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YACINE HEBBACHE, «CE SONT LES DEUX EXTRÊMES DE LA VIE QUI ME POUSSENT À ÉCRIRE»

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YACINE HEBBACHE,  «CE SONT LES DEUX EXTRÊMES DE LA VIE QUI ME POUSSENT À ÉCRIRE» Empty YACINE HEBBACHE, «CE SONT LES DEUX EXTRÊMES DE LA VIE QUI ME POUSSENT À ÉCRIRE»

Message  rebai_s Ven 9 Avr - 15:34

YACINE HEBBACHE,
«CE SONT LES DEUX EXTRÊMES DE LA VIE QUI ME POUSSENT À ÉCRIRE»

Il est né le 7 avril 1980 à Aït Mbarek, dans la commune de Taskriout, wilaya de Béjaïa.
Il est issu d'une famille modeste.
Son père meurt à l'âge de trente ans, en 1985, cinq ans après sa naissance.
Il fait à l'école de son village et, dès le lycée, il commence à lire des livres de la littérature française que son père avait laissés, et en même temps, à composer des poèmes dans la langue de Si Mohand-Ou- Mhand, le tamazight, puis dans la langue de Voltaire.
Avril 2004, il édite son premier recueil de poésie, Feu d'amour, feu de révolte.
Au mois de mars 2009, il publie le deuxième recueil de poésie, «L'Encre sacrée».
Yacine Hebbache, puisque c'est de lui qu'il s'agit, a bien voulu se confier au Courrier d'Algérie, écoutons le… Le Courrier d'Algérie : Au commencement, si vous voulez bien, pouvez-vous nous parler un peu plus de Yacine Hebbache ?

Yacine Hebbache :
Un monstre dévoreur de livres… -rires- Je n'avais pas encore 18 ans quand un mystérieux démon est venu m'habiter et habiter à jamais mon être.
J'étais encore lycéen lorsque j'ai commencé à écrire des petits poèmes en tamazight, ma langue maternelle, et lorsque une singulière curiosité m'a poussé à découvrir les quelques volumes de la littérature française et universelle que mon père, décédé à l'âge de trente ans, suite à un mortel accident de travail, avait laissés.
Mon père qui avait exercé déjà l'enseignement de la langue française, avant d'être recruté dans une entreprise algéro-italienne de construction des oeuvres d'art… Je me souviens d'avoir lu «Humiliés» et « Offensés » de Dostoïevski à l'année où je préparais mon baccalauréat…Je n'avais pas encore une base solide et des moyens intellectuels suffisants pour bien saisir une telle oeuvre, mais je trouvais les amours de Natacha et d'Aliocha vraiment passionnantes… En 1999, après l'obtention de mon bac, je suis parti à Alger pour faire des études en sciences politiques, et c'était là où j'ai trouvé un milieu favorable pour décupler mes connaissances et pour forger mes facultés pensantes.
Alger m'a permis, et ce, dès les débuts, de côtoyer des journalistes, des intellectuels et de s'intéresser, de par ma formation à la politique et de satisfaire mon avidité grandissante de lire le maximum de livres et de découvrir le maximum d'auteurs… Cette passion pour la poésie et la littérature a fait de moi un errant qui sillonne les grouillantes ruelles de la Capitale, en se déplaçant de librairie en librairie, à la recherche d'un livre prisé ou d'un auteur qui m'est encore inconnu… À cette époque-là je lisais, je lisais beaucoup… Alger donc m'a formé… Puis, comme tous les citoyens de la Kabylie, les événements du 2001 m'ont endeuillé et ont fait, en quelque sorte, exploser ma colère, en me poussant à écrire et à envoyer des contributions à l'ex-quotidien indépendant Le Matin, d'abord sur le mouvement citoyen, ensuite sur d'autres controverses qui alimentent la scène nationale, la reforme du système éducatif, élections, etc.
C'est ainsi que j'ai fait mon premier pas dans l'écrit journalistique, avant même de terminer mes études.
C'était la même année où j'ambitionnais de préparer une autre licence en anglais avec mon deuxième bac.
Vous voyez donc, jeune j'étais déjà sur plusieurs fronts et j'étais plein d'ambitions… Mais il faut dire que ce parcours n'est pas sans sacrifices vu les moyens limités dont dispose ma famille… En 2004, lorsque j'ai publié mon premier recueil, feu d'amour, feu de révolte, je me suis dit : « Voilà, ces sacrifices ne sont pas vains, pourquoi ne continuerai-je pas à écrire?
» En effet, j'ai continué, et en mars dernier j'ai édité mon deuxième ouvrage, “L'Encre sacrée”…
Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à écrire ?

