MAKHLOUF BOUAÏCH, ÉCRIVAIN :«J’écris d’abord pour les miens»
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MAKHLOUF BOUAÏCH, ÉCRIVAIN :«J’écris d’abord pour les miens»
MAKHLOUF BOUAÏCH, ÉCRIVAIN :
«J’écris d’abord pour les miens»
Makhlouf Bouaïch est un écrivain algérien qui vit en France.
Il est né le 1er janvier 1955 à Timezrit, dans l’actuelle wilaya de Béjaïa.
Membre de la Ligue des droits de l’Homme, il est aussi militant de la cause féminine et a travaillé pendant 5 ans dans une association de défense et d’aide aux femmes victimes de violences.
Très jeune, il connut l’amour des livres, grâce à Victor Hugo et Mouloud Feraoun.
Ces deux auteurs lui donnèrent le goût de l’écriture.
Il était subjugué par la rime de l’un et se reconnaissait dans les personnages de l’autre.
Makhlouf Bouaïch a écrit : Mémoires remuées, roman, Ed.
Art Com, 2000, Paris - Le malheur de Maria, roman, Ed.
Le Manuscrit, 2001, Paris - Poèmes désencagés, poésie, Ed.
Le Manuscrit, 2002, Paris - Destin de femmes, nouvelles, Ed.
Marsa, 2008, Paris - Elégies amères, poèsie, Ed.
Edilivre, 2010, Paris.
Dans son roman Mémoires remuées (Art Com Editions, Paris 2000), il raconte l’itinéraire de jeunes algériens fuyant le malheur abattu sur leur pays depuis le début des années 1990.
Il est aussi l’auteur de poésies et de paroles de chansons composées pour Belkacem Khenoussi.
Ce dernier, décédé précocement, n’eut pas le temps d’éditer ses chansons, pourtant enregistrées aux environs de 1986, à Paris.
Makhlouf Bouaïch à bien voulu se confier au Courrier d’Algérie…
Le Courrier d’Algérie : Au commencement, si vous voulez bien, pouvez-vous nous parler un peu plus de Makhlouf Bouaïch ?
Makhlouf Bouaich : Il m’est toujours difficile de parler de moi, mais je dirai quand même quelques mots.
Je suis natif d’un village non loin de Bgayet, qui s’appelle Akabiou et qui est situé dans la commune de Timezrit.
J’y ai fait mes classes primaires, ensuite je rejoins Bgayet où je poursuis le cycle collège et lycée.
Il faut dire que j’y ai passé mes meilleures années, je m’y sens donc très attaché.
Après l’armée, je ne suis plus revenu à « ma ville » qui m’a subjugué, sauf en simple visiteur de passage.
Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à écrire ?
Les raisons qui m’ont poussé à écrire sont, d’abord, celles qui poussent toute personne à écrire : s’exprimer et délester son coeur.
C’est comme un exutoire.
Ensuite, il y a le désir né des lectures de certains auteurs, dont notamment Mouloud Feraoun et Victor Hugo.
Le premier, je me reconnaissais dans le premier «contact» que j’ai eu avec lui en lisant, d’abord des extraits, puis, plus tard, tout le roman «Le fils du pauvre».
La poésie du second m’a simplement subjugué.
Depuis ce moment-là, dés la fin du primaire en fait, je voulais écrire… Mais écrire quoi.
romans ou poésies ?
La réponse a mis du temps à venir.
Durant toute la période du collège et du lycée, j’ai écrit des poèmes, mais dont il ne restera aucun vers.
Alors, qu’est-ce qui vous inspire ?
Tout m’inspire.
La nature, la beauté, le social, le politique, l’homme, la femme… Il y a de la matière en toute chose.
Vous regardez la mer quelques minutes, elle vous inspire un poème.
Vous vivez une situation de quelques mois, elle peut vous faire écrire un roman ou une nouvelle…
Votre premier roman est intitulé, Mémoires remuées, qu’évoque-til justement ?
Mémoires remuées traite de l’exil des jeunes.
Ces jeunes qui quittent le pays en quête d’un ailleurs meilleur, supportant des situations indescriptibles, toutes sortes de difficultés, des brimades, etc, plutôt que de rentrer au pays.
Si on faisait un saut de quelques dizaines d’années en arrière, on verra que les citoyens algériens étaient si fiers d’appartenir à cette terre, le nationalisme béat mis à part.
Concernant les jeunes dont il est question dans le livre, ceux de maintenant, l’Algérie leur paraît le pire des enfers… Le ras-le-bol général n’est un secret pour personne.
