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Hamed Abd el Samad : La chute du monde islamique

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Message  insoumise Mar 12 Jan - 18:29


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  • Religion et Tradition
  • Islam
  • Conspirationisme
  • Terrorisme


Hamed Abd el Samad : La chute du monde islamique

Par Elishean -
jan 23, 2015
7488


Un universitaire égyptien prédit l’effondrement du monde musulman

Hélios d’Alexandrie a traduit de l’arabe cet article paru le 1er décembre 2010 dans le journal Al Marsd au sujet d’un livre du politologue allemand d’origine égyptienne, Abdel-Samad.
Abdel-Samad avait prédit, avant le déclenchement des révolutions arabes, l’effondrement du monde musulman sous le poids d’un islam incapable de prendre le virage de la modernité, et l’immigration massive vers l’Occident qui s’en suivrait.
L’Occident a intérêt à soutenir les forces laïques et démocratiques dans le monde musulman. Et chez nous, il faut encourager la critique de l’islam au lieu de la réprimer sous prétexte de discours de haine. En apaisant les islamistes et en accommodant leurs demandes obscurantistes dans nos institutions, on ne fait que retarder un processus qui serait salutaire pour les musulmans eux-mêmes, et pour l’humanité.
Hamed Abd el Samad, chercheur et professeur d’université résidant en Allemagne, a publié en décembre 2010 un ouvrage qu’il a intitulé «la chute du monde islamique». Dans son livre il pose un diagnostic sans concessions sur l’ampleur de la catastrophe qui frappera le monde islamique au cours des trente prochaines années.
L’auteur s’attend à ce que cet évènement coïncide avec le tarissement prévisible des puits de pétrole au Moyen-Orient. La désertification progressive contribuerait également au marasme économique tandis qu’on assistera à une exacerbation des nombreux conflits ethniques, religieux et économiques qui ont actuellement cours. Ces désordres s’accompagneront de mouvements massifs de population avec une recrudescence des mouvements migratoires vers l’Occident, particulièrement en direction de l’Europe.
Fort de sa connaissance de la réalité du monde islamique, le professeur Abd el Samad en est venu à cette vision pessimiste. L’arriération intellectuelle, l’immobilisme économique et social, le blocage sur les plans religieux et politiques sont d’après lui les causes principales de la catastrophe appréhendée. Ses origines remontent à un millénaire et elle est en lien avec l’incapacité de l’islam d’offrir des réponses nouvelles ou créatives pour le bénéfice de l’humanité en général et pour ses adeptes en particulier.
À moins d’un miracle ou d’un changement de cap aussi radical que salutaire, Abd el Samad croit que l’effondrement du monde islamique connaîtra son point culminant durant les deux prochaines décennies. L’auteur égyptien a relevé plusieurs éléments lui permettant d’émettre un tel pronostic :

  • Absence de structures économiques assurant un réel développement
  • Absence d’un système éducatif efficace
  • Limitation sévère de la créativité intellectuelle


Ces déficiences ont fragilisé à l’extrême l’édifice du monde islamique, le prédisposant par conséquent à l’effondrement. Le processus de désintégration comme on l’a vu plus haut a débuté depuis longtemps et on serait rendu actuellement à la phase terminale.
L’auteur ne ménage pas ses critiques à l’égard des musulmans : «Ils ne cessent de se vanter d’avoir transmis la civilisation grecque et romaine aux Occidentaux, mais s’ils étaient vraiment porteurs de cette civilisation pourquoi ne l’ont-ils pas préservée, valorisée et enrichie afin d’en tirer le meilleur profit ?»
Et il pousse le questionnement d’un cran : «Pourquoi les diverses cultures contemporaines se fécondent mutuellement et s’épanouissent tout en se faisant concurrence, alors que la culture islamique demeure pétrifiée et hermétiquement fermée à la culture occidentale qu’elle qualifie et accuse d’être infidèle?»
Et il ajoute : «le caractère infidèle de la civilisation occidentale n’empêche pas les musulmans de jouir de ses réalisations et de ses produits, particulièrement dans les domaines scientifiques, technologiques et médicaux. Ils en jouissent sans réaliser qu’ils ont raté le train de la modernité lequel est opéré et conduit par les infidèles sans contribution aucune des musulmans, au point que ces derniers sont devenus un poids mort pour l’Occident et pour l’humanité entière.»  
L’auteur constate l’impossibilité de réformer l’islam tant que la critique du coran, de ses concepts, de ses principes et de son enseignement demeure taboue ; cet état de fait empêche tout progrès, stérilise la pensée et paralyse toute initiative.
S’attaquant indirectement au coran. l’auteur se demande quels changements profonds peut-on s’attendre de la part de populations qui sacralisent des textes figés et stériles et qui continuent de croire qu’ils sont valables pour tous les temps et tous les lieux.
Ce blocage n’empêche pas les leaders religieux de répéter avec vantardise et arrogance que les musulmans sont le meilleur de l’humanité, que les non-musulmans sont méprisables et ne méritent pas de vivre ! L’ampleur de la schizophrénie qui affecte l’oumma islamique est remarquable.
L’auteur s’interroge : «comment l’élite éclairée dans le monde islamique et arabe saura-t-elle affronter cette réalité ? Malgré le pessimisme qui sévit parmi les penseurs musulmans libéraux, ceux-ci conservent une lueur d’espoir qui les autorise à réclamer qu’une autocritique se fasse dans un premier temps avec franchise, loin du mensonge, de l’hypocrisie, de la dissimulation et de l’orgueil mal placé. Cet effort doit être accompagné de la volonté de se réconcilier avec les autres en reconnaissant et respectant leur supériorité sur le plan civilisationnel et leurs contributions sur les plans scientifiques et technologiques.
Le monde islamique doit prendre conscience de sa faiblesse et doit rechercher les causes de son arriération, de son échec et de sa misère en toute franchise afin de trouver un remède à ses maux.
Le professeur Abd el Samad ne perçoit aucune solution magique à la situation de l’oumma islamique tant que celle-ci restera attachée à la charia qui asservit, stérilise les esprits, divise le monde entre croyants musulmans et infidèles non-musulmans ; entre dar el islam et dar el harb (les pays islamiques et les pays à conquérir).
L’auteur croit qu’il est impossible pour l’oumma islamique de progresser et d’innover avant qu’elle ne se libère de ses démons, de ses complexes, de ses interdits et avant qu’elle ne transforme l’islam en religion purement spirituelle invitant ses adeptes à une relation personnelle avec le créateur sans interférence de la part de quiconque fusse un prophète, un individu, une institution ou une mafia religieuse dans sa pratique de la religion ou dans sa vie quotidienne.

Entretien avec Hamed Abd el Samad

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La chaîne satellitaire Al Hayat a réalisé la semaine dernière une interview avec Hamed Abd el Samad, universitaire et écrivain égypto-allemand, auteur du livre « La chute du monde islamique ».

L’entretien a été conduit en langue arabe par Rachid, l’animateur de l’émission « Question audacieuse », ex-musulman marocain, converti au christianisme. Il s’agit d’une interview en profondeur d’une durée de 90 minutes. Hélios d’Alexandrie l’a traduite pour le bénéfice des lecteurs de Poste de veille. L’interview (arabe) (YouTube) est postée à la fin du billet.
Hamed Abd el Samad est la cible d’une fatwa de mort émise par un religieux égyptien. La fatwa figure sur cette image et l’explication est donnée dans l’entrevue.

