lui prend l'envie de sourire. Il a 53 ans, 1 femme et 5 enfants toujours en Afghanistan.

Qu'est-ce qui vous a poussé à fuir votre pays?
J'ai publié en 2005 deux articles dans mon journal Droits des femmes (Hoquq-e Zan), l'un affirmant que le Coran garantissait l'égalité entre hommes et femmes, l'autre démontrant que l'apostasie (abandon de la religion musulmane) devait être dépénalisée puisqu'il s'agit d'un péché mais pas d'un crime. Les extrémistes religieux ont immédiatement porté plainte contre moi. Le journal a été interdit et j'ai été condamné à deux ans de prison. En appel, ma peine a été ramenée à du sursis, en plus des 2 mois et 22 jours déjà passés dans les geôles de Kaboul.
Entre temps, une fatwa avait été lancée, appelant à mon assassinat. Après ma libération, plusieurs députés ont pris la parole au sein du Parlement afghan pour déclarer que suite à cette fatwa, n'importe qui était en droit de me tuer. L'ambassadeur des Etats-Unis en Afghanistan m'a proposé de partir. Mais je n'ai pas voulu quitter mon pays tout de suite. Je voulais poursuivre mon travail.
Ali Mohaqiq Nassab se tient droit sur sa chaise. Il conserve ses mains en dessous de la table toute la durée de l'entretien, ne croise jamais ses bras et attend patiemment que l'interprète traduise les questions-réponses. Son visage a la douceur d'un sage, ses expressions, la bonhomie d'une personne en paix avec ses idées. Derrière son sourire, on devine des convictions ancrées jusqu'à la moëlle.

Vous avez continué à recevoir des menaces?
Juste après ma libération, l'affaire de l'Afghan converti au christianisme, Abdul Rahman, a ravivé la haine à mon égard. On m'a accusé d'avoir créé une école de pensée militant pour la "sortie de religion".
L'Iran était derrière ma première condamnation


J'ai échappé de peu à une tentative de meurtre, quelque temps après. Je me rendais à une conférence organisée par le ministère afghan de l'Information et de la Culture qui réunissait ONG et médias. Des hommes, armés d'épées, de couteaux et de bâtons se sont jetés sur ma voiture pour la détruire, pensant que j'étais à l'intérieur. Heureusement, je venais juste de pénétrer dans le bâtiment où se tenait l'assemblée. A ce moment, j'ai pris peur. Je suis parti me réfugier en Iran, seul endroit qui, à mes yeux, pouvait encore m'accueillir.

A Téhéran, vous avez été emprisonné à nouveau...
C'est vrai. A peine le pied posé sur cette terre, qui m'avait déjà hébergé en 1989, les autorités m'ont incarcéré quatre longs mois. Ceci prouvait que l'Iran était derrière ma première condamnation. L'ayatollah Hosseini, chef iranien d'un conseil religieux chiite très influent, avait envoyé une lettre au tribunal afghan pour demander ma mise à mort.

L'Iran serait-il responsable de la fatwa lancée sur votre tête?
Tout à fait. Comme 2 à 3 millions d'Afghans, je m'étais rendu en Iran, après l'arrivée des Russes à Kaboul en 1989. J'ai étudié la religion à l'école coranique de Qom, la ville sainte. J'y ai fondé une famille en épousant une Iranienne, qui m'a donné un fils. Famille qui s'est disloquée après la parution de ma thèse remettant en cause le principe de l'existence du guide suprême, l'ayatollah Khomeini. A l'époque, j'étais proche d'un cercle de dissidents religieux, comme l'ayatollah Montazeri.
Je n'étais pas connu en Afghanistan à mon retour, après la chute des Taliban. J'ai reconstruit une famille avec une Afghane. De notre mariage sont nés 5 enfants. J'ai dans le même temps créé mon journal Droits des femmes, et me suis lancé en politique. J'avais commencé à collaborer avec le président Hamid Karzaï. Mais les autorités religieuses iraniennes voyaient d'un très mauvais oeil que je me mêle des affaires publiques afghanes. Elles savaient sans doute que si j'avais du pouvoir, je dénoncerais les violences faites au nom de l'islam et démontrerai leur incompatibilité avec le Coran.
Elles ont profité de la publication de mes deux articles pour en finir avec moi et mes idées. Mais je ne me suis pas laissé faire. Après les 4 mois d'emprisonnement en Iran, ma femme et mes 5 enfants sont rentrés en Afghanistan, tandis que moi, relâché sous caution en attente de mon jugement, j'ai mis le cap vers la Turquie
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Message  Azul Lun 19 Avr - 20:28

Là encore, on ne vous a pas accueilli à bras ouverts.
En effet, la fatwa pesait toujours et les menaces de mort se sont succédé. De plus, j'étais entré illégalement sur le territoire turc. Je me suis ensuite rendu en Grèce. De là, Reporters sans frontières m'a aidé à me réfugier en France où je viens d'obtenir l'asile politique. J'ai aussi demandé le regroupement familial pour ma femme et mes enfants.
Il tend un feuillet beige cartonné, recouvert d'un plastique fin et prouvant son statut de réfugié. Une sorte de reconnaissance.

