Une lecture du roman de feu Mohamed Dorbhan : Alger sous les mouches
Page 1 sur 1
Une lecture du roman de feu Mohamed Dorbhan : Alger sous les mouches
Une lecture du roman de feu Mohamed Dorbhan : Alger sous les mouches
Le roman posthume de Mohamed Dorbhan "Les neuf jours de l'inspecteur Salahhedine" (ed. Arak, 2011) est une conte katébien sur l'embrouillamini du passé historique de l'Algérie et de ses échecs politiques actuels symbolisés par les mouches et les cancrelats qui envahissent la capitale.
Alger sous les mouches
Instruit d’une disparition d’un bus avec ses passagers un matin, aux aurores par son commissaire prétendument ancien soldat des rizières indochinoises et des maquis de 1954, dont l’épouse a pris les voiles au moment de sa nomination à ce poste, Salaheddine Djoudi n’a aucune piste du le voleur d’autobus pour l’arrêter ou du moins en lire la version d’Ihsan Abd el-Qadous. Il piste le soi-disant amant de son épouse depuis que, un soir, revenu de ses libations éthyliques et érotiques du Minotaure, une maison close aux rêves chimériques, sur laquelle règne Aïcha la Tueuse, la tatouée, la sulfureuse, aux seins pimentés, aux senteurs de cannelle, le jumelle littéraire de Nedjma. Il trouve un ticket de bus, probablement celui du trolley disparu dans sa cuisine où, également trône "un livre oublié là, sur ce frigo vert pale qui ressemblait à une note de folie. C’était Nédjma, le livre des fous".
Alors comme le quatuor katébien dans un pays en chantier, Salaheddine "ivre mais lucide", "la mémoire en feu" héritée de son flibustier de grand-père, entreprend, dans le vertige éthylique et mémoriel, comme "policier littéraire" une investigation intertextuelle, mythologique et historique dans les dédales d’une ville jamais nommée mais si reconnaissable par les toponymes des quartiers ensoleillés de ses hauteurs. De chaque lieu de la cité, surgit soit une procession truculente de saints " …Le minaret de Sidi Abderrahmane surgit de derrière les murs et lui, il imaginait la tremblotante lumière des cierges, des odeurs d’encens et de cire brûlés près des tombeaux de Sidi Mansour, de Sidi Hassen, de Sidi Mhamed Ben Abderrahmane, de Sidi Boudj, de Sidi Boudouma, de Sidi Ouadhah et de Sidi Ouali Dada qu’un jour la légende associa à Sidi Berka et à Sidi Bouguedour dans la débâcle de Charles Quint…" Soit un télescopage entre deux femmes irrédentes Aïcha et Nedjma et un continuum de traîtrise et de bourreaux de la Berbérie ancienne à l’Algérie d’Octobre 88 en passant par le règne colonial : "Il rêva de Aïcha. Il rêva de Nedjma. (…… Kahina revenait à bride abattue tandis que la ville devenait un champ de bataille, tandis que Ben Allel rejetait dédaigneusement l’offre de Bugeaud,… tandis que Jugurtha, à cause d’un traitre, mourait dans d’affreux supplices, tandis qu’un exécuteur assassinait Ben M’hidi, tandis que, quelque part, dans les geôles de Lambèse ou d’El Harrach, on torturait en silence, tandis que lui, à cause de tout cela, perdait la tête."
Tout cela se bouscule dans la tête de Salaheddine : les monstres mythologiques de la Grèce antique ou des fabuleux récits des batailles des premiers temps de l’Islam, Dédale, le Minautore, Buraq, la jument verte de Sdina Ali, les figures hagiographiques typiquement méditerranéennes, les icônes de la résistance de 1871, les sinistres généraux sanguinaires de la conquête coloniales, les cavalcades homériques des cavaliers lieutenants de l’Emir Abdelkader dont la statue de bronze, jadis frottée "de gingembre, de romarin, de thym et d’huile de ricin" devint, dans les errances de Salaheddine dans les tripots "caméléon" un vulgaire métal aspergé d’huile de moteur usagée lors de vulgaires cérémonies officielles : "C’est ainsi que la délégation partit sans savoir si elle avait inauguré une statue ou une boite de vitesse". Pied de nez à une histoire réduite à des usages commémoratifs. Dans cette ébullition de mythes, de légendes, de héros historiques dessaisis de leur gloire, l’inspecteur Salaheddine, aux semelles de vent, l’air effacé, rongé par la solitude, l’exiguïté suffocante de son bureau, les bières, les joints roulés, porte, comme les têtes chauves et huileuses des Sfindjis, l’éternel supplice de Sisyphe.