Selon vous, d’où vient ce rejet de sa terre natale ?
La politique y est pour beaucoup, si ce n’est l’unique raison qui pousse la jeunesse à fuir le pays.
On parle de chômage et de beaucoup d’autres choses, mais j’estime que tout cela est lié à la façon dont est géré le pays.
Chômage, terrorisme, inégalité devant la loi, des lois inadéquates, des passe-droits…
Et qu’en est-il du deuxième roman, Le Malheur de Maria ?
«Le malheur de Maria» traite, lui, du terrorisme et de toutes ses implications, ainsi que les conséquences sur des personnes qui, de prime abord, n’ont aucun lien avec le mot politique.
C’est là qu’on voit que, même si on ne s’occupe pas de politique, la politique n’oublie pas de s’occuper de nous.
Maria est une Française qui épouse un Algérien, cadre dans une société d’assurance, qui a fini par se faire recruter par des islamistes.
Ils financent son mariage, son logement, mais lui imposent une conduite à tenir vis-à-vis de sa femme, pour commencer, puis l’enrôlent tout simplement, car il ne peut plus reculer.
Maria, suite aux pressions de son mari - lui-même agissant sous les pressions de ses « amis » du djihad – devient musulmane, puis acquiert la nationalité algérienne.
Déchue de sa nationalité d’origine, elle se retrouve à la merci de tous, y compris de la police algérienne elle-même.
Enfin, je ne vais pas raconter tout le roman, ce serait très long, je laisse le soin au lecteur de découvrir l’histoire.
Vous avez édité après un recueil de poésie intitulé «Poèmes désencagés».
Un mot sur cette oeuvre…
Comme son titre le dit si bien, ce sont des poèmes qui sont enfin sortis de leur cage.
Le terme lui-même n’est pas utilisé, donc qu’on ne peut trouver dans un dictionnaire, mais je ne me suis pas pour autant empêché de l’utiliser.
Ces poèmes ont, pour la plupart, été écrits dans les années 70-80.
En 1981, je les ai présentés à la SNED – du moins ceux qui dataient de cette période, j’ai été reçu par un responsable dont je n’ai pas oublié le nom (Msilti), mais la proposition qui m’avait été faite ne m’avait pas satisfait.
En effet, je devais supprimer tous les poèmes qui allaient à contresens de la politique étatique, ensuite, je devais me contenter de figurer dans un recueil collectif.
Je n’avais aucun droit de regard sur le thème choisi, le sujet traité par les coauteurs.
J’avais toutes les chances de «côtoyer» des auteurs dont les idées divergeaient totalement avec les miennes.
Mes poèmes ont donc fini par être libérés, ils ont été «désencagés».
Et pour les nouvelles «Destin de femmes» ?
Il s’agit de deux nouvelles, l’une décrivant la situation de la femme en Kabylie, le regard de l’homme sur cette dernière, le regard de toute la société patriarcale qui est la nôtre… Enfin, comment je vois la femme vivre dans une société où les membres se plient à des règles coutumières, non écrites, mais plus forte que la loi, qui régissent ladite société.
L’autre aborde un sujet qui est la « quarantaine » dont la pratique relève d’un passé très récent.
La femme est aussi au coeur de cette nouvelle qui montre la difficulté que peut rencontrer un homme qui ne pense pas forcément comme le reste des membres de son «groupe», mais qui, pour «sauvegarder» son honneur, sauvegarder sa place dans la société villageoise qui est la sienne, est parfois contraint, par les règles précitées, à faire tout le contraire de ce qu’il pense, sous peine de mise en quarantaine.
Les titres sont d’ailleurs «destin de femmes» et «la quarantaine.
» Votre dernier recueil de poésie édité en 2010, Élégies Amères.
Pouvez-vous nous en parler ?
C’est un recueil en plusieurs parties, qui traite de la solitude (rêves et nostalgie), de l’exil, de la révolte, de l’indifférence et de la femme.
Comme vous voyez, la femme est un thème qui revient toujours chez moi.
Dans ce thème, la femme, il est aussi question d’amour.
Comme quoi il n’y a pas que des côtés sombres qui sont décrits dans ce livre.
Laissons un peu de côté Makhlouf Bouaich le poète, l’écrivain… pouvezvous nous parler un peu de Makhlouf Bouaich, le militant de la cause féminine?
Dès lors qu’on devient sensible à une cause, on est enclin à devenir militant de celle-ci.