Partie 1

Rachid: Je suis heureux que vous ayez accepté l’invitation du programme « Question audacieuse » malgré les problèmes que cet entretien pourrait vous causer avec nos frères du monde musulman. Qu’est-ce qui vous a convaincu d’apparaître sur un canal télévisé qui promeut le christianisme, alors que vous n’êtes pas chrétien et que vous ne professez aucune religion?
Hamed Abd el Samad: Je n’ai aucun problème à échanger avec tout être humain sauf certaines exceptions: ceux qui tuent, ceux qui incitent au meurtre et ceux qui font preuve de racisme. Je parle avec toutes sortes de gens, dès lors qu’il s’agit pour moi d’exposer mes idées et que mon interlocuteur accepte de répliquer avec les siennes. Comme vous l’avez précisé je ne suis pas chrétien, je suis même critique à l’égard du christianisme et de la pensée religieuse, mais je n’éprouve aucune gêne à discuter avec toute personne qu’elle soit croyante ou non, tant qu’elle ne cherche pas à m’imposer ses idées.
Je suis d’avis qu’il est préférable de discuter en privilégiant la raison, je prends un exemple: peu importe pour moi ce que Mahomet a dit ou ce qui a été écrit dans le coran, ce qui m’intéresse avant tout c’est ce que le musulman d’aujourd’hui fait avec ces paroles et de quelle façon il les intègre dans sa vie. Comment il les met en pratique, s’il cherche à me les imposer, à me forcer d’y croire, et si je n’y crois pas à me traiter de mécréant (kafir) et s’il les utilise pour me châtier…
Rachid: Vous n’aviez pas peur d’apparaître sur le Canal Al Hayat et que cela vous cause des problèmes?
Hamed Abd el Samad: Je reconnais avoir suffisamment de problèmes, comme on dit couramment en Égypte: « La morgue est pleine, cessez de tuer! »
Rachid: (rire) Il semble que nous en rajoutons! Mais venons-en au Professeur Hamed Abd el Samad. Je suis au courant que vous n’aimez pas parler de vous-même, ni vous mettre de l’avant, mais si je vous posais cette question: « vous êtes égyptien de naissance et avez grandi en Égypte?
Hamed Abd el Samad: Je suis né en Égypte en 1972 dans un village du gouvernorat de Guizèh. J’ai étudié l’anglais et le français au Caire à la faculté des langues. Je suis parti par la suite pour l’Allemagne dans le but d’étudier les sciences politiques et les sciences islamiques. Après mes études j’ai enseigné à la section des études islamiques. J’ai également enseigné l’Histoire à l’Université de Munich. Actuellement je suis écrivain indépendant, auteur de livres et d’articles dans la presse arabe et allemande, le sujet principal de mes écrits et des entretiens télévisés c’est le monde islamique contemporain. Je traite du conflit de civilisation qui sévit entre les différents courants à l’intérieur du monde islamique.
Rachid: Vous avez écrit votre roman « Adieu au Ciel », ensuite un livre qui a fait beaucoup de bruit dans les pays musulmans « La chute du monde islamique ». Pouvez-vous nous donner un aperçu du roman et du livre, et comment vous est venue l’idée de les écrire?
Hamed Abd el Samad: Le roman est quasi autobiographique, il relate mon expérience de l’éloignement de l’Égypte et de la vie en Allemagne et au Japon. J’y décris mon approche des religions, mon rejet du dogmatisme religieux, et les phases que traversent nombre de jeunes quand ils quittent leur pays: crise d’identité, recherche de son identité à travers la religion, l’abandon de la religion, l’impact de cet abandon, le retour subséquent à la religion. Tous ces phénomènes, j’ai tenté de les analyser dans mon roman « Adieu au Ciel ». C’est à travers l’écriture de ce roman que s’est cristallisée en moi l’idée de ne traiter d’un sujet donné, qu’à la condition de faire preuve d’honnêteté intellectuelle. Le piège qui guette le penseur qui écrit sur des sujets islamiques est de les aborder sous l’influence de ses tendances et de ses idées personnelles. Le roman m’a servi de « filtre », il m’a permis d’exposer sincèrement ce que je ressentais et où je me situais. Cela m’a permis par la suite d’être objectif sur le plan académique et celui de la recherche.
Rachid: Comment vous est venue l’idée du livre « La chute du monde islamique »?
Hamed Abd el Samad: Elle m’est venue en lisant un ouvrage intitulé « La chute de l’Occident » du philosophe allemand Oswald Spengler. Il a prédit la chute de l’empire occidental due au vieillissement, à l’épuisement, à la dérive matérialiste et à son incapacité de s’adapter au changement. J’ai examiné les symptômes que l’auteur attribuait à l’Occident et j’ai trouvé qu’elles s’appliquaient tout à fait à l’empire ou à la civilisation islamique.
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Nous (musulmans) vivons en conflit avec la modernité, nous acceptons uniquement la moitié de la modernité, c’est à dire ses outils techniques: le téléphone portable, la télévision, l’internet… Mais pas les idées qui sont derrière ces outils.
Je me souviens d’une histoire vécue, J’en ai d’ailleurs parlé dans mon livre: J’avais invité un professeur de la faculté d’éducation du Caire, à un congrès sur les manuels scolaires. Il est musulman observant; à l’Hôtel où nous logions, il s’est permis de faire l’appel à la prière au lever du soleil comme s’il était un muezzin à la mosquée! J’ai été comme foudroyé quand je l’ai entendu lancer l’appel dans le couloir de l’Hôtel, je lui ai dit que ce n’était pas convenable d’agir ainsi, à un moment où les clients de l’Hôtel dormaient. Il m’a rétorqué que c’était son droit et sa liberté religieuse! Le soir qui a suivi cet incident, alors que nous étions pour dîner avec des non-musulmans, il a remarqué que ces derniers buvaient de l’alcool. Il a alors piqué une colère et a fait mine de quitter la table, pour finir il les a obligé à cesser de boire durant le repas.
Le lendemain il a voulu acheter un I-POD pour écouter le coran, il m’a consulté sur le type d’appareil à acquérir. J’ai alors pris le I-POD dans les mains et je lui ai dit: « monsieur le Sheikh, sais-tu, ce I-POD d’où il vient? Il m’a répliqué: « de quel endroit? » je lui ai répondu: « de cinq cents ans de liberté, cinq cents ans de liberté de pensée et de liberté de croyance. Celui qui veut boire est libre de boire, celui qui veut faire quelque chose est libre de la faire. C’est cette liberté de pensée, cette liberté de recherche, c’est d’elle que vient cet appareil! La modernité ce n’est pas l’appareil tout seul, mais aussi tout ce qui a précédé son invention, la liberté de pensée et de croyance, chaque personne est libre de croire ou non et personne ne cherche à contrôler la croyance d’autrui. Chaque personne a ses idées et son style de vie, tout est permis dans le cadre de l’expression de l’opinion. Si nous ne reconnaissons pas cette vérité il n’y a pas de possibilité de progrès. »
Et moi je vois que ce point précis a une bonne part dans la crise où se trouve plongé le monde islamique: choisir de ne considérer que la moitié de la modernité, la moitié matérielle et refuser la moitié liée à la pensée.
Rachid: Comme s’il s’agissait de savourer un fruit tout en détestant l’arbre qui le produit. C’est la civilisation occidentale dans tous ses aspects qui a permis ces réalisations techniques.
Hamed Abd el Samad: Je vous apporte un autre exemple: un Sheikh salafiste se fait traiter en Allemagne. Un avion fabriqué en occident assure son transport, il porte une montre fabriquée en Suisse, des médecins allemands prennent soin de lui, tous les instruments médicaux qui servent à son traitement et tous les médicaments qui lui sont prescrits sont produits en occident. Mais en bout de ligne, il vous dira: « ce sont des mécréants, Allah nous les a donnés comme esclaves pour notre service! »  Ce regard et ce comportement suprématistes nous aveuglent et nous empêchent de tirer profit des connaissances et du progrès que les occidentaux ont acquis.
La civilisation c’est la capacité des gens à assimiler le nouveau, c’est aussi la possibilité que certaines choses qui relèvent du bon sens soient admises sans que l’on ait besoin de les inscrire dans des lois ou dans les constitutions, comme le respect des croyances. Ce à quoi vous croyez et ce à quoi je crois, c’est l’affaire de personne, la couleur de votre peau, vos origines… Vous êtes un être humain, je le suis tout autant, c’est sur cette base que nous établissons nos relations.
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Message  insoumise Mar 12 Jan - 18:29