Il largue, comme son ancêtre forçat, les amarres et se dessaisit de tout pour un univers baudelairien : "Maintenant, il voyait les bouteilles danser sur le comptoir un ballet divin et, sur sa nuque, il sentit glisser les vapeurs d’alcool, les voluptés de kif et les vrillettes des airs oranais. Il tâcha de rester debout et lucide car la musique remplissait l’air de double croches rageuses et de douleurs exprimées qui, comme des calligrammes ludiques, désarticulaient les palastres des refoulements. Il se crut assez de force pour envoyer au diable le bus qui jouait à colin-maillard, les chaussures qu’il changerait demain, les tickets de bus qui volaient dans le crépuscule de son cerveau, les messieurs qui circulaient avec des astrolabes à la recherche du Créateur, les usuriers adipeux mais, finalement, dut s’avouer vaincu…" Caricaturés à souhait dans ses escapades nocturnes, aucun lieu, aucune inscription, ni les hauteurs ensoleillées de Diar El Mahçoul, ni les rivages frileux, ne le libèrent de ses démons.
Son enquête est déroutante, elle le mène sur des pistes inextricables, comme ces ruelles, entrelacs, qui donnent le vertige et conduisent à des impasses symboliques d’échecs recommencés, d’illusions de liberté sitôt savourée sitôt perdue. Le bus volé, restitué, le ticket, preuve matérielle de la présence de l’amant de son épouse, ne sont que prétextes littéraires qui servent de déclencheurs à une autre criminalité, celle que porte la narration dans la circularité de sa syntaxe qui se refuse aux canons du genre policier, à ses faits divers, à ses suspens à rebondissements, pour aller puiser sa force esthétique dans les temps de gloire et de carnages, dans les réminiscences livresques en bribes, en lambeaux, en images, Nedjma de Kateb Yacine, Le journal d’un fou de Gogol, Le bateau ivre de Rimbaud, Les filles du feu de Nerval, la poésie mystique d’El Hallaj et, sans doute, L’invention du désert de Tahar Djaout. Le préfacier du roman, le poète Abdelmadjid Kaouah souligne fort à propos : "Il circule également dans cette œuvre une telle somme de connaissances de l’histoire et des civilisations que l’on reste, par moment, coi".
Texte bâtard comme l’est son héros déambulant sans but, qui n’a de passé qu’un ascendant truculent, aux racines incertaines et volatiles, et de présent que les bouges du Minautore. Un être de vacuité. Pourtant, que de vitalité, que d’énergie en lui. Salaheddine semble tout droit sorti de cet être filiforme, cet infatigable marcheur, immortalisé par le sculpteur Giacometti, construit avec du fil de fer dans une posture de mouvement vers l’avant. L’esthétique du roman elle-même est portée par cette énergie du mouvement. Mouvement architectural de la ville, mouvements tumultueux de l’Histoire, de ses âges lointains des ancêtres flibustiers à ces neuf jours bibliques d’un inspecteur rêvasseur, vécus par lui tantôt comme "youm el âiqab", "youm el hissab" de la mythologie islamique, tantôt, comme "jour du jasmin" prémonitoire des révoltes arabes contre les dictateurs, rendues dans ce roman, dans le contexte des années de feu, de la jeunesse de l’auteur, d’Octobre 1988, par des traits saillants, art consommé de la caricature, par des mises en relief symboliques : l’invasion de la ville par les mouches, le règne des cancrelats, la menace de la peste par les ventres putréfiés des rats. Mouvements aussi et surtout d’une rythmique syntaxique et musicale empruntant ses lignes mélodiques aux touchias andalouses qui viennent adoucir, comme les caresses de Aïcha, un laps de temps, la douleur aigue de Salaheddine Djoudi, le retiennent du saut fatal de la fenêtre de son appartement, et embraient une autre dynamique, celle d’une ironie mordante, d’un humour décapant et d’une générosité toute méditerranéenne. La vitalité de ce roman réside dans sa dynamique historique et esthétique qui le propulse, conte fantastique, dans le nouveau monde de ce troisième millénaire.