La condition de la femme algérienne était, pour nous, une chose tout à fait normale.
Nous avions été éduqués de manière à ne donner à la femme qu’une toute petite place.
Ce n’est que vers l’âge de 16-17 ans que cet état de fait me parut dans sa véritable image : une injustice criarde.
En Algérie, il n’était pas aisé de militer pour l’égalité.
Déjà dans la gent féminine, elles étaient rares, les militantes, style Madame Bitat, Khalida Messaoudi (étudiante à l’époque)… Il n’était donc pas facile de créer un cadre de lutte, même si, en 1984, il y eut des manifestations contre le Code de la famille voté à l’Assemblée nationale.
Personnellement, ce n’est qu’en France que j’ai pu me rendre utile en travaillant, pendant cinq ans, aux côtés des femmes victimes de violences diverses (physiques, économiques…), avec des hommes et des femmes militants.
Quel regard portez-vous sur la situation de la femme algérienne?
La situation de la femme algérienne a changé, mais pas assez.
Elle a changé si on relativise… si on la compare à celle de son aînée de quelques dizaines d’années.
Mais le Code de la famille étant ce qu’il est, plus inspiré de la Chariâ islamique que d’autres logiques humaines, la femme algérienne reste cette éternelle mineure qui n’obtient que ce qu’on veut lui donner.
Quelles sont les raisons selon vous qui empêchent l’émancipation de la femme algérienne ?
Notre société est une société patriarcale, même si, hypocritement, nous refusons de l’admettre.
La répression de la femme commence déjà de la cellule familiale.
Je vais certainement m’attirer des foudres, mais j’ajouterai que la religion reste aussi un frein à l’émancipation de la femme.
C’est sous le couvert de la religion que les deux principales injustices ont été adoptées le 9 juin 1984, à savoir la polygamie et le tutorat.
La plupart des femmes rencontrées, se plaignent des « regards accusateurs » des hommes algériens.
Pensez-vous que les Algériens sont des misogynes ?
Non, je ne crois pas que les Algériens soient misogynes.
Les causes, je pense qu’il faut plutôt les chercher ailleurs.
J’ai dit dans ma réponse à votre question précédente que notre société est patriarcale.
Cela veut dire que, dans les esprits, l’homme est en droit de contrôler la femme dans ses moindres gestes quotidiens.
Cet esprit est ancré en chacun, puisque la famille éduque ainsi sa progéniture.
Il n’y a pas si longtemps, les femmes, dans leurs propres familles, ne mangent qu’après que les hommes aient fini de le faire.
Dans des villages reculés, je pense que cela doit encore exister de nos jours.
Les femmes elles-mêmes contribuent à cela.
C’est cet esprit là qu’il faut combattre pour arriver à voir les hommes regarder les femmes comme leurs égales et non seulement comme des «corps» à conquérir… Combattre avec des lois et non avec des slogans creux et hypocrites qui ne font rien avancer.
Oui, les regards de beaucoup doivent certainement être accusateurs, car ces hommes accrochés à leur conservatisme ont peur de perdre, petit à petit, leur contrôle sur la femme.
Que préconisez-vous comme solutions pour que la femme algérienne devienne une citoyenne à part entière ?
Précédemment, j’ai parlé d’éducation familiale.
Mais toute société se forge selon les guides qui la dirigent.
Donc, si des lois d’égalité prennent naissance, ces hommes au regard accusateur seront dans l’obligation de changer.
Parce que, si on attend que les gens évoluent seuls dans leur cellule familiale, nous mettrons encore quelques siècles, sans même être sûrs de parvenir à l’égalité.
Revenons maintenant à ce que vous êtes en train d’écrire.
Est-ce toujours la poésie ? Un roman ?
Parlons un peu de vos projets… En ce moment je travaille sur un roman, mais que j’avais écrit en Libye.
Il est en état de manuscrit (au sens propre du terme), je suis en train de le réécrire en y apportant des changements en fonction de nouvelles informations acquises depuis.
L’exil est encore là, la jeunesse qui se débat dans un mal-vivre qui leur est imposé, la mort au bout du chemin pour certains, la rue pour d’autres…
Un mot pour conclure…
D’abord merci de m’avoir permis de m’exprimer sur vos pages, c’est une occasion de renouer avec les miens, pour lesquels j’écris vraiment, mais qui n’ont pas la possibilité de me lire, et c’est dommage.