Vous n'avez jamais eu envie de baisser les bras dans votre lutte contre l'extrémisme religieux?
Jamais. Je n'ai pas d'autre motivation que mes terribles souvenirs d'enfance. J'ai vu chaque jour ma mère, mes tantes et mes voisines se faire frapper par leur conjoint ou par d'autres. J'ai vu leur détresse et leur dénuement. J'ai vu cette violence quotidienne que les religieux justifiaient par l'islam. En étudiant dans l'école coranique de Qom, j'ai réalisé à quel point ils avaient tort. Toutes ces interdictions et ces injustices envers la moitié de notre peuple n'est nulle part inscrite dans le Coran. L'islam ne dit pas ça sur les femmes.Rencontre avec un mollah féministe Afghanistan_125

Thierry Dudoit/L'Express

Mohaqeq Nasab, journaliste afghan réfugié en France et demandeur d'asile, ici dans les locaux de Reporter Sans Frontière à Paris.


En tant qu'autorité religieuse, comment avez-vous vécu les accusations à votre encontre?
Elles m'ont fait beaucoup souffrir. J'ai consacré ma vie à l'étude de l'islam. L'accusation de "sortir du religieux" m'a profondément blessé. Je me suis défendu en expliquant que l'islam autorisait la liberté d'expression. Plusieurs sourates parlent d'ailleurs de cela: on ne peut pas forcer quelqu'un à accepter le religieux.
Ce qui me console aujourd'hui, c'est de voir que certaines femmes ont pris leur destin en main. La campagne iranienne "Un million de signatures" demandait en 2006 la révision de la Constitution concernant le droit des femmes.

La politique de la main tendue de Karzaï aux Taliban vous semble-t-elle judicieuse?
Absolument pas. Les Taliban ne sont pas des négociateurs. Ils sont dangereux. Depuis la chute de leur régime, ils n'ont pas arrêté leurs crimes. Ils ont continué à s'imposer par la violence. Je préfère largement la situation actuelle avec la présence des forces de la coalition. Tant qu'elles sont là, les Taliban se tiendront à l'écart et ne nous dévoreront pas. La conférence de Londres est venue nous rappeler que le monde n'oubliait pas l'Afghanistan.

Que pensez-vous de la polémique autour de la prise d'otages des deux journalistes français? Ont-ils bien fait de partir? Auraient-ils dû éviter les zones dangereuses, comme l'ont suggéré Nicolas Sarkozy et Claude Guéant?
Depuis plus de vingt ans, la seule petite lumière qui vient nous éclairer est celle des journalistes. Ce sont les seuls à transmettre notre message à l'extérieur de nos murs. Leur présence est nécessaire dans tout le pays et dépend de leur conscience professionnelle autant que de leur responsabilité d'informer. La libération de ces deux Français coûtera peut-être cher à votre Etat, mais leur travail est vital, pour eux comme pour nous.

En Afghanistan, étiez-vous le seul mollah à défendre les droits des femmes?
Ils sont plus nombreux qu'on ne l'imagine; il y en a même dans les hautes sphères du clergé. Kazem Yazdani, par exemple, collaborait avec notre journal, et a déjà publié plusieurs livres sur le sujet. Cependant, en Iran, la lutte contre l'extrémisme a plus de poids. A Téhéran, trois mollahs "blogueurs" sont emprisonnés.

J'ai en tête cet oiseau rare, la rousserolle à grand bec, aperçu deux fois en cent ans, dont on a découvert l'année dernière qu'il nidifiait en Afghanistan. L'image de cet oiseau, menacé par la déforestation, vous parle-t-elle?
Khomeini, le mollah Omar et Ben Laden trahissent la religion en se réclamant d'elle


M. Nassab éclate de rire. Je ressemblerai à cet oiseau? Pourquoi pas... Mais je ne suis pas le seul à être conscient du danger de l'islam extrémiste. On ne peut décemment pas accepter d'évoluer entre les thèses de Khomeini, du mollah Omar et de Ben Laden. Ils trahissent la religion en se réclamant d'elle. Je n'ai qu'une peur, que la bombe atomique tombe entre leurs mains. Si l'Iran arrive à la produire, je ne donne pas cher de notre peau à tous.
Au 19e siècle, un mollah, né à Téhéran pour les Iraniens, à Kaboul pour les Afghans, au Tadjikistan pour les Tadjiks, luttait déjà contre les fondamentalistes. Cet homme, qui répondait au nom de Syef Jamalodin Assaf Abadi, a fait de la prison dans chaque pays où il mettait les pieds, de l'Egypte, à la Turquie, en passant par l'Iran. Aujourd'hui, de plus en plus de personnes vivent dans la menace de pouvoir être emprisonné à chaque fois qu'elles mettent un pied dans un nouveau pays. Le combat contre l'intégrisme religieux a ceci de particulier qu'il est universel.
Comme un journaliste qui sait que toutes les questions n'ont pas été posées, qu'il faudrait encore des heures pour tout se dire, mais que l'interprète est à bout de souffle, et que le temps ne s'étire pas, Ali Mohaqiq Nassab se lève, serre les mains, puis sourit. Avant l'entretien, il avait glissé à l'oreille de l'interprète: "Pourquoi cette interview?" Au sortir, sa jovialité illustre la sensation du devoir accompli. Ali Mohaqiq Nassab n'écrit plus, mais aussi longtemps qu'il réussira à faire passer son message, il se dit que son combat n'aura pas été vain.
Un grand merci à Reza qui s'est occupé de la traduction en simultané.

source:

http://www.lexpress.fr/actualite/monde/asie/rencontre-avec-un-mollah-feministe_846282.html?p=2
Azul
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