Rachid Mokhtari
Bio-express de Mohamed Dorbhan (1956 – 1996)
Né le 19 septembre 1956 à Zéralda, au sein d’une nombreuse fratrie dont il est l’aîné, Mohamed Dorbhan fait ses études primaires dans cette ville, puis entre au lycée Emir Abdelkader où il obtient son baccalauréat en 1975. Ses dons pour le dessin se révèlent très tôt à travers des portraits et des caricatures par lesquelles, d’ailleurs, il illustrera par un humour mordant les grèves estudiantines d’Alger en ce milieu des années 1970.
Il s’inscrit ensuite en licence d’interprétariat à l’université d’Alger. Parallèlement à ses activités de volontariat étudiant, il collabore au journal de l’UNJA, L’unité en tant que caricaturiste et graphiste, grâce à son ami Abdellah Dahou (l’éditeur de son roman vingt-deux ans plus tard) et à son directeur de l’époque, le poète Abdelmadjid Kaouah (le préfacier du roman).
En 1980, appelé sous les drapeaux, il est appelé, dans ce cadre, à partager le quotidien tragique des sinistrés d’El Asnam durement touchés par un séisme ravageur. Après un court passage au ministère de la Protection civile, il intègre le collectif de l’hebdomadaire Algérie-Actualité avec lequel il vit une grande aventure journalistique, en tant caricaturiste, chroniqueur télé, puis reporter.
Pendant les dures années du terrorisme, il continue à exercer son métier, parfois sous divers pseudonymes, dont le fameux Tewfiq Dahmani, et ses chroniques décapantes du Soir d’Algérie.
La mort le surprend le 11 février 1996 lors de l’attentat de la Maison de la presse Tahar Djaout. Mohamed Dorbhan a laissé une somme de travaux artistiques et littéraires inédits dont le public a pu avoir un aperçu au cours de l’exposition hommage qui lui a été consacrée en 2006 à la librairie Espace Noûn…
Propos de Abdelmadjid Kaouah, préfacier du roman
"…Dans le texte s’étale sans fard et sans façon l’incohérence et une facétie tragiques. L’intrigue est, en conséquence, réduite à sa plus simple expression. Dans un monde tout en fermeture, la seule épopée est sur le front de la lutte contre la pénurie. Et le fléau des mouches. Leur traque est devenu un sport national et un motif de méditations philosophiques dans un univers où - se volant les uns et les autres, tout le monde à la fois finissait par rentrer dans ses comptes - Celui qui connaissait un tant soit peu Mohamed Dorbhan reconnaitra derrière le narrateur son humour aiguisé, exercé avec équité à l’égard des adversaires comme des amis. Sa pratique de la caricature est ici dans l’écriture romanesque portée à un point d’incandescence." Extrait de la préface du roman Le temps des mouches (datée du 19 janvier 2011).
http://www.lematindz.net/news/5733-une-lecture-du-roman-de-feu-mohamed-dorbhan-alger-sous-les-mouches.html
Le roman posthume de Mohamed Dorbhan "Les neuf jours de l'inspecteur Salahhedine" (ed. Arak, 2011) est une conte katébien sur l'embrouillamini du passé historique de l'Algérie et de ses échecs politiques actuels symbolisés par les mouches et les cancrelats qui envahissent la capitale.
