: Ces nouvelles cités résidentielles : des bombes à retardement
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: Ces nouvelles cités résidentielles : des bombes à retardement
Par Menhaouara Mourad*
Je ne suis ni un architecte ni un urbaniste, néanmoins, sans vouloir offenser ceux qui parmi cette corporation ont eu à concevoir des plans de logements construits un peu partout à travers l’Algérie, je peux quand même m’autoriser à porter un jugement (de valeur) sur l’aspect esthétique de ces réalisations.
Par ailleurs, en focalisant sur ce type de construction, cela me permettra d’évoquer, en deuxième partie de mon exposé, une problématique qui ne semble pas préoccuper outre mesure les responsables qui ont en charge la concrétisation de ces programmes d’habitat, conçus dans leur quasi-majorité sous la forme de ghettos. Infirmant l’adage latin qui dit que «de gustibus et coloribus non est disputandum», je me risque à soutenir le contraire en affirmant que ce type de construction brille par sa laideur tant dans la forme du bâti que dans les couleurs des murs extérieurs (on a tout tenté : différentes teintes, de l’arc en ciel jusqu’au rose bonbon). Toutes ces cités sans exception sont conçues selon la même approche, attestant d’un manque flagrant d’inspiration, d’imagination, de recherche dans le style. Tout est laid, repoussant, agressif, sans âme. Leur alignement me rappelle ces cités de cantonnement des populations tristement célèbres, construites durant la période coloniale. Je ne veux accuser personne, mais il y a bien un «érudit» qui a pensé, imaginé et projeté sur plan ces réalisations qui polluent notre champ visuel ! Il y a bien un responsable qui a donné l’ordre de signer le permis de construire et donc, qui a cautionné ces projets ! Aucune excuse ne pourra être alléguée à leur décharge. On nous dit que l’argent, il y en a «bezef» dixit un ministre ; le ciment, le rond à béton, on en a jamais autant importé. Alors où est le problème ? Pourquoi sommes nous frustrés de voir chez nous de beaux édifices, de nouveaux centres urbains avec de belles avenues, des espaces verts et autres ouvrages d’art comme il en existe sous d’autres cieux et qui auraient pu flatter notre orgueil d’Algériens. Que ce soit à Abu Dhabi, à Singapour, en Malaisie ou ailleurs, on construit pourtant avec les mêmes matériaux. Alors, pourquoi cette différence dans la qualité du produit fini. Pourquoi le jardin du voisin doit-il rester le meilleur ? Ce modèle d’architecture, devenu une spécificité de l’Algérie, que l’on ne voit nulle part dans le monde et qui témoigne d’une vision d’une gestion archaïque de l’aménagement urbain, doit faire école et enseigné dans nos instituts d’architecture dans le registre des élucubrations érigées en «art» par une caste de destructeurs ayant triomphé en Algérie postindépendance, responsables de toutes ces médiocrités qui ont défiguré nos villes. C’est la seule façon de sensibiliser et de prémunir nos futurs étudiants en architecture sur ces dérives persistantes et absurdes à ne pas reproduire sous aucun prétexte. Sur le plan anthropologique, il y a de toute évidence un effort académique à entreprendre dans la recherche et la compréhension des mécanismes (objectifs et subjectifs) qui ont produit ces résultats farfelus ; les raisonnements qui les ont construits. Une analyse de ces décisions étranges devra nécessairement nous conduire à comprendre les agissements (conscients et inconscients) de leurs auteurs et surtout leur persistance à persévérer de façon constante dans cette œuvre à grande échelle de clochardisation de nos villes. En attendant l’aboutissement de cette réflexion, les pouvoirs publics ont la responsabilité d’arrêter en urgence ce massacre. De marquer une «trêve» dans cette œuvre destructrice systématique de notre environnement. De toute façon, la plupart de ces ensembles de logements collectifs seront appelés un jour à être démolis comme ces tours et barres d’immeubles dynamités au niveau des banlieues de villes françaises et partout ailleurs en Europe, car ce type d’habitat ne correspond plus aux nouveaux enjeux d’une ville qui, désormais, se veut être plus ouverte, mieux équilibrée, offrant une meilleure qualité de vie en termes de bien-être, de confort, de tranquillité, de sûreté et de sécurité au profit de ses habitants. Donc, autant arrêter ce bricolage maintenant et prendre le temps de réfléchir sur la mise en place de normes qui devront prendre racine à partir de notre propre identité arabo-islamique et maghrébine, lesquelles devront à l’avenir s’imposer en tant que prescriptions légales à tout projet immobilier. Pour ceux qui feront la fine bouche devant ce choix du style andalou, en l’occurrence, et afin d’atténuer leurs complexes, je les invite à visiter le Palais de l’Alhambra, ils constateront de visu ce que leurs aïeuls leur ont légué comme patrimoine architectural que même les rois catholiques, Isabelle 1er de Castille et Ferdinand II d’Aragon dans la reconquista, subjugués par la splendeur de ce palais, n’ont pas osé détruire. A ce jour, ce palais draine des milliers de personnes venues des quatre coins du monde pour admirer cette merveille. Pour les résidants des cités-dortoirs, je leur recommande une visite de ce haut lieu du génie architectural musulman ; ça sera pour eux une véritable thérapie qui les soulagera pour un moment de la morosité de leur cadre de vie insipide. En deuxième partie de mon exposé et en écho au point soulevé précédemment, je voudrais évoquer la problématique que ce type d’habitat génère sur le plan de l’insécurité. En effet, ces ensembles immobiliers, outre leur aspect affreux, présentent des anomalies qui sont de nature à favoriser l’émergence d’une criminalité protéiforme. Ces ensembles d’habitat collectif sont de véritables bombes à