Rachid: Et ces éléments qui relèvent du bon sens devraient être admis sans difficulté. J’aimerais à présent que l’on entre dans les profondeurs de votre livre et citer certains passages pour en discuter. Mais auparavant je veux aborder le sujet des fatwas meurtrières lancées contre vous, par des religieux semblables à celui dont vous venez de nous parler, ou tels que le désormais célèbre Abou Ishaq el Houeini. Pourriez-vous nous faire part de votre expérience avec les religieux suite à la publication de votre livre et suite aux conférences et interviews que vous avez donnés par la suite?
Hamed Abd el Samad: J’ai été invité par un mouvement égyptien prônant la laïcité à donner une conférence. Ce mouvement qui porte le nom Elmaniyoun  (laïcs) regroupe des jeunes qui réclament de séparer la religion de la politique. Il existe une profonde incompréhension dans le monde arabe au sujet de la laïcité. Je suis d’avis qu’elle constitue une véritable « miséricorde » pour les religions, elle leur permet d’être protégées dans leur cadre spirituel.
La laïcité ne s’immisce pas dans les convictions des gens, elle empêche de mêler la politique à la religion, et par le fait même elle protège et la politique et la religion. Nous vivons dans les sociétés pluriconfessionnelles et multiethniques, tant en occident que dans le monde arabe. Si chacun insiste pour que sa religion encadre la société et devienne la source principale de la législation, il ne sera pas possible d’éviter la guerre civile.
Si vous cherchez les lieux où les différentes religions cohabitent en paix, vous les trouverez en occident. Chrétiens musulmans juifs et athées jouissent des mêmes droits, et l’État, fort de sa neutralité, se tient à égale distance de toutes les croyances.
J’ai donc été invité à donner cette conférence au Caire; mais, de la même façon qu’il y a des personnes qui craignent de figurer dans vos émissions, il y a beaucoup de gens qui aiment mes idées, mais qui me font part de leur réticence à m’inviter à leurs émissions télévisées en direct. Selon eux le public n’est pas encore prêt. Cette idée que le public n’est pas prêt, je la récuse entièrement; le public ne forme pas un bloc monolithique, mais plusieurs blocs distincts ayant chacun sa disposition d’esprit et sa capacité à assimiler le message. Certains acceptent des idées que d’autres rejetteront; le fait est que je ne prétends pas posséder la « Vérité », je réfléchis et je couche sur papier mes idées, c’est tout. Je peux avoir raison comme je peux avoir tort, je désire simplement faire part de mes réflexions et que ceux qui ne sont pas d’accord avec moi me donnent la réplique.
Ma conférence avait pour sujet le fascisme religieux. J’ai dressé un parallèle entre le mouvement fasciste des frères musulmans et celui de l’Allemagne nazie.
Je suis familier avec ces deux mouvements pour les avoir étudiés en profondeur; j’ai examiné la façon dont ils ont évolué, et j’en suis venu à la conclusion que le fascisme islamique a des racines dans l’histoire de l’islam, autrement dit il ne vient pas de nulle part. J’ai également dit qu’il ne m’est pas possible de qualifier l’islam des origines de fasciste, parce que le fascisme est un phénomène très récent. De mon point de vue il n’est pas juste de qualifier le prophète et l’islam de fascistes compte tenu de l’éloignement dans le temps.
Rachid: Il existe un fossé chronologique entre les deux.
Hamed Abd el Samad: Exactement, et tous ceux qui jugement les actes que le Prophète a commis à Médine et à la Mecque par la lorgnette des droits de l’homme d’aujourd’hui, se trompent lourdement. Notre conception des droits humains est le produit de connaissances et d’expériences qui n’existaient pas il y a quatorze siècles.
J’ai par conséquent formulé la proposition suivante:
Nous pouvons en arriver à une compréhension commune: s’il n’est pas approprié de qualifier l’islam des origines de fasciste à cause de la distance chronologique qui le sépare de notre époque, en contrepartie il n’est pas approprié d’imposer la charia qui date du septième siècle aux musulmans d’aujourd’hui.
À mon avis c’est la meilleure formule pour assurer la coexistence: tu ne m’imposeras pas les règles anciennes de la charia et en retour je ne jugerai pas l’islam des origines avec les critères d’aujourd’hui.
Rachid: Notre différend avec l’islam est justement cela, sa prétention que la charia est ce qu’il y a de mieux, qu’elle est valable pour tous les lieux et toutes les époques. Ceci dit je me permets de différer d’opinion avec vous.
Les actes commis par le Prophète ne sont pas seulement contraires aux normes éthiques d’aujourd’hui, ils étaient également contraires aux normes reconnues de son temps, et nous pourrions en discuter longuement, mais il me suffit de dire que globalement je suis d’accord avec vous.
Hamed Abd el Samad: C’est la notion d’absolu qui pose problème. Moi je vois que l’islam est une religion qui a pris du retard, je veux dire que l’islam avait du retard au moment où il est apparu, il était en retard de six cents ans sur le christianisme. Le christianisme a passé par de nombreuses étapes violentes, avant le mouvement des Lumières il a traversé des périodes sombres que les chrétiens eux-mêmes reconnaissent. Tant que la religion domine l’État, la liberté et la démocratie sont impossibles.
Je suis d’avis que l’islam traverse actuellement son moyen-âge, un peu comme le christianisme aux 14e et 15e siècles.
Pour en revenir à ma conférence, j’ai comparé le nazisme au mouvement des Frères musulmans sur le chapitre des idées et des méthodes de gouvernement.
Leur propension à créer des divisions au sein de la société, le suprématisme religieux d’un côté et le suprématisme racial de l’autre, les chemises brunes nazies et les milices des Frères musulmans, leurs modes opératoires, leur idéologie de l’exclusion etc. Le fascisme exclut l’autre, rejette l’opinion contraire et liquide les opposants.
Les religieux ont réagi à mes propos, ils ont nié catégoriquement tout ce que j’ai dit. Ils se sont arrêtés à ma conclusion à l’effet que le fascisme islamique a des racines qui plongent jusqu’à l’époque de Mahomet, même si j’avais pris la peine de préciser qu’il n’est pas juste de qualifier Mahomet de fasciste. Les religieux se sont déchainés contre moi: « nous ne sommes pas fascistes, ce n’est pas vrai et c’est pourquoi nous allons te tuer! » 
Autrement dit ils ne sont pas fascistes, ils n’excluent personne, ils ne tuent personne, mais ils me tueront pour avoir exprimé mon point de vue! Une vraie blague! Plus d’un canal télévisé et plus d’un religieux se sont attaqués à moi. Mahmoud Chaabane d’al Azhar, notre « frère » terroriste à la retraite Assem Abd el Magued, et en dernier celui qui a ameuté les gens contre moi, le Sheikh Abou Ishaq el Houeini; il a déclaré la vendetta contre moi, une vendetta qui ne prendra pas fin tant que je vis.
Ils ont prétendu que j’ai insulté le Prophète, mais je ne l’ai pas mentionné dans ma conférence. J’ai simplement dit qu’il existait des éléments de fascisme dans l’islam des origines dues à l’exclusion des non-croyants et de la destruction de leurs dieux lors de la conquête de la Mecque par les musulmans.
Rachid: Vous n’avez pas mentionné spécifiquement le Prophète, l’allusion était indirecte.
Hamed Abd el Samad: Peut-être, mais tout ce que j’ai dit est tiré de l’histoire officielle de l’islam et de la Sira de Mahomet, je n’ai rien inventé.
À cet endroit, l’entretien est interrompu quelques minutes pour montrer des séquences d’un prêche-imprécation du Sheikh Abou Ishaq el Houeini contre Hamed Abd el Samad. Le prêche s’achève par l’institution du devoir de venger Mahomet, selon les termes mêmes du prêcheur, le feu de cette vengeance ne s’éteindra jamais.
Hamed Abd el Samad : La chute du monde islamique 6a01156fb0b420970c019aff7a6718970b-800wi
Sheikh Abou Ishaq el Houeini lance sa fatwa
Hamed Abd el Samad: Pour moi l’important n’est pas de faire des rapprochements ni de coller des étiquettes. C’est davantage ce qui est importé du septième siècle (la charia), qu’on me fixe autour du cou comme un carcan. C’est ce que je juge inacceptable et c’est ce à quoi  je dois m’opposer, même si je n’ai pas de sentiments négatifs à l’égard du Prophète et de son époque.
Rachid: Mais il est désormais permis de répandre votre sang;  à présent n’importe quel jeune salafiste a le droit de vous tuer s’il parvient à vous atteindre.
Hamed Abd el Samad: Bien entendu et ils ont affiché ma photo sur le Net avec la légende Amener mort. A insulté le Prophète.
Et plus bas, Hamed Abd el Samad, Le chien qui hurle, Membre des infnidèles laïcs, et en bas de page, mon adresse détaillée au Caire et les points de repère pour s’y rendre.
Une activité intense a été déployée pour se saisir de moi et me tuer, c’est un vrai scandale, même certains de mes amis qui se disent guidés par la raison me reprochent d’avoir poussé un peu trop loin le bouchon. Pour eux l’inacceptable n’est pas l’incitation à me tuer, mais bien les paroles que j’ai prononcées! C’est cela que nous devons dénoncer et qui doit changer.
Rachid: Il faut opérer un « shift. »
Hamed Abd el Samad: Tout à fait, parce que le nœud de toute cette affaire ne se situe pas dans l’opinion que j’ai exprimée. Il existe six milliards d’êtres humains sur terre qui ne sont pas musulmans et qui ne sont pas tenus de témoigner de la révérence ou même du respect à l’égard de Mahomet, du coran et des rites islamiques. Il est bien plus simple que les musulmans apprennent à réagir avec calme face à la critique.
Rachid: Il y a plein de livres qui critiquent et se moquent de Jésus-Christ et du christianisme et pourtant…
Hamed Abd el Samad: Des livres, des pièces de théâtre et des films aussi. Pour moi, je ne cherche pas à désacraliser quoi que ce soit, mais le sacré doit être personnel. Ceux qui veulent généraliser leur vision de ce qui est sacré et l’imposer à tout le monde, ceux qui veulent interdire la critique du coran et du Prophète ne peuvent pas en sortir gagnants. Cette logique n’est pas gagnante, parce qu’ils ne pourront pas lier les langues de six milliards de personnes, plus un quart de milliard de musulmans plutôt sceptiques.
Si leurs convictions sont vraiment profondes il leur sera plus facile de réagir calmement à la critique. Mais là où le bât blesse et qui me paraît évident, est que plusieurs d’entre eux ne sont pas convaincus ou ont de sérieux doutes; cela n’empêche pas qu’après avoir perdu beaucoup sur le plan identitaire, il ne leur reste qu’une seule chose sur laquelle ils peuvent s’appuyer: la religion. L’islam devient par conséquent une béquille pour le musulman: qu’il échappe la béquille et c’est l’effondrement.
C’est triste à dire mais l’enseignement et l’éducation dans nos sociétés au cours des derniers siècles nous ont à peu près tout enlevé sauf les béquilles identitaires de la religion. La réalité est telle que qui que ce soit qui approche de ces béquilles ne doit pas se surprendre de voir des foules qui se précipitent, tels des chiens enragés, à la défense de leur religion. Est-ce qu’on défend sa religion par des pleurs et des cris, et son identité en tuant? Voilà à quoi je veux en venir, le temps est mûr pour lancer le débat: où se situe le problème, dans les paroles ou dans les menaces de mort?
