Kamal Bouamara «Le combat de la génération post-80 est meilleur, plus sérieux et plus profond»
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Kamal Bouamara «Le combat de la génération post-80 est meilleur, plus sérieux et plus profond»
Après l’organisation de la rencontre autour de son œuvre, puis du Festival de littérature Kamal Bouamara, nous nous sommes rapprochés du concerné qui a bien voulu se confier à La Dépêche de Kabylie.
La Dépêche de Kabylie : L’organisation d’une rencontre autour de votre œuvre et, annuellement, d’un Festival de littérature Kamal Bouamara, était-ce une forme de reconnaissance ?
Kamal Bouamara : oui, je pense que nos étudiants (ou, du moins certains d’entre eux) savent qui fait quoi dans ce département et en dehors de celui-ci ; ils savent également qui travaille et produit pour eux ; ils savent par ailleurs qui sert tamazight et l’intérêt public et qui se sert lui-même – et se sert de tamazight pour, entre autres, «chasser» des postes et/ou des primes. Les militants, en général et les étudiants de tamazight, en particulier, ne sont pas du tout dupes.
Le fait que ce festival ait porté mon nom et que ces deux journées d’étude soient consacrées à la lecture critique de mon œuvre m’ont, il est vrai, beaucoup réjoui. Mais l’aspect le plus important de ces manifestations, éminemment culturelles et scientifiques, réside plutôt ailleurs. Et sur cet aspect, il me plaît de remarquer qu’il est bien dommage que le niveau intellectuel de nos étudiants soit plus élevé que celui de beaucoup d’enseignants permanents et des responsables de l’établissement où a lieu ce festival. En effet, ces étudiants savent faire la différence entre l’essentiel et le secondaire, entre l’authentique et l’apocryphe, entre l’objectif et le subjectif. Encore une fois, ils ont su distinguer ceux qui se rendent utiles et ceux qui ne pensent qu’à l’utile immédiat.
Vous êtes connu pour être un fervent défenseur de l’utilisation concrète de la langue kabyle dans notre quotidien ; pouvez-vous nous faire un état de la situation actuelle du kabyle ?
Je ne suis pas le seul à défendre cette idée et à faire de tamazight une langue de communication quotidienne d’abord. «Un organe qui ne travaille pas, dit-on, s’atrophie». Notre langue n’est ni une langue au pouvoir ni une langue de pouvoir, d’aucun pouvoir, qu’il soit céleste ou terrestre ; par conséquent, si on ne s’en sert pas quotidiennement, si «la société civile» ne s’en sert pas, elle finira un jour par disparaître à jamais. Je crois que, dans la réalité concrète, les langues vivantes ne vivent que de leurs divers usages, que de l’usage qu’on en fait dans les sociétés où elles ont cours.
Pensez-vous que la génération actuelle a pris le relais de celle de 80 ?
Oui, je le pense sincèrement. Par ailleurs, je pense que non seulement elle en a pris le relais, mais que le combat de la génération de ce que vous appelez «post-80» est, qualitativement, meilleur, plus sérieux et profond. Je suis moi-même issu de cette «génération de 80», mais là il s’agit d’objectivité. Et sur ce plan, il convient bien de reconnaître que ce n’est que depuis peu qu’il y a, de la part des Amazighophones dont les Kabyles, une volonté réelle de réfléchir sur nous-mêmes. Aujourd’hui en effet, il y a plus de travail sur la mémoire collective, plus d’étude et de recherche sur la langue, la culture et la société berbères. Mais tout cela n’est pas né du néant, bien entendu. Je pense que chaque «génération» s’appuie sur le combat qu’ont mené les «générations» la précédant, en fait la critique et en propose d’autres voies et moyens, d’autres stratégies.
Des études et des recherches à l’université suffisent-elles pour le développement de notre langue maternelle ?
Je ne sais pas ce que vous entendez par «son développement». Mais si par cela, vous voulez dire «sa vie et sa vivacité» dans la société, je pense que les études et les recherches qui se font à l’université ne suffisent pas, alors là, pas du tout ! Comme je disais à l’instant, les langues «naturelles» vivent essentiellement des usages qu’en font ses locuteurs. Il se trouve que ces usages sont divers, cela va de la communication quotidienne, comme les usages familiaux et familiers, jusqu’aux usages «prestigieux», comme la politique, le religieux et le savoir, en passant par les fonctionnels (administration, information, journalisme, etc.)
Venons-en maintenant au problème de la transcription de tamazight. A ce jour, les Berbères d’Algérie n’ont pas encore tranché sur cette question alors que les Marocains ont adopté le tifinagh. Plus grave encore, la volonté d’imposer la transcription en caractères arabes se précise aujourd’hui en Algérie. Où se situe le problème et pourquoi cette indifférence sur le plan politique?