retardement. Ces dernières finiront par exploser d’ici peu, si les pouvoirs publics n’y prêtent pas attention dès à présent. Ces lieux de grande concentration de classes populaires peuvent constituer des citadelles imprenables dans des circonstances de crise sociale majeure où la terreur régnera en maître. La forme architecturale n’est pas criminogène en soi, mais en raison de certaines maladresses et autres imperfections, inhérentes à certaines constructions, celle-ci, telle qu’elle est présentée en Algérie, peut offrir de nombreuses opportunités de réalisation d’actes malveillants. Les délinquants, en tant qu’individus rationnels, savent exploiter avantageusement ces failles que l’architecte n’a pas su anticiper. Chaque cité recèle des dysfonctionnements qui lui sont propres. Ces anomalies sont si nombreuses qu’il serait fastidieux de les recenser. Pour simplifier la compréhension de cette problématique, je ne déclinerai pas ici la méthodologie à mettre en œuvre pour sérier ces dysfonctionnements qui relèvent d’un débat d’experts, mais rappelant d’abord le constat général qui prédomine au niveau de ces nouveaux grands ensembles d’habitat social :
- on note une absence de cohérence dans les formes architecturales de ces réalisations traduisant une volonté des pouvoirs publics de faire dans le quantitatif au détriment du qualitatif, d’où l’effet patchwork résultant de l’empilement de styles différents, suscitant un sentiment de rejet plutôt qu’une adhésion des habitants à leur nouveau quartier ;
- un défaut d’intégration de ces nouvelles cités au tissu urbain préexistant conduisant à leur isolement (absence de moyens de transport, de commerces et de services publics de proximité, etc.) et de fait, à un déni d’appartenance des résidants à ces nouveaux quartiers (le processus d’identification aux lieux ne s’opère pas en raison de la perte de repères). D’ailleurs, après l’euphorie et la manifestation d’une forme d’allégresse généralisée des bénéficiaires de ces logements, on observe une déception chez ces derniers après qu’ils se soient rendu compte des nouvelles difficultés auxquelles ils sont confrontés. Concernant les dysfonctionnements, sans être exhaustif, citons les exemples ci-après :
- les accès d’immeubles donnant sur des cours intérieures, hors du contrôle visuel des passants et des services de police ; le tracé des cheminements à l’intérieur de ces ensembles conçus en cul-de-sac sont susceptibles de constituer des pièges d’où les services de police auront des difficultés à s’extirper si, le cas échéant, une intervention dégénère ; les halls d’immeubles ouverts à tout-va, squattés par des indus occupants et à partir desquels ces derniers, à l’abri de tout contrôle, peuvent opérer sans être vus ; l’absence d’éclairage des espaces communs et des parkings ; l’absence de gardiennage ; la confusion dans les limites des espaces semi-privatifs et ceux qui relèvent du domaine public créant des zones sans statut, livrées à elles-mêmes en l’absence du maître des lieux bien identifié, etc. Ces situations sont génératrices de comportements déviants. A la faveur de l’état «désertique» de ces îlots d’habitation, les malfaiteurs constitués en bandes rivales, revendiquant chacune son territoire pour l’exercice des trafics en tout genre, peuvent commettre des agressions et s’approprier des espaces et des équipements collectifs en les détournant des usages auxquels ils étaient prédestinés. Cet état de fait est davantage exacerbé par ce que Maurice Cusson (criminologue canadien) a désigné sous le concept de l’absence du «contrôle social du crime» (crime désigne ici tout fait contrevenant à un ordre social préétabli). En d’autres termes, c’est l’indifférence des occupants légitimes de ces cités face à la dégradation de leur environnement immédiat qui participe à la dépréciation de leur cadre de vie (cf. théorie de l’espace défendable d’Oscar Newman). Cette préoccupation, visant à anticiper les risques par l’identification des vulnérabilités de ces ensembles d’habitats, n’a pas été intégrée dans la réflexion qui a présidé à la conception des plans de la quasi-majorité de ces constructions. Cette approche appelée «prévention situationnelle» théorisée par l’école de Chicago et développée par Jane Jacobs et Oscar Newman ainsi que par Alice Colman, tend à devenir dans les pays occidentaux la règle en matière de prévention et de sécurisation des espaces communs. Pour synthétiser, cette approche vise à prendre en compte les anomalies du projet en vue de les corriger de façon à rendre le passage à l’acte du délinquant plus contraignant, c’est-à-dire en augmentant son effort, en durcissant la cible, en multipliant les risques de se faire interpeller et en réduisant les gains (bénéfices) possibles. De façon plus générale, c’est l’ensemble des mesures qui visent à modifier les circonstances dans lesquelles les délits pourraient être commis. C’est là tout l’intérêt de cette théorie qui consiste à prévenir le crime par l’aménagement du milieu (PCAM), malheureusement, totalement ignorée par nos bâtisseurs. Faute d’une réflexion collective qui ne tiendra pas compte de ces considérations environnementales et sécuritaires, les pouvoirs publics continueront à nous produire des logements avec leurs bizarreries (ça était dit et on n’y revient pas !) et que l’occupant en proie à un sentiment d’insécurité exacerbé par ce milieu anxiogène, s’empressera de barricader pour en faire une forteresse au mépris des règles de l’urbanisme. Au final, comme on peut le constater le résultat est et sera toujours catastrophique tant que l’on s’obstine à construire selon ce schéma et si cet état de fait perdure, le retour de la manivelle ne manquera pas d’être désastreux pour tout le monde dans très peu de temps.
M. M.
* Consultant en sécurité & Risk Management.