Rachid: Retour au livre « la chute du monde islamique, coup d’œil sur l’avenir d’une nation (oumma) à l’agonie. » Ce livre a été publié d’abord en allemand en 2010…
Hamed Abd el Samad: Il a été publié simultanément en allemand, en néerlandais et en arabe.
Rachid: Il est disponible dans les librairies pour nos spectateurs qui voudraient le lire. J’ai remarqué que vous l’avez dédié à « l’esprit » de Hamed Nasr Abou Zeid. Quel est le secret qui se cache derrière cette dédicace?
Hamed Abd el Samad: Nasr Hamed Abou Zeid était un ami, il fait partie de ceux qui ont exercé une grande influence sur moi. Après sa fuite d’Égypte, il s’est réfugié en Hollande où il a poursuivi ses travaux. Je l’ai invité à donner une conférence en Allemagne. J’ai ainsi fait sa connaissance et me suis imprégné de sa pensée. Il avait de grandes qualités morales et c’était un savant de haut niveau. Il n’était pas compris de son vivant, cependant les jeunes commencent à présent à apprécier ses écrits. Il était de ceux qui ont fait appel à la rationalité dans l’analyse des textes sacrés. Il a été pénalisé à cause de cette approche et a reçu des menaces de mort, mais il a tenu bon. Il est décédé pendant que je rédigeais le livre. J’ai eu beaucoup de peine, nous avions échangé des e-mails à peine quelques jours avant sa mort. Je le considère comme l’un de mes pères spirituels.
Rachid: Dans votre préface… Et à propos de cette préface qui m’a beaucoup plu, je tiens à souligner l’effort que vous avez déployé dans l’écriture de cet ouvrage. C’est très bien écrit et c’est en même temps ambitieux et très courageux, si on tient compte de la complexité du sujet, de l’enchevêtrement des éléments qui le composent et de la nécessité de les condenser dans un nombre relativement restreint de pages.
Dans la préface, parlant de vous, vous avez écrit: « Soudain cet étudiant égyptien parti pour l’Allemagne à la recherche de la science et de la liberté, s’est transformé en soldat de la guerre des civilisations. Mais le soldat se sentait impuissant, ne possédant pour seule arme que sa propension à se glorifier et à maudire les autres. » Ces expressions sont fortes et j’aimerais que vous les commentiez.
Hamed Abd el Samad: Hélas c’est le genre de crise que traversent les étudiants musulmans qui vont en Europe compléter leurs études. L’étudiant type rêve à une certaine liberté, il rêve à l’occident et à ses lumières. Rendu sur place, la religion et le type d’éducation religieuse qu’il a reçue, agissent sur lui comme un élastique qui se tend à mesure que notre étudiant cherche à prendre le large. À un moment donné le mouvement s’inverse et l’élastique ramène brutalement l’étudiant à son point de départ, non sans lui causer de la douleur. En ce qui me concerne j’ai vécu cette expérience et j’ai connu beaucoup de jeunes qui l’ont également vécue.
Il s’agit d’un conflit intérieur: la liberté attire le jeune, mais les remords le ramènent à une pratique plus radicale de la religion. Pour se défaire des remords il entreprend de maudire la société occidentale dans son ensemble ou du moins celle qu’il côtoie. Il rejette sur les occidentaux la responsabilité de son conflit intérieur. C’est ce qui m’est arrivé au début de mes études ici. Cela m’a poussé à faire face à moi-même car je voyais bien qu’une telle réaction comportait une part non-négligeable d’hypocrisie.
Mais pour que l’étudiant musulman ne perde pas son identité, il se sent obligé de s’imaginer plus grand que dans la réalité. C’est l’inflation de soi et de l’Histoire islamique, c’est l’occultation des défauts de la culture et des erreurs de l’Histoire islamiques. Non content de se glorifier, il part à la chasse des erreurs et des défauts d’autrui. Malheureusement cela fait perdre à plusieurs étudiants et chercheurs musulmans l’occasion d’acquérir la liberté d’esprit. Ils se barricadent dans une prison mentale croyant défendre leur religion, leur identité ou leur appartenance.
Rachid: D’où vient ce phénomène? Beaucoup de gens me racontent ce qui est arrivé à certains de leurs proches: un cousin connu pour sa simplicité et sa gentillesse, après s’être rendu en Europe est devenu extrémiste. Un frère, habituellement doux et peu porté sur la religion, est devenu méconnaissable après avoir fréquenté la mosquée. J’ai l’impression que ce phénomène ne dépend pas nécessairement de l’influence des mosquées, on ne subit pas une telle influence contre son gré.
Hamed Abd el Samad: La société composée d’immigrants a une sensibilité à fleur de peau.
Quand je vivais en Égypte j’étais musulman et je ne sentais pas le besoin de le prouver ou de l’exhiber. Quand on quitte son pays, la société dans laquelle on a choisi de vivre devient pour nous un miroir qui reflète notre image véritable. Le miroir est cruel parce qu’on s’y voit tout nu, les défauts, les manquements et les erreurs nous sont ainsi dévoilés. La société d’accueil nous révèle les défauts et les manquements de notre civilisation, de notre culture et de notre façon de penser.
Elle nous oblige à prendre un temps d’arrêt pour faire face à la réalité. L’expérience est pénible et ceux qui sont capables de l’endurer ne sont pas légion. Quoi faire pour éviter cette confrontation avec soi? Briser le miroir et cacher sa nudité avec tout ce qui nous tombe sous la main.
Autre point: les sociétés islamiques possèdent dans leur structure une forme de surveillance collective. Nul ne peut s’adonner à un interdit, sans qu’un proche ou un voisin ne le surprenne en flagrant délit et sans qu’on lui impose un châtiment. À l’étranger le musulman devient lui-même son propre surveillant, s’il transgresse un interdit, s’il goûte aux fruits défendus offerts par la société, sexe, alcool, divertissements etc. il commence à se faire des reproches et à ressentir de la honte et du remord.
Ce remord est une souffrance qui exige un traitement. C’est dans l’apprentissage de la liberté que se trouve le traitement le plus sain: comment parvenir à l’équilibre dans la vie sans se faire du tort et sans nuire aux autres. L’autre solution consiste à régresser dans la religion à travers le fondamentalisme et la violence. Ceux, et ils sont nombreux, qui fuient la mosquée et transgressent les interdits, y reviennent plus tard et deviennent plus extrémistes qu’au début.
Rachid: Celui qui quitte son pays pour vivre en Europe, se trouve du coup comme sur un plancher instable. Il se sent menacé dans son identité, sa planche de salut c’est l’identité religieuse à laquelle il s’agrippe de toutes ses forces, d’où l’idée de se laisser pousser la barbe et de changer sa tenue vestimentaire.
Hamed Abd el Samad: C’est exactement ça la béquille dont j’ai tantôt parlé. Par malheur l’éducation dans nos sociétés d’origine et dans les communautés d’immigrants, s’appuie sur les béquilles de la religion, tout autre support est jugé indésirable. Quand le jeune musulman se frotte à la société occidentale, il a la surprise de rencontrer une langue, une culture, des relations homme-femme et des règles de jeu très différents des siens. Soit qu’il s’ouvre l’esprit, s’adapte et s’intègre, soit qu’il retourne à son point de départ, c’est à dire à la béquille de la religion. Non seulement il s’y appuie, mais il lève la béquille pour frapper les autres.
Je me figure le monde islamique comme une séquence de cinéma où l’on voit un infirme qui marche en s’appuyant sur ses béquilles. Il a de la difficulté à avancer mais cela ne l’empêche pas de lever, tantôt une béquille et tantôt l’autre, pour frapper à droite et à gauche ceux qui ont le malheur de l’approcher, convaincu de son droit de contrôler l’humanité entière et de dominer le monde! En vertu de quoi? Et d’où lui vient cette prétention alors qu’il est incapable de se tenir sur ses jambes? Se voir tel qu’il est, incapable de marcher constitue un pas en avant qui exige du courage, mais en est-il capable?
Rachid: Je cite un autre passage de votre préface: « J’ai vu devant moi la civilisation islamique respirant difficilement, elle se tenait à la croisée des chemins sans savoir où son destin la conduira. Le monde entier voit les signes de la maladie sur son visage, mais les musulmans continuent de se vanter et de faire des reproches à tout le monde sauf à eux-mêmes. » Expliquez-moi ce passage.
Hamed Abd el Samad: La civilisation islamique a perdu plusieurs occasions de se réconcilier avec la modernité et avec le monde contemporain. Cette réconciliation ne sera possible qu’à la condition que nous admettions notre faiblesse, que nous reconnaissions notre échec et que nous acceptions d’apprendre des autres. Il est vrai qu’il fut un temps dans l’histoire de l’islam, où la civilisation arabe, mélangée à la civilisation perse, a donné naissance à des foyers de civilisation au Caire, à Damas, à Bagdad, en Andalousie. Mais c’est parce qu’elle a été capable d’absorber les connaissances venues d’ailleurs. Elle a su tirer profit des chrétiens syriaques qui ont traduit les ouvrages grecs, du savoir des juifs, de la culture byzantine et de l’expertise des perses dans le domaine de l’administration publique. Les arabes ont réussi à absorber tous ces éléments.
La civilisation vit et progresse quand ses fenêtres et ses portes restent ouvertes, afin de laisser entrer l’air frais qui vient des autres civilisations.
La civilisation vieillit et devient invalide quand elle s’active à boucher ses ouvertures, à murer ses fenêtres et ses portes par peur des étrangers, ce faisant elle se prive de lumière et d’air frais. La problématique de la civilisation islamique à notre époque, c’est exactement cela; elle voit dans les fenêtres un danger, le danger de l’ennemi occidental et de son influence sur notre identité.
Cette peur de l’occident est proprement hystérique.  
Rachid: Mais il est difficile à notre époque de boucher les ouvertures; Internet, canaux satellitaires… Les fenêtres ne manquent pas.
Hamed Abd el Samad: Vous avez raison, mais nous sommes en présence d’une civilisation qui respire artificiellement depuis longtemps.
Ce que nous appelons l’islam politique est né du fantasme qu’un jour nous parviendrons à dominer le monde en maîtres. L’islam politique respire artificiellement grâce à deux facteurs: l’argent du pétrole et la haine de l’occident; mais il n’a aucun projet pour rendre la civilisation islamique féconde.
Rachid: Pouvez-vous nous éclairer davantage sur ce que vous venez de dire au sujet de l’islam politique?
Hamed Abd el Samad: En 1924 le califat islamique a cessé d’exister. La même année le Mouvement Islamique est né en Inde, avec à sa tête Abou el Aala el Mawdoudi. Quatre ans plus tard, c’était au tour de Hassan el Banna de mettre sur pied la confrérie des Frères Musulmans. Ces deux entités ont été à la base de l’islam politique.
La pensée de Mawdoudi s’est développée en Inde et au Pakistan, elle a produit les talibans. L’idéologie des frères musulmans s’est développée en Égypte et dans les pays arabes et elle a engendré les mouvements jihadistes qui sévissent sous le parapluie d’al Qaeda. Ces deux organisations, celle de Mawdoudi et celle des frères musulmans ont opéré leur jonction en Afghanistan grâce à l’argent du pétrole. Telle est l’évolution de l’islam politique depuis sa naissance, il s’est établi en réaction à la défaite et à l’effondrement de l’empire ottoman.
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Message  insoumise Mar 12 Jan - 18:30

