Laissées pour mortes....de Nadia Kaci
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Laissées pour mortes....de Nadia Kaci
Le 13 juillet 2001 Rahmouna Salah et Fatiha Maamoura, femmes de ménage,vivaient avec des dizaines d’autres femmes dans le bidonville d’ El Haicha (La Bête) près de la base pétrolière de Hassi Messaoud dans le sud algérien. Cette nuit-là des centaines d’hommes armés de barres de fer, de couteaux, de gourdins et galvanisés par le prêche de l’imam de la mosquée locale investissent le quartier. Pendant des heures, ils vont violer, mutiler, torturer les femmes. Fatiha sera enterrée vivante après avoir été violée. Le premier procès sera une mascarade de justice ; quinze avocats, les comités de quartiers et les familles pour les bourreaux et personne, pas même un avocat, pour les victimes. La suite de la procédure se soldera par quelques condamnations d’une poignée d’agresseurs. Les femmes de Hassi Messaoud abandonneront les unes après les autres ces poursuites épuisantes et coûteuses et iront se cacher dans d’autres régions avec une nouvelle identité. Certaines tomberont dans la drogue ou la prostitution dont justement on les avait accusées. Suicide, errance, folie pour d’autres.
Nadia Kaci
En 2006, certaines de ces femmes dont Rahmouna et Fatiha sont amenées dans un commissariat pour «pardonner» leurs agresseurs, dans le cadre de la loi sur la concorde civile qui a permis aux terroristes islamistes de se repentir et de bénéficier d’une réhabilitation totale et d’aides financières de l’Etat. Rahmouna et Fatiha sont aujourd’hui les seules à poursuivre le combat pour la reconnaissance de leur souffrance. Elles se battent contre l’indifférence pour obtenir de l’Etat algérien les moyens d’une vie décente pour elles et leurs familles. Elles témoignent de ce qu’elles ont vécu dans un livre écrit avec cœur par la comédienne Nadia Kaci*. Rencontre avec l’auteure.
Comment avez vous vécu l’écriture de ces témoignages. Pensez vous que votre travail participe de la reconstruction ?
Nous étions plongées toutes les trois dans ce travail, je me sentais partie prenante de cette histoire, j’avais de l’amour pour elles. Il fallait reconstruire le puzzle de la mémoire, retrouver des pièces manquantes. A des degrés différents tant qu’elles n’auront pas eu le sentiment qu’elles ont obtenu réparation , elles ne se reconstruiront pas. Elles ont besoin d’être écoutées, d’être reconnues comme victimes. Ce livre ne va pas les reconstruire mais il leur permet de raconter elles-mêmes, pour la première fois, leur histoire. Cette affaire a tellement dérangé en Algérie. Cette tragédie n’entrait pas dans le moule de la concorde civile. Rahmouna et Fatiha ne sont pas reconnues comme victimes du terrorisme islamiste, elles n’ont pas été agressées par des GIA (groupes islamistes armés) mais par des hommes qui se sont crus autoriser à organiser ce lynchage. C’est la conséquence logique des lois inégalitaires, d’un discours qui a convaincu les hommes de ce pays qu’ils avaient un droit de vie ou de mort sur les femmes.
Rahmouna et Fatiha parlent très peu de leurs agresseurs, comme si elles étaient davantage les victimes de l’administration
Leur haine a été déplacée. On n’a pas identifié l’agresseur, on a fait du déni de leur statut de victimes. Cela fait neuf ans que les autorités les font courir en leur promettant de les aider à avoir un boulot et un logement. Elles ont tout perdu en une nuit : leur dignité, leur travail, leur maison, leur famille... Les aider à retrouver toutes ces choses serait une façon de leur obtenir réparation. Mais les promesses n’ont pas été tenues et cette réparation a été différée, ce qui est très frustrant. C’est pour ça qu’on a l’impression que c’est obsessionnel chez elles, ce discours sur leurs difficultés financières, leur problèmes de logement... Les pouvoirs publics auraient dû les protéger, être de leur côté pendant le procès et les aider à dépasser le traumatisme. Mais il ne faut pas se tromper, elles ont de la haine envers leurs agresseurs. Fatiha, quand elle parle de cette nuit a la haine des hommes et elle parle des difficultés à trouver un équilibre dans son couple parce qu’elle lutte contre la répulsion qu’elle a envers les hommes malgré un an de suivi psychologique. Ce livre va les aider car elles rencontrent des gens qui leur semblent attentifs à leur histoire, il leur permet de se raconter et de ne plus être actrices passives de leur drame. Il les aide à dénouer le nœud en elles
Laissées pour mortes.Témoignage recueilli par Nadia Kaci. Edition Max Milo, Paris, 2010.