Menhaouara.mourad@neuf.fr
Je ne suis ni un architecte ni un urbaniste, néanmoins, sans vouloir offenser ceux qui parmi cette corporation ont eu à concevoir des plans de logements construits un peu partout à travers l’Algérie, je peux quand même m’autoriser à porter un jugement (de valeur) sur l’aspect esthétique de ces réalisations.
Par ailleurs, en focalisant sur ce type de construction, cela me permettra d’évoquer, en deuxième partie de mon exposé, une problématique qui ne semble pas préoccuper outre mesure les responsables qui ont en charge la concrétisation de ces programmes d’habitat, conçus dans leur quasi-majorité sous la forme de ghettos. Infirmant l’adage latin qui dit que «de gustibus et coloribus non est disputandum», je me risque à soutenir le contraire en affirmant que ce type de construction brille par sa laideur tant dans la forme du bâti que dans les couleurs des murs extérieurs (on a tout tenté : différentes teintes, de l’arc en ciel jusqu’au rose bonbon). Toutes ces cités sans exception sont conçues selon la même approche, attestant d’un manque flagrant d’inspiration, d’imagination, de recherche dans le style. Tout est laid, repoussant, agressif, sans âme. Leur alignement me rappelle ces cités de cantonnement des populations tristement célèbres, construites durant la période coloniale. Je ne veux accuser personne, mais il y a bien un «érudit» qui a pensé, imaginé et projeté sur plan ces réalisations qui polluent notre champ visuel ! Il y a bien un responsable qui a donné l’ordre de signer le permis de construire et donc, qui a cautionné ces projets ! Aucune excuse ne pourra être alléguée à leur décharge. On nous dit que l’argent, il y en a «bezef» dixit un ministre ; le ciment, le rond à béton, on en a jamais autant importé. Alors où est le problème ? Pourquoi sommes nous frustrés de voir chez nous de beaux édifices, de nouveaux centres urbains avec de belles avenues, des espaces verts et autres ouvrages d’art comme il en existe sous d’autres cieux et qui auraient pu flatter notre orgueil d’Algériens. Que ce soit à Abu Dhabi, à Singapour, en Malaisie ou ailleurs, on construit pourtant avec les mêmes matériaux. Alors, pourquoi cette différence dans la qualité du produit fini. Pourquoi le jardin du voisin doit-il rester le meilleur ? Ce modèle d’architecture, devenu une spécificité de l’Algérie, que l’on ne voit nulle part dans le monde et qui témoigne d’une vision d’une gestion archaïque de l’aménagement urbain, doit faire école et enseigné dans nos instituts d’architecture dans le registre des élucubrations érigées en «art» par une caste de destructeurs ayant triomphé en Algérie postindépendance, responsables de toutes ces médiocrités qui ont défiguré nos villes. C’est la seule façon de sensibiliser et de prémunir nos futurs étudiants en architecture sur ces dérives persistantes et absurdes à ne pas reproduire sous aucun prétexte. Sur le plan anthropologique, il y a de toute évidence un effort académique à entreprendre dans la recherche et la compréhension des mécanismes (objectifs et subjectifs) qui ont produit ces résultats farfelus ; les raisonnements qui les ont construits. Une analyse de ces décisions étranges devra nécessairement nous conduire à comprendre les agissements (conscients et inconscients) de leurs auteurs et surtout leur persistance à persévérer de façon constante dans cette œuvre à grande échelle de clochardisation de nos villes. En attendant l’aboutissement de cette réflexion, les pouvoirs publics ont la responsabilité d’arrêter en urgence ce massacre. De marquer une «trêve» dans cette œuvre destructrice systématique de notre environnement. De toute façon, la plupart de ces ensembles de logements collectifs seront appelés un jour à être démolis comme ces tours et barres d’immeubles dynamités au niveau des banlieues de villes françaises et partout ailleurs en Europe, car ce type d’habitat ne correspond plus aux nouveaux enjeux d’une ville qui, désormais, se veut être plus ouverte, mieux équilibrée, offrant une meilleure qualité de vie en termes de bien-être, de confort, de tranquillité, de sûreté et de sécurité au profit de ses habitants. Donc, autant arrêter ce bricolage maintenant et prendre le temps de réfléchir sur la mise en place de normes qui devront prendre racine à partir de notre propre identité arabo-islamique et maghrébine, lesquelles devront à l’avenir s’imposer en tant que prescriptions légales à tout projet immobilier. Pour ceux qui feront la fine bouche devant ce choix du style andalou, en l’occurrence, et afin d’atténuer leurs complexes, je les invite à visiter le Palais de l’Alhambra, ils constateront de visu ce que leurs aïeuls leur ont légué comme patrimoine architectural que même les rois catholiques, Isabelle 1er de Castille et Ferdinand II d’Aragon dans la reconquista, subjugués par la splendeur de ce palais, n’ont pas osé détruire. A ce jour, ce palais draine des milliers de personnes venues des quatre coins du monde pour admirer cette merveille. Pour les résidants des cités-dortoirs, je leur recommande une visite de ce haut lieu du génie architectural musulman ; ça sera pour eux une véritable thérapie qui les soulagera pour un moment de la morosité de leur cadre de vie insipide. En deuxième partie de mon exposé et en écho au point soulevé précédemment, je voudrais évoquer la problématique que ce type d’habitat génère sur le plan de l’insécurité. En effet, ces ensembles immobiliers, outre leur aspect affreux, présentent des anomalies qui sont de nature à favoriser l’émergence d’une criminalité protéiforme. Ces ensembles d’habitat collectif sont de véritables bombes à retardement. Ces dernières finiront par exploser d’ici peu, si les pouvoirs publics n’y prêtent