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Le retour triomphal des assassins

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Le retour triomphal des assassins Empty Le retour triomphal des assassins

Message  Aokas Ultras Lun 1 Oct - 12:10

Par Ahmed Halli
halliahmed@hotmail.com
Voici venu le temps où le crime est récompensé, et les assassins célébrés ! Pour sanctionner le «règne» du président égyptien Morsi, l'Histoire retiendra que son premier geste de pardon a été en faveur d'assassins patentés. Cependant, si l'Histoire est relativement sévère, la tradition l'est beaucoup moins. De ce point de vue, le candidat des Frères musulmans était dans la norme si on se réfère aux précédents : Hind, épouse d'Abou- Soufiane n'a jamais eu à répondre(1) de son geste ignoble, celui d'extirper le foi de Hamza, premier chevalier de l'Islam, de sa dépouille. Le crime de Abdallah Ibn Selloul, «Prince des calomniateurs», était tout aussi grave puisqu'il avait diffamé Aïcha, l'épouse du Prophète, mais lui aussi fut pardonné. Il reste, pour bien préciser les choses, que Abdallah Ibn Selloul est, aux yeux de nos bruyants croyants, un pestiféré(2) alors qu'un voile pudique est jeté sur les turpitudes morales de la mère de Muawiya. Rapportées à l'aune de ces actes visant directement ou indirectement l'Envoyé de Dieu, les actions meurtrières des terroristes égyptiens ne représentaient pas grandchose. C'est ainsi que dès son avènement, et s'appuyant apparemment sur cette logique fondamentale, Morsi a fait libérer tous les auteurs islamistes d'actes de violence condamnés à de lourdes peines. Parmi les dizaines de grâces, celle de Aboul'ala Abd-Rabbo était passée pratiquement inaperçue, puisque l'intéressé s'était fait discret, aussi bien en prison qu'après sa libération. En dehors de quelques protestations de pure forme, la libération et la personnalité des graciés n'ont pas soulevé beaucoup d'émoi dans une Égypte déjà résignée à la dictature islamiste. Seule une organisation de jeunes révolutionnaires avait protesté en rappelant que des centaines de jeunes animateurs de la révolution du 25 janvier croupissaient encore dans les prisons alors que des criminels notoires sont libérés. Abd-Rabbo, pour les non-initiés, est l'un des trois membres du commando qui a assassiné, il y a vingt ans, Farag Fodda, un intellectuel défenseur de la laïcité, à la sortie de son bureau. Pour être sûrs de ne pas rater leur cible, les terroristes avaient utilisé la mitraillette, ce qui a eu pour résultat d'atteindre d'autres personnes à proximité. Subitement, le mardi 25 septembre 2012, Abd-Rabbo refait son apparition comme vedette du show télévisé, «Propos audacieux» de Tony Khalifa sur la chaîne privée Al-Kahira Oual-Nass. Le présentateur libanais, amateur de sensationnel et de scoops, avait animé, durant le Ramadan, une émission du même genre, «Le temps des frères», avec un succès certain. Le «Propos audacieux » du 25 septembre avait été précédé, durant toute la semaine, de spots annonçant l'évènement, comme le nec plus ultra des débats télévisés. En fait d'audace, on a vu surtout l'arrogance d'un meurtrier élargi et bardé de certitudes, encouragé en cela par un Tony Khalifa très indulgent, pour ne pas dire complice. D'abord les faits : le 8 juin 1992, trois membres de la Djamaa islamya assaillent Farag Fodda, alors qu'il quittait son travail. Lors du procès, Abd-Rabbo s'était surtout signalé par le fait qu'il n'avait jamais rien lu de Farag Fodda. Au juge qui lui demandait pourquoi il avait traité Fodda d'apostat, et s'il avait lu quelque chose forgeant une telle conviction, il avait répondu qu'il ne savait ni lire ni écrire. Sa certitude venait simplement du fait que des imams d'Al-Azhar ont décrété que Farag Fodda avait apostasié en s'opposant à l'application de la Charia. Ceci quelques jours après un mémorable débat public, au salon du livre du Caire, au cours duquel Fodda avait mis à mal l'imam Ghazali, star adulée de nos gouvernants de l'époque. L'intellectuel assassiné avait eu notamment ces paroles prémonitoires à l'adresse de Ghazali : «Dans le système laïque que je défends, vous pouvez débattre avec moi de vos idées, à l'opposé des miennes, et rentrer tranquillement chez vous. Dans le système que vous préconisez, et avec les idées qui sont les miennes, on me couperait la tête.» Ce qui fut accompli, et Ghazali participa au procès comme témoin à décharge, et il confirma à nouveau le statut d'apostat de celui qui avait eu l'audace de le contredire. Vingt ans après, Abd-Rabbo assène encore sur un plateau de télévision ces mêmes certitudes : il a exécuté la sentence de Dieu après que les Ulémas aient frappé Fodda d'apostasie et légitimé son assassinat. Il ne regrette pas son acte et ne s'en excusera jamais auprès de la famille de Fodda, parce que ce dernier avait enfreint la loi de Dieu et avait mérité son sort(3). Il a refusé d'être confronté à la fille du défunt, par égard pour elle et pour sa famille, parce qu'il aurait encore qualifié sa victime d'apostat et d'ennemi de Dieu. Puis Tony Khalifa a appelé à la barre Nabil Charef-Eddine, ancien élève de Farag Fodda et ancien policier, rédacteur en chef(4) du site électronique Al-Azma (la crise). À part le fait qu'il a menacé Abd- Rabbo de le tuer sur le plateau s'il était à la place de la fille de Fodda, notre confrère n'a pas fait le poids. Comment d'ailleurs répliquer à un homme qui vous assène des versets du Coran comminatoires à la queue-leu-le, vous empêchant de placer un mot, avec un animateur dépassé ? Et puis, le moment n'est sans doute pas venu pour l'élève de dépasser le maître, surtout lorsque le journaliste n'a pas l'énergie nécessaire pour mener de telles confrontations(5). Il y a deux ans, il s'était senti obligé de réciter la double profession de foi en direct sur Al-Jazeera pour répliquer aux islamistes qui l'avaient accusé de s'être converti au christianisme. Quand on en arrive au point de devoir apporter chaque jour la preuve de son appartenance à une religion, c'est que cette religion et ses pratiquants sont dans un triste état.
A. H.