Durant cette période les nations islamiques se sont trouvées face à deux choix, ou d’entreprendre d’édifier des états modernes, à l’exemple des autres nations, ou bien se lamenter sur les ruines et croire au retour prochain du califat! Mais à bien y penser qu’avons-nous récolté du califat? N’avons-nous pas assisté son échec et à sa décadence? N’était-il pas dépassé par la réalité et par les évènements?
Rachid: Le califat était ouvertement détesté en dernier, mais ça n’empêche pas les islamistes de chanter ses louanges et de vouloir le ressusciter. Ils devraient pourtant lire ce que ses contemporains ont écrit sur lui!
Hamed Abd el Samad: Ils refusent de reconnaître que le système adopté et mis en application par les états modernes d’occident, est celui qui convient le mieux. C’est le système démocratique réclamé par tous. Le fait est que nous ne voulons pas admettre que ce système vient de l’Étranger.
Rachid: Comment voyez-vous l’argent du pétrole? Croyez-vous qu’il fait partie du problème ou de la solution? La haine de l’occident de toute évidence pose problème, mais qu’en est-il de l’argent du pétrole?
Hamed Abd el Samad: Dans nos sociétés, particulièrement dans la société égyptienne que je connais bien, du temps où j’étais enfant, ma grand-mère était musulmane pratiquante, nos voisins étaient musulmans pratiquants, nous avions aussi des voisins coptes. Nos relations étaient très chaleureuses, nous n’avions pas de différends, la religion n’était pas politisée. La religion se résumait à la piété populaire sans composante politique, la haine et le fanatisme n’étaient pas concevables. Chacun adorait son Dieu à sa façon et tout allait bien.
Par la suite nous avons vécu le retour de deux générations de gens venant de l’Arabie Saoudite. La première, celle des frères musulmans, ceux qui ont été réprimés du temps de Nasser et qui étaient partis en Arabie Saoudite pour y gagner leur vie comme enseignants et ingénieurs. La seconde est celle des travailleurs égyptiens partis en Arabie Saoudite pour améliorer leur condition économique en occupant un emploi rémunérateur. Ces gens ont ramené avec eux l’idéologie wahhabite qui repose sur le concept de la purification de la religion. La purifier de quoi si ce n’est des éléments de piété populaire tels que se recueillir et prier devant les mausolées des saints musulmans. Ils se sont d’ailleurs attelés à détruire ces mausolées et à accuser les gens du peuple de pratiquer l’idolâtrie.
Cette idée de purification s’est propagée dans le champ de l’éducation.
Les enseignants de retour d’Arabie ont réintégré les écoles en Égypte, d’autres sont allés enseigner dans les pays arabes. Tous se sont fait un devoir d’inculquer aux élèves l’idéologie wahhabite de l’exclusion.
Cette idéologie distingue les « vrais musulmans » et en fait une sorte d’élite peu nombreuse au sein du milliard et demi de « prétendus musulmans », lesquels peuvent être vus comme des Kouffars (infidèles). Elle conduit à diviser la société entre croyants et infidèles et va jusqu’à prévoir et prescrire le châtiment des infidèles. Les adeptes de cette idéologie s’arrogent le droit de traiter d’apostats tous ceux qui ont une conception de la religion qui diffère de la leur.
Cette idéologie a envahi le champ de l’éducation, non seulement en Égypte et dans les pays arabes, mais dans des pays comme la Malaisie et l’Indonésie, dont nous étions heureux de dire qu’ils avaient un pied dans la modernité.
Les systèmes éducatifs de ces pays ont été pénétrés par l’idéologie wahhabite grâce à l’argent du pétrole, que je décris dans mon livre comme une calamité pour le monde arabo-musulman. C’est ce qui m’a amené à prédire la chute du monde islamique.

