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" Cet homme n’a jamais cessé d’être algérien", par Ferhat Abbas

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" Cet homme n’a jamais cessé d’être algérien", par Ferhat Abbas Empty " Cet homme n’a jamais cessé d’être algérien", par Ferhat Abbas

Message  Azul Ven 22 Oct - 19:16

Entre Jean El Mouhoub Amrouche et Ferhat Abbas, c'est une amitié féconde. L'échange épistolaire entre les deux hommes fut abondant. L'enfant d'ighi Ali servait de médiateur entre le FLN et le général de Gaulle. Témoignage du premier Président du GPRA.






[...]La Révolution algérienne ne l’a pas surpris, il l’attendait. L’incompréhension dont faisaient preuve les dirigeants français d’après la guerre à l’égard des peuples sous domination ne lui laissait aucun doute sur l’issue fatale : l’affrontement était inévitable. Mais si la Révolution algérienne ne l’a pas pris à l’improviste, elle l’a, par contre, déchiré.

Mais c’est surtout le 1er novembre 1954 que j’ai pu apprécier l’homme et connaître le drame intime de sa vie.
Jean Amrouche était profondément attaché à la France, à sa culture, à son humanisme. Catholique, il était lié par les fibres de son âme à la spiritualité chrétienne. Mais cet homme n’a jamais cessé d’être algérien. Il était si proche du monde musulman qu’il se penchait sans cesse sur les problèmes qui se posaient à l’islam, comme s’ils étaient ses propres problèmes.Jean Amrouche était éternellement déchiré. Il semblait porter en lui le conflit de deux civilisations, le drame même de notre peuple soufrant, en marche vers la liberté.

Plus que personne peut être, il aura exprimé et subi la suprême épreuve de l’Algérie au combat, la difficulté et la fierté d’être Algérien.C’est pourquoi notre peuple, qui se trompait rarement sur la valeur et la fidélité de ses fils, l’aimait et l’appréciait. Il était fier de lui.

Nous savions parfaitement avec quel courage et quel talent il se battait, sur un terrain qui était le sien, pour que nous, ses compatriotes algériens, puissions acquérir enfin notre pleine dignité d’homme et pour que ses compatriotes français ne perdent pas la leur en poursuivant une guerre injuste et en se refusant de comprendre les aspirations légitimes de tout un peuple qui lui était le sien.

On a reproché à notre ami son gaullisme inconditionnel. En vérité, Amrouche, averti des contradictions du parlementarisme français, savait que seul l'homme du 18 juin pourrait mettre fin à l'absurde guerre d'Algérie. Jean Amrouche avait raison.

Aujourd’hui, avec le recul du temps, les hommes de bonne foi ne peuvent porter qu'un seul témoignage: le général De Gaulle est, du coté français, l'artisan de la paix en Algérie. Hélas, Amrouche n'a pas vu la paix venir. Il est mort au moment ou les forces malsaines ensanglantaient encore notre pays. La vision d'une réconciliation fraternelle et d'une coexistence pacifique, chère à son cœur, lui a été refusée. Il a emporté, avec lui, dans sa tombe, l'horreur des meurtres inutiles et des massacres d'innocents.

(…)Dans cette Algérie indépendante, il nous manque cruellement. Sa place reste vide. D’abord parce que un artiste tel que lui honorait son pays. Ensuite parce qu’après avoir été à la peine et avoir maintenu, coûte que coûte, le contact entre les français et les algériens, souvent a l’échelon le plus élevé, il pouvait servir, dans la paix retrouvée, de trait d’union prestigieux être deux peuples et deux civilisations, destinés désormais à s’entendre[...]"
Azul
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" Cet homme n’a jamais cessé d’être algérien", par Ferhat Abbas Empty Re: " Cet homme n’a jamais cessé d’être algérien", par Ferhat Abbas

Message  Azul Ven 22 Oct - 19:17

Jean El Mouhouub Amrouche, Le miracle ? Romancier d’une grande trilogie, Mohammed Dib n'en pense pas moins.
Parole lumineuse d'un exilé lucide.