pas attention dès à présent. Ces lieux de grande concentration de classes populaires peuvent constituer des citadelles imprenables dans des circonstances de crise sociale majeure où la terreur régnera en maître. La forme architecturale n’est pas criminogène en soi, mais en raison de certaines maladresses et autres imperfections, inhérentes à certaines constructions, celle-ci, telle qu’elle est présentée en Algérie, peut offrir de nombreuses opportunités de réalisation d’actes malveillants. Les délinquants, en tant qu’individus rationnels, savent exploiter avantageusement ces failles que l’architecte n’a pas su anticiper. Chaque cité recèle des dysfonctionnements qui lui sont propres. Ces anomalies sont si nombreuses qu’il serait fastidieux de les recenser. Pour simplifier la compréhension de cette problématique, je ne déclinerai pas ici la méthodologie à mettre en œuvre pour sérier ces dysfonctionnements qui relèvent d’un débat d’experts, mais rappelant d’abord le constat général qui prédomine au niveau de ces nouveaux grands ensembles d’habitat social :
- on note une absence de cohérence dans les formes architecturales de ces réalisations traduisant une volonté des pouvoirs publics de faire dans le quantitatif au détriment du qualitatif, d’où l’effet patchwork résultant de l’empilement de styles différents, suscitant un sentiment de rejet plutôt qu’une adhésion des habitants à leur nouveau quartier ;
- un défaut d’intégration de ces nouvelles cités au tissu urbain préexistant conduisant à leur isolement (absence de moyens de transport, de commerces et de services publics de proximité, etc.) et de fait, à un déni d’appartenance des résidants à ces nouveaux quartiers (le processus d’identification aux lieux ne s’opère pas en raison de la perte de repères). D’ailleurs, après l’euphorie et la manifestation d’une forme d’allégresse généralisée des bénéficiaires de ces logements, on observe une déception chez ces derniers après qu’ils se soient rendu compte des nouvelles difficultés auxquelles ils sont confrontés. Concernant les dysfonctionnements, sans être exhaustif, citons les exemples ci-après :
- les accès d’immeubles donnant sur des cours intérieures, hors du contrôle visuel des passants et des services de police ; le tracé des cheminements à l’intérieur de ces ensembles conçus en cul-de-sac sont susceptibles de constituer des pièges d’où les services de police auront des difficultés à s’extirper si, le cas échéant, une intervention dégénère ; les halls d’immeubles ouverts à tout-va, squattés par des indus occupants et à partir desquels ces derniers, à l’abri de tout contrôle, peuvent opérer sans être vus ; l’absence d’éclairage des espaces communs et des parkings ; l’absence de gardiennage ; la confusion dans les limites des espaces semi-privatifs et ceux qui relèvent du domaine public créant des zones sans statut, livrées à elles-mêmes en l’absence du maître des lieux bien identifié, etc. Ces situations sont génératrices de comportements déviants. A la faveur de l’état «désertique» de ces îlots d’habitation, les malfaiteurs constitués en bandes rivales, revendiquant chacune son territoire pour l’exercice des trafics en tout genre, peuvent commettre des agressions et s’approprier des espaces et des équipements collectifs en les détournant des usages auxquels ils étaient prédestinés. Cet état de fait est davantage exacerbé par ce que Maurice Cusson (criminologue canadien) a désigné sous le concept de l’absence du «contrôle social du crime» (crime désigne ici tout fait contrevenant à un ordre social préétabli). En d’autres termes, c’est l’indifférence des occupants légitimes de ces cités face à la dégradation de leur environnement immédiat qui participe à la dépréciation de leur cadre de vie (cf. théorie de l’espace défendable d’Oscar Newman). Cette préoccupation, visant à anticiper les risques par l’identification des vulnérabilités de ces ensembles d’habitats, n’a pas été intégrée dans la réflexion qui a présidé à la conception des plans de la quasi-majorité de ces constructions. Cette approche appelée «prévention situationnelle» théorisée par l’école de Chicago et développée par Jane Jacobs et Oscar Newman ainsi que par Alice Colman, tend à devenir dans les pays occidentaux la règle en matière de prévention et de sécurisation des espaces communs. Pour synthétiser, cette approche vise à prendre en compte les anomalies du projet en vue de les corriger de façon à rendre le passage à l’acte du délinquant plus contraignant, c’est-à-dire en augmentant son effort, en durcissant la cible, en multipliant les risques de se faire interpeller et en réduisant les gains (bénéfices) possibles. De façon plus générale, c’est l’ensemble des mesures qui visent à modifier les circonstances dans lesquelles les délits pourraient être commis. C’est là tout l’intérêt de cette théorie qui consiste à prévenir le crime par l’aménagement du milieu (PCAM), malheureusement, totalement ignorée par nos bâtisseurs. Faute d’une réflexion collective qui ne tiendra pas compte de ces considérations environnementales et sécuritaires, les pouvoirs publics continueront à nous produire des logements avec leurs bizarreries (ça était dit et on n’y revient pas !) et que l’occupant en proie à un sentiment d’insécurité exacerbé par ce milieu anxiogène, s’empressera de barricader pour en faire une forteresse au mépris des règles de l’urbanisme. Au final, comme on peut le constater le résultat est et sera toujours catastrophique tant que l’on s’obstine à construire selon ce schéma et si cet état de fait perdure, le retour de la manivelle ne manquera pas d’être désastreux pour tout le monde dans très peu de temps.
M. M.
* Consultant en sécurité & Risk Management.