J’aimerais ajouter aussi que mon souhait est d’être édité dans mon pays d’origine, l’Algérie, et non seulement en France, car, comme je l’ai dit un jour à l’un de vos confrères, j’écris d’abord pour les miens.
Propos recueillis par Hafit Zaouche
«J’écris d’abord pour les miens»
Makhlouf Bouaïch est un écrivain algérien qui vit en France.
Il est né le 1er janvier 1955 à Timezrit, dans l’actuelle wilaya de Béjaïa.
Membre de la Ligue des droits de l’Homme, il est aussi militant de la cause féminine et a travaillé pendant 5 ans dans une association de défense et d’aide aux femmes victimes de violences.
Très jeune, il connut l’amour des livres, grâce à Victor Hugo et Mouloud Feraoun.
Ces deux auteurs lui donnèrent le goût de l’écriture.
Il était subjugué par la rime de l’un et se reconnaissait dans les personnages de l’autre.
Makhlouf Bouaïch a écrit : Mémoires remuées, roman, Ed.
Art Com, 2000, Paris - Le malheur de Maria, roman, Ed.
Le Manuscrit, 2001, Paris - Poèmes désencagés, poésie, Ed.
Le Manuscrit, 2002, Paris - Destin de femmes, nouvelles, Ed.
Marsa, 2008, Paris - Elégies amères, poèsie, Ed.
Edilivre, 2010, Paris.
Dans son roman Mémoires remuées (Art Com Editions, Paris 2000), il raconte l’itinéraire de jeunes algériens fuyant le malheur abattu sur leur pays depuis le début des années 1990.
Il est aussi l’auteur de poésies et de paroles de chansons composées pour Belkacem Khenoussi.
Ce dernier, décédé précocement, n’eut pas le temps d’éditer ses chansons, pourtant enregistrées aux environs de 1986, à Paris.
Makhlouf Bouaïch à bien voulu se confier au Courrier d’Algérie…
Le Courrier d’Algérie : Au commencement, si vous voulez bien, pouvez-vous nous parler un peu plus de Makhlouf Bouaïch ?
Makhlouf Bouaich : Il m’est toujours difficile de parler de moi, mais je dirai quand même quelques mots.
Je suis natif d’un village non loin de Bgayet, qui s’appelle Akabiou et qui est situé dans la commune de Timezrit.
J’y ai fait mes classes primaires, ensuite je rejoins Bgayet où je poursuis le cycle collège et lycée.
Il faut dire que j’y ai passé mes meilleures années, je m’y sens donc très attaché.
Après l’armée, je ne suis plus revenu à « ma ville » qui m’a subjugué, sauf en simple visiteur de passage.
Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à écrire ?
Les raisons qui m’ont poussé à écrire sont, d’abord, celles qui poussent toute personne à écrire : s’exprimer et délester son coeur.
C’est comme un exutoire.
Ensuite, il y a le désir né des lectures de certains auteurs, dont notamment Mouloud Feraoun et Victor Hugo.
Le premier, je me reconnaissais dans le premier «contact» que j’ai eu avec lui en lisant, d’abord des extraits, puis, plus tard, tout le roman «Le fils du pauvre».
La poésie du second m’a simplement subjugué.
Depuis ce moment-là, dés la fin du primaire en fait, je voulais écrire… Mais écrire quoi.
romans ou poésies ?
La réponse a mis du temps à venir.
Durant toute la période du collège et du lycée, j’ai écrit des poèmes, mais dont il ne restera aucun vers.
Alors, qu’est-ce qui vous inspire ?
Tout m’inspire.
La nature, la beauté, le social, le politique, l’homme, la femme… Il y a de la matière en toute chose.
Vous regardez la mer quelques minutes, elle vous inspire un poème.
Vous vivez une situation de quelques mois, elle peut vous faire écrire un roman ou une nouvelle…
Votre premier roman est intitulé, Mémoires remuées, qu’évoque-til justement ?
Mémoires remuées traite de l’exil des jeunes.
Ces jeunes qui quittent le pays en quête d’un ailleurs meilleur, supportant des situations indescriptibles, toutes sortes de difficultés, des brimades, etc, plutôt que de rentrer au pays.
Si on faisait un saut de quelques dizaines d’années en arrière, on verra que les citoyens algériens étaient si fiers d’appartenir à cette terre, le nationalisme béat mis à part.
Concernant les jeunes dont il est question dans le livre, ceux de maintenant, l’Algérie leur paraît le pire des enfers… Le ras-le-bol général n’est un secret pour personne.
Selon vous, d’où vient ce rejet de sa terre natale ?
