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Entretien avec le romancier et poète Mohammed Attaf

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Entretien avec le romancier et poète Mohammed Attaf Empty Entretien avec le romancier et poète Mohammed Attaf

Message  Aokas Revolution Mer 20 Mar - 11:59

Mohammed Attaf est l’auteur de deux romans, un recueil de nouvelles et un recueil de poèmes. Il a toujours vécu dans la ville de Tizi Ouzou. C’est de cette dernière, de ses gens et de ses anciennes lectures qu’il puise son inspiration et la matière de ses écrits. Son premier roman «L’arbre de la chance» a obtenu le Prix Apulée, décerné par la Bibliothèque nationale. Une distinction qui n’a fait qu’attiser le feu de sa passion inextinguible pour l’écriture. C’est avec amabilité qu’il nous a accordé cette interview.

Vos premiers écrits remontent aux années soixante-dix et vous avez publié des poèmes et des nouvelles dans certaines publications. Pouvez-vous nous parler de ces premiers pas ?
Mes premiers poèmes datent de mai 1964, mais sans ambition aucune. Ce n’est qu’à partir de janvier 1967 que je me suis mis à composer régulièrement des poèmes en m’inspirant des thèmes aussi variés que pluriels, qui m’interpelaient par leur beauté, leur mélancolie, leur sensibilité, leur charge émotionnelle et surtout par l’amour qu’un poète ne cesse de déclamer à travers ses vers. La poésie est le paradis de ceux qui cisèlent le verbe pour lui donner une âme parfaite et un souffle pur afin de vaincre les ténèbres.
Elle a été une source de lumière qui a honoré mes premières inspirations pour vivre le sublime des vers au rythme des sons, des images et des métaphores pour décrire l’amour dans toutes ses dimensions. C’est dans la revue « Promesses » n° 7 de mai/juin 1970 que mon poème « l’Adieu » a été publié. C’était ma première publication ! Certes, j’étais heureux, c’est pourquoi j’ai persévéré en abordant tous les sujets qui s’offraient à moi. Plusieurs de mes poèmes ont été publiés, plus tard, dans divers journaux et revues, aussi bien nationaux qu’étrangers. En juillet 1971, j’ai obtenu le Prix de la poésie lors de la seconde Semaine Culturelle de Tizi Ouzou. Ma première nouvelle, quant à elle, a été publiée le 12 novembre 1972 par l’hebdomadaire Algérie-Actualités, suivie de plusieurs autres dans des journaux. Par contre, le roman, je l’ai abordé avec maturité pour mieux le concevoir afin d’offrir aux lecteurs un accès à une meilleure perception des énigmes qui peuplent notre univers.

Votre formation ne vous prédestinait pas à l’écriture romanesque et poétique. Qu’est-ce qui a donc provoqué ce coup de foudre pour cet art ?
Certains trouvent anormal et même bizarre qu’un professionnel des chiffres s’adonne facilement aux lettres. Les sentiments des uns et des autres diffèrent certes, mais qu’importe leur activité professionnelle, je dirais tout simplement que les arts et les lettres sont ouverts et accessibles à tout un chacun. L’essentiel c’est d’aimer ce que l’on fait et surtout d’en faire une passion. Pour ma part, j’ai su accorder les chiffres et les lettres sans aucune résistance ni rejet des uns et des autres, du fait que j’aime mon métier d’une part, et que j’aime aussi écrire toute sorte de textes pour décrire ce qui me fascine ou ce qui me révolte. C’est pourquoi, la journée je suis commissaire aux comptes avec tous mes chiffres et la nuit je me fais poète, nouvelliste et romancier avec tous mes mots. Ce qui a provoqué, peut être, ce coup de foudre pour cet art, ce sont mes différentes lectures qui m’ont conduit dans le monde merveilleux de la pensée, de la réflexion et des histoires humaines aussi fascinantes les unes que les autres.