Alger sous les mouches
Instruit d’une disparition d’un bus avec ses passagers un matin, aux aurores par son commissaire prétendument ancien soldat des rizières indochinoises et des maquis de 1954, dont l’épouse a pris les voiles au moment de sa nomination à ce poste, Salaheddine Djoudi n’a aucune piste du le voleur d’autobus pour l’arrêter ou du moins en lire la version d’Ihsan Abd el-Qadous. Il piste le soi-disant amant de son épouse depuis que, un soir, revenu de ses libations éthyliques et érotiques du Minotaure, une maison close aux rêves chimériques, sur laquelle règne Aïcha la Tueuse, la tatouée, la sulfureuse, aux seins pimentés, aux senteurs de cannelle, le jumelle littéraire de Nedjma. Il trouve un ticket de bus, probablement celui du trolley disparu dans sa cuisine où, également trône "un livre oublié là, sur ce frigo vert pale qui ressemblait à une note de folie. C’était Nédjma, le livre des fous".
Alors comme le quatuor katébien dans un pays en chantier, Salaheddine "ivre mais lucide", "la mémoire en feu" héritée de son flibustier de grand-père, entreprend, dans le vertige éthylique et mémoriel, comme "policier littéraire" une investigation intertextuelle, mythologique et historique dans les dédales d’une ville jamais nommée mais si reconnaissable par les toponymes des quartiers ensoleillés de ses hauteurs. De chaque lieu de la cité, surgit soit une procession truculente de saints " …Le minaret de Sidi Abderrahmane surgit de derrière les murs et lui, il imaginait la tremblotante lumière des cierges, des odeurs d’encens et de cire brûlés près des tombeaux de Sidi Mansour, de Sidi Hassen, de Sidi Mhamed Ben Abderrahmane, de Sidi Boudj, de Sidi Boudouma, de Sidi Ouadhah et de Sidi Ouali Dada qu’un jour la légende associa à Sidi Berka et à Sidi Bouguedour dans la débâcle de Charles Quint…" Soit un télescopage entre deux femmes irrédentes Aïcha et Nedjma et un continuum de traîtrise et de bourreaux de la Berbérie ancienne à l’Algérie d’Octobre 88 en passant par le règne colonial : "Il rêva de Aïcha. Il rêva de Nedjma. (…… Kahina revenait à bride abattue tandis que la ville devenait un champ de bataille, tandis que Ben Allel rejetait dédaigneusement l’offre de Bugeaud,… tandis que Jugurtha, à cause d’un traitre, mourait dans d’affreux supplices, tandis qu’un exécuteur assassinait Ben M’hidi, tandis que, quelque part, dans les geôles de Lambèse ou d’El Harrach, on torturait en silence, tandis que lui, à cause de tout cela, perdait la tête."
Tout cela se bouscule dans la tête de Salaheddine : les monstres mythologiques de la Grèce antique ou des fabuleux récits des batailles des premiers temps de l’Islam, Dédale, le Minautore, Buraq, la jument verte de Sdina Ali, les figures hagiographiques typiquement méditerranéennes, les icônes de la résistance de 1871, les sinistres généraux sanguinaires de la conquête coloniales, les cavalcades homériques des cavaliers lieutenants de l’Emir Abdelkader dont la statue de bronze, jadis frottée "de gingembre, de romarin, de thym et d’huile de ricin" devint, dans les errances de Salaheddine dans les tripots "caméléon" un vulgaire métal aspergé d’huile de moteur usagée lors de vulgaires cérémonies officielles : "C’est ainsi que la délégation partit sans savoir si elle avait inauguré une statue ou une boite de vitesse". Pied de nez à une histoire réduite à des usages commémoratifs. Dans cette ébullition de mythes, de légendes, de héros historiques dessaisis de leur gloire, l’inspecteur Salaheddine, aux semelles de vent, l’air effacé, rongé par la solitude, l’exiguïté suffocante de son bureau, les bières, les joints roulés, porte, comme les têtes chauves et huileuses des Sfindjis, l’éternel supplice de Sisyphe.