Menhaouara.mourad@neuf.fr
Aokas Ultras- Nombre de messages : 4045
Date d'inscription : 28/02/2009
Re: : Ces nouvelles cités résidentielles : des bombes à retardement
Par Menhaouara Mourad*
Je ne suis ni un architecte ni un urbaniste, néanmoins, sans vouloir offenser ceux qui parmi cette corporation ont eu à concevoir des plans de logements construits un peu partout à travers l’Algérie, je peux quand même m’autoriser à porter un jugement (de valeur) sur l’aspect esthétique de ces réalisations.
Par ailleurs, en focalisant sur ce type de construction, cela me permettra d’évoquer, en deuxième partie de mon exposé, une problématique qui ne semble pas préoccuper outre mesure les responsables qui ont en charge la concrétisation de ces programmes d’habitat, conçus dans leur quasi-majorité sous la forme de ghettos. Infirmant l’adage latin qui dit que «de gustibus et coloribus non est disputandum», je me risque à soutenir le contraire en affirmant que ce type de construction brille par sa laideur tant dans la forme du bâti que dans les couleurs des murs extérieurs (on a tout tenté : différentes teintes, de l’arc en ciel jusqu’au rose bonbon). Toutes ces cités sans exception sont conçues selon la même approche, attestant d’un manque flagrant d’inspiration, d’imagination, de recherche dans le style. Tout est laid, repoussant, agressif, sans âme. Leur alignement me rappelle ces cités de cantonnement des populations tristement célèbres, construites durant la période coloniale. Je ne veux accuser personne, mais il y a bien un «érudit» qui a pensé, imaginé et projeté sur plan ces réalisations qui polluent notre champ visuel ! Il y a bien un responsable qui a donné l’ordre de signer le permis de construire et donc, qui a cautionné ces projets ! Aucune excuse ne pourra être alléguée à leur décharge. On nous dit que l’argent, il y en a «bezef» dixit un ministre ; le ciment, le rond à béton, on en a jamais autant importé. Alors où est le problème ? Pourquoi sommes nous frustrés de voir chez nous de beaux édifices, de nouveaux centres urbains avec de belles avenues, des espaces verts et autres ouvrages d’art comme il en existe sous d’autres cieux et qui auraient pu flatter notre orgueil d’Algériens. Que ce soit à Abu Dhabi, à Singapour, en Malaisie ou ailleurs, on construit pourtant avec les mêmes matériaux. Alors, pourquoi cette différence dans la qualité du produit fini. Pourquoi le jardin du voisin doit-il rester le meilleur ? Ce modèle d’architecture, devenu une spécificité de l’Algérie, que l’on ne voit nulle part dans le monde et qui témoigne d’une vision d’une gestion archaïque de l’aménagement urbain, doit faire école et enseigné dans nos instituts d’architecture dans le registre des élucubrations érigées en «art» par une caste de destructeurs ayant triomphé en Algérie postindépendance, responsables de toutes ces médiocrités qui ont défiguré nos villes. C’est la seule façon de sensibiliser et de prémunir nos futurs étudiants en architecture sur ces dérives persistantes et absurdes à ne pas reproduire sous aucun prétexte. Sur le plan anthropologique, il y a de toute évidence un effort académique à entreprendre dans la recherche et la compréhension des mécanismes (objectifs et subjectifs) qui ont produit ces résultats farfelus ; les raisonnements qui les ont construits. Une analyse de ces décisions étranges devra nécessairement nous conduire à comprendre les agissements (conscients et inconscients) de leurs auteurs et surtout leur persistance à persévérer de façon constante dans cette œuvre à grande échelle de clochardisation de nos villes. En attendant l’aboutissement de cette réflexion, les pouvoirs publics ont la responsabilité d’arrêter en urgence ce massacre. De marquer une «trêve» dans cette œuvre destructrice systématique de notre environnement. De toute façon, la plupart de ces ensembles de logements collectifs seront appelés un jour à être démolis comme ces tours et barres d’immeubles dynamités au niveau des banlieues de villes françaises et partout ailleurs en Europe, car ce type d’habitat ne correspond plus aux nouveaux enjeux d’une ville qui, désormais, se veut être plus ouverte, mieux équilibrée, offrant une meilleure qualité de vie en termes de bien-être, de confort, de tranquillité, de sûreté et de sécurité au profit de ses habitants. Donc, autant arrêter ce bricolage maintenant et prendre le temps de réfléchir sur la mise en place de normes qui devront prendre racine à partir de notre propre identité arabo-islamique et maghrébine, lesquelles devront à l’avenir s’imposer en tant que prescriptions légales à tout projet immobilier. Pour ceux qui feront la fine bouche devant ce choix du style andalou, en l’occurrence, et afin d’atténuer leurs complexes, je les invite à visiter le Palais de l’Alhambra, ils constateront de visu ce que leurs aïeuls leur ont légué comme patrimoine architectural que même les rois catholiques, Isabelle 1er de Castille et Ferdinand II d’Aragon dans la reconquista, subjugués par la splendeur de ce palais, n’ont pas osé détruire. A ce jour, ce palais draine des milliers de personnes venues des quatre coins du monde pour admirer cette merveille. Pour les résidants des cités-dortoirs, je leur recommande une visite de ce haut lieu du génie architectural musulman ; ça sera pour eux une véritable thérapie qui les soulagera pour un moment de la morosité de leur cadre de vie insipide. En deuxième partie de mon exposé et en écho au point soulevé précédemment, je voudrais évoquer la problématique que ce type d’habitat génère sur le plan de l’insécurité. En effet, ces ensembles immobiliers, outre leur aspect affreux, présentent des anomalies qui sont de nature à favoriser l’émergence d’une criminalité protéiforme. Ces ensembles d’habitat collectif sont de véritables bombes à retardement. Ces