Partie 2

La chute du monde islamique est imminente, c’est ce que Hamed Abd el Samad a prédit en 2010 et c’est ce qui est en train de se dérouler sous nos yeux. Il s’agit toutefois d’une chute au ralenti qui s’étirera sur vingt ou trente ans. Elle a, sans qu’on s’en aperçoive, débuté en Somalie et au Soudan; ce sont les nations les plus fragiles et les plus désorganisées qui ont pris la tête du peloton. Mais d’autres récemment ont suivi, la Lybie, la Syrie, l’Irak et jusqu’à un certain point l’Égypte, récemment libérée des griffes des Frères musulmans, et la Tunisie dont le destin est encore mal assuré. L’effondrement du monde islamique c’est aussi, et surtout, l’effondrement de l’islam politique et de l’idée de califat, rêve désormais irréalisable pour certains, mais cauchemar pour tous les autres.
Hamed Abd el Samad a littéralement disséqué le sujet. Dans la seconde partie de l’entretien, il parle spécifiquement de la chute du monde islamique et de l’opportunité historique qu’elle offre au monde arabo-musulman, ce dernier saura-t-il en profiter ?
Rachid: Laissez-moi vous poser cette question qui est au cœur de notre entretien: Qu’entendez-vous par la chute du monde islamique? L’islam va-t-il disparaître?
Hamed Abd el Samad: Non! Il y a environ un milliard et demi de musulmans, nul ne peut prétendre qu’ils vont disparaître. Je m’attends plutôt à un changement radical quand la « respiration artificielle » s’arrêtera avec la panne des respirateurs. Elle surviendra dans une trentaine d’années, avec le tarissement des puits de pétrole en Arabie. Dans trente ans si nous n’avons pas élaboré un protocole de coopération avec l’occident…
Rachid: Vous vous attendez à ce qu’il ne reste plus de pétrole dans trente ans?
Hamed Abd el Samad: Les réserves de pétrole seront épuisées et le monde s’oriente vers des alternatives au pétrole: l’énergie solaire, l’énergie éolienne.
Le monde veut développer ses propres ressources en énergie et ne veut plus dépendre de cette région qu’on appelle le Moyen-Orient, qui ne lui apporte que des problèmes et des conflits. Donc les réserves de pétrole du Golfe arabo-persique seront épuisées et cela signifie que des catastrophes guettent les pays pétroliers s’ils n’ont pas appris à développer leur économie par d’autres moyens que l’exportation de la ressource pétrolière.
Rachid: Ils dépendent même de la main-d’œuvre étrangère pour à peu près tout.
Hamed Abd el Samad: L’idéologie alimentée par l’argent du pétrole piquera du nez, de la même façon que les manifestations en appui aux frères musulmans en Égypte se sont arrêtées, par manque d’argent. Quand la source de financement est tarie, l’enthousiasme diminue et les gens restent à la maison. Le même phénomène s’est produit au moment des élections.
Donc le premier facteur, l’argent, quittera la scène. Le second facteur, la haine de l’occident ne pourra pas se maintenir: nous ne pouvons pas témoigner de l’hostilité envers l’occident et ses valeurs éternellement, d’autant plus qu’il est notre voisin et qu’il détient l’expertise et le know how dont nous avons besoin pour faire évoluer nos sociétés.
La haine nuit davantage à celui qui hait qu’à celui qui est l’objet de la haine. Notre haine de l’occident ne lui a pas nui beaucoup, objectivement elle a été bien plus nuisible pour nous.
Nous avons établi l’éducation et l’instruction sur la détestation des occidentaux, nos jeunes ont investi énormément d’énergie dans la haine, sans résultats par ailleurs, parce que cette haine n’atteint pas sa cible et ne peut rien contre elle.
Cette énergie dépensée en pure perte, aurait pu être investie d’une façon plus profitable pour nous. Quel impact cela aura-t-il sur la religion? Moi je crois que l’islam retournera comme au temps de ma grand-mère, un islam fortement teinté de religiosité populaire, et comportant un volet folklorique. La religiosité populaire est simple…
Rachid: Elle est faite de croyances, de légendes, de rites et de pratiques bénignes
Hamed Abd el Samad: À mesure que s’élèvera le niveau de culture des personnes, un certain degré de réserve sera observé, comme ce fut le cas pour le christianisme en occident. L’occidental ne s’attarde pas à discuter de théologie, ni à parler de la trinité ou de sujets qui relèvent davantage de la foi que de la logique.
Dans trente ans une partie de l’islam relèvera de la piété populaire et une autre partie appartiendra au folklore; parce que internet et les débats qui y sont lancés sur différentes idées, aucune idéologie ne sera en mesure de leur résister, particulièrement celles qui se basent sur l’interdiction de penser et l’interdiction de discuter.
Dès à présent ce type d’idéologie n’a plus cours, les jeunes veulent connaître les dessous et le pourquoi des choses, ils n’acceptent pas qu’on leur impose de ne pas poser de questions. La génération internet met au défi les « Grandes Certitudes ».
Rachid: On ne peut plus leur dire: « Allah et son prophète en savent plus que nous! »
Hamed Abd el Samad: Ce n’est plus possible, on ne peut non plus leur mettre sous le nez le verset du coran qui dit:  » ne posez pas de questions sur des choses, la connaissance desquelles vous causera du tort… » Non elle ne nous causera pas du tort, répondez aux questions et ne vous en faites pas trop, nous sommes capables d’en prendre.
À présent les jeunes ont adopté cette logique, cela ne les amènera pas nécessairement à perdre la foi, ce qu’ils risquent de perdre c’est la composante d’hostilité dirigée contre l’autre. Et si cela ne se passe pas ainsi ce sera la catastrophe.
La chute du monde islamique se fera sur tous les plans, politique social et religieux. Selon moi cette chute constitue une opportunité… Une opportunité.
Rachid: De sortir du cul-de-sac…
Hamed Abd el Samad: Nous devons reconnaître notre échec pour pouvoir un jour nous tenir debout. Tant que nous sommes dans le trou et que nous continuons à croire que nous avons atteint le sommet de l’univers, nous n’arriverons à rien. Nous devons nous rendre compte que nous sommes malades, sans cela nous ne ferons pas appel au médecin.
Rachid: À la page 13 du livre vous dites: « ce à quoi nous assistons aujourd’hui dans le monde islamique, n’est pas un conflit entre la modernité et la tradition, comme certains le prétendent, mais plutôt l’agonie de la culture arabe et islamique, laquelle se révèle impuissante à fournir des réponses crédibles aux interrogations incessantes de notre époque.
Il s’agit d’un état de confusion et de convulsion intellectuelle qui conduit certains à la schizophrénie, d’autres au désespoir et d’autres encore à l’extrémisme et à la violence. Cet état d’indigence culturelle et spirituelle, ils tentent de le cacher derrière le voile d’une religiosité frelatée et sous des cris assourdissants à propos de sujets futiles.
C’est ainsi que l’islam disparaît graduellement des cœurs et des consciences et ne se manifeste plus que dans les barbes et les slogans.
Car celui qui hurle au nom de son dieu dans les ruelles ou à travers les écrans, l’a perdu depuis longtemps dans son for intérieur. »
Hamed Abd el Samad: Il s’agit d’un mécanisme psychologique courant. Je me souviens quand j’étais petit, je cherchais à m’affirmer en élevant la voix. Mon père m’a pris à l’écart et m’a dit quelque chose qui m’est toujours resté à l’esprit, il m’a dit: « si tu veux me convaincre que 1 + 1 = 2, tu n’as pas besoin de crier, mais si tu veux me convaincre que 1 + 1 = 15, il faudra que tu te mettes à sauter partout. » Celui qui a la logique de son bord, n’a pas besoin de crier.
Les gens voient les islamistes hurler, gesticuler, menacer et user de violence et ils trouvent que ce sont là des signes qui ne trompent pas de la force de l’islam politique. Tel n’est pas le cas, ce sont plutôt des signes de sa faillite… Des signes de faillite. Le fort ne crie pas, c’est le faible, celui qui refuse de reconnaître sa faiblesse et sa défaite, celui-là se plaît à crier. Cela ne veut pas dire qu’il n’est pas dangereux, au contraire, il est même très dangereux parce qu’il se trouve dans la phase terminale du désespoir.
Même constatation au sujet des signes religieux externes qui se répandent un peu partout, ils sont un signe de faiblesse et la preuve que les musulmans refusent de reconnaître la crise dans laquelle ils sont plongés.
Mais ce refus de prendre acte de la gravité de la situation on le rencontre également chez les réformateurs. Ils n’ont pas le courage de désigner les choses par leur nom. La maison est à la veille de s’écrouler, mais le réformateur se sent mal à l’aise de dire la vérité à ceux qui l’habitent, après tout ce sont des voisins et des amis et il les aime bien!
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Rachid: J’ai vu qu’à la page 20 vous comparez la situation du monde islamique au naufrage du Titanic: « Le vaisseau de l’islam se retrouve seul et gravement endommagé au milieu de l’océan glacé. Le sauvetage semble irréalisable, on est sans nouvelles des passagers de la troisième classe, ils semblent piégés dans le ventre du navire. Les passagers fortunés tentent de fuir sur les rares canots de sauvetage, les chefs religieux continuent de répéter les mêmes rengaines et exhortent les gens à la patience, les réformateurs de l’islam ressemblent aux musiciens du Titanic, ils continuent à jouer sans arrêt, pendant que le vaisseau s’enfonce dans l’océan, ils savent pourtant que personne ne les écoute. » Quelle étrange comparaison!
Hamed Abd el Samad: C’est exactement ce que font les réformateurs de l’islam. Personnellement je veux que la situation change. Quand j’ai écrit ce livre, ou quand je rédige un article, je me sens motivé par mon amour pour la société où j’ai grandi. Je ne la déteste pas, est-il possible de détester sa mère, ses proches et ses anis? J’incite donc au changement.
Les réformateurs eux, vous disent: « le peuple n’est pas encore prêt! » Oui mais quand sera-t-il prêt? Pouvez-vous me fixer la date et l’heure, si c’est dans vingt ans je serai au rendez-vous. De tels propos nous les entendons depuis cent ans, depuis le temps de Taha Hussein, à qui on a signifié que la société n’est pas disposée à assimiler ses idées. Alors quand le pourra-t-elle? Quand le paquebot sera en train de sombrer?
Moi je constate le choc: le paquebot de l’islam s’est  heurté à l’iceberg de la modernité, l’eau s’est engouffrée dans les ponts inférieurs. Nous devons trouver rapidement une issue; quitter le navire au plus vite, mettre au rancart cette idéologie. Mais il y a des gens qui disent que les choses doivent demeurer telles qu’elles sont, immuables.
La scène du musicien dans le film, de mon point de vue est superbe, il sait que personne ne lui prête l’oreille, que le paquebot est en train de sombrer, mais il continue de jouer. Cette allégorie est semblable à celle de la maison qui menace de s’effondrer.
Je suis quelqu’un qui n’éprouve aucune gêne à dire à mes voisins et amis: « mes amis cette maison va s’effondrer bientôt, je vous prie de quitter au plus vite et de vous bâtir une nouvelle maison. Ou bien vous pouvez démolir celle-ci et en construire une autre à sa place. » Telle est ma position. Celle des réformateurs est à l’opposé, ils disent aux habitant: « procurez-vous une peinture de qualité, nous allons repeindre à neuf la maison et elle sera plus belle! »
Mais la peinture n’empêchera pas la catastrophe, la maison s’effondrera sur ses occupants, c’est pourquoi il est important de démolir dès que possible et en construire une autre. On dirait que nous ne voulons pas reconnaître que notre maison a pris de l’âge, que nous ne l’avons pas entretenue correctement, et qu’il est dangereux de l’habiter. C’est à peu près cela que j’ai voulu suggérer dans mon livre.
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Message  insoumise Mar 12 Jan - 18:30