Généralement, les jeunes poètes s’empressent de publier leur premier recueil de poésie. Ce n’est pas du tout votre cas, puisque vous concernant il aura fallu attendre plus de trente-cinq ans pour éditer votre premier recueil. Pourquoi avoir attendu aussi longtemps ?
Encouragé et tout heureux par mes diverses publications, j’avais présenté, le 14 Août 1973, à la Société nationale d’édition et de diffusion (SNED) un recueil de poésie que j’avais intitulé « Les blés suaves » et un avis de réception m’avait été délivré le même jour sous le n ° 382/73. Deux années plus tard, on m’a notifié une fin de non publication et le 06 juin 1975, j’avais retiré mon manuscrit. A l’époque, c’était la seule maison d’édition et il était très difficile d’y accéder par le vers et même par la prose. Mais je n’avais nullement baissé le stylo puisqu’en parallèle j’avais tenu un journal que j’avais intitulé
« Chant d’angoisse et de colère » où j’écrivais tous les soirs, si ce n’est presque, tous les événements qu’ils soient politiques, économiques, sociaux et sportifs ainsi que tous les faits divers de dimension nationale qui se déroulaient à Tizi Ouzou, en Kabylie et en Algérie. Plus j’avançais dans mes écrits, plus je me rendais compte de l’importance de mes récits qui pourraient, avec le temps, devenir un témoignage à valeur historique. Je ne citerai que la chape de plomb du FLN, les pénuries, les événements du printemps berbère (avril 80), ceux d’octobre 88, la décennie noire et enfin les événements du printemps noir (avril 2001) que j’ai pu graver dans la mémoire du temps. J’avais ratissé fort pour éviter que tous ces drames algériens ne tombent dans l’oubli et surtout pour que les générations futures sachent et comprennent. J’ai tenu ce journal de septembre 1971 à mai 2001, soit pendant trente années, où je n’ai fait qu’écrire pour mes tiroirs. J’ai donc sacrifié ma propre production littéraire pour imposer un témoignage sur l’histoire contemporaine de l’Algérie. Ce n’est qu’à partir de 2001 que je me suis remis à la littérature qui m’a ouvert la voie de l’édition et qui m’a permis de publier deux romans, un recueil de nouvelles et un recueil de poèmes. Trois autres manuscrits sont actuellement chez des éditeurs.

Ce n’est donc qu’au début des années 2000 que vous avez commencé à publier vos recueils de nouvelles et romans. Pouvez-vous nous parler de la première aventure dans l’édition, sachant que dans notre pays, publier un premier livre ce n’est pas du tout une sinécure ?
En 2005, j’avais remis aux Éditions Alpha, un manuscrit portant comme titre « L’Arbre de la chance », où j’ai relaté mes souvenirs d’enfance et la vie des nôtres dans les années 1940 à 1950, l’époque où nous étions considérés comme des « indigènes ». J’ai raconté la misère de l’époque, notamment celle vécue durant la Seconde Guerre mondiale où la faim était notre repas quotidien, où le froid sévissait pour grossir les rangs de nos malades, où le travail n’existait nullement, alors que les européens se prélassaient dans un confort ensoleillé inexistant nulle part en Europe. Dans ce roman, j’ai raconté, en toute simplicité, la vie des Algériens sous la tyrannie des colons et de l’administration coloniale qui voulaient tout pour eux et rien pour les indigènes que nous étions. Après lecture, les Éditions Alpha m’ont donné leur accord pour sa publication et en 2006, il a été édité. L’année suivante, ce livre obtient le Prix Apulée qui a été décerné par la Bibliothèque nationale d’Algérie. Dans le même temps, j’avais rassemblé toutes les nouvelles que j’avais déjà publiées dans divers journaux, j’avais fait un complément par d’autres plus récentes que j’avais présentées également aux Éditions Alpha sous forme d’un recueil de nouvelles que j’avais intitulé « Le Silence des murs » et qui a été publié en 2006. En 2010, j’ai publié un second roman « La Sainte » aux Éditions Achab et en 2012, un recueil de poésie
« Les fleurs de mon âme » paru aux Éditions Hibr.

En recevant le Prix Apulée décerné par la Bibliothèque nationale, vous attendiez-vous à une telle distinction, d’autant plus que vous veniez à peine de vous introduire dans l’univers de l’écriture ?
Quand on écrit, on ne pense ni aux lecteurs, ni aux éditeurs encore moins à des prix ou à des distinctions. C’est dire que je ne m’attendais nullement à cette distinction et c’est dire aussi que j’ai été ravi d’être lauréat du Prix Apulée, d’autant plus qu’à chaque fois qu’un journaliste évoque « L’Arbre de la chance », il cite la distinction obtenue. Obtenir un Prix pour un premier roman ne relève pas d’un miracle mais d’un travail qui a été apprécié par les membres d’un jury, comme pour stimuler ou exhorter son auteur à continuer à produire et à entreprendre mieux.