dernières finiront par exploser d’ici peu, si les pouvoirs publics n’y prêtent pas attention dès à présent. Ces lieux de grande concentration de classes populaires peuvent constituer des citadelles imprenables dans des circonstances de crise sociale majeure où la terreur régnera en maître. La forme architecturale n’est pas criminogène en soi, mais en raison de certaines maladresses et autres imperfections, inhérentes à certaines constructions, celle-ci, telle qu’elle est présentée en Algérie, peut offrir de nombreuses opportunités de réalisation d’actes malveillants. Les délinquants, en tant qu’individus rationnels, savent exploiter avantageusement ces failles que l’architecte n’a pas su anticiper. Chaque cité recèle des dysfonctionnements qui lui sont propres. Ces anomalies sont si nombreuses qu’il serait fastidieux de les recenser. Pour simplifier la compréhension de cette problématique, je ne déclinerai pas ici la méthodologie à mettre en œuvre pour sérier ces dysfonctionnements qui relèvent d’un débat d’experts, mais rappelant d’abord le constat général qui prédomine au niveau de ces nouveaux grands ensembles d’habitat social :
- on note une absence de cohérence dans les formes architecturales de ces réalisations traduisant une volonté des pouvoirs publics de faire dans le quantitatif au détriment du qualitatif, d’où l’effet patchwork résultant de l’empilement de styles différents, suscitant un sentiment de rejet plutôt qu’une adhésion des habitants à leur nouveau quartier ;
- un défaut d’intégration de ces nouvelles cités au tissu urbain préexistant conduisant à leur isolement (absence de moyens de transport, de commerces et de services publics de proximité, etc.) et de fait, à un déni d’appartenance des résidants à ces nouveaux quartiers (le processus d’identification aux lieux ne s’opère pas en raison de la perte de repères). D’ailleurs, après l’euphorie et la manifestation d’une forme d’allégresse généralisée des bénéficiaires de ces logements, on observe une déception chez ces derniers après qu’ils se soient rendu compte des nouvelles difficultés auxquelles ils sont confrontés. Concernant les dysfonctionnements, sans être exhaustif, citons les exemples ci-après :
- les accès d’immeubles donnant sur des cours intérieures, hors du contrôle visuel des passants et des services de police ; le tracé des cheminements à l’intérieur de ces ensembles conçus en cul-de-sac sont susceptibles de constituer des pièges d’où les services de police auront des difficultés à s’extirper si, le cas échéant, une intervention dégénère ; les halls d’immeubles ouverts à tout-va, squattés par des indus occupants et à partir desquels ces derniers, à l’abri de tout contrôle, peuvent opérer sans être vus ; l’absence d’éclairage des espaces communs et des parkings ; l’absence de gardiennage ; la confusion dans les limites des espaces semi-privatifs et ceux qui relèvent du domaine public créant des zones sans statut, livrées à elles-mêmes en l’absence du maître des lieux bien identifié, etc. Ces situations sont génératrices de comportements déviants. A la faveur de l’état «désertique» de ces îlots d’habitation, les malfaiteurs constitués en bandes rivales, revendiquant chacune son territoire pour l’exercice des trafics en tout genre, peuvent commettre des agressions et s’approprier des espaces et des équipements collectifs en les détournant des usages auxquels ils étaient prédestinés. Cet état de fait est davantage exacerbé par ce que Maurice Cusson (criminologue canadien) a désigné sous le concept de l’absence du «contrôle social du crime» (crime désigne ici tout fait contrevenant à un ordre social préétabli). En d’autres termes, c’est l’indifférence des occupants légitimes de ces cités face à la dégradation de leur environnement immédiat qui participe à la dépréciation de leur cadre de vie (cf. théorie de l’espace défendable d’Oscar Newman). Cette préoccupation, visant à anticiper les risques par l’identification des vulnérabilités de ces ensembles d’habitats, n’a pas été intégrée dans la réflexion qui a présidé à la conception des plans de la quasi-majorité de ces constructions. Cette approche appelée «prévention situationnelle» théorisée par l’école de Chicago et développée par Jane Jacobs et Oscar Newman ainsi que par Alice Colman, tend à devenir dans les pays occidentaux la règle en matière de prévention et de sécurisation des espaces communs. Pour synthétiser, cette approche vise à prendre en compte les anomalies du projet en vue de les corriger de façon à rendre le passage à l’acte du délinquant plus contraignant, c’est-à-dire en augmentant son effort, en durcissant la cible, en multipliant les risques de se faire interpeller et en réduisant les gains (bénéfices) possibles. De façon plus générale, c’est l’ensemble des mesures qui visent à modifier les circonstances dans lesquelles les délits pourraient être commis. C’est là tout l’intérêt de cette théorie qui consiste à prévenir le crime par l’aménagement du milieu (PCAM), malheureusement, totalement ignorée par nos bâtisseurs. Faute d’une réflexion collective qui ne tiendra pas compte de ces considérations environnementales et sécuritaires, les pouvoirs publics continueront à nous produire des logements avec leurs bizarreries (ça était dit et on n’y revient pas !) et que l’occupant en proie à un sentiment d’insécurité exacerbé par ce milieu anxiogène, s’empressera de barricader pour en faire une forteresse au mépris des règles de l’urbanisme. Au final, comme on peut le constater le résultat est et sera toujours catastrophique tant que l’on s’obstine à construire selon ce schéma et si cet état de fait perdure, le retour de la manivelle ne manquera pas d’être désastreux pour tout le monde dans très peu de temps.
M. M.
* Consultant en sécurité & Risk Management.