Il largue, comme son ancêtre forçat, les amarres et se dessaisit de tout pour un univers baudelairien : "Maintenant, il voyait les bouteilles danser sur le comptoir un ballet divin et, sur sa nuque, il sentit glisser les vapeurs d’alcool, les voluptés de kif et les vrillettes des airs oranais. Il tâcha de rester debout et lucide car la musique remplissait l’air de double croches rageuses et de douleurs exprimées qui, comme des calligrammes ludiques, désarticulaient les palastres des refoulements. Il se crut assez de force pour envoyer au diable le bus qui jouait à colin-maillard, les chaussures qu’il changerait demain, les tickets de bus qui volaient dans le crépuscule de son cerveau, les messieurs qui circulaient avec des astrolabes à la recherche du Créateur, les usuriers adipeux mais, finalement, dut s’avouer vaincu…" Caricaturés à souhait dans ses escapades nocturnes, aucun lieu, aucune inscription, ni les hauteurs ensoleillées de Diar El Mahçoul, ni les rivages frileux, ne le libèrent de ses démons.
Son enquête est déroutante, elle le mène sur des pistes inextricables, comme ces ruelles, entrelacs, qui donnent le vertige et conduisent à des impasses symboliques d’échecs recommencés, d’illusions de liberté sitôt savourée sitôt perdue. Le bus volé, restitué, le ticket, preuve matérielle de la présence de l’amant de son épouse, ne sont que prétextes littéraires qui servent de déclencheurs à une autre criminalité, celle que porte la narration dans la circularité de sa syntaxe qui se refuse aux canons du genre policier, à ses faits divers, à ses suspens à rebondissements, pour aller puiser sa force esthétique dans les temps de gloire et de carnages, dans les réminiscences livresques en bribes, en lambeaux, en images, Nedjma de Kateb Yacine, Le journal d’un fou de Gogol, Le bateau ivre de Rimbaud, Les filles du feu de Nerval, la poésie mystique d’El Hallaj et, sans doute, L’invention du désert de Tahar Djaout. Le préfacier du roman, le poète Abdelmadjid Kaouah souligne fort à propos : "Il circule également dans cette œuvre une telle somme de connaissances de l’histoire et des civilisations que l’on reste, par moment, coi".
Texte bâtard comme l’est son héros déambulant sans but, qui n’a de passé qu’un ascendant truculent, aux racines incertaines et volatiles, et de présent que les bouges du Minautore. Un être de vacuité. Pourtant, que de vitalité, que d’énergie en lui. Salaheddine semble tout droit sorti de cet être filiforme, cet infatigable marcheur, immortalisé par le sculpteur Giacometti, construit avec du fil de fer dans une posture de mouvement vers l’avant. L’esthétique du roman elle-même est portée par cette énergie du mouvement. Mouvement architectural de la ville, mouvements tumultueux de l’Histoire, de ses âges lointains des ancêtres flibustiers à ces neuf jours bibliques d’un inspecteur rêvasseur, vécus par lui tantôt comme "youm el âiqab", "youm el hissab" de la mythologie islamique, tantôt, comme "jour du jasmin" prémonitoire des révoltes arabes contre les dictateurs, rendues dans ce roman, dans le contexte des années de feu, de la jeunesse de l’auteur, d’Octobre 1988, par des traits saillants, art consommé de la caricature, par des mises en relief symboliques : l’invasion de la ville par les mouches, le règne des cancrelats, la menace de la peste par les ventres putréfiés des rats. Mouvements aussi et surtout d’une rythmique syntaxique et musicale empruntant ses lignes mélodiques aux touchias andalouses qui viennent adoucir, comme les caresses de Aïcha, un laps de temps, la douleur aigue de Salaheddine Djoudi, le retiennent du saut fatal de la fenêtre de son appartement, et embraient une autre dynamique, celle d’une ironie mordante, d’un humour décapant et d’une générosité toute méditerranéenne. La vitalité de ce roman réside dans sa dynamique historique et esthétique qui le propulse, conte fantastique, dans le nouveau monde de ce troisième millénaire.