Avant d’écrire, vous avez sans doute beaucoup lu. Peut-on savoir quels sont les auteurs et les livres que vous avez apprécié le plus ?
La lecture a toujours été une lumière qui éclaire la curiosité, l’obscurité et surtout la soif de savoir. Mes premières lectures ont été puisées d’abord chez les auteurs de ma sensibilité tels que Mouloud Feraoun, Mouloud Mammeri, Mohamed Dib, Kateb Yacine, Nabil Farès, Si Mohand Ou M’hand. J’ai apprécié tous leurs écrits car je vivais la Kabylie, l’Algérie au détour de chacune de leur page. Il est difficile de les disséquer, un par un, pour dire que tel livre ou telle histoire est meilleure que l’autre. Il y a eu également Tahar Djaout, Yasmina Khadra, Nazim Hikmet et tant d’autres. Je dois citer également les classiques français à l’image de Marcel Pagnol, Victor Hugo, Maupassant ou encore Baudelaire, Paul Éluard et Verlaine. Toutes les lectures se valent, l’essentiel est d’arriver à comprendre le nectar qu’elles dégagent.

Votre roman «La Sainte» a tout l’air d’être une histoire vraie. Pourtant, vous insistez pour dire qu’il s’agit d’une pure fiction. Comment avez-vous pu être aussi authentique dans ce livre ?
L’histoire relatée dans mon roman « La Sainte » est une pure fiction. Après le bonheur sublime de Karim et Sabrina, j’ai tout fait pour séparer ce couple et le livrer à une descente aux enfers sachant que les meilleures histoires sont les plus tristes. Il est vrai que tous ceux qui ont lu le livre m’ont posé la même question « est-ce une histoire vraie ? » tellement l’histoire les a subjugués par une narration, pourtant toute simple, et une trame qui poussent le lecteur à éclipser la fiction au regard des personnages qui ont su si bien jouer leur rôle. L’histoire est purement algérienne c’est pourquoi le lecteur est d’emblée investi d’une vocation de partage du drame vécu par les uns et les autres au point de chercher où se cache la vérité. J’avoue avoir écrit certains chapitres les larmes aux yeux tant, moi-même, j’ai souffert avec Sabrina ! Je n’ai pu être authentique dans ce livre que par mon imagination qui nourrissait mon inspiration à chaque fois que je me confondais avec mes personnages pour vivre avec eux leur histoire.

C’est quoi l’écriture pour vous ?
On écrit parce que notre âme est investie d’une sensibilité qui nous conduit dans le monde des mots, des verbes et des adjectifs pour créer et façonner des œuvres qui sont inspirées de l’univers qui nous entoure, réel ou irréel. Écrire relève d’une passion qu’on a en soi et qu’on veut partager avec ceux qui l’apprécient. Écrire, c’est donner une vie aux choses qui semblent inertes, c’est répandre l’espoir dans les cœurs, dans les espaces et dans le temps, c’est faire aimer tout ce qui entoure, y compris la différence de l’autre.
Le verbe est le meilleur bouclier contre l’ignorance et le cultiver est la meilleure semence pour offrir le savoir dans toute son extase et la liberté aux senteurs de fleurs paradisiaques.

Quelle impression avez-vous du fait que vous soyez un homme qui manie à la fois les lettres et les chiffres, puisque vous avez derrière vous une longue carrière dans la comptabilité ?
La comptabilité s’est imposée à moi à l’époque où il n’y avait pas tellement de choix dans les filières de la formation professionnelle.
Et l’habitude m’a fait aimer ce métier, puisque je l’exerce depuis 1964. Mais je ne m’étais nullement cloisonné dans mes chiffres et mes comptes puisque je n’ai pas tardé à aborder, par différents moyens, les lettres dans toutes leurs noblesses afin de découvrir les horizons aux vertus lumineuses. Je peux dire que ma carrière littéraire a presque le même âge que celle de la comptabilité, c’est pour cela que je me passionne pour les deux.
Il est certain que durant toute cette carrière, je n’ai pu me séparer ni de l’une ni de l’autre mais l’âge et le temps m’ont conduit, non pas à choisir mais à me décharger progressivement de mes obligations professionnelles pour me consacrer, dans le calme et la sérénité, à l’écriture.

Entretien réalisé par Aomar Mohellebi


Aokas Revolution

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Message  Aokas Revolution Mer 20 Mar - 12:00

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