Il n'est pas facile de répondre d'une manière précise à votre question dans la mesure où la coulée d'écriture peut être comparable à une masse de lave qui s'échappe d'un volcan ou à une bouffée de parfum que répand une fleur… Et entre les deux extrêmes il y a bien sûr des choses qui peuvent être aussi comparables à cette coulée d'écriture… les raisons qui me poussent donc à écrire sont souvent les deux extrêmes de la vie, la beauté et la laideur, la joie et la tristesse, le doute et la certitude… et toutes les choses qui se trouvent entre les deux bornes….

Alors, qu'est-ce qui vous inspire ?

Quand on est poète, les feuilles qui se détachent de leurs rameaux, peuvent nous donner des impressions subites, si on donne à chaque feuille une pensée, un souvenir ou une image.
C'est une question d'irruption spontanée et incontrôlable dans un moment à la fois de faiblesse et de force devant un spectacle fascinant ou devant une tragédie révoltante.
Chacun son capital, la sensibilité est le mien… C'est ce moment de mon existence intensément vécu qui crée en moi un univers poétique et qui donne à l'univers un poète créateur.

Vous avez commencé à écrire très tôt, d'abord la poésie en tamazight, puis des articles journalistiques à l'ex-quotidien indépendant Le Matin, pour arriver ensuite à la poésie en langue française.
Comment vous expliquez ce processus ?