Rachid Mokhtari
Bio-express de Mohamed Dorbhan (1956 – 1996)
Né le 19 septembre 1956 à Zéralda, au sein d’une nombreuse fratrie dont il est l’aîné, Mohamed Dorbhan fait ses études primaires dans cette ville, puis entre au lycée Emir Abdelkader où il obtient son baccalauréat en 1975. Ses dons pour le dessin se révèlent très tôt à travers des portraits et des caricatures par lesquelles, d’ailleurs, il illustrera par un humour mordant les grèves estudiantines d’Alger en ce milieu des années 1970.
Il s’inscrit ensuite en licence d’interprétariat à l’université d’Alger. Parallèlement à ses activités de volontariat étudiant, il collabore au journal de l’UNJA, L’unité en tant que caricaturiste et graphiste, grâce à son ami Abdellah Dahou (l’éditeur de son roman vingt-deux ans plus tard) et à son directeur de l’époque, le poète Abdelmadjid Kaouah (le préfacier du roman).
En 1980, appelé sous les drapeaux, il est appelé, dans ce cadre, à partager le quotidien tragique des sinistrés d’El Asnam durement touchés par un séisme ravageur. Après un court passage au ministère de la Protection civile, il intègre le collectif de l’hebdomadaire Algérie-Actualité avec lequel il vit une grande aventure journalistique, en tant caricaturiste, chroniqueur télé, puis reporter.
Pendant les dures années du terrorisme, il continue à exercer son métier, parfois sous divers pseudonymes, dont le fameux Tewfiq Dahmani, et ses chroniques décapantes du Soir d’Algérie.
La mort le surprend le 11 février 1996 lors de l’attentat de la Maison de la presse Tahar Djaout. Mohamed Dorbhan a laissé une somme de travaux artistiques et littéraires inédits dont le public a pu avoir un aperçu au cours de l’exposition hommage qui lui a été consacrée en 2006 à la librairie Espace Noûn…
Propos de Abdelmadjid Kaouah, préfacier du roman
"…Dans le texte s’étale sans fard et sans façon l’incohérence et une facétie tragiques. L’intrigue est, en conséquence, réduite à sa plus simple expression. Dans un monde tout en fermeture, la seule épopée est sur le front de la lutte contre la pénurie. Et le fléau des mouches. Leur traque est devenu un sport national et un motif de méditations philosophiques dans un univers où - se volant les uns et les autres, tout le monde à la fois finissait par rentrer dans ses comptes - Celui qui connaissait un tant soit peu Mohamed Dorbhan reconnaitra derrière le narrateur son humour aiguisé, exercé avec équité à l’égard des adversaires comme des amis. Sa pratique de la caricature est ici dans l’écriture romanesque portée à un point d’incandescence." Extrait de la préface du roman Le temps des mouches (datée du 19 janvier 2011).
http://www.lematindz.net/news/5733-une-lecture-du-roman-de-feu-mohamed-dorbhan-alger-sous-les-mouches.html
laic-aokas- Nombre de messages : 14024
Date d'inscription : 03/06/2011
Sujets similaires
» Mohamed Dorbhan (1956 – 1996)
» 1ère partie - Lecture du roman "Allah au pays des enfants perdus" de Karim Akouche
» Alger 14 octobre 2017: lecture de quelques fragments de L’AntiLivre par Mustapha Benfodil
» "Une vie sous le terrorisme", premier roman de Mohammed Taoufik
» Le MAK l’affirme dans un communiqué : La Kabylie n’abdiquera jamais sous l’oppression du pouvoir néo-colonial d’Alger
» 1ère partie - Lecture du roman "Allah au pays des enfants perdus" de Karim Akouche
» Alger 14 octobre 2017: lecture de quelques fragments de L’AntiLivre par Mustapha Benfodil
» "Une vie sous le terrorisme", premier roman de Mohammed Taoufik
» Le MAK l’affirme dans un communiqué : La Kabylie n’abdiquera jamais sous l’oppression du pouvoir néo-colonial d’Alger
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum