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Redouane Boudjemaâ, enseignant en sciences de l'information et de la communication, à TSA

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Redouane Boudjemaâ, enseignant en sciences de l'information et de la communication, à TSA  Empty Redouane Boudjemaâ, enseignant en sciences de l'information et de la communication, à TSA

Message  laic-aokas Jeu 25 Aoû - 12:49

Redouane Boudjemaâ, enseignant en sciences de l'information et de la communication, à TSA :
"La nouvelle loi sur l’information consacre davantage la fermeture du paysage médiatique"
par Hadjer Guenanfa


Le nouveau texte de loi sur l'information, actuellement en débat au gouvernement, suscite beaucoup de critiques. Redouane Boudjemaâ est enseignant à la Faculté des sciences politiques et de l'information. Il explique pourquoi ce projet de loi est tellement décrié par les journalistes.


Doit‑on parler d'évolution avec le nouveau projet de loi sur l'information ou plutôt de régression par rapport à la loi actuelle datant de 1990 ?

En lisant l’avant‑projet, on peut d'abord constater qu'il y a beaucoup d'ambiguïté par rapport à la loi actuelle. Cette ambiguïté réside dans l'utilisation de certains termes et concepts juridiques sans aucune explication dans le texte. La consécration définitive de la pénalisation du délit de presse avec dix‑sept articles qui parlent de sanctions et d'emprisonnement est évidente.

Aussi, on peut remarquer qu'il y a plus de restrictions pour la délivrance d'agréments et plus de facilitations pour son annulation. Il faut être sérieux ! Même pour préparer techniquement la naissance d'un journal, 90 jours ne suffisent pas. Or, la nouvelle loi stipule que si l'apparition du journal n'intervient pas au bout de 90 jours, l'agrément sera annulé. Il n'y a non plus aucun développement positif pour l'ouverture de l'audiovisuel.

Enfin, il y a deux problèmes auxquels le nouveau projet n'apporte pas de solution. Celui des correspondants locaux qui n'ont toujours pas de statut. Leur relation avec les pouvoirs locaux a souvent été conflictuelle et problématique quand le correspondant n'est pas l'attaché de presse du wali ou du chef de daïra. Ce projet de loi devait leur donner plus de garanties et de droits afin de professionnaliser le métier et d'éviter que le correspondant ne devienne un instrument de communication pour les responsables locaux.

Le deuxième problème est celui des correspondants de presse étrangers. L'accréditation a toujours été un sérieux problème. La décision administrative d'accréditer quelques journalistes a toujours été calculée sur des positions politiques. On doit, dans un projet de loi, déterminer d'une manière claire et nette les conditions d'octroi ou les conditions de refus.

En somme, ce projet de loi consacre davantage la fermeture de l'espace médiatique et la primauté du pouvoir exécutif sur tous les autres. Cela est évident, surtout dans les articles évoquant l'instance de régulation dont le président est désigné par le chef de l’État. Je pense qu'il serait plus intéressant de penser à abroger le code de l'information souvent élaboré pour mettre des bâtons dans les roues et le remplacer par une loi sur la liberté de la presse écrite et audiovisuelle.


L'ouverture de l'audiovisuel est à la fois une revendication des professionnels des médias, des politiques et de la société civile. Que dit le nouveau texte concernant ce dossier ?

Dans ce projet de loi, on retrouve presque les mêmes articles mais avec plus d'ambiguïté. Personnellement, je pense que l'ouverture de l'audiovisuel obéira aux calculs du pouvoir. Il va préparer une ouverture très surveillée. Elle interviendra le jour où une partie de la clientèle du système sera prête à investir dans le domaine et donc à ouvrir des chaînes de télévision. L'ouverture de l'audiovisuel sera très planifiée et très surveillée pour reconduire le système.


La difficulté d'accéder à l’information fait partie des problèmes souvent dénoncés par les journalistes. La nouvelle loi y répond‑elle favorablement ?

Ce nouveau projet de loi n'impose rien aux pouvoirs publics dans ce sens. L'article abordant cette question n'a pas de caractère d'obligation. En fait, on fait souvent de très mauvaises copies en matière d'élaboration de lois à partir de textes français. On donne l'impression qu'on ne connaît de la géographie que la France. Il y a l'expérience canadienne qui est très intéressante. Les autorités canadiennes avaient élaboré en 1929, une loi sur la liberté d'accès à l'information par rapport à la chose publique pour tous les citoyens, y compris les journalistes. On devrait au moins réfléchir à une loi qui donne la liberté d'accès à l'information à tout le monde.


Dans le nouveau texte, un chapitre est consacré aux médias électroniques. Dorénavant, toute nouvelle publication sur la toile sera soumise à une autorisation. Qu'en pensez‑vous ?

Les articles élaborés sur les médias électroniques démontrent bien les limites du pouvoir par rapport aux nouveaux médias et même les limites intellectuelles des gens qui ont été chargés de préparer ce texte. En fait, ils démontrent qu'ils sont incapables de comprendre que fermer les médias ou leur faire subir des pressions devient aujourd'hui une mission impossible. Ils ne réalisent toujours pas le développement des moyens et des technologies de l'information et de la communication.

Les articles sur le sujet démontrent également aux lecteurs de cette mouture que le souci central du pouvoir était de maintenir cette liberté toujours très surveillée. Enfin, si on parle du domaine « .dz » par exemple, ce sera possible sur le plan technique. Mais avec des restrictions pareilles, les pouvoirs publics vont pousser beaucoup d'Algériens à fonder des médias électroniques hébergés à l'étranger.


Le président de la République avait pourtant promis de grandes réformes dans le domaine médiatique lors de son discours à la nation en avril dernier...

Personnellement, je n'étais pas très optimiste après le discours du président. Le pouvoir reste dans sa logique. Il joue sur le temps même si c'est clair qu'il est sous la pression des bouleversements survenus dans le monde arabe. Il veut actuellement se construire une certaine image de marque à travers des discours qui entrent tous – y compris celui du président – dans une stratégie de marketing politique et non pas dans une stratégie purement politique.

Le pouvoir n'a qu'un seul projet, c'est celui de créer des instruments juridiques qui lui permettent de continuer sa logique. Donc, essayer de changer davantage leur façade en faisant du relookage et éviter tout changement structurel profond.


http://www.tsa-algerie.com/culture-et-media/la-nouvelle-loi-sur-l-information-consacre-davantage-la-fermeture-du-paysage-mediatique_17029.html


laic-aokas
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