Rachid: Si l’on se fie à vos propos, il n’y a aucun courant réformateur à l’intérieur de l’islam qui ait des chances de réussir.
Hamed Abd el Samad: J’ai des amis qui s’activent à l’intérieur de l’islam, que font-ils? Ils tentent de trouver quelques versets du coran qu’ils s’efforcent de boulonner sur notre époque, en espérant qu’ils feront l’affaire. Mais quelque temps plus tard, du fait qu’ils ne sont pas adaptés à la situation, ou parce qu’ils ne se trouvent pas à leur place naturelle, les boulons se détachent de la coque du navire et l’eau s’engouffre de nouveau dans le Titanic.
Une réforme basée sur une compréhension différente de la religion est impossible de mon point de vue, parce que la société ne doit pas reposer sur une idéologie religieuse. La religion est intimement liée à la spiritualité de la personne, sa place est dans son cœur et aucune force extérieure ne peut l’en déloger.
La réforme sur le plan politique et social doit reposer sur le principe de citoyenneté et non sur une relecture à visée réformatrice du coran et des hadiths.
La réforme de la pensée religieuse de son côté doit viser l’humain et la notion de sacré.
Il faut qu’il y ait un certain degré de relativité, à savoir que ce qui est sacré pour moi, ne l’est pas nécessairement pour les autres, et que je ne suis pas autorisé à leur imposer ma conception du sacré.
Moi je voudrais que cette approche soit prise en compte et qu’il n’y ait pas d’interdit. Celui qui ne reconnaît pas l’origine divine du coran est dans son droit quand il affirme calmement: « pour moi le coran n’est pas la parole d’Allah. » Dans son cas s’exprimer ainsi n’a rien de destructeur, c’est simplement l’expression d’une opinion, il en résulte que nul n’est autorisé à le tuer.
Ceux qui croient au caractère divin et sacré du coran n’ont rien à craindre de ceux qui n’y croient pas.
Croire que l’on puisse réformer la société par la réinterprétation de tel ou tel verset du coran est illusoire, pourquoi? Parce que si je voulais par exemple encourager la coexistence et les bonnes relations entre chrétiens et musulmans, et faire en sorte qu’elles s’appuient sur l’islam, je dirais que le Prophète nous a recommandé de bien traiter les chrétiens, qu’il a dit que les gens du livre ont bon cœur, j’ajouterai qu’un verset dit que les chrétiens sont ceux qui témoignent le plus de bienveillance à l’égard des croyants, etc.
Si je me basais sur ces passages pour réaliser la coexistence, les fondamentalistes qui  la rejettent citeront de leur côté d’autres passages du coran à l’appui de leur orientation, tels que: « sont mécréants ceux qui professent que Jésus fils de Marie est Dieu. » Et: « Tuez-les partout où vous les trouverez. » Etc.
Si je cite un verset par ci, ils en citeront un autre par là et nous ne nous en sortirons jamais. On peut même prédire que les fondamentalistes finiront par avoir le dessus, parce que les versets qu’ils citeront seront plus explicites que tout ce que je pourrai trouver.
C’est ce qui me porte à dire qu’on ne doit ni justifier la violence, ni décréter la tolérance en se basant sur les textes sacrés, la coexistence doit reposer sur des bases strictement humaines. L’intérêt des uns et des autres l’exige, même s’ils ne s’entendent pas ou ne se témoignent pas de sollicitude particulière, et malgré qu’ils expriment des idées diamétralement différentes, c’est tout. L’idée ne doit être opposée que par une autre idée non par un RPG (lance-grenade largement utilisé par les jihadistes).
Rachid: Chers téléspectateurs, nous allons vous quitter un instant pour une pause et nous vous reviendrons pour poursuivre cet entretien captivant en compagnie du professeur Hamed Abd el Samad.
PAUSE
Rachid: De retour pour compléter cette émission du programme « Question audacieuse » avec l’écrivain Hamed Abd el Samad, notre échange a pour objet son livre « La chute du monde islamique. » Avant la pause nous discutions de l’échec ou de l’incapacité du courant réformateur à réformer l’islam de l’intérieur, et en lisant votre livre j’ai découvert l’existence de « lignes rouges » auxquelles se heurte tout réformateur, de telle sorte que le courant salafiste et l’État islamique finissent toujours par avoir le dernier mot. Pouvez-vous nous parler de ces lignes rouges et de leur impact sur les tentatives de réforme.
Hamed Abd el Samad: La réforme et les lignes rouges sont antinomiques, elles s’opposent totalement. Il faut rejeter l’idée selon laquelle certains sujets ne peuvent jamais être abordés et que celui qui ose s’en approcher sera puni, parce que cela mène à paralyser la pensée.
L’histoire de l’islam est remplie de réformateurs qui, hélas, n’ont pas été capables de susciter un élan durable. Nous avons eu les moutazilites, nous avons eu Ibn Rushd (Averroès), et dans les temps modernes Mohammed Abdou, Taha Hussein et Nasr Hamed Abou Zeid, mais ce n’étaient que de petits ruisseaux au milieu du désert qui ont fini par s’assécher. Ils n’ont pas été capables de donner un élan suffisamment puissant pour passer outre les lignes rouges.
Rachid: Pourquoi n’ont-ils pas été capables de donner cet élan?
Hamed Abd el Samad: Parce qu’à l’opposé le courant orthodoxe salafiste s’est avéré trop puissant du fait que les lignes rouges lui servent de remparts.
Le réformateur se fait dire: « STOP , ne dépasse pas les limites, le coran a dit ceci ou cela, ne touche pas au Prophète, n’aborde pas tel sujet, ne parle pas de Darwin etc. » On se sert du sacré pour bloquer le chemin.
La vraie réforme consiste à ramener les lignes rouges au niveau de l’individu qui tient à les respecter, comme c’est le cas pour un ami salafiste qui m’est très cher. Cet homme m’a dit textuellement:  » si je devais dans ton cas tenir compte des lignes rouges, je n’aurais d’autre choix que de te tuer!
Rachid: Ah!
Hamed Abd el Samad: Mais il a ajouté:  » j’ai décidé de vivre exactement comme le Prophète l’a ordonné, mais seulement à l’intérieur de ma maison et pas plus loin! » Je n’ai aucun problème avec ce type de pratique religieuse, cet homme applique ses préceptes sur lui-même et ne se reconnaît ni le droit ni l’obligation de me forcer à les suivre. Ses lignes rouges le concernent personnellement et il ne les impose à personne d’autre.
Il faut d’autre part admettre que les lignes rouges qu’on impose à la société instillent la peur. Elles engendrent la lâcheté et le mensonge. La peur, la lâcheté et le mensonge sont des plaies qui défigurent les sociétés.
La personnalité de l’individu, qu’il s’agisse d’une jeune femme ou d’un jeune homme, s’en trouve mutilée et rendue stérile, à force de se mentir à soi-même et à autrui. L’individu doit pouvoir se libérer de tous ces fardeaux, de toutes ces valises pesantes qui entravent son mouvement et qui l’écrasent, pour entreprendre son voyage d’un pas léger.
Rachid: Vous avez traité de l’échec des réformateurs, j’aimerais quand même parler du courant coraniste qui rejette les hadiths, la Sira du Prophète, l’histoire de l’islam des origines et d’autres choses comme le tafsir (l’exégèse du coran) et qui s’en tient au coran, au coran et rien d’autre.
Il y a aussi des gens comme le prédicateur Adnan Ibrahim qui tentent d’introduire la notion de « raison » dans l’examen des textes et qui font le tri dans les hadiths, ceux qui sont compatibles avec la raison sont retenus, ceux qui s’y opposent sont mis de côté. Croyez-vous que ces gens ont des chances de réussir, ou qu’ils vont se heurter également aux lignes rouges?
Hamed Abd el Samad: Ils se heurteront aux lignes rouges, et de toute façon ceux qui font usage du takfir (l’excommunication islamique) ne font pas de différence entre un réformateur et un apostat comme moi.
Moi je crois qu’ils perdent leur temps. Cependant ils pourraient jouer un rôle positif. L’intérêt de ces courants réside dans l’attrait qu’ils exercent sur les jeunes, dans la mesure où ils les incitent à réfléchir et à examiner les sujets d’un point de vue différent. Mais la réforme ne peut se faire sur des bases religieuses, la réforme de la société doit se faire sur la base de la citoyenneté.
Rachid: Et cela pourrait même s’avérer négatif, si les réformateurs s’avisent d’embellir ou de maquiller ce qui devrait être changé, ou comme vous le dites, de repeindre une maison qui menace de s’écrouler. Et pour ce qui est du coran, ils ne peuvent faire autrement que l’étirer au-delà du raisonnable, pour lui faire dire ce qu’ils aimeraient y trouver. Il y a du positif chez les réformateurs mais aussi du négatif.
Hamed Abd el Samad: Bien sûr, car même si nous mettons de côté la Sira du Prophète, les hadiths, l’histoire de l’islam et le tafsir et que nous nous en tenons seulement au coran, nous allons nous heurter à des choses incompatibles avec le monde moderne.
Le coran approuve les malakat el yamine (les esclaves sexuelles) il légalise l’esclavage en général, il valorise le combat à mort dans le sentier d’Allah et prescrit l’amputation des extrémités comme châtiment... Il y a du beau dans le coran et du laid, on y trouve la tolérance mais également la violence. Cela dépend de celui qui le lit et qui observe ses commandements.
Moi je recommande de placer le coran à sa place dans son contexte, celui du septième siècle quand il servait à répondre aux préoccupations des gens de son temps. Ces gens avaient une mentalité particulière, ils vivaient dans un milieu géographique particulier. Le coran, par exemple, parle du paradis comme d’un endroit où on ne subit pas la chaleur du soleil; si j’en parlais à des suédois ils seraient déçus car ils préfèreraient un paradis ensoleillé!
Le coran reflète la mentalité et le goût des hommes de son temps, du fait qu’il a « palabré » avec eux et qu’il a fourni des réponses à leurs questions, comme par exemple au sujet du vin, est-il permis d’en boire? Ou au sujet de l’impôt religieux; il a donc échangé avec la société de son temps. Or il n’est pas possible pour le coran d’échanger avec la société d’aujourd’hui du fait de l’absence de communication en direct, comme au temps du Prophète.
Rachid: Donc le coran ne fait qu’imposer!
Hamed Abd el Samad: Il impose les « ententes » qu’il a négociées au 7e siècle, pour régler les problèmes de cette époque. Mais nos problèmes et nos défis en ce 21e siècle sont radicalement différents. L’esclavage sexuel ou l’esclavage tout court ne sont plus acceptables, en Égypte personne ou presque ne peut concevoir qu’un copte soit traité en dhimmi, qu’il n’ait pas le droit à une carrière militaire et qu’il soit contraint de payer la jizia (la rançon).
Celui qui veut vivre dans une société moderne doit accepter que cette société se dote d’une structure et de méthodes modernes.
Nous craignons de nous appuyer sur ce que le monde a réussi à mettre au point, parce que nous avons honte de nous-mêmes, honte de n’avoir pas su créer  au cours des siècles passés nos propres structures politiques, sociales et économiques.
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Message  insoumise Mar 12 Jan - 18:31