La politique y est pour beaucoup, si ce n’est l’unique raison qui pousse la jeunesse à fuir le pays.
On parle de chômage et de beaucoup d’autres choses, mais j’estime que tout cela est lié à la façon dont est géré le pays.
Chômage, terrorisme, inégalité devant la loi, des lois inadéquates, des passe-droits…
Et qu’en est-il du deuxième roman, Le Malheur de Maria ?
«Le malheur de Maria» traite, lui, du terrorisme et de toutes ses implications, ainsi que les conséquences sur des personnes qui, de prime abord, n’ont aucun lien avec le mot politique.
C’est là qu’on voit que, même si on ne s’occupe pas de politique, la politique n’oublie pas de s’occuper de nous.
Maria est une Française qui épouse un Algérien, cadre dans une société d’assurance, qui a fini par se faire recruter par des islamistes.
Ils financent son mariage, son logement, mais lui imposent une conduite à tenir vis-à-vis de sa femme, pour commencer, puis l’enrôlent tout simplement, car il ne peut plus reculer.
Maria, suite aux pressions de son mari - lui-même agissant sous les pressions de ses « amis » du djihad – devient musulmane, puis acquiert la nationalité algérienne.
Déchue de sa nationalité d’origine, elle se retrouve à la merci de tous, y compris de la police algérienne elle-même.
Enfin, je ne vais pas raconter tout le roman, ce serait très long, je laisse le soin au lecteur de découvrir l’histoire.
Vous avez édité après un recueil de poésie intitulé «Poèmes désencagés».
Un mot sur cette oeuvre…
Comme son titre le dit si bien, ce sont des poèmes qui sont enfin sortis de leur cage.
Le terme lui-même n’est pas utilisé, donc qu’on ne peut trouver dans un dictionnaire, mais je ne me suis pas pour autant empêché de l’utiliser.
Ces poèmes ont, pour la plupart, été écrits dans les années 70-80.
En 1981, je les ai présentés à la SNED – du moins ceux qui dataient de cette période, j’ai été reçu par un responsable dont je n’ai pas oublié le nom (Msilti), mais la proposition qui m’avait été faite ne m’avait pas satisfait.
En effet, je devais supprimer tous les poèmes qui allaient à contresens de la politique étatique, ensuite, je devais me contenter de figurer dans un recueil collectif.
Je n’avais aucun droit de regard sur le thème choisi, le sujet traité par les coauteurs.
J’avais toutes les chances de «côtoyer» des auteurs dont les idées divergeaient totalement avec les miennes.
Mes poèmes ont donc fini par être libérés, ils ont été «désencagés».
Et pour les nouvelles «Destin de femmes» ?
Il s’agit de deux nouvelles, l’une décrivant la situation de la femme en Kabylie, le regard de l’homme sur cette dernière, le regard de toute la société patriarcale qui est la nôtre… Enfin, comment je vois la femme vivre dans une société où les membres se plient à des règles coutumières, non écrites, mais plus forte que la loi, qui régissent ladite société.
L’autre aborde un sujet qui est la « quarantaine » dont la pratique relève d’un passé très récent.
La femme est aussi au coeur de cette nouvelle qui montre la difficulté que peut rencontrer un homme qui ne pense pas forcément comme le reste des membres de son «groupe», mais qui, pour «sauvegarder» son honneur, sauvegarder sa place dans la société villageoise qui est la sienne, est parfois contraint, par les règles précitées, à faire tout le contraire de ce qu’il pense, sous peine de mise en quarantaine.
Les titres sont d’ailleurs «destin de femmes» et «la quarantaine.
» Votre dernier recueil de poésie édité en 2010, Élégies Amères.
Pouvez-vous nous en parler ?
C’est un recueil en plusieurs parties, qui traite de la solitude (rêves et nostalgie), de l’exil, de la révolte, de l’indifférence et de la femme.
Comme vous voyez, la femme est un thème qui revient toujours chez moi.
Dans ce thème, la femme, il est aussi question d’amour.
Comme quoi il n’y a pas que des côtés sombres qui sont décrits dans ce livre.
Laissons un peu de côté Makhlouf Bouaich le poète, l’écrivain… pouvezvous nous parler un peu de Makhlouf Bouaich, le militant de la cause féminine?
Dès lors qu’on devient sensible à une cause, on est enclin à devenir militant de celle-ci.
La condition de la femme algérienne était, pour nous, une chose tout à fait normale.
Nous avions été éduqués de manière à ne donner à la femme qu’une toute petite place.