Au contraire, les Berbères d’Algérie ont tranché depuis bien longtemps, du moins ceux qui en ont fait usage, comme ceux qui écrivent dans cette langue et ceux qui l’enseignent et l’apprennent. Maintenant si, à travers ses différentes institutions, l’Etat n’a pas encore tranché, cela prouve, si besoin est, que celui-ci n’a pas conféré à ladite « question » de l’importante.
Selon vous, les différentes composantes de tamazight sont-elles des langues ou des parlers ?
Ce ne sont ni des langues ni encore moins des parlers. Ce sont des variétés ou dialectes d’une même langue que l’on appelle, faute de mieux, tamazight. Seulement, on peut et doit aborder cette question sur deux plans différents. Sur le plan linguistique (interne), je viens de le dire, toutes ces variétés relèvent bien de la même structure linguistique. Mais sur le plan sociolinguistique, c’est un autre débat. Le tamazight se manifeste et occupe aujourd’hui plusieurs aires géographiques qui communiquent peu (ou pas) entre elles. Cet état de fait est manifeste aussi bien Algérie qu’au Maroc et ailleurs. Cette incommunication transhistorique entre les différentes aires géographiques et dialectales qui composent le tamazight est à l’origine de l’éclatement qui le caractérise aujourd’hui.
Le combat d’hier n’est plus celui d’aujourd’hui, vous en conviendrez. Comment vous positionnez-vous par rapport à la «question kabyle» qui se démarque de tamazight, en général ?
Je ne sais pas de qui vous parlez, lorsque vous dites «Le combat d’hier n’est pas celui d’aujourd’hui, … ». En ce qui me concerne, je mène toujours le même combat. Je combats, du mieux que je peux, l’ignorance des personnes et des groupes qui croient tout savoir et qui croient détenir le monopole sur la vérité ; je combats également les personnes qui ne pensent qu’à l’utile immédiat, en cherchant les meilleurs voies et moyens qui leur permettraient de se rendre (plus) utiles.
Pour terminer, quel est selon vous l’avenir de tamazight en Algérie ?
L’avenir de tamazight est déterminant – et est déterminé par celui des Imazighen. En conséquence il leur appartient d’y réfléchir sans plus tarder.
Propos recueillis par Amastan S Depeche de kabylie du 03 06 2009
La Dépêche de Kabylie : L’organisation d’une rencontre autour de votre œuvre et, annuellement, d’un Festival de littérature Kamal Bouamara, était-ce une forme de reconnaissance ?
Kamal Bouamara : oui, je pense que nos étudiants (ou, du moins certains d’entre eux) savent qui fait quoi dans ce département et en dehors de celui-ci ; ils savent également qui travaille et produit pour eux ; ils savent par ailleurs qui sert tamazight et l’intérêt public et qui se sert lui-même – et se sert de tamazight pour, entre autres, «chasser» des postes et/ou des primes. Les militants, en général et les étudiants de tamazight, en particulier, ne sont pas du tout dupes.
Le fait que ce festival ait porté mon nom et que ces deux journées d’étude soient consacrées à la lecture critique de mon œuvre m’ont, il est vrai, beaucoup réjoui. Mais l’aspect le plus important de ces manifestations, éminemment culturelles et scientifiques, réside plutôt ailleurs. Et sur cet aspect, il me plaît de remarquer qu’il est bien dommage que le niveau intellectuel de nos étudiants soit plus élevé que celui de beaucoup d’enseignants permanents et des responsables de l’établissement où a lieu ce festival. En effet, ces étudiants savent faire la différence entre l’essentiel et le secondaire, entre l’authentique et l’apocryphe, entre l’objectif et le subjectif. Encore une fois, ils ont su distinguer ceux qui se rendent utiles et ceux qui ne pensent qu’à l’utile immédiat.
Vous êtes connu pour être un fervent défenseur de l’utilisation concrète de la langue kabyle dans notre quotidien ; pouvez-vous nous faire un état de la situation actuelle du kabyle ?
Je ne suis pas le seul à défendre cette idée et à faire de tamazight une langue de communication quotidienne d’abord. «Un organe qui ne travaille pas, dit-on, s’atrophie». Notre langue n’est ni une langue au pouvoir ni une langue de pouvoir, d’aucun pouvoir, qu’il soit céleste ou terrestre ; par conséquent, si on ne s’en sert pas quotidiennement, si «la société civile» ne s’en sert pas, elle finira un jour par disparaître à jamais. Je crois que, dans la réalité concrète, les langues vivantes ne vivent que de leurs divers usages, que de l’usage qu’on en fait dans les sociétés où elles ont cours.