Menhaouara.mourad@neuf.fr
Je ne suis ni un architecte ni un urbaniste, néanmoins, sans vouloir offenser ceux qui parmi cette corporation ont eu à concevoir des plans de logements construits un peu partout à travers l’Algérie, je peux quand même m’autoriser à porter un jugement (de valeur) sur l’aspect esthétique de ces réalisations.
Par ailleurs, en focalisant sur ce type de construction, cela me permettra d’évoquer, en deuxième partie de mon exposé, une problématique qui ne semble pas préoccuper outre mesure les responsables qui ont en charge la concrétisation de ces programmes d’habitat, conçus dans leur quasi-majorité sous la forme de ghettos. Infirmant l’adage latin qui dit que «de gustibus et coloribus non est disputandum», je me risque à soutenir le contraire en affirmant que ce type de construction brille par sa laideur tant dans la forme du bâti que dans les couleurs des murs extérieurs (on a tout tenté : différentes teintes, de l’arc en ciel jusqu’au rose bonbon). Toutes ces cités sans exception sont conçues selon la même approche, attestant d’un manque flagrant d’inspiration, d’imagination, de recherche dans le style. Tout est laid, repoussant, agressif, sans âme. Leur alignement me rappelle ces cités de cantonnement des populations tristement célèbres, construites durant la période coloniale. Je ne veux accuser personne, mais il y a bien un «érudit» qui a pensé, imaginé et projeté sur plan ces réalisations qui polluent notre champ visuel ! Il y a bien un responsable qui a donné l’ordre de signer le permis de construire et donc, qui a cautionné ces projets ! Aucune excuse ne pourra être alléguée à leur décharge. On nous dit que l’argent, il y en a «bezef» dixit un ministre ; le ciment, le rond à béton, on en a jamais autant importé. Alors où est le problème ? Pourquoi sommes nous frustrés de voir chez nous de beaux édifices, de nouveaux centres urbains avec de belles avenues, des espaces verts et autres ouvrages d’art comme il en existe sous d’autres cieux et qui auraient pu flatter notre orgueil d’Algériens. Que ce soit à Abu Dhabi, à Singapour, en Malaisie ou ailleurs, on construit pourtant avec les mêmes matériaux. Alors, pourquoi cette différence dans la qualité du produit fini. Pourquoi le jardin du voisin doit-il rester le meilleur ? Ce modèle d’architecture, devenu une spécificité de l’Algérie, que l’on ne voit nulle part dans le monde et qui témoigne d’une vision d’une gestion archaïque de l’aménagement urbain, doit faire école et enseigné dans nos instituts d’architecture dans le registre des élucubrations érigées en «art» par une caste de destructeurs ayant triomphé en Algérie postindépendance, responsables de toutes ces médiocrités qui ont défiguré nos villes. C’est la seule façon de sensibiliser et de prémunir nos futurs étudiants en architecture sur ces dérives persistantes et absurdes à ne pas reproduire sous aucun prétexte. Sur le plan anthropologique, il y a de toute évidence un effort académique à entreprendre dans la recherche et la compréhension des mécanismes (objectifs et subjectifs) qui ont produit ces résultats farfelus ; les raisonnements qui les ont construits. Une analyse de ces décisions étranges devra nécessairement nous conduire à comprendre les agissements (conscients et inconscients) de leurs auteurs et surtout leur persistance à persévérer de façon constante dans cette œuvre à grande échelle de clochardisation de nos villes. En attendant l’aboutissement de cette réflexion, les pouvoirs publics ont la responsabilité d’arrêter en urgence ce massacre. De marquer une «trêve» dans cette œuvre destructrice systématique de notre environnement. De toute façon, la plupart de ces ensembles de logements collectifs seront appelés un jour à être démolis comme ces tours et barres d’immeubles dynamités au niveau des banlieues de villes françaises et partout ailleurs en Europe, car ce type d’habitat ne correspond plus aux nouveaux enjeux d’une ville qui, désormais, se veut être plus ouverte, mieux équilibrée, offrant une meilleure qualité de vie en termes de bien-être, de confort, de tranquillité, de sûreté et de sécurité au profit de ses habitants. Donc, autant arrêter ce bricolage maintenant et prendre le temps de réfléchir sur la mise en place de normes qui devront prendre racine à partir de notre propre identité arabo-islamique et maghrébine, lesquelles devront à l’avenir s’imposer en tant que prescriptions légales à tout projet immobilier. Pour ceux qui feront la fine bouche devant ce choix du style andalou, en l’occurrence, et afin d’atténuer leurs complexes, je les invite à visiter le Palais de l’Alhambra, ils constateront de visu ce que leurs aïeuls leur ont légué comme patrimoine architectural que même les rois catholiques, Isabelle 1er de Castille et Ferdinand II d’Aragon dans la reconquista, subjugués par la splendeur de ce palais, n’ont pas osé détruire. A ce jour, ce palais draine des milliers de personnes venues des quatre coins du monde pour admirer cette merveille. Pour les résidants des cités-dortoirs, je leur recommande une visite de ce haut lieu du génie architectural musulman ; ça sera pour eux une véritable thérapie qui les soulagera pour un moment de la morosité de leur cadre de vie insipide. En deuxième partie de mon exposé et en écho au point soulevé précédemment, je voudrais évoquer la problématique que ce type d’habitat génère sur le plan de l’insécurité. En effet, ces ensembles immobiliers, outre leur aspect affreux, présentent des anomalies qui sont de nature à favoriser l’émergence d’une criminalité protéiforme. Ces ensembles d’habitat collectif sont de véritables bombes à retardement. Ces dernières finiront par exploser d’ici peu, si les pouvoirs publics n’y prêtent pas attention dès à présent. Ces lieux de grande concentration de classes populaires