Effectivement, mes premiers écrits sont des poèmes en tamazight, j'étais lycéen et c'était le seul moyen que j'avais pour exprimer mes premières impressions du poète… La bonne maîtrise de la langue française m'est acquise à l'université, après des lectures savoureuses et continues… Et en lisant les grands auteurs comme Dostoïevski, Rousseau, Proust, Flaubert, Mauriac, Faulkner, Steinbeck… et les grands poètes comme Baudelaire, Rimbaud, Musset, Kateb, Dib, Hugo, Nerval, Apollinaire, Omar Khayam, Mallarmé, Verlaine… etc.
une passion singulière pour la poésie en français a commencé à germer en moi… Vous avez cessé d'écrire dans la presse depuis 2004.
Est-ce simplement un problème de temps qui vous empêche de continuer ?
Tout d'abord il faut dire que le journalisme est un métier qui me plait beaucoup.
J'ai déjà signalé que mes écrits de presse étaient, dans leurs majorité, des contributions, des idées, des réflexions dictées par un événement politique ou un mouvement social ou une controverse à débattre, parues dans l'espace Débat de l'ex-quotidien indépendant Le Matin… C'est vrai que j'ai fait la presse de proximité pour un petit moment dans Journal de Kabylie avec le même quotidien, mais j'ai rapidement constaté que la pratique journalistique est totalement différente de la poésie.
La première demande un style facile, direct tandis que la deuxième exige un style délicat et une langue raffinée.
En plus, je voulais bien me consacrer entièrement à mes projets littéraires… Votre premier recueil est intitulé «Feu d'amour, Feu de révolte », qu'évoque-t-il justement ?
Comme son titre l'indique bien, dans mon premier ouvrage publié en 2004, on trouve deux thèmes principaux, à savoir, l'amour et la révolte… L'amour fou qui nous pousse à la révolte sans haine, mais sans crainte aussi, cette révolte engendrée par la dépossession.
Feu d'amour, feu de révolte est composé de trois parties romances et Regrets, Saison infernale et Révolte… Ma mémoire retiendra pour toujours le souvenir de la maquette initiale sur laquelle le nom du poète et celui de sa muse sont imprimés, annonçant une publication de bans… Et votre nouvelle oeuvre, «l'Encre Sacrée...
» Ma nouvelle oeuvre, «l'Encre sacrée», publiée en mars dernier, est un ouvrage qui contient 56 poèmes bien rimés, repartis principalement en cinq parties, précédées par quatre poèmes initiaux et épiloguées d'un long poème «intitulé Indignation».
On y trouve des poèmes de différents genres, et compris le sonnet, ce petit poème de quatorze vers et qui, comme Boileau a dit, dans sa perfection, vaut seul un long poème… La première partie contient un seul texte La Baigneuse Salsabil.
Un long poème tragique de dix pages où l'innocence, celle du poète et de sa muse, est mystérieusement trahie par une haine aveugle et gratuite.
Le poème retrace dans sa trajectoire, romanesque au début et tragique à la fin, la traversée de l'homme poète qui existe pour aimer, mais qui vois son rêve se triturer, son monde se désagréger comme sous l'action intempestive et irraisonnée d'une fatalité atroce.
«Romances» pour la bien-aimée est une partie consacrée au dévoilement de mon propre coeur, à la mise à nu de ma propre âme qui, enserrée par les griffes de la nostalgie, de la solitude, du chagrin, du doute, ne cesse pas de réclamer la présence de son idole sans pareille.
Dans la troisième partie «Méditations» je me livre justement à la méditation profonde sur les sujets philosophiques qui préoccupent ma conscience.
La religion, la gouvernance, les lois, l'égoïsme, la liberté, le savoir, la solitude, la mélancolie, l'optimisme, l'amitié sont, entre autres, les thématiques que j'ai tenté d'aborder avec mon sens aigu du poète.
« Indocilité » est la quatrième partie où mon intelligence s'insurge, se rebelle contre l'arbitraire, l'impunité, l'oppression et l'obscurantisme en versant les laves de mon verbe engagé sur la face de ces détenteurs du verbiage stérile qui persistent dans leur bêtise.
Dans la dernière partie « Spleen » le dégoût et les angoisses de la vie qui nous rangent intérieurement et qui ressurgissent parfois pour nous faire souhaiter la mort, sont traités dans cinq poèmes pleins de sens et de questionnements.
La Baigneuse salsabil nous fait penser à Sara la baigneuse de Victor Hugo… Oui.
Mon poème La Baigneuse Salsabil est écrit dans le même style, le style hugolien.
Il nous fait penser directement à Sara la baigneuse de Victor Hugo et même à Oswald Durand, cette célébrité du cru, qui imite si parfaitement l'auteur de Notre-Dame de Paris, dans son poème Idalina… Moi personnellement je pense aussi à cette fameuse scène du bain dans Nedjma, le fabuleux roman de Kateb Yacine.
Le point culminant de la fascination et de la séduction qu'on trouve dans l'éblouissant épisode du Nadhor, on le retrouve dans mon poème La Baigneuse Salsabil.
En effet, la rêverie désirante ou le paradigme du désir est aussi un point commun entre les deux textes.
Enfin, comme Nedjma, Salsabil est fatale, et comme Salsabil, Nedjma est innocente… Ma Baigneuse Salsabil je la veux immortelle parmi les plus célèbres, les plus splendides baigneuses de la littérature.

Pourquoi ce nom Salsabil ?