Nous refusons d’imiter les autres, mais l’imitation quelque fois est nécessaire ou inévitable, comme quand on se sert du téléphone, de la télé et des autres instruments qui sont autant d’inventions où nous y sommes pour rien. Il existe donc un type de gouvernement, que l’occident a mis au point et qui a largement fait ses preuves, bien qu’il ait des défauts, pourquoi ne pas l’adopter?
Pourquoi ne pas comparer les pays qui ont séparé la politique de la religion, avec ceux qui les ont mélangées? Comparer l’Iran l’Arabie Saoudite, la Somalie, le Soudan, l’Afghanistan d’un bord et la Suède, la Norvège, l’Allemagne de l’autre? Et examiner objectivement ce que chacun de ces deux groupes de pays est parvenu à réaliser.
Rachid: Vous avez abordé le sujet des manuels scolaires qui sont remplis de choses qu’on inculque aux élèves dès l’école maternelle, et je suis d’accord avec vous quand vous attribuez au système éducatif une place centrale dans la crise que nous traversons.
Parmi les points que vous soulevez à la page 28 j’ai relevé ceci: « Nous injectons à nos enfants dans les écoles, et à nos dévots dans les mosquées, la haine d’un ennemi que leurs mains ne peuvent atteindre, ce faisant nous détournons de nos sociétés des énergies dont elles ont absolument besoin pour réaliser les changements, et nous détournons leur attention de sujets autrement plus importants. »
Quand, à travers les manuels scolaires, nous apprenons à nos enfants à haïr, quand nous enseignons par exemple qu’Allah a changé les juifs d’un certain village en singes et en porcs, que les juifs d’aujourd’hui sont les frères ou les descendants des singes et des porcs, que les chrétiens sont des kouffars (des mécréants), que leur témoignage n’est pas valide etc.  Trouvez-vous que ces éléments ont quelque chose à voir avec la chute du monde islamique?
Hamed Abd el Samad: Évidemment, comme je vous l’ai mentionné déjà, si la civilisation arabe du Moyen-âge a atteint un tel niveau d’avancement, c’était à cause de son ouverture. Elle a traité les adeptes des autres cultures comme des êtres humains ayant des habiletés particulières, dont elle a su profiter.
Les traducteurs, les savants, les médecins ont été accueillis en son sein et elle a assimilé leur savoir.
Ce n’est pas l’islam en tant que religion qui a édifié cette civilisation, s’il en avait été autrement, la Mecque et Médine seraient devenues les centres principaux du savoir. Mais ces centres se sont trouvés à Bagdad, au Caire, à Damas, en Andalousie, là où il était possible de rencontrer d’autres cultures et les adeptes des autres religions, lesquels ont transmis leur patrimoine scientifique et intellectuel à la culture arabe.
Avec ce type d’enseignement, nous érigeons un mur culturel, affectif et moral entre nous et les adeptes des autres religions et des autres cultures. Ce mur nous empêche de tirer profit de leurs réalisations et de coopérer avec eux, au contraire il nous incite à les éviter, à nous en méfier, à les suspecter, à polémiquer avec eux, et même à leur déclarer la guerre.
Une guerre largement fantasmatique, qui n’a rien de concret, comme s’il nous était possible d’appareiller une flotte de cuirassés pour aller détruire l’Europe et l’Amérique! Nous gaspillons l’énergie de nos jeunes dans cette haine, les réduisant à se battre contre des moulins à vent sans résultat. Alors pourquoi dépenser ces énergies en pure perte? Partout dans le monde l’enseignement consiste à apprendre à l’enfant à réfléchir et à prendre des décisions, à lui apprendre comment bien penser et non quoi penser.
Rachid: Mais notre enseignement c’est bien souvent du par cœur.
Hamed Abd el Samad: Nous leur disons quoi penser, nous ne leur donnons même pas le choix entre deux possibilités.
Nous disons à l’élève: « c’est ça la vérité et c’est ce que tu dois penser, ton Histoire est grandiose, elle est sans défaut, bien au-dessus de celle des autres! » Le danger de ce type d’enseignement est qu’il ne peut former des personnalités solides. Quand un individu qui a été formé par cet enseignement se retrouve dans la société occidentale, sa personnalité se fissure au premier contact, malgré son intelligence et son savoir.
Rachid: Elle ne résiste pas au choc.
Hamed Abd el Samad: Parce qu’elle n’a pas la solidité nécessaire pour se mouvoir dans une société qui sur le plan intellectuel privilégie l’analyse rationnelle et non les certitudes immuables. Le musulman qui discute avec l’européen à coup de citations et d’arguments tirés du coran, ne sait pas au départ que son argumentation n’a aucune valeur. Il découvre tout d’un coup qu’il ne lui suffit pas de dire avec assurance: « c’est mentionné dans le coran c’est donc la vérité! » Son interlocuteur européen exige de lui des arguments rationnels qu’il lui est impossible de trouver, n’ayant pas appris à raisonner.
Rachid: Traitant du même sujet vous dites: « Un coup d’œil dans les manuels d’histoire du Yémen, d’Arabie Saoudite, de Syrie et on en arrive aux mêmes conclusions: Les autres sont la cause de nos malheurs, l’occident est le Grand Satan!
Le plus étrange est que la plupart des chefs d’État arabes sont les alliés de l’occident, ils préservent ses intérêts, lui témoignent leur loyauté et reçoivent de sa part de l’aide et des armements. » En moins de quatre lignes vous avez ciblé une réalité bien curieuse, comment expliquez-vous ce paradoxe?
Hamed Abd el Samad: Tout dictateur se doit de noyer la pensée libre, s’il veut maintenir son contrôle sur le peuple. Il doit le convaincre que le règne actuel est exceptionnellement reluisant, que l’ennemi extérieur est responsable de ses problèmes. Nous sommes donc en présence d’une contradiction, le chef de l’État est l’ami de l’occident, et en même temps il incite à la haine de l’occident dans les manuels scolaires. Il s’efforce de montrer l’Europe et l’Amérique sous un mauvais jour pour que les gens ne se mettent pas à rêver à la démocratie.
Mais les choses commencent à changer parce que le manuel scolaire n’est plus l’outil principal d’apprentissage. D’autres ressources, en particulier Internet, ont commencé à diffuser des informations différentes: « Tu me dis que l’Amérique ressemble à ça, mais la BBC me montre une image très différente, sur le Net j’ai des amis qui me disent autre chose. » On en vient à présent à modifier les manuels scolaires, histoire de préserver la crédibilité du système d’éducation.
Il faut les épurer des éléments qui incitent à la haine et à la diabolisation de l’autre. L’autre a toujours été diabolisé.
Diviser le monde entre bons et méchants mène à la confrontation finale d’où ne pouvons sortir que perdants, parce que l’autre s’est équipé avec des armes dont nous ne détenons pas l’équivalent. Isoler nos enfants, couper leur esprit du monde réel, les obliger à vivre dans un monde fait d’illusions, où notre Histoire est idéalisée, et où les autres sont responsables de nos tragédies; cette vision ou plutôt ce regard que nous jetons sur le monde, nous a coûté cher et continue de nous coûter très cher.
À présent que nous en avons terminé avec les Frères musulmans en Égypte, qui nous débarrassera des maîtres d’école et des imams de mosquées qui continuent d’instiller ces idées et cette haine. Nous nous empoisonnons nous-mêmes et nous nous empoisonnons les uns les autres, et pour finir nous appelons ça notre identité!
Rachid: Je cite un autre passage de votre livre: « La question qui se pose actuellement, n’est pas de changer certains articles de la constitution, tels ceux qui concernent les principes qui régissent les élections, elle concerne plutôt la compréhension qu’ont les gens de la logique démocratique et leur aptitude à participer à la vie politique, c’est bien plus cela qui sera le véritable moteur du changement. » Vous semblez dire que même si la constitution est modifiée et que des règles pour assurer des élections crédibles sont établies, cela ne fera pas de différence.
Hamed Abd el Samad: La démocratie n’est pas un fruit qui tombe de l’arbre prêt à être mangé, la démocratie, c’est l’arbre lui-même. On doit le soigner et l’arroser, jusqu’à ce qu’il atteigne la maturité et donne des fruits.
Si nous vivons dans une société détraquée, les résultats des élections le seront tout autant. Nous avons vu ce que les élections en Égypte ont donné comme résultats. Je l’avais d’ailleurs écrit dans mon livre. La pratique démocratique ne se résume pas aux outils de la démocratie, il faut en premier lieu ancrer la notion de citoyenneté; ce qui veut dire que Rachid est chrétien, moi je suis musulman, moi voisin est athée, un autre est bahaï, leur religion les concerne personnellement, ils vivent dans la même société que moi, je ne les juge pas d’après leur religion et je les traite comme des citoyens détenteurs des mêmes droits.
Si on me permet de construire une mosquée, on doit te permettre de bâtir une église, et à l’autre un temple pour son culte, c’est une question de droit.
En quoi cela me dérange si les chiites bâtissent un lieu de culte pour eux, où est le problème, de quoi dois-je avoir peur? La vague chiite ou la vague de conversion au christianisme dont on parle en Égypte suscite l’inquiétude, pourtant les musulmans en Europe ne se privent de prêcher l’islam librement et de convertir des gens. Pourquoi donc cette peur si l’on est sûr de sa foi?
Pourquoi avoir peur qu’on critique l’islam, du moment qu’on est convaincu que l’islam est fort? S’il l’est vraiment, alors ses adeptes doivent supporter la critique qui le vise, et si un musulman abandonne l’islam pour une autre religion, pourquoi en faire une tragédie?
Rachid: Dans votre livre on trouve quelques prédictions, je tiens à souligner qu’il a été publié en 2010, avant les révolutions du « printemps arabe », vous avez écrit ceci: « Les pays arabes en particulier, sont menacés d’effondrement. La démographie, la désertification, le niveau de consommation, la fermeture d’esprit ne cessent de croître. La production, le niveau d’instruction, les ressources naturelles sont en constante diminution. Le tarissement prévisible des puits de pétrole, les changements climatiques menacent l’agriculture, la production de denrées alimentaires et le tourisme. L’Égypte, la Jordanie, la Syrie et le Maghreb connaîtront-ils prochainement le même sort que l’Algérie, le Soudan et la Somalie? » Vous avez écrit cela en 2010.
Il se passe des choses en Égypte, en Syrie la guerre civile se poursuit sans répit. S’agit-il de prophétie, d’intuition, de déduction, d’un pur hasard ou d’une lecture précise de la situation et de ce qu’elle pourrait engendrer?
Hamed Abd el Samad: C’est simplement une lecture de la réalité, je ne suis ni prophète ni devin et je ne possède pas de boule de cristal. Toute personne qui use de logique, qui réfléchit et qui observe ce qui se passe en Égypte, en Syrie…
J’ai visité tous ces pays et j’ai observé leur société, j’ai perçu un bouillonnement interne et en même temps la stagnation et l’immobilisme en surface. J’ai flairé l’odeur d’une explosion prochaine. Je n’ai pas dit qu’il y aura des révolutions, j’ai parlé qu’il y aura une explosion, à cause du nombre extrêmement élevé de jeunes, du taux incroyable de chômage et de la fermeture d’esprit.
Tous ces ingrédients assemblés au même endroit et au même moment, m’ont convaincu de l’imminence de l’explosion. J’ai prédit que l’État perdra son contrôle sur les gens, que les gens perdront le contrôle sur eux-mêmes et que nous assisterons à des scénarios de guerre civile, parce que le monde arabe a négligé ou a tardé à faire ses devoirs alors qu’il était encore temps.
J’ai dit aussi que cette explosion et cette chute pourraient ouvrir la voie à un nouveau début. La chute provoquera une prise de conscience, à l’effet que cette fois l’édification de la société doit se faire sur des bases saines, sur la base de la non-discrimination entre la femme et l’homme, entre musulmans et adeptes des autres religions, que la société soit établie sur des principes découlant de la raison et non sur des bases dogmatiques.
Si l’on veut vivre dans le monde d’aujourd’hui il faut accepter les principes de la modernité. La loi de la nature c’est la pluralité et la souplesse, celui qui s’y oppose se condamne à tomber.
Rachid: Que répondez-vous à celui qui dit que Hamed Abd el Samad a eu un choc culturel quand il a abordé la civilisation occidentale. Il a ressenti de la colère, s’est rebellé contre la religion, a abandonné l’islam, est devenu un athée. Il a écrit un livre pour ventiler sa haine, il dit que le monde islamique va s’effondrer, mais le monde islamique a 1400 ans et ne s’est pas effondré, ce n’est donc qu’un fantasme, des souhaits qu’il lance à la face du monde, à l’exemple de beaucoup d’autres qui ont déclaré la guerre à l’islam et on prédit sa chute, mais l’islam est inébranlable en dépit de la haine, de l’envie…
Hamed Abd el Samad: Pour ce qui est du choc culturel je ne peux pas le nier, mais ce genre de choc je le souhaite à tout le monde parce qu’il nous aide à changer notre façon de réfléchir et nous amène à penser d’une façon plus rationnelle. Pour ce qui est de la haine que je suis supposé ressentir, je peux dire qu’au contraire, j’aime la société dont je suis issu, ainsi que toutes les sociétés arabes, et j’aimerais donc qu’elles fassent partie des meilleure sociétés, et que mes amis puissent jouir de la meilleure qualité de vie possible.
À ceux qui prétendent que ce que j’ai écrit relève de la calomnie, je leur réponds: « regardez honnêtement autour de vous, soyez francs avec vous-mêmes, voyez comment fonctionnent les sociétés où vous vivez et comparez-les au reste du monde. Si vos sociétés trouvent grâce à vos yeux, vous avez un grave problème! Si elles ne vous plaisent pas, lisez mon livre vous trouverez de quoi alimenter votre réflexion.
Rachid: Où trouverons-nous la solution. Vous avez prédit la chute du monde islamique et ça nous donne le cafard, parce que nous espérions autre chose. Que faire? Attendre la chute et tenter de sauver ce qui peut être sauvé, ou bien entreprendre quelque chose pour la prévenir? Mais vos prédictions font état d’une chute inévitable, que doivent faire les jeunes? Avons-nous matière à espérer?
Hamed Abd el Samad: La chute a effectivement commencé, celui qui sait lire les signes du temps, la voit clairement. Nous devrons nous réinventer en peu de temps, nous traversons une étape que l’Europe a vécue aux 19e et 20e siècles, et nous reproduisons ce qu’elle a fait soit la réinvention de l’État, mais ce processus est coûteux.
Nous devrons réaliser les changements en très peu de temps. Nous ne disposons pas de centaine d’années pour accomplir la tâche.
Nous devons reconnaître le principe de citoyenneté, la constitution doit être inclusive et exempte de discrimination. Il est indispensable de nettoyer le système éducatif de tous les poisons qu’on y a introduit et de nettoyer le système économique de l’arbitraire et de la barbarie. Le système politique doit se doter d’une vision planificatrice pour l’avenir. Il faudra trouver des alternatives au pétrole et au tourisme.
Tout cela exige que nous nous débarrassions de la haine, de l’inflation de soi, de l’orgueil mal placé et du suprématisme, à savoir que nous formons, comme le dit le coran, la meilleure communauté parmi les hommes! Sauf votre respect, en vertu de quoi prétendez-vous vous placer au-dessus de tout le monde? Si vous prétendez être les meilleures personnes sur terre, vous avez le fardeau de la preuve. Dites-nous ce que vous avez apporté à l’humanité.
Le dévot qui s’installe confortablement dans la mosquée, pour lire le coran, dans un espace climatisé en plein été, est convaincu qu’il ira au paradis et que celui qui a inventé le climatiseur ira en enfer! Le fait qu’il existe des gens qui pensent aujourd’hui de cette façon est grave, aussi grave qu’un crime contre l’humanité.
Nous devons donc nous débarrasser complètement de ces idées délirantes, et nouer des liens d’égal à égal avec le reste du monde.
Nous préoccuper de justice, surtout envers les minorités, pour que nous puissions profiter de leur contribution, au lieu de leur faire peur et de leur faire payer le prix de nos complexes.
Rachid: Hamed Abd el Samad je vous remercie. J’ai appris de vous que vous comptez publier un nouvel ouvrage prochainement, peut-être aurons-nous l’occasion de vous inviter pour en parler. Quel est le titre de ce nouveau livre?
Hamed Abd el Samad: C’est un livre qui traite du fascisme religieux, du lien entre l’islam et le fascisme, et des mouvements de l’islam politique qui l’incarnent.
Rachid: Quand sera-t-il publié?
Hamed Abd el Samad: Il doit sortir en janvier prochain au salon du livre si l’édition se déroule comme prévu.
Rachid: Le fascisme religieux sera donc le titre de votre prochain livre, le même titre que la conférence qui vous a attiré tant d’ennuis. Espérons que ce livre ne vous en apportera pas d’autres. Je vous souhaite donc un plein succès et espère vous retrouver dans une autre émission avec la grâce du Seigneur. Merci beaucoup Hamed Abd el Samad!
Hamed Abd el Samad: C’est à moi de vous remercier.
Source : Islameyat, 12 septembre 2013. Traduction de l’arabe par Hélios d’Alexandrie pour Poste de veille
Source : أستاذ جامعي مصري يتنبأ بسقوط العالم الإسلامي خلال 30 سنة, Al-Masrd, 1 décembre 2010. Traduction de l’arabe par Hélios d’Alexandrie pour Poste de veille
vu sur http://www.postedeveille.ca/
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Message  insoumise Mar 12 Jan - 18:31

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