(1) Le Prophète avait proclamé que toute personne entrant dans la maison d'Abou-Soufiane était saine et sauve, ce qui était aussi le cas de Hind qui était déjà à demeure. Non seulement elle bénéficia de la grâce amnistiante, mais elle devint aussi l’une des dames, de grande vertu, de la cité.
(2) Il partage ce triste privilège avec un autre calomniateur, Mistah, plus célèbre d'ailleurs que Abdallah, puisque en plus d'être un «Nekkar alkheïr», un ingrat, Mistah était juif. Il vivait largement des subsides de Abou-Bakr, le père de Aïcha, et pratiquement sous son toit. Ce qui ne l'empêchait pas de répandre des rumeurs malveillantes sur l'épouse du Prophète.
(3) A noter en liaison avec cet évènement les propos horrifiants de Mountassar Ezziat, pourtant avocat de son état, mais islamiste avant tout, qui a déclaré : «Si Fodda revenait, il devrait être à nouveau exécuté !» Qu'avez-vous fait du message de paix de l'Islam ? Je vous vois plutôt en prêtres aztèques, célébrant le sacrifice de milliers d'hommes en guise de moutons de l'Aïd.
(4) Il est vrai qu'il est plus facile pour un policier de devenir journaliste que l'inverse, mais en s'y prenant assez tôt, il y a des doubles casquettes qui s'ajustent parfaitement, comme le démontrent certains confrères.
(5) Je ne cesserai jamais de rappeler à ce propos qu’après l’assassinat de Fodda, Tahar Djaout prit l’initiative de publier un texte dans Algérie-Actualité, pour condamner l’acte terroriste. Nous fûmes peu, une centaine tout au plus, à signer le texte. Moins d’un an après, le 23 mai 1993, Tahar tombait à son tour sous les balles islamistes.


Aokas Ultras

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