«[...] Sur quoi il se conquiert, quelles luttes il doit livrer pour être ce qu’il devient : l’on n’aura justement pas pris la mesure de l’homme et l’on inclinera à penser que son apparition tient du miracle, si l’on ne sait comment, le premier, il est un de ces voleurs de feu. Fruit le plus profond de sa terre en ce qu’elle a de plus profond.

Certes. Cela n’aurait guerre suffi, tout reste à faire. Restait simplement à entreprendre la conquête de la flamme confinée dans d’inaccessibles régions en quoi il pressent sa véritable nature. Tache déjà susceptible d’excéder l’homme les forces d’un homme ? Il découvre encore qu’il lui faut y aller les mains nues. En effet, l’indigence des moyens qui lui sont impartis est si impossible à imaginer qu’elle parait défier toute crédibilité. Langue, culture, valeurs intellectuelles, échelle des valeurs morales, rien de ces dons qu’on reçoit au berceau ne peut, ne va lui servir.

(Quant à savoir le pourquoi de cette carence et de cette impossibilité, c’est une autre histoire, qui mérite d’être contée à part et pour son seul intérêt.) Que faire ? Il s’empare sans hésiter d’autres instruments, le voleur, qui n’ont été forgés ni pour lui ni pour les buts qu’il entend poursuivre. Qu’importe, ils sont à sa portée, il les pliera à ses desseins. La langue n’est pas sa langue, la culture n’est pas l’héritage de ses ancêtres, ces tours de pensées, ces catégories intellectuelles, éthiques n’ont pas cours dans son milieu naturel. Les armes ambiguës que celles dont il va user ! Elles sont aussi bien prêtes pour provoquer la destruction de la personne qui s’en sert qu’à la servir.

Pourtant Jean Amrouche joue et gagne. Non seulement son succès n’est pas douteux, il réactive et revalorise en plus et du même coup l’héritage enseveli mais non oublié. Le cas en devient exemplaire. L’homme aussi. Il incarne la fidélité et l’ouverture d’esprit, l’intégrité et la tolérance, la réflexion lucide et le courage intellectuel, le tout allié au talent d’écrivain et de poète le plus sûr. Ne nous quitte toutefois pas plus le sentiment du danger couru que la pensée du prix payé pour s’assurer cette très admirable et paradoxale victoire. Oui, admirable tout autant que paradoxale en ce qu’elle est atteinte avec les moyens les les moins naturels- s’entend pour lui, Jean Amrouche, pris dans la glaise dont il a été pétri. Le voila, Le miracle. D’autres diront mieux que moi ce qu’a été son action, parleront mieux de l’œuvre qu’il nous a laissé. Mais de grâce, qu’on n’oublie pas cela.

Qu’on n’oublie pas que précisément, en raison de chemins de traverse empruntés à grand risque, il a été universel, mais que pour être universel, il n’a pas cessé d’être Algérien. Non pas algérien par une sorte de fatalité de race et d’origine, comme en dépit de soi, mais avec toute la conscience, le désir, l’affirmation qui s’attache à une choix ; mais parce qu’il en décidé ainsi eu terme d’une médiation sur le rôle et l’action de l’homme. Aussi bien a-t-il été ce témoin privilégié de l’Algérie que l’on sait. Il veut, si humble soit-il, se frayer un chemin vers cette condition humaine universelle …Il cherche un débouché sur la mer libre de la culture humaine.

Algérien universel, donc : il n y a là ni antinomie ni contradiction. Mais si, s’étant tournée vers le reste de l’univers à travers sa formation française, il s’est forgé et réalisé plus complètement, plus souplement, si, enrichi par les offrandes du monde entier, il a accédé aux grandes synthèses de l’esprit, don pour don, il a, à son tour, apporté à la culture humaine sa gerbe d’images et de mythes [...] »

Le voleur de feu, par Mohammed Dib, In Catalogue du colloque de Marseille, 1985, p.15-16
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Message  azemour Mar 5 Avr - 15:51

je cite de l'article "Qu’on n’oublie pas que précisément, en raison de chemins de traverse empruntés à grand risque, il a été universel, mais que pour être universel, il n’a pas cessé d’être Algérien.

comme quoi on peut pas étre universel sans étre d'abord algérien en particulier ,et en général étre d'abord fier de son pays pour prétendre à l'universalité
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