peuvent constituer des citadelles imprenables dans des circonstances de crise sociale majeure où la terreur régnera en maître. La forme architecturale n’est pas criminogène en soi, mais en raison de certaines maladresses et autres imperfections, inhérentes à certaines constructions, celle-ci, telle qu’elle est présentée en Algérie, peut offrir de nombreuses opportunités de réalisation d’actes malveillants. Les délinquants, en tant qu’individus rationnels, savent exploiter avantageusement ces failles que l’architecte n’a pas su anticiper. Chaque cité recèle des dysfonctionnements qui lui sont propres. Ces anomalies sont si nombreuses qu’il serait fastidieux de les recenser. Pour simplifier la compréhension de cette problématique, je ne déclinerai pas ici la méthodologie à mettre en œuvre pour sérier ces dysfonctionnements qui relèvent d’un débat d’experts, mais rappelant d’abord le constat général qui prédomine au niveau de ces nouveaux grands ensembles d’habitat social :
- on note une absence de cohérence dans les formes architecturales de ces réalisations traduisant une volonté des pouvoirs publics de faire dans le quantitatif au détriment du qualitatif, d’où l’effet patchwork résultant de l’empilement de styles différents, suscitant un sentiment de rejet plutôt qu’une adhésion des habitants à leur nouveau quartier ;
- un défaut d’intégration de ces nouvelles cités au tissu urbain préexistant conduisant à leur isolement (absence de moyens de transport, de commerces et de services publics de proximité, etc.) et de fait, à un déni d’appartenance des résidants à ces nouveaux quartiers (le processus d’identification aux lieux ne s’opère pas en raison de la perte de repères). D’ailleurs, après l’euphorie et la manifestation d’une forme d’allégresse généralisée des bénéficiaires de ces logements, on observe une déception chez ces derniers après qu’ils se soient rendu compte des nouvelles difficultés auxquelles ils sont confrontés. Concernant les dysfonctionnements, sans être exhaustif, citons les exemples ci-après :
- les accès d’immeubles donnant sur des cours intérieures, hors du contrôle visuel des passants et des services de police ; le tracé des cheminements à l’intérieur de ces ensembles conçus en cul-de-sac sont susceptibles de constituer des pièges d’où les services de police auront des difficultés à s’extirper si, le cas échéant, une intervention dégénère ; les halls d’immeubles ouverts à tout-va, squattés par des indus occupants et à partir desquels ces derniers, à l’abri de tout contrôle, peuvent opérer sans être vus ; l’absence d’éclairage des espaces communs et des parkings ; l’absence de gardiennage ; la confusion dans les limites des espaces semi-privatifs et ceux qui relèvent du domaine public créant des zones sans statut, livrées à elles-mêmes en l’absence du maître des lieux bien identifié, etc. Ces situations sont génératrices de comportements déviants. A la faveur de l’état «désertique» de ces îlots d’habitation, les malfaiteurs constitués en bandes rivales, revendiquant chacune son territoire pour l’exercice des trafics en tout genre, peuvent commettre des agressions et s’approprier des espaces et des équipements collectifs en les détournant des usages auxquels ils étaient prédestinés. Cet état de fait est davantage exacerbé par ce que Maurice Cusson (criminologue canadien) a désigné sous le concept de l’absence du «contrôle social du crime» (crime désigne ici tout fait contrevenant à un ordre social préétabli). En d’autres termes, c’est l’indifférence des occupants légitimes de ces cités face à la dégradation de leur environnement immédiat qui participe à la dépréciation de leur cadre de vie (cf. théorie de l’espace défendable d’Oscar Newman). Cette préoccupation, visant à anticiper les risques par l’identification des vulnérabilités de ces ensembles d’habitats, n’a pas été intégrée dans la réflexion qui a présidé à la conception des plans de la quasi-majorité de ces constructions. Cette approche appelée «prévention situationnelle» théorisée par l’école de Chicago et développée par Jane Jacobs et Oscar Newman ainsi que par Alice Colman, tend à devenir dans les pays occidentaux la règle en matière de prévention et de sécurisation des espaces communs. Pour synthétiser, cette approche vise à prendre en compte les anomalies du projet en vue de les corriger de façon à rendre le passage à l’acte du délinquant plus contraignant, c’est-à-dire en augmentant son effort, en durcissant la cible, en multipliant les risques de se faire interpeller et en réduisant les gains (bénéfices) possibles. De façon plus générale, c’est l’ensemble des mesures qui visent à modifier les circonstances dans lesquelles les délits pourraient être commis. C’est là tout l’intérêt de cette théorie qui consiste à prévenir le crime par l’aménagement du milieu (PCAM), malheureusement, totalement ignorée par nos bâtisseurs. Faute d’une réflexion collective qui ne tiendra pas compte de ces considérations environnementales et sécuritaires, les pouvoirs publics continueront à nous produire des logements avec leurs bizarreries (ça était dit et on n’y revient pas !) et que l’occupant en proie à un sentiment d’insécurité exacerbé par ce milieu anxiogène, s’empressera de barricader pour en faire une forteresse au mépris des règles de l’urbanisme. Au final, comme on peut le constater le résultat est et sera toujours catastrophique tant que l’on s’obstine à construire selon ce schéma et si cet état de fait perdure, le retour de la manivelle ne manquera pas d’être désastreux pour tout le monde dans très peu de temps.
M. M.
* Consultant en sécurité & Risk Management.
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Re: : Ces nouvelles cités résidentielles : des bombes à retardement
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