Ce n’est que vers l’âge de 16-17 ans que cet état de fait me parut dans sa véritable image : une injustice criarde.
En Algérie, il n’était pas aisé de militer pour l’égalité.
Déjà dans la gent féminine, elles étaient rares, les militantes, style Madame Bitat, Khalida Messaoudi (étudiante à l’époque)… Il n’était donc pas facile de créer un cadre de lutte, même si, en 1984, il y eut des manifestations contre le Code de la famille voté à l’Assemblée nationale.
Personnellement, ce n’est qu’en France que j’ai pu me rendre utile en travaillant, pendant cinq ans, aux côtés des femmes victimes de violences diverses (physiques, économiques…), avec des hommes et des femmes militants.
Quel regard portez-vous sur la situation de la femme algérienne?
La situation de la femme algérienne a changé, mais pas assez.
Elle a changé si on relativise… si on la compare à celle de son aînée de quelques dizaines d’années.
Mais le Code de la famille étant ce qu’il est, plus inspiré de la Chariâ islamique que d’autres logiques humaines, la femme algérienne reste cette éternelle mineure qui n’obtient que ce qu’on veut lui donner.
Quelles sont les raisons selon vous qui empêchent l’émancipation de la femme algérienne ?
Notre société est une société patriarcale, même si, hypocritement, nous refusons de l’admettre.
La répression de la femme commence déjà de la cellule familiale.
Je vais certainement m’attirer des foudres, mais j’ajouterai que la religion reste aussi un frein à l’émancipation de la femme.
C’est sous le couvert de la religion que les deux principales injustices ont été adoptées le 9 juin 1984, à savoir la polygamie et le tutorat.
La plupart des femmes rencontrées, se plaignent des « regards accusateurs » des hommes algériens.
Pensez-vous que les Algériens sont des misogynes ?
Non, je ne crois pas que les Algériens soient misogynes.
Les causes, je pense qu’il faut plutôt les chercher ailleurs.
J’ai dit dans ma réponse à votre question précédente que notre société est patriarcale.
Cela veut dire que, dans les esprits, l’homme est en droit de contrôler la femme dans ses moindres gestes quotidiens.
Cet esprit est ancré en chacun, puisque la famille éduque ainsi sa progéniture.
Il n’y a pas si longtemps, les femmes, dans leurs propres familles, ne mangent qu’après que les hommes aient fini de le faire.
Dans des villages reculés, je pense que cela doit encore exister de nos jours.
Les femmes elles-mêmes contribuent à cela.
C’est cet esprit là qu’il faut combattre pour arriver à voir les hommes regarder les femmes comme leurs égales et non seulement comme des «corps» à conquérir… Combattre avec des lois et non avec des slogans creux et hypocrites qui ne font rien avancer.
Oui, les regards de beaucoup doivent certainement être accusateurs, car ces hommes accrochés à leur conservatisme ont peur de perdre, petit à petit, leur contrôle sur la femme.
Que préconisez-vous comme solutions pour que la femme algérienne devienne une citoyenne à part entière ?
Précédemment, j’ai parlé d’éducation familiale.
Mais toute société se forge selon les guides qui la dirigent.
Donc, si des lois d’égalité prennent naissance, ces hommes au regard accusateur seront dans l’obligation de changer.
Parce que, si on attend que les gens évoluent seuls dans leur cellule familiale, nous mettrons encore quelques siècles, sans même être sûrs de parvenir à l’égalité.
Revenons maintenant à ce que vous êtes en train d’écrire.
Est-ce toujours la poésie ? Un roman ?
Parlons un peu de vos projets… En ce moment je travaille sur un roman, mais que j’avais écrit en Libye.
Il est en état de manuscrit (au sens propre du terme), je suis en train de le réécrire en y apportant des changements en fonction de nouvelles informations acquises depuis.
L’exil est encore là, la jeunesse qui se débat dans un mal-vivre qui leur est imposé, la mort au bout du chemin pour certains, la rue pour d’autres…
Un mot pour conclure…
D’abord merci de m’avoir permis de m’exprimer sur vos pages, c’est une occasion de renouer avec les miens, pour lesquels j’écris vraiment, mais qui n’ont pas la possibilité de me lire, et c’est dommage.
J’aimerais ajouter aussi que mon souhait est d’être édité dans mon pays d’origine, l’Algérie, et non seulement en France, car, comme je l’ai dit un jour à l’un de vos confrères, j’écris d’abord pour les miens.
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