Pensez-vous que la génération actuelle a pris le relais de celle de 80 ?
Oui, je le pense sincèrement. Par ailleurs, je pense que non seulement elle en a pris le relais, mais que le combat de la génération de ce que vous appelez «post-80» est, qualitativement, meilleur, plus sérieux et profond. Je suis moi-même issu de cette «génération de 80», mais là il s’agit d’objectivité. Et sur ce plan, il convient bien de reconnaître que ce n’est que depuis peu qu’il y a, de la part des Amazighophones dont les Kabyles, une volonté réelle de réfléchir sur nous-mêmes. Aujourd’hui en effet, il y a plus de travail sur la mémoire collective, plus d’étude et de recherche sur la langue, la culture et la société berbères. Mais tout cela n’est pas né du néant, bien entendu. Je pense que chaque «génération» s’appuie sur le combat qu’ont mené les «générations» la précédant, en fait la critique et en propose d’autres voies et moyens, d’autres stratégies.
Des études et des recherches à l’université suffisent-elles pour le développement de notre langue maternelle ?
Je ne sais pas ce que vous entendez par «son développement». Mais si par cela, vous voulez dire «sa vie et sa vivacité» dans la société, je pense que les études et les recherches qui se font à l’université ne suffisent pas, alors là, pas du tout ! Comme je disais à l’instant, les langues «naturelles» vivent essentiellement des usages qu’en font ses locuteurs. Il se trouve que ces usages sont divers, cela va de la communication quotidienne, comme les usages familiaux et familiers, jusqu’aux usages «prestigieux», comme la politique, le religieux et le savoir, en passant par les fonctionnels (administration, information, journalisme, etc.)
Venons-en maintenant au problème de la transcription de tamazight. A ce jour, les Berbères d’Algérie n’ont pas encore tranché sur cette question alors que les Marocains ont adopté le tifinagh. Plus grave encore, la volonté d’imposer la transcription en caractères arabes se précise aujourd’hui en Algérie. Où se situe le problème et pourquoi cette indifférence sur le plan politique?
Au contraire, les Berbères d’Algérie ont tranché depuis bien longtemps, du moins ceux qui en ont fait usage, comme ceux qui écrivent dans cette langue et ceux qui l’enseignent et l’apprennent. Maintenant si, à travers ses différentes institutions, l’Etat n’a pas encore tranché, cela prouve, si besoin est, que celui-ci n’a pas conféré à ladite « question » de l’importante.
Selon vous, les différentes composantes de tamazight sont-elles des langues ou des parlers ?
Ce ne sont ni des langues ni encore moins des parlers. Ce sont des variétés ou dialectes d’une même langue que l’on appelle, faute de mieux, tamazight. Seulement, on peut et doit aborder cette question sur deux plans différents. Sur le plan linguistique (interne), je viens de le dire, toutes ces variétés relèvent bien de la même structure linguistique. Mais sur le plan sociolinguistique, c’est un autre débat. Le tamazight se manifeste et occupe aujourd’hui plusieurs aires géographiques qui communiquent peu (ou pas) entre elles. Cet état de fait est manifeste aussi bien Algérie qu’au Maroc et ailleurs. Cette incommunication transhistorique entre les différentes aires géographiques et dialectales qui composent le tamazight est à l’origine de l’éclatement qui le caractérise aujourd’hui.
Le combat d’hier n’est plus celui d’aujourd’hui, vous en conviendrez. Comment vous positionnez-vous par rapport à la «question kabyle» qui se démarque de tamazight, en général ?
Je ne sais pas de qui vous parlez, lorsque vous dites «Le combat d’hier n’est pas celui d’aujourd’hui, … ». En ce qui me concerne, je mène toujours le même combat. Je combats, du mieux que je peux, l’ignorance des personnes et des groupes qui croient tout savoir et qui croient détenir le monopole sur la vérité ; je combats également les personnes qui ne pensent qu’à l’utile immédiat, en cherchant les meilleurs voies et moyens qui leur permettraient de se rendre (plus) utiles.
Pour terminer, quel est selon vous l’avenir de tamazight en Algérie ?
L’avenir de tamazight est déterminant – et est déterminé par celui des Imazighen. En conséquence il leur appartient d’y réfléchir sans plus tarder.
Propos recueillis par Amastan S Depeche de kabylie du 03 06 2009
rebai_s- Nombre de messages : 1785
Date d'inscription : 26/04/2008
aokas-aitsmail- Nombre de messages : 1819
Date d'inscription : 01/03/2010
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