Pas seulement parce que c'est une source paradisiaque, mais aussi et surtout une source qui promet un breuvage sau veur et purifiant… Il n'y a pas mieux je pense… Salsabil, est un nom qui évoque quelque chose qui coule en moi comme coule la sève de la vie dans les entrailles de la terre et dans les veines des femmes et des hommes… La simple évocation de ce nom, dont l'euphonie offre des ailes magiques à mon esprit, me transporte, comme par miracle, vers un monde de poésie et de rêve.
`` La poésie qui seule me rend vivable la vie et le rêve qui réalise pour quelques instants mon idéal et m'offre généreusement ce que la réalité elle-même me refuse… Salsabil, une idéale source d'inspiration pour le poète assoiffé, esseulé par l'exil et par le rêve et qui se consume dans l'âtre incandescent de l'éloignement sans cure et de l'impatience troublante… Dans la forge secrète de l'envie, de la privation et de la nostalgie… Une muse, la mienne, sans pareille, pleine de joliesse et de fragrance… Sans elle le poète est à sec.
Salsabil c'est mon éternelle baigneuse, la source qui se baigne, c'est la légende à venir, la légende qui ne peut pas s'empêcher de venir…

Est-il aisé d'écrire et de publier des livres dans notre pays ?

Si la plume est une arme, l'écriture, elle, est un combat.
Écrire, ici ou ailleurs, est toujours pour moi une manière de s'affirmer soi-même tout d'abord, de proclamer solennellement son identité ensuite… Écrire est enfin un acte de résistance, parfois même au péril de sa vie, contre l'arbitraire et contre toute forme d'injustice… Être un poète, un écrivain chez nous malheureusement c'est souffrir doublement, premièrement, souffrir comme la majorité de ses concitoyens, deuxièmement, et c'est la pire des souffrances, souffrir comme un intellectuel conscient de l' irritante tragédie qui l'encercle, lui et sa société… Financièrement parlant, publier un livre dans notre pays n'est pas une simple affaire, surtout lorsque vous êtes poète débutant et les éditeurs vous disent : «On n'édite pas les livres de poésie…» Il est temps que les autorités culturelles de ce pays soient prêtes à prendre en charge les jeunes talents et que les maisons d'édition soient disposées à les aider pour éditer et diffuser leurs créations artistiques… Au final, il faut reconnaître que chaque début est difficile et que la bonne volonté, pour ceux qui ne savent pas lâcher prise, est la mère de toutes les grandes victoires…Vous m'avez fait avouer les contraintes qui peuvent freiner un auteur.
Laissez-moi vous dire maintenant ce que je crains le plus.
Je ne crains pas d'être contraint à publier à compte d'auteur, je ne crains pas aussi ces problèmes d'ordre financier.
Je crains, pour moi et pour tous les créateurs, la censure, et pire que cela, l'autocensure.
Cette redoutable ennemie de la création… Revenons maintenant à ce que vous êtes en train d'écrire.

Est-ce toujours la poésie ?
Un roman ?
Parlons peu de vos projets…

Les deux en même-temps… maintenant je suis bourré et je sens que ma tête déborde… à l'heure actuelle, je suis en train de travailler d'arrache-pied mon roman que j'avais entamé depuis quelques années.
Comme vous le savez, un roman est presque toujours un travail de longue haleine.
Un chantier qui demande beaucoup de temps, de solitude et d'effort, et surtout beaucoup de patience et de persévérance.
La patience taille la pierre, disait l'adage… Quand à la poésie, elle m'accompagne toujours, partout, puisque elle est définitivement encastrée dans les murs de ma vie.
Elle ne quitte pas mes pénates… Elle est, en quelque sorte, mon fidèle intercesseur, puisqu'elle est l'annihilatrice de l'absence despotique, la neutralisatrice de la solitude radicale.
Donc j'ai déjà commencé la préparation d'un autre recueil, et j'ai parlé toute à l'heure de « la légende à venir », qui est justement le titre de l'une des « légendes » que cet ouvrage va contenir…

Si je vous dis la mère… La source de vie. C'est elle qui nous porte dans son propre ventre avant de nous mettre au monde, n'est-ce pas ? La femme… Le plus beau poème.

La poésie… Une arme charmante et parfaitement pacifique..

L'Algérie… Terre des légendes.

Entretien réalisé par Hafit Zaouche
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