* Nadia Kaci a joué notamment dans «Viva Laldjérie», «Délice Paloma» de Nadir Moknéche, «Ça commence aujourd’hui» de Bertrand Tavernier.
Propos recueillis par Ghania Khelifi
(20/02/2010)
Nadia Kaci
En 2006, certaines de ces femmes dont Rahmouna et Fatiha sont amenées dans un commissariat pour «pardonner» leurs agresseurs, dans le cadre de la loi sur la concorde civile qui a permis aux terroristes islamistes de se repentir et de bénéficier d’une réhabilitation totale et d’aides financières de l’Etat. Rahmouna et Fatiha sont aujourd’hui les seules à poursuivre le combat pour la reconnaissance de leur souffrance. Elles se battent contre l’indifférence pour obtenir de l’Etat algérien les moyens d’une vie décente pour elles et leurs familles. Elles témoignent de ce qu’elles ont vécu dans un livre écrit avec cœur par la comédienne Nadia Kaci*. Rencontre avec l’auteure.
Comment avez vous vécu l’écriture de ces témoignages. Pensez vous que votre travail participe de la reconstruction ?
Nous étions plongées toutes les trois dans ce travail, je me sentais partie prenante de cette histoire, j’avais de l’amour pour elles. Il fallait reconstruire le puzzle de la mémoire, retrouver des pièces manquantes. A des degrés différents tant qu’elles n’auront pas eu le sentiment qu’elles ont obtenu réparation , elles ne se reconstruiront pas. Elles ont besoin d’être écoutées, d’être reconnues comme victimes. Ce livre ne va pas les reconstruire mais il leur permet de raconter elles-mêmes, pour la première fois, leur histoire. Cette affaire a tellement dérangé en Algérie. Cette tragédie n’entrait pas dans le moule de la concorde civile. Rahmouna et Fatiha ne sont pas reconnues comme victimes du terrorisme islamiste, elles n’ont pas été agressées par des GIA (groupes islamistes armés) mais par des hommes qui se sont crus autoriser à organiser ce lynchage. C’est la conséquence logique des lois inégalitaires, d’un discours qui a convaincu les hommes de ce pays qu’ils avaient un droit de vie ou de mort sur les femmes.
Rahmouna et Fatiha parlent très peu de leurs agresseurs, comme si elles étaient davantage les victimes de l’administration
Leur haine a été déplacée. On n’a pas identifié l’agresseur, on a fait du déni de leur statut de victimes. Cela fait neuf ans que les autorités les font courir en leur promettant de les aider à avoir un boulot et un logement. Elles ont tout perdu en une nuit : leur dignité, leur travail, leur maison, leur famille... Les aider à retrouver toutes ces choses serait une façon de leur obtenir réparation. Mais les promesses n’ont pas été tenues et cette réparation a été différée, ce qui est très frustrant. C’est pour ça qu’on a l’impression que c’est obsessionnel chez elles, ce discours sur leurs difficultés financières, leur problèmes de logement... Les pouvoirs publics auraient dû les protéger, être de leur côté pendant le procès et les aider à dépasser le traumatisme. Mais il ne faut pas se tromper, elles ont de la haine envers leurs agresseurs. Fatiha, quand elle parle de cette nuit a la haine des hommes et elle parle des difficultés à trouver un équilibre dans son couple parce qu’elle lutte contre la répulsion qu’elle a envers les hommes malgré un an de suivi psychologique. Ce livre va les aider car elles rencontrent des gens qui leur semblent attentifs à leur histoire, il leur permet de se raconter et de ne plus être actrices passives de leur drame. Il les aide à dénouer le nœud en elles
Laissées pour mortes.Témoignage recueilli par Nadia Kaci. Edition Max Milo, Paris, 2010.
* Nadia Kaci a joué notamment dans «Viva Laldjérie», «Délice Paloma» de Nadir Moknéche, «Ça commence aujourd’hui» de Bertrand Tavernier.
Propos recueillis par Ghania Khelifi
(20/02/2010)
fatima- Nombre de messages : 1074
Date d'inscription : 28/02/2009
Re: Laissées pour mortes....de Nadia Kaci
e 13 juillet 2001, Rahmouna Salah et Fatiha Maamoura, femmes de ménage vivant avec des dizaines d’autres femmes dans le bidonville d’ El Haicha, sont victimes une nuit durant des viols et des tortures perpétrés par des centaines d’hommes. La comédienne Nadia Kaci a recueilli leur témoignage dans un livre. Entretien.
fatima- Nombre de messages : 1074
Date d'